Proposition d une politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

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1 Rapport au président du CESE. Proposition d une politique publique en faveur du capital immatériel pour la France 29 Octobre 2013 Sous la direction de: Alan Fustec personnalité qualifiée CESE Contributeurs à ce rapport : Karim Bounebache: Chercheur Goodwill-management Vincent Bouznad: Directeur du pôle sociétal SNCF Stéphane Carpier: Directeur technique Gecina Yves Dieulesaint: Directeur du développement durable Gecina Alan Fustec: Président de Goodwill-management membre du CESE Eric Galiègue : Analyste financier Président de Valquant Pierre-François Gouiffes: Membre du directoire de la SNI et Président du directoire d Efidis (CDC) Sébastien Grandfils: Consultant Goodwill-management Bernard Gumb: Professeur en sciences de gestion Grenoble Ecole de Management Bruno Jacquemin: Directeur Général CCI Loiret Jean-Louis Jourdan: Directeur du développement durable SNCF Yves Lapierre: Directeur Général de l INPI Alain Marion : Professeur en sciences de gestion Université Lyon III Bénédicte Sergent: Directrice prospective et développement durable CCI France

2 Sommaire Pages Avant-propos 7 Lettre ouverte à Jean-Paul Delevoye Président du CESE 8 Première partie: Contexte, Enjeux et Définition I - Introduction 10 I.1 De quoi parlons-nous? 10 I.2 Pourquoi en parlons-nous? 15 I.3 En dehors de l entreprise, encore de l immatériel 17 I.4 Objectif de cette étude 20 II Etat des lieux macro-économique 20 II.1 Etat Economique de la France: le constat 20 II.1.1 Croissance 21 II.1.2 Richesse nationale 21 II.1.3 Relations économiques avec le reste du monde 23 II.1.4 Evolution des flux financiers internes et externes 25 II.1.5 Niveau de vie et emploi 26 II.2. Quelles réflexions pouvons-nous tirer de ce bilan? 27 II.2.1 Sans outils de mesure pertinents de la richesse, il est difficile de tirer des conclusions pertinentes pour progresser 27 II.2.2 Nous avons tout pour réussir 27 II.2.3 Nos actifs et passifs sont en partie cachés 29 II.3 Structure de l étude face à ces questions 30 Seconde partie: mesurer le capital immatériel I - Introduction 31 II Mesure du capital immatériel des entreprises: les outils sont là 31 II.1 Première caractéristique: le capital immatériel c est ce que l entreprise possède et non ce qu elle fait. 32 II.2 Seconde caractéristique: capital immatériel contient des éléments physiques. 33 II.3 Troisième caractéristique: les actifs immatériels se groupent en deux pôles, les actifs d offre et les actifs de demande 34 II.4 Quatrième caractéristique: le poids des actifs dans le processus de création de valeur varie selon les secteurs. 35 II.5 Les principes de la mesure extrafinancière et financière 36 III Adaptation de cette méthode aux activités non marchandes et à l économie sociale et solidaire 39 III.1 Quelle est la vraie valeur des activités non marchandes? 39 III.2 Méthode de calcul 40 III.3 Application à un cas 41 2

3 III.4 Interprétation des résultats 42 III.5 Calcul effectif de la valeur de l association citée en exemple 44 III.5.1 Intérêt universel de la cotation des actifs immatériels 44 III.5.2 Identifier des Acteurs Economiques Efficients (AEE) 44 III.5.3 Etablir la valeur des acteurs du secteur non marchand. 45 III.5 Généraliser la méthode IDCF à l ensemble du secteur non marchand 46 IV Mesure de la valeur dans d autres domaines et notamment dans le domaine du bâtiment 47 IV.1 Quel serait l intérêt de ces mesures? 47 IV.2 Mesurer la vraie valeur d un actif immobilier: un mouvement actif 48 IV.3 Calculer les avantages immatériels d un immeuble pour son occupant? 49 IV.3.1 La conception fonctionnelle 49 IV.3.2 Conception Technique du bâtiment. 50 IV.3.3 L emplacement 51 IV.4 Démarche pratique : le cas du Bâtiment de Gecina Pointe Métro 2 52 IV.4.1 Choix d un actif de référence 52 IV.4.2 Economies d exploitation. 53 IV.4.3 Gains de productivité 53 IV.4.4 Le loyer 55 IV.4.5 Synthèse chiffrée des bénéfices pour l occupant 55 IV.4.6 Impact sur la valeur de l actif 55 IV.5 Conclusion 55 V Mesure de la richesse et de la valeur globale de la France 56 V.1 Introduction 56 V.2 Rappel de ce que mesure le PIB 56 V.3 La composition du PIB est très immatérielle. 57 V.4 Il y a aussi beaucoup d immatériel en dehors du PIB 60 V.5 Le PIB comptabilise de la fausse richesse. 61 V.6 Synthèse de la critique du PIB 61 V.6.1 Améliorer le PIB serait souhaitable 62 V.6.2 Le PIB est certainement un assez bon indicateur de court terme 63 V.6.3 Le poids total de l immatériel dans la richesse créée pendant une année est écrasant 63 V.7 Etablir un bilan étendu de la France 64 V.7.1 Nécessité de mesurer le stock de richesse 64 V.7.2 Analyse des travaux de la banque mondiale dans ce domaine 64 V.7.3 Commentaires sur ces travaux 67 VI Une histoire de la prise en compte de l immatériel en France 70 VI.1 Avant VI.2 Depuis VI.3 Nécessité d une politique Publique 74 Troisième partie: Développer le capital immatériel en France I Introduction 75 II Instaurer en France un principe général de management par la valeur immatérielle 77 3

4 II.1 Pour retrouver un leadership économique mondial 77 II.2 Instaurer de façon transitoire une double comptabilité nationale 77 II.2.1 Qu est-ce à dire? 77 II.2.2 Recommandations 1 et 2 78 II.3 Inciter les dirigeants d entreprise et les établissements financiers à piloter par l immatériel. 78 II.3.1 Pourquoi une telle incitation? 78 II.3.2 Recommandations 3, 4, 5, 6, 7 et 8 79 II.4 Attribuer à un organisme national la charge de prévention des défaillances d entreprises fondée sur une analyse de l immatériel. 80 II.4.1 Etat des lieux 80 II.4.2 Recommandation 9 82 II.5 Inciter les dirigeants publics et non marchands à emprunter la même voie 83 II.5.1 Rappels relatifs aux administrations, collectivités et à l ESS 83 II.5.2 Recommandations 10 et II.6 Protéger et valoriser les actifs publics de la France 83 II.6.1 Un Nouveau rôle possible pour l APIE. 83 II.6.2 Recommandations 12 et III Réindustrialiser: comment se servir de l apport immatériel 86 III.1 Introduction 86 III.2 Le coût du travail est-il responsable de la désindustrialisation de la France? 88 III.3 La différence entre une Peugeot et une Volkswagen : immatérielle? 91 III.3.1 La stratégie allemande: très immatérielle. 91 III.3.2 La qualité des produits: un défaut immatériel français? 93 III.3.3 La compétence insuffisante des entreprises françaises en exportation 94 III.3.4 Recommandations 14, 15, 16, 17 et IV Passer à l économie de l usage pour devenir une économie mondiale très innovante, exemplaire et robuste 96 IV.1 Notre économie n est pas soutenable 96 IV.2 Toutes les dispositions prises au nom du développement durable sont cruellement insuffisantes 97 IV.3 Qu est-ce que l économie de fonctionnalités? 98 IV.4 Chronique d une révolution économique imminente 100 IV.5 La France face à l économie de fonctionnalités 101 IV.6 Recommandations 19, 20 et V Redonner toute sa place au capital de savoir 102 V.1 De quels savoirs parlons-nous? 102 V.2 l Excellence française est indéniable dans ce domaine 103 V.3 Intensité de la production du savoir en France. 103 V.3.1 Globalement 103 V.3.2 Nous concevons plus que nous ne réalisons 104 V.3.3 le savoir-faire n est pas que technologique 105 V.4 Analyse des processus de production du savoir 106 V.4.1 Analyse macro-économique 106 V.4.2 La recherche publique en France 107 V.4.3 La recherche privée 108 V.4.4 Stratégie, gouvernance et financement de la recherche. 110 V.4.5 Recommandations 22, 23, 24 et VI Favoriser l utilisation stratégique de la propriété intellectuelle française 112 VI.1 L innovation et les brevets 113 4

5 VI.2 Parlons un peu des marques 114 VI.3 Protéger aujourd hui et demain 115 VI.4 Le rôle de l INPI 116 VI.4.1 Rôle actuel 116 VI.4.2 Recommandations 26, 27, 28 et VII Rendre notre capital humain plus efficace 118 VII.1 Le capital humain, première richesse des nations 118 VII.2 Ce qui manque au capital humain en France 119 VII.2.1 Les jambes 120 VII.2.2 La tête 122 VII.2.3 Le cœur 125 VII.4 Recommandations 30, 31, 32, VIII Simplifier notre capital d organisation et faire de notre secteur public un leader de l immatériel 129 VIII.1 Un pays musclé mais obèse 130 VIII.1.1 poids de la fonction publique et poids de la dette 130 VIII.1.2 Pléthore de structures et redondances de missions 131 VIII.1.3 Mauvaise gestion des effectifs 131 VIII.1.4 Une carte administrative foisonnante, enchevêtrée et dépassée 132 VIII.1.5 Réformer oui, mais avec discernement 132 VIII.2 Retour sur l esprit Français. 133 VIII.3 Définir un système public de management par la valeur. 133 VIII.3.1 Pour les structures publiques spécialisées 133 VIII.3.2 Pour les collectivités territoriales 135 VIII.3.3 Retour sur l esprit Français et exigence pédagogique 136 VIII.4 Recommandations 34, 35 et IX Faire de la marque France une marque leader au niveau mondial 137 IX.1 Un peu d humour pour faire comprendre ce qu est une marque 137 IX.2 Quels sont les paramètres qui influent sur la marque France? 139 IX.3 Notre marque a-t-elle un triple A? 139 IX.4 Comment développer la Marque France? 141 IX.5 Recommandations 37 et X Faire la distinction entre vraie et fausse création de valeur notamment dans le secteur financier 142 X.1 Immatériel n est pas synonyme de valeur 142 X.2 Rappel concernant le monde bancaire 142 X.2 Examen de 4 exemples de pratiques de la banque de marché présentant des risques de destruction de valeur 144 X.2.1 CDO et actifs toxiques 145 X.2.2 CDS 148 X.2.3 Spéculation sur les dettes Souveraines 152 X.2.4 Hedge Funds 155 X.2.5 La Bourse et le marché action 159 X.2.6 Discussion 161 X.2.7 Recommandations 39, 40, 41, 42 et

6 Quatrième partie : Proposition d une politique publique en faveur de l immatériel I Introduction 169 II Proposition d une politique publique composée de 10 programmes 169 II.1 Programme 1: Produire une nouvelle comptabilité nationale. 169 II.2 Programme 2: Faire passer les entreprises à l ère de l immatériel 169 II.3 Programme 3: Développer l ESS en pilotant sa capacité à créer de la richesse. 171 II.4 Programme 4: Engager la révolution de l économie de fonctionnalités 171 II.5 Programme 5: Améliorer le fonctionnement de la recherche publique 172 II.6 Programme 6: Bonifier notre capital humain 172 II.7 Programme 7: Faire de nos services publics des champions de la performance immatérielle 174 II.8 Programme 8: Réussir le projet «Marque France» 175 II.9 Programme 9: Créer en France un courant économique pour la finance Responsable 175 II.10 Programme 10: Créer un secrétariat d Etat à l immatériel 176 Cinquième partie (Conclusion): Quelle retombée économique peuton attendre d une telle politique I Introduction 177 II Dette de la France et valeur immatérielle 177 III Changer de grille de lecture 179 IV Un rebond fort et durable de la France est «à portée de main» 181 V Conclusion de ce rapport et proposition de prochaines étapes. 183 Annexes Liste des figures 185 Bibliographie 187 6

7 Avant-propos Les auteurs de ce rapport soulignent ici qu ils y ont participé à titre personnel. Le contenu des pages qui suivent n engage nullement les personnes morales qui les emploient. 7

8 Lettre ouverte à Jean Paul Delevoye Président du CESE Monsieur le Président, Vous trouverez ci-joint, conformément à nos accords, une proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France. Ce rapport est le résultat de 18 mois de réflexions et de travaux du groupe de travail cité en première page. Notre pays traverse du période économique difficile longuement analysée avec pertinence par de multiples experts. Dans ce cadre, les facteurs suivants reviennent systématiquement : Le niveau de notre dette qui atteint maintenant plus 90 % du PIB Le coût et le déficit de flexibilité du travail Le poids de la fonction publique dans l activité économique du pays La faiblesse de notre industrie Notre fiscalité La fracture entre les exigences professionnelles et les aptitudes des demandeurs d emplois Etc. Mais au regard de ces carences et défauts, notre pays dispose d immenses atouts que l on ne cite pas assez. La qualité de nos grandes entreprises (notamment incluses dans l indice CAC 40) qui se situent sans conteste au meilleur niveau mondial Le grand nombre de ses produits qui se placent au meilleur niveau mondial dans de multiples secteurs: agroalimentaire, transport, espace, luxe, qui font que notre pays fait rêver la terre entière La beauté de notre pays aux paysages très variés et au climat clément La qualité de nos ingénieurs notamment issue d une réelle excellence mathématique française Le nombre de nos prix Nobel La qualité de nos services publics Etc. Il ne semble pas possible à un observateur objectif de déduire de ces quelques observations que notre pays soit en déclin même si en ce moment, la balance penche assez fortement du côté négatif. Nous pourrions plutôt conclure que nous gérons mal nos richesses et nos talents (et que nous laissons collectivement trop souvent s exprimer nos états d âmes). Mais pour bien mesurer la qualité et la quantité de nos belles ressources afin de mieux les gérer et les développer, il convient d avoir un référentiel approprié. Le capital immatériel est une discipline récente de finance qui prend en compte de multiples richesses et ressources qui n existaient quasiment pas ou très peu à l ère industrielle. Comme le montrent les pages qui suivent, il est devenu dominant dans le monde d aujourd hui et notamment en France. Mais les outils de mesure de la richesse 8

9 ou de la valeur que sont la comptabilité, la finance d entreprise et, à un niveau macroéconomique, le PIB ne prenne pas, ou très mal, en compte la valeur intangible. Le présent rapport ne prétend pas apporter des solutions à tous nos maux. Il dresse un état de ce que la prise en compte du capital immatériel peut apporter à l économie de notre pays. En explorant notamment des domaines traditionnels comme ceux de l industrie, il met en évidence l apport de l immatériel pour la réussite industrielle. Il montre également le poids de la valeur immatérielle dans le domaine du bâtiment ou sur un territoire, etc. Il cherche enfin à montrer que faute de bons outils de mesure, nous pouvons prendre des décisions contre-productives en termes d investissements. Le capital immatériel constitue ainsi une grille de lecture systémique de l économie d un pays. Il permet de dresser un état des lieux complet dont tous les éléments sont interdépendants et sont pondérés. D aucuns pourront souligner que dans son analyse et ses recommandations le présent rapport s appuie pour beaucoup sur des choses connues, des conclusions déjà formulées des recommandations déjà faites. C est parfaitement exact. Sa valeur ajoutée n est pas là. Entre une voiture en état de marche et une voiture démontée, il y a le même nombre de pièces. L une est un système qui roule, l autre un tas de composants. Nous définissons ici l approche par le capital immatériel comme un système: il agrège les composantes principales de l économie d un pays du point de vue de la création globale de richesses. Il permet, de ce fait, de procéder à des diagnostics plus pertinents et d élaborer des plans d actions plus efficaces. Imaginons que notre propos soit d établir la carte du réseau routier d un pays. La première étape serait qu un bataillon de géographes cartographie tous les tronçons de route du territoire. Mais il faudrait ensuite intégrer le tout dans un plan d ensemble qui relie les tronçons entre eux ; qui mette en évidence les autoroutes et qui oublie, peutêtre, les chemins de terre. Une fois la carte établie, la meilleure route pour aller vite d un point à un autre peut être aisément définie. Le capital immatériel est une carte économique globale. Il est ainsi de nature à permettre la production d une route politique efficace qui pourrait redonner à notre pays un élan perdu. Comme nous en étions convenus, le présent rapport ne saurait être considéré comme un point d arrivée mais plutôt comme un point de départ. Si le CESE obtenait, du fait de sa parution, une saisine pour produire une étude en bonne et due forme, en suivant le mode de fonctionnement de l institution, nous aurions atteint notre objectif. Veuillez agréer M. le Président, l expression de ma haute considération. Alan Fustec Personnalité Qualifiée 9

10 Première partie: Contexte, Enjeux et définitions I - Introduction I.1 De quoi parlons-nous? Pour définir ce qu est le capital immatériel, plusieurs options seraient envisageables. Nous retenons de le présenter tout d abord sous l angle de l entreprise pour ensuite élargir le champ de vision car c est à l échelle micro-économique qu il a été conçu en premier lieu. Qu est-ce qui fait, aujourd hui, en 2013 la valeur d une entreprise? A ce sujet la finance traditionnelle est très claire, c est la capacité à dégager des profits dans le futur. Même lorsque l entreprise est évaluée à partir d un multiple du CA 1, ce qui est une pratique courante dans certains secteurs économiques, l appréciation de la profitabilité future est implicite et n échappe à personne. C est assez logique. L investisseur se dit : «Le prix que je paie aujourd hui doit m être remboursé demain puis générer un excédent après demain». Pour les PME, la méthode la plus utilisée consiste à définir un multiple de l excédent brut d exploitation (EBE) pour calculer la valeur de l entreprise. En analyse financière, la valorisation d une entreprise se définit comme la somme actualisée des cash-flows qu elle pourra générer dans le futur. La méthode utilisée pour ce calcul porte le nom de DCF (Discounted Cash Flows). Il s agit d une méthode plus complexe que celle des multiples de l EBE mais qui poursuit le même but. Par souci de simplification, dans la suite de ce texte, nous considérerons qu en finance classique, la valeur de l entreprise est égale à la somme de ses cashflows futurs actualisés. Les adeptes du capital immatériel ne remettent pas ce principe en cause mais y rajoutent un questionnement de bon sens: d où vient la rentabilité future? Quels en sont les facteurs de production? La réponse à cette question est évidente: pour dégager une rentabilité dans le futur, il faut que des clients demain, comme aujourd hui, achètent des produits de l entreprise. Mais dans ce cas, que faut-il pour créer des produits (ou des services) prêts à la vente? Il faut des machines, des actifs financiers, des hommes, des brevets, des marques, une organisation, etc. Il apparaît donc ici que les actifs d une entreprise (ou encore ses facteurs de production de la richesse future) sont, d une part ce que l on trouve dans le 1 Dans certains secteurs, la valeur des entreprises est établie à partir d un multiple du CA : 0,8 fois ; une fois, 1,2 fois le CA ; etc. 10

11 bilan: immobilisations et actifs circulants mais sont, d autre part, en dehors du bilan: clients, hommes, organisation, fournisseurs, etc. C est ce qui explique que la valeur d une entreprise soit rarement égale à sa valeur de bilan (qui représente la valeur nette des actifs matériels et financiers et inclut parfois quelques actifs incorporels) et que lors d une cession d entreprise, un goodwill soit payé. En effet, le cédant, lorsqu il vend son affaire, cède tous les actifs requis pour perpétuer le processus de création de richesse, ce qui justifie le paiement du goodwill. De son côté, l acquéreur peut dire «j achète les cash-flows futurs» ou encore «j achète les cash-flows futurs qui existent d ores et déjà à l état latent dans les actifs matériels, financiers et immatériels de l entreprise. Ces cash-flows latents constituent la valeur de ces actifs». En d autres termes, le goodwill peut être défini comme la différence entre, d une part, le montant des cash-flows futurs actualisés et, d autre part, la valeur comptable ou bien, comme la valeur des actifs qui ne sont pas au bilan. Voici donc deux façons de présenter la valeur de l entreprise, Valeur de l entreprise = les cash flows futurs actualisés ou Valeur de l entreprise = les cash flows futurs qui pourront être générés demain avec tous les actifs que l on a aujourd hui, Selon l approche retenue, le travail de l évaluateur sera très différent. Dans le premier cas, en effet, il effectuera une somme actualisée des profits futurs, que le business plan fait apparaître. Dans le second, il procédera à une analyse de l état de tous les actifs et en déduira leur capacité à générer des profits. Dans un monde parfait, les deux approches doivent donner le même résultat mais dans la réalité, il en est tout autrement: le dirigeant lorsqu il établit son business plan, peut faire une belle promesse de profits futurs même si les ressources matérielles et immatérielles dont il dispose ne permettent pas de la tenir. Mais dans tous les cas, il ressort de ces considérations que l étude du bilan ne permet pas de cerner la qualité des facteurs de production de la richesse future. Le business plan, qui est un compte de résultat prévisionnel (une promesse), ne le permet pas non plus. Le capital immatériel est la discipline économique qui vise à étudier la qualité (ou la valeur) de tous les facteurs de production de richesse de l entreprise et plus particulièrement ceux que la comptabilité ignore. 11

12 Cette approche part d une «évidence»: les finances ne sont pas la source de la création de richesses mais son résultat. Il est donc plus pertinent, pour analyser le potentiel d une affaire, de se focaliser sur les sources de création de richesses, leurs qualités, leur solidité, etc, plutôt que de mesurer la richesse accumulée par le passé (analyse du bilan) en partant du principe que les facteurs de production de richesse d hier sont intacts pour produire celle de demain. Du solide, du liquide et du gaz Pour bien comprendre la logique de l étude des actifs immatériels, il faut se remémorer les fondamentaux de la création de valeur. Remontons donc à l école classique (Smith, Ricardo, Say plus tard Marx) et plus particulièrement à la publication célèbre d Adam Smith «Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations» 2. La production (que nous appelons ici création de valeur) y est décrite comme une fonction de deux variables principales, le capital et le travail. Le capital y sert notamment à acheter des machines (des actifs comme, par exemple, un métier à tisser) et le travail sert à produire un bien (ou un service), par exemple une pièce de tissu, en faisant bon usage des machines. Toute la littérature économique gravite depuis lors autour de cette fonction : P = f(c, T) où la P la production résulte de capital (C) et de travail (T). Fig 1 : pour créer de la richesse, il faut du capital (qui sert à acheter des actifs encore appelés facteurs de production de richesse. Le métier à tisser est un actif) et du travail (ici, celui du tisserand). Le processus de création de richesse moderne peut ainsi s exprimer en adaptant à peine la formule de l école classique de la façon suivante : R = f (A, T, D) où 2 SMITH A. (1776) RICHESSE DES NATIONS, TOME I, TRAD. GARNIER G., ÉD. FLAMMARION, COLL. GARNIER FLAMMATION,

13 R est la Richesse créée, A représente les Actifs nécessaires qui sont du capital converti en «outils», T est le Travail constitué par de l énergie humaine et/ou non humaine (énergie d un cheval, énergie électrique, énergie thermique ). D correspond à des facteurs «Divers» : d autres paramètres qui ont une influence sur le processus. La rémunération du travail est visible dans le compte de résultat de l entreprise (frais de personnel, facture énergétique, etc). Le profit, pour sa part, revient aux actifs et constitue leur rendement (et si ces actifs appartiennent tous aux actionnaires, la richesse créée leur revient). C est parce que le profit revient aux actifs que ceux-ci ont de la valeur: un brevet qui tombe dans le domaine public ou un camion broyé dans un accident n ont plus de valeur parce qu ils ne peuvent plus participer au processus de création de richesses. Mais ces actifs ne sont pas tous de même nature: certains sont solides (les machines), d autres sont liquides ou presque (les créances, les disponibilités) et d autres sont gazeux, invisibles et volatils (les savoir-faire, l organisation ). C est à cause de cette volatilité que, par prudence, les comptables ne les inscrivent pas au bilan: comme leur état semble peu stable, leur valeur l est aussi. Mais la prudence comptable (incluse dans le plan comptable Français comme dans la comptabilité européenne IAS/IFRS), fait que l on a tendance à passer sous silence des actifs essentiels sans lesquels le processus de création de valeur tombe en panne: sans salariés ou sans clients, l entreprise meurt. Ainsi la comptabilité ignore-t-elle une bonne partie de la valeur de l entreprise: la valeur liquide et solide est dans le bilan, mais pour l essentiel la valeur gazeuse n y est pas. La discipline Capital Immatériel vise à mesurer la valeur «gazeuse» des entreprises. Cette analogie entre la valeur de l entreprise et les états de la matière, outre son caractère pédagogique, a une autre vertu potentielle : réconcilier les managers et les financiers. Le bon sens nous conduit à affirmer, en effet, que le rôle du dirigeant est en premier lieu de «créer du gaz»: recruter des bons collaborateurs, trouver des bons clients, mettre au point de bons procédés, etc. Ensuite: à partir de cette richesse latente (valeur des hommes, des clients, des brevets, des marques, etc), le dirigeant doit agir, prendre de bonnes décisions, «bien travailler», pour que la valeur gazeuse devienne du liquide: du cash. Ce qui revient à comparer le dirigeant à un condensateur puisqu un gaz refroidi devient liquide. 13

14 Faire partager cette réalité aux financiers qui actualisent parfois des profits futurs sans savoir d où ils viennent, permet de rapprocher les points de vue: si le financier veut du liquide, il faut qu il accepte que du gaz soit d abord généré. Des progrès énormes sont encore à faire dans ce domaine. Par exemple, les salariés sont encore trop souvent vus par les financiers comme une charge (la masse salariale) et non comme un actif de premier plan. Or réduire la masse salariale (s alléger comme on dit parfois) revient à détruire beaucoup de valeur gazeuse. Liste des actifs immatériels La meilleure exploration du capital immatériel s effectue à partir d une analyse détaillée du processus de création de valeur et de ses facteurs de production. C est l approche de «l Ecole Française de l Immatériel» qui a été créée par l Observatoire de l Immatériel. Le référentiel français de mesure de la valeur immatérielle des entreprises Thésaurus-Bercy en découle (voir plus bas). Que faut-il pour fabriquer un produit? La liste des actifs est assez longue. Il faut, en effet: Des actifs matériels et financiers : des bureaux, des tables, des chaises, des réserves financières permettant de financer le BFR, etc. Des hommes : que l on espère compétents, motivés, sociables et fidèles à l entreprise Une organisation: une structure claire, des processus efficaces mais aussi un bon réseau de distribution fait de points de vente bien répartis sur le territoire et de canaux de distribution complémentaires bien pensés Un système d information: avec une bonne couverture métier, un bon niveau de service, une bonne robustesse, etc. Des savoir-faire: qui donneront aux produits leur avantage concurrentiel Une marque: connue, qui inspire confiance parce qu elle véhicule auprès du client les valeurs, les compétences et la fiabilité de l entreprise. Des partenaires et fournisseurs: des sous-traitants, des constructeurs d ordinateurs ou de voitures, des partenaires financiers. Cette liste de 7 actifs présente les composantes nécessaires au quotidien pour produire une offre mais il faut en rajouter deux, encore moins visibles au jour le jour, sans lesquels rien n est possible ; Des actionnaires : l actionnaire est un actif immatériel qu on ne voit pas au bilan. Le bilan ne fait apparaître que les fonds qu il a prêtés à l entreprise. Mais selon que l actionnaire est patient ou non, de bons conseils ou dormant, influent ou inconnu.il n a pas la même valeur pour l entreprise. Cette valeur est immatérielle. Un environnement naturel et sociétal propice à une activité prospère: dans le bilan d un hôtel de Meribel, on ne voit pas la neige. Mais s il n y a plus 14

15 de neige à Meribel, la valeur de l hôtel fond également! On voit donc bien que l environnement naturel (ici la neige) est un facteur de production de richesses indispensable mais invisible au bilan. C est donc bien un actif immatériel. De même, l entreprise a besoin d un bon capital sociétal: la délinquance, les tensions sociales voire les guerres civiles ou les renversements de gouvernements ne sont pas propices à un bon développement économique. Imaginons maintenant que tous les actifs qui précèdent soient en bon état, il en manque encore un, essentiel pour créer de la valeur: le client. Le client est ainsi le dernier (mais pas le moindre) actif de cette liste. On attend du capital client qu il soit diversifié, en croissance durable, fidèle, solvable, etc. Actif Passif Solide Liquide Immobilisations Actifs circulants Fonds propres Dettes Bilan = valeur visible Gazeux 1 - Capital Client 2 - Capital humain 3 - Capital partenaire 4 - Capital de savoir Goodwill Capital immatériel = valeur invisible 5 - Valeur des marques Valeur Globale 6 - Capital organisationnel 7 - Système d information 8 fig 2 : Le «bilan étendu» de l entreprise intégrant l immatériel. I.2 Pourquoi en parlons-nous? Le poids de l immatériel dans nos économies est devenu tel que le consensus se fait depuis quelques années sur l importance des actifs intangibles et la nécessité de les mesurer. Forgeons-nous maintenant une opinion sur cette importance de l immatériel. Notons en premier lieu que selon la banque mondiale, l économie française est immatérielle à 86 %! Etudions, en second lieu, l importance de l immatériel sur les marchés financiers. Bien que les investisseurs ne mesurent pas le capital immatériel, ils «le flairent» plus ou moins bien, de sorte que, sur une longue période, on voit que les goodwills ne cessent de croître. Le schéma ci-dessous présente une évolution de la capitalisation boursière cumulée des entreprises du CAC 40. Ces mesures réalisées par Ricol & Lasteyrie ont été faites fin 2006, fin 2007, fin

16 En Ma 85% 85% 78% Fig 3: Décomposition de la valeur du CAC 40 d après Ricol et Lasteyrie On y voit, par exemple, qu à la fin 2006, la valeur de «l entreprise CAC 40» est de 1200 Ma environ mais que sa valeur comptable n est que de 600 Milliards. Le premier enseignement, que nous procure la lecture du premier histogramme, c est que, fin 2006, la valeur des actifs matériels et financiers du CAC 40 n est que de 15 % (185 Ma ). Tout le reste est immatériel: valeur des incorporels, goodwill comptable lié aux écarts d acquisition d entreprises acquises (valeur immatérielle de celles-ci) et goodwill extracomptable (valeur des actifs immatériels de l entreprise + autres survaleurs). Le second enseignement résulte de la lecture des 3 histogrammes: il apparaît qu avec l arrivée de la crise, la valeur de marché des actifs immatériels (part importante du goodwill extra comptable) fond alors que leur valeur comptable (valeur des incorporels et des goodwills comptables) reste à peu près stable. Nous pouvons en conclure que lorsque le capital immatériel est mesuré (ce que font les commissaires aux comptes pour la mise au bilan de ces actifs), sa volatilité est faible, alors qu elle est très grande lorsqu aucune mesure n est faite. En effet, dans l état actuel de l art, les analystes financiers ne mesurent pas le capital immatériel. Le goodwill extracomptable résulte donc pour l essentiel de la loi de l offre et de la demande qui manque de points de repère. Ces deux enseignements imposent que nous apprenions à mesurer le capital immatériel compte tenu de son importance et de la volatilité des cours de bourse (qu il faut réduire). Pour les PME, la valeur immatérielle est également très importante. Le cabinet Goodwill-management réalise en permanence des valorisations de PME et de leurs actifs immatériels. En moyenne, le rapport entre valeur comptable et valeur 16

17 totale est de 3. Ainsi, à grand trait, il ressort de ces travaux que la valeur des PME françaises est immatérielle aux 2/3. I.2 En dehors de l entreprise, encore de l immatériel. Si la comptabilité se refuse à attribuer de la valeur économique aux équipes ou aux organisations, elle en attribue aux objets: un téléphone portable, une voiture, un bâtiment ont de la valeur. Certains esprits curieux ont toutefois cherché à analyser ce qui faisait la valeur d un objet et y ont trouvé de l immatériel! Prenons, par exemple, un téléphone portable. Sa valeur ne provient pas des quelques dizaines de grammes d aluminium, de verre, de plastique, d acier, etc. qui le composent. Elle provient de toute l intelligence qui y est embarquée. Elle est immatérielle! Notons ainsi que c est rarement la matière qui donne sa valeur à un produit. Par exemple, avec le même raisin, on peut produire une piquette ou un grand cru. C est le savoir-faire qui fait la différence et cette différence est immatérielle. Prenons encore plus de recul. La matière présente sur la terre n a quasiment pas varié ni en quantité ni en diversité au cours du dernier milliard d années. Mais depuis qu il existe, l homme ne cesse de créer de la richesse grâce à son intelligence. Il y a une différence de valeur entre une bouteille en verre et un microprocesseur mais ces deux objets sont faits avec du sable. La différence est immatérielle. Il y a de l immatériel dans un bâtiment Partant de ces constats plusieurs entreprises du secteur de l immobilier ont commencé au cours des dernières années à mesurer le capital immatériel de leurs.immeubles. Ainsi, par exemple, le groupe Gecina nous a autorisé à présenter certains résultats qui montrent que pour un occupant, les retombées économiques d un bâtiment moderne, bien conçu, prenant en compte les exigences du développement durable, etc, génèrent des économies pour ses occupants. Ainsi, les caractéristiques immatérielles (rajouter de l intelligence dans la conception du bâtiment à investissement constant) ont des retombées économiques qui peuvent représenter jusqu à 50 % du loyer. Fig 4 : tableau de la performance économique pour l occupant de bâtiment à forte intensité immatérielle (Gecina) et de bâtiments standard 17

18 Dans ce tableau, les retombées économiques, pour l occupant, de la valeur immatérielle des bâtiments Newside et Mercure de Gecina, sont mises en évidence grâce à une comparaison entre ces immeubles et des bâtiments standards ou concurrents. D autres travaux ont montré que la centralité d un bâtiment (non prise en compte dans les gains présentés ci-dessus) était également un facteur important de productivité et donc un critère essentiel de la valeur immatérielle. Il se trouve que ces retombées pour l occupant augmentent la valeur des actifs (capacité pour le propriétaire à louer le bâtiment à un prix plus élevé, délai de commercialisation plus court, taux de vacances plus faible, moindre maintenance liée à des produits plus durable), ce qui augmente la valeur DCF. Mesurer la valeur immatérielle d un territoire Le concept de capital immatériel est également applicable à un territoire et même à un pays. On imagine aisément qu il y a plus de valeur immatérielle (compétences, recherche, innovation, attractivité, administration publique) en France qu au Burkina Faso. La banque mondiale a produit, il y quelques années, une étude qui montrait que l économie Française était immatérielle à 86% 3 (voir dans la seconde partie du rapport). Le modèle de mesure du capital immatériel d un territoire Thésaurus-VIT est une déclinaison de la méthode Thésaurus-Bercy. Sa nomenclature d actifs est la suivante : Fig 5 : les actifs d offre et de demande d un territoire Le premier actif est l actif de «demande». Le capital «client» d un territoire est composé : des personnes morales qui y sont implantées, des habitants (personnes physiques), des visiteurs (consommateurs qui viennent y faire des courses, touristes ) Les actifs ci-dessous constituent les actifs «d offre»: 3 Kirk Hamilton & al. (2005) Where Is the Wealth of Nations? Measuring Capital for the XXI Century, World Bank Publications, Washington. 18

19 Le capital humain est composé de toutes les personnes œuvrant directement et de façon permanente à la constitution de l offre du territoire (en dehors des services marchands): collaborateurs de l État, des Conseils Régionaux et Généraux, des communes, de l éducation nationale, les sapeurs-pompiers, les personnes hospitaliers publics, etc. Le capital Structurel est composé de son organisation physique, des qualités de ses infrastructures numériques et télécom, des qualités de ses infrastructures en énergie, de son réseau routier interne et de son accessibilité (réseau routiers externe et transport en commun) Le capital partenaire est composé de toutes les organisations qui, en collaboration avec son capital humain, «font» le territoire : État, Région, promoteurs et foncières, entreprises de BTP, Services de voirie, les bailleurs sociaux, etc. Le capital Culturel et Historique couvre tous les éléments non déjà cités qui font que l on veut y venir: richesse architecturale, évènements culturels, sportifs ou de loisirs, lieux de culte, loisirs, etc. Le capital de Marque sera également évalué: notoriété, réputation, attractivité, intensité émotionnelle, singularité, etc. Le capital Naturel consiste à évaluer l implantation géographique, son climat, la qualité de son air, la disponibilité en ressources naturelles nécessaire à ses besoins (eau, énergie, matières premières, et réserve foncière). Le capital sociétal couvre la densité de population aux alentours, le PIB des territoires limitrophes, la continuité avec les territoires limitrophes (pas de restriction de transport entrainant la création de bouchons), la centralité du territoire, etc. Le capital de direction et de financement est composé des principaux administrateurs et financeurs du Territoire (qualité des «dirigeants» et fonds disponibles pour le développement) Le capital immatériel d un territoire se mesure aussi aisément que celui d une entreprise ou d un bâtiment. Il peut faire l objet d évaluation extra-financières (notation) ou financière (valeur en euros). 12 Evolution 14 Répartition des âges 13 Dynamique du pays 15 Nombre Evolution Dynamique du territoire Capital Habitant 14 Répartition des âges 12,5 13,9 Richesse 12 Flux de valeur 15 Fidélité 13 Stabilité de revenus 16 Satisfaction Fig 6 : Evaluation extra-financière du capital habitant d une ville (les notes sont sur 20) 19

20 I.3 Objectif de cette étude Cette présentation de l importance du capital immatériel à l échelle d une entreprise, d un territoire ou d un pays tout entier, donne à réfléchir. En effet, si la valeur économique, dans le monde moderne, repose en grande partie sur de l immatériel, nous devons apprendre : A l identifier dans toutes ses composantes à l échelle macro et microéconomique, A le mesurer, A mettre en place les moyens de le préserver et de le développer, A lui donner toute sa place dans les pratiques commerciales et les transactions afin de définir et de développer, de façon proactive et non pas opportuniste, une économie de l immatériel, Plus généralement, nous devons apprendre aussi à revisiter tous nos modes de fonctionnement (fiscaux, d investissement, de management, d éducation ) pour nous assurer qu ils ne seraient pas contre productifs au regard de la valeur immatérielle puisqu elle est si importante. Si vous n engageons pas ces travaux, notre grille d analyse de la réalité économique d aujourd hui et de demain restera tronquée. Des décisions inappropriées en résulteront: investir dans des projets sans avenir, détruire de la valeur en croyant en créer, rester à l écart d un programme créateur de richesse, subventionner des initiatives qui n en ont pas besoin et refuser de l aide à des acteurs ou des régions où ce serait vital, etc. Le but de la présente étude est donc simple: il s agit, 7 ans après le rapport Lévy-Jouyet 4 de «reprendre le flambeau» pour : Insister avec de nouveaux arguments sur des propositions déjà énoncées à l époque mais qui n ont pas été mises en œuvre, Proposer, notamment dans le domaine de la mesure de la valeur, de nouveaux plans d action afin de décrire ce que pourrait être une stratégie nationale en faveur du capital immatériel. II Etat des lieux macro-économique II.1 Etat Economique de la France: le constat Les quelques pages qui suivent montrent que notre pays présente, sur le plan économique, de nombreuses fragilités et des points faibles inquiétants. 4 Jean Pierre Jouyet, Maurice Lévy, rapport de la commission sur l économie de l immatériel,

21 Le tableau est sombre même si notre vision de la France ne l est pas. La vocation de cette partie est triple : Faire un constat empreint de gravité et largement partagé de l urgence qu il y a à agir, Montrer ensuite ce que l immatériel apporte dans ce cadre, Mieux relier enfin les solutions proposées aux maux dont nous souffrons. II.1.1 Croissance La France connaît une baisse de structurelle de son taux de croissance depuis les années 1970: dans les années 1980, la croissance se situait aux alentours de 3% par an, elle est tombée à 2,5% dans les années 1990, puis à moins de 1,5% dans les années 2000, sachant que l année 2013 se conclut par une croissance nulle. Comme l indique la figure 7 ci-dessous, cette évolution est globalement en ligne avec la croissance de la zone euro mais est nettement moins bonne que la moyenne OCDE (en moyenne un demi à un point de croissance en moins pour la France) et nettement moins bonne que croissance mondiale toujours entre 3 et 4% par an, d où un écart annuel pour la France compris entre 2% et 3% au moins depuis 20 ans. Taux de croissance annuel en volume ,00 5,00 4,00 4,00 3,00 3,00 2,00 2,00 1,00 1,00 0,00 0,00-1,00-1,00-2,00-2,00-3,00-3,00-4,00-4,00-5,00-5,00 Ecart France / Zone euro à 15 Ecart France / OCDE Ecart France / Monde France Fig 7 : taux de croissance annuel en volume (données OCDE) II.1.2 Richesse nationale De façon très logique, la baisse de la croissance entraîne une baisse de la France dans la richesse des différents périmètres auxquels elle appartient: relative stabilité du PIB de la France dans celui de la zone euro (baisse d un point seulement), baisse d un cinquième de la part de la France dans la richesse 21

22 produite par l OCDE (passage de 6,6% à 5,2%), baisse encore plus forte de la part de la France dans la richesse mondiale (-37%, passage de 4,4% à 2,8%). Ces évolutions sont présentées dans la figure 8 ci-dessous. PIB France en proportion du PIB monde, OCDE & UE, (*) 16% 15% 14% 13% 12% 11% 10% 9% 8% 7% 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0% 16% 15% 14% 13% 12% 11% 10% 9% 8% 7% 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0% PIB France / OCDE PIB France / Monde PIB France / Union Européenne à 27 (*) données CEEPI/CHELEM ; PIB en volume PPA (US$ de 2005) Fig 8 Part du PIB français dans les PIB du monde, de l OCDE et de l UE à 27 Ces évolutions entrainent naturellement une dégradation de la situation française en matière de PIB par habitant. La France est ainsi passée d un PIB par habitant représentant 110% de la moyenne OCDE en 1974 à exactement la moyenne OCDE aujourd hui. Une évolution comparable est constatée par rapport aux moyennes européennes. Evolution du PIB par habitant français (données OCDE en US$, prix courants et PPA) 120% 115% 110% 105% 100% 95% 90% France / zone euro à 17 France / Union européenne France / moyenne OCDE Linéaire (France / moyenne OCDE) Fig 9: évolution du PIB par habitant par rapport aux moyennes OCDE, UE et zone euro 22

23 Cela entraine un décrochage de la France dans le classement du PIB par habitant quel que soit le périmètre analysé: Union européenne à 27 (passage de la 4 ème place en 1980 à la 10 ème en 2011), OCDE (passage de la 6 ème à la 15 ème place sur 34 au cours de la même période) ou périmètre mondial (passage de la 11 ème à la 19 ème place sur les 188 pays membres du FMI). rang France en PIB par habitant dans le FMI, l'ocde et l'ue (données FMI, US$, prix courants) rang France dans le FMI rang France dans l'ocde rang France dans l'ue à 27 Fig 10 : Rang de la France en matière de PIB par habitant II.1.3 Relations économiques avec le reste du monde La base de données CHELEM du centre d'études prospectives et d'informations internationales-cepii 5 enregistre depuis 1967 la part de marché des exportations Française. Nous y constatons à nouveau une dégradation. 16% Graphique X-X : part de marché des exportations françaises ( ; données CEPII-CHELEM) 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0% part de marché UE à 15 part de marché UE à 27 part de marché OCDE part de marché dans le monde Fig 11: Part de marché des exportations françaises,

24 Si la tendance globale est à une diminution significative des parts de marché françaises sur plusieurs décennies, le décrochage est particulièrement net depuis la fin des années 1990 et sur la quasi-totalité des marchés: entre 1998 et 2010, la part de marché française dans les exportations de l Union européenne à 27 a baissé de 22,5% et de 21,6% dans celle de l OCDE. La dégradation de la part de marché mondial française baisse de 37,4% (perte de 2 points de part de marché avec un passage de 5,7% à 3,6%): l Union Européenne et l OCDE reculent également dans les exportations mondiales, mais toutefois dans des proportions moindres, de l ordre de 20% (soit presque deux fois moins que la France). La tendance est donc très dégradée depuis 15 ans. Cette perte de parts de marché à l export constatée récemment contribue ainsi à une situation fréquente de déséquilibres extérieurs: sur la période , il y a ainsi 22 exercices de déficit commercial, dont 21 de double déficit budgétaire et extérieur. La balance commerciale s établit à -67 Milliards en Solde APU & solde commercial biens & services en %age du PIB, % PIB 4% 2% 0% -2% -4% -6% -8% -10% Solde commercial biens et services Capacité ou besoin de financement des APU (INSEE) Fig 12: Déficits publics et solde commercial La figure 13 suivante montre cette dégradation régulière exprimée (Ma ). Fig 13 : Le solde commercial de la France en milliards d euros ( ) 24

25 II.1.4 Evolution des flux financiers internes et externes Globalement, nous vivons au-dessus de nos moyens: 2013 est ainsi le neuvième exercice consécutif présentant un double déficit budgétaire et extérieur. Cette situation se traduit sur le plan comptable par la nécessité d un apport croissant de ressources financières extérieures pour équilibrer les flux financiers de l économie française 6. L épargne des ménages durablement élevée (capacité de financement représentant 16% du revenu disponible et 4% du PIB français depuis le début des années 1990) ne compense pas les considérables besoins de financement des administrations publiques et ceux des entreprises, principalement sous forme d investissements. Il en ressort un solde souvent négatif de l économie française dans son ensemble et donc un besoin de financement du reste du monde. Ce besoin de financement extérieur a cru massivement à partir de la fin des années 1990, puisqu on est passé en 15 ans d une capacité globale de financement de 2,5% du PIB à un déficit de 2,5% du PIB. 8,0% capacité (+) ou besoin (-) de financement des différents secteurs de l'économie française ( ) 6,0% 4,0% 2,0% 0,0% -2,0% -4,0% -6,0% -8,0% -10,0% Sociétés (S11+S12) APU Administrations publiques (S13) Ménages yc entreprises individuelles (S14) Ensemble économie française (S1) Fig 14 Capacité ou besoin de financement des différents secteurs de l économie française Il n est pas surprenant mais très inquiétant de voir, dans ce contexte, la dette publique française se creuser inexorablement. En 2012, son poids atteint 90 % 6 Cet équilibre est formalisé en comptabilité nationale par l équation suivante : (S-I) + (T-G) = (X-M), où S désigne l'épargne, I l'investissement, T- G le déficit budgétaire, X les exportations, et M les importations, X-M étant donc le déficit extérieur. 25

26 du PIB. Le projet de loi de finances 2014 prévoit de dépasser les 95% et milliards d euros pour l ensemble des administrations publiques. Fig 15 Evolution de la dette publique de 1978 à 2012 II.1.5 Niveau de vie et emploi Nous terminerons ce tour d horizon économique par 2 indicateurs sociaux qui sont également mauvais: il y a en France en début 2013, 3,1 millions de demandeurs d emploi de catégorie A (sans aucun emplois) + 1,5 demandeurs d emplois ayant par ailleurs une activité réduite (catégorie B et C) 7. Enfin, notre pays compte en ce moment près de 9 millions de pauvres soit 15 % de la population. Fig 16 Evolution du nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté de 2000 à Insee 26

27 II.2. Quelles réflexions pouvons-nous tirer de ce bilan? Les plus grands auteurs d économie ont dressé et analysé avec pertinence ce constat alarmant avant nous. Notre propos n est pas ici de les paraphraser. Nous nous bornerons à trois réflexions. II.2.1 Sans outils de mesure pertinents de la richesse, il est difficile de tirer des conclusions optimales pour progresser Si le PIB mesure mal la richesse d un pays, comme l ont remarquablement montré en 2008 les experts de la commission Stiglitz 8, si de ce fait une part importante de la richesse d un pays est immatérielle comme c est le cas pour une entreprise, alors l évolution positive ou négative de notre «croissance» ne nous permet pas de conclure sur l état réel de notre richesse absolue ou comparée à celle d autres pays. Imaginons que le PIB ne représente que les deux tiers de la richesse réelle produite en une année (voir plus bas l analyse du PIB en partie II). Comme nous ne connaissons pas, puisque nous ne la mesurons pas, l évolution de l autre tiers, nous ne savons pas très bien ce qu il faut conclure: la situation peut être meilleure ou pire que ce que le PIB nous indique. Dès lors, nos politiques peuvent aller à l encontre des objectifs que nous recherchons. Certes les autres indicateurs : exportations, chômage, dette nous montrent bien que nous souffrons de problèmes sérieux. Mais si une part importante de la richesse de nos entreprises, de nos territoires et du pays tout entier se trouve à l extérieur de nos radars comment pouvons-nous procéder à une bonne analyse des causes et à la résolution des problèmes posés? Un chef d entreprise qui ne mesure pas la qualité (et donc la valeur) de son capital humain, mais suit son bilan avec attention, peut croire qu en améliorant son niveau de fonds propres ou en réduisant sa dette, il va faire progresser son entreprise. Il suffit pourtant que quelques hommes-clés le quittent pour que l entreprise passe rapidement d une situation prospère à une situation critique. Il en est de même pour un pays: sans bons instruments de mesure pas de bonnes décisions. II.2.2 Nous avons tout pour réussir La situation est inquiétante certes mais pourtant, notre pays dispose d incroyables richesses. 8 Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Richesse des nations et bien-être des individus : performances économiques et progrès social, Editions Odile Jacob,

28 Nous sommes trop souvent minés par nos résultats économiques très décevants et nous oublions cette réalité qui est pourtant révélée par des indicateurs qui donnent à réfléchir et qui sont encourageants : Selon l AFII 9, la France a accueilli en 2011 près de 14% des investissements productifs (créateurs d emplois) dans la zone euro. Ce qui place la France en deuxième position après le Royaume-Uni (21%) et devant l Allemagne qui a accueilli 12% de ces flux. L implantation de centres de R&D et d unités de production ou de distribution en France est un révélateur de nos atouts: la France compte parmi les pays européens accueillant le plus les projets de R&D, 16,1 % de ces derniers s implantent en France contre 13,8% en Allemagne et 14,4% en Irlande. Notre pays de place ainsi au second rang européen dans ce domaine après le Royaume- Uni. C est bien parce que nous avons de nombreux avantages compétitifs que nous attirons ces investissements. En outre, la France est toujours, en 2013, la première destination touristique mondiale. D'après l'étude annuelle des services statistiques de Bercy (DGCIS) 10, la France a accueilli 83 millions de visiteurs internationaux en Un record qui montre à quel point le secteur est porteur. Cette information mérite une analyse qui dépasse les retombées économiques du secteur touristique. Elle révèle que notre pays attire du fait de son climat, de sa géographie, de sa culture, de sa cuisine mais aussi de l idée que les étrangers se font de la vie en France. Notons également que sur le plan de l enseignement supérieur, la France est à la 4 ème place 11 des pays d accueil et qu elle se distingue par la forte proportion des étudiants étrangers dans les programmes de recherche de haut niveau (en France, 40,9% des doctorants sont étrangers). Contrairement à de très nombreux autres pays et notamment à l Angleterre, le secteur Français de la finance a moins souffert de la crise de 2008 née de celle des subprimes. Cela tient à la forte présence en France de banques coopératives (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Caisses 9 L Agence française pour les investissements internationaux : Les Investissements étrangers créateurs d emploi en France, rapport Direction générale de la compétitivité de l industrie et des services: Le tourisme international reste porteur pour la France, Nina Volz, Les étudiants internationaux, chiffres clés Campusfrance sfrance_chiffres_cles_n6_2011.pdf 28

29 D épargne, Banque Populaires) qui se tiennent relativement à l écart de la finance de marché. Enfin, car cette liste n a pas vocation à être exhaustive, nous comptons en France de très nombreuses grandes entreprises qui sont au meilleur niveau mondial. Deux ans après que la crise financière se fut propagée à l économie réelle, le CAC 40 avait presque oublié cette mauvaise passe: cumulés, les profits des 40 plus grosses entreprises françaises cotées ont atteint 83 milliards d euros pour l exercice 2010, soit un bond de 85 % par rapport à Certes, ils n avaient pas encore retrouvé leur niveau de 2007, mais le redressement fut spectaculaire. Il ne restait plus en 2010 qu une entreprise du CAC 40, Alcatel-Lucent, pour afficher des pertes. Par contre, nombre de champions durement éprouvés par la crise (Renault, Peugeot mais aussi STMicroelectronics, Accor ou EADS) ont renoué avec les profits dès Pour les banques, en 2010, les subprimes ne sont plus qu un lointain souvenir: dans leur ensemble, leurs bénéfices ont plus que doublé et BNP Paribas décroche la deuxième place des plus gros profits du CAC 40, avec 7,8 milliards d euros, derrière Total (à 10,5 milliards d euros) 12. Tout cela montre bien que dans de nombreux domaines, la France fait la course dans le peloton de tête et ne décroche pas. Cette courte énumération sera largement complétée de nombreux autres atouts dans la suite du rapport. Nous formulons ici l hypothèse que si notre pays est capable de se hisser au meilleur niveau dans de très nombreux domaines, alors il a le potentiel intellectuel suffisant pour être efficace dans tous les domaines. En d autres termes, il semblerait bien que globalement, si «ça va mal» ce soit plus lié à notre façon d agir qu à nos ressources. En clair, «on s y prend mal». II.2.3 Nos Actifs et passifs sont en partie cachés Nos erreurs, nos mauvaises décisions et nos passifs sont en partie cachés: nous n avons pas de tableau de bord synthétique présentant l état de ce qui conditionne la réussite de la France : Quel est l état de notre capital humain? Est-il assez compétent? S il est composé de blocs qui s opposent, peut-on réussir collectivement? Notre capital de connaissances est-il suffisant? Il y a certes de l excellent et du moins bon mais globalement que peut-on en dire? 12 CAC 40 : le printemps des profits - Marc Chevallier, Alternatives Economiques n avril

30 Notre capital organisationnel est-il efficace? Notre justice, notre police, notre règlementation, nos institutions rendent-elles les services attendus? Qui pourrait prétendre que sans une justice efficace un pays peut bien fonctionner? Le rapport de la banque mondiale précité a établi une relation troublante entre la qualité du système judiciaire d un pays et sa richesse par habitant. Et que dire de notre marque?: que vaut la marque France? Quelle est sa contribution à la création de richesse en France? Est-ce seulement un actif ou serait-ce éventuellement un passif? Sur tous ces éléments, des diagnostics existent plus ou moins mais ils sont épars. Ils ne sont pas reliés en un système alors que tous ces sujets sont interdépendants. Par voie de conséquences, rien ne prouve que nos politiques globales soient vraiment efficaces: nous manquons d une vue intégrée. II.3 Structure de l étude face à ces questions Il nous apparait dès maintenant, à la lumière des faits et chiffres d ores et déjà exposés, que la prise en compte du capital immatériel constitue un enjeu majeur pour un développement économique durable de notre pays. Afin de proposer une politique crédible dans ce domaine, nous avons structuré notre étude en 5 grandes parties : Première partie: elle est composée des pages qui précèdent et représente le contexte, les enjeux et les définitions relatives au capital immatériel. Seconde partie: propositions pour mesurer le capital immatériel. Troisième partie: propositions pour développer le capital immatériel. Quatrième partie: reprise des recommandations exposées et conception d un plan d ensemble hiérarchisé qui jette les bases d une politique publique nationale en faveur de l immatériel. Cinquième partie: C est la conclusion de ce rapport, Elle livre une première réflexion (assez grossière) sur le potentiel de retombées économiques des recommandations contenues dans ce rapport. 30

31 Seconde partie : mesurer le capital immatériel I - Introduction La question de la mesure est centrale dans tout système de management. Elle permet de prendre des décisions plus pertinentes et d en vérifier l efficacité. L idée selon laquelle le capital immatériel n est pas mesurable a longtemps fait florès et d aucuns le soutiennent encore. Nous montrerons que ce n est pas le cas et que la valeur immatérielle peut être mesurée avec un bon niveau de fiabilité. Cette partie se compose de 3 sections : 1. Nous présentons tout d abord la méthode française de mesure du capital immatériel des entreprises, 2. Nous montrons ensuite comment cette méthode peut être adaptée pour les activités non commerciales et plus particulièrement pour celles de l économie sociale et solidaire, 3. Enfin nous proposerons de mettre en place un système de mesure du capital immatériel des territoires et du pays et proposerons de construire notamment, dans ce cadre, un indicateur de richesse alternatif au PIB. II Mesure du capital immatériel des entreprises: les outils sont là. Comme indiqué en introduction, le poids de l immatériel dans les économies modernes est devenu tel qu il semble désormais hasardeux de développer une entreprise sans mesurer son capital immatériel. La méthodologie Thésaurus- Bercy 13 commandée à l Observatoire de l immatériel par le Ministère de l économie et des finances sous l impulsion de Mme Lagarde en 2009 et publiée en 2011 est le standard français de mesure. 13 Téléchargeable gratuitement sur le site 31

32 Thésaurus-Bercy V1 Référentiel français de mesure de la valeur extra-financière et financière du capital immatériel des entreprises 7 octobre 2011 Produit à la demande du ministère de l économie, des finances et de l industrie par les auteurs ci-dessous : Direction : Alan FUSTEC (Président de Goodwill-Management, Titulaire de la Chaire Capital Immatériel et Développement Durable de l ESDES, Directeur Scientifique de l Observatoire de l Immatériel) Comité scientifique et technique : Yosra BEJAR (maître de conférences Institut Telecom Telecom Ecole de Management), Thomas GOUNEL (Directeur, Deloitte Finance) ; Stephano ZAMBON (Professeur Université de Ferrara - Italie) ; Sébastien THEVOUX (Analyste ISR Oddo) Contributeurs : Didier DUMONT (Goodwill-Management) ; Jacques PARENT (Accomplys) ; Martine LEONARD (CIC- AM) ; Christophe LE CORNEC (Financière Anne-Charles) ; Rémy REINHARDT (expert-comptable, Conseil Supérieur de l Ordre des Experts-Comptables) ; Cécile MILLION-ROUSSEAU (présidente d Ontologos Corp SAS) ; Florian AYMONIN-ROUX (Ministère de l Economie, des Finances et de l Industrie) ; Marie-Pierre PEILLON (directrice de l analyse financière et extra-financière, Groupama AM) ; Daphné MILLET (analyste extra-financier, Groupama AM) ; Adel BELDI (Professeur assistant, IESEG) ;Jean-Jacques CROSNIER (Directeur Qualité et Progrès, DNCS) ; Philippe BIANCHI (délégué général EFQM France, Groupe AFNOR) ; Mathieu LANGEARD (président fondateur, FINANCE FOR ENTREPRENEUR) ; Maud LOUVRIER-CLERC (responsable de la recherche, FINANCE FOR ENTREPRENEUR) ; Corinne SANDEL (Alcatel-Lucent) ; Soley LAWSON-DRACKEY (ESDES) ; Antoine AUBOIS (Akoya Consulting) ; Julien RIALAN (Akoya Consulting) ; Kristof De MEULDER (APIE) ; Alban EYSSETTE (Ricol Lasteyrie) ; Jocelyn MURET (Akoya Consulting) ; Myriam DUVAL (Akoya Consulting) ; Vincent BARAT (Akoya Consulting) Fig 17: la méthode Thésaurus Bercy Cette méthode permet de procéder à des évaluations extra-financières (production de notes) et financières (en euros) des différentes classes d actifs qui composent une entreprise. Elle a été produite par un pool d experts bénévoles composés en partie d enseignants-chercheurs et en partie de praticiens. La production qui en résulte est sous-tendue par un corpus de connaissances académiques très important. Voici quelques grandes caractéristiques structurantes de la méthode. II.1 Première caractéristique : le capital immatériel c est ce que l entreprise possède et non ce qu elle fait. Ce point est très important car de nombreuses personnes qui découvrent le sujet y intègrent tout ce qui est impalpable dans l entreprise mais important pour que «ça marche». Selon cette approche, toutes les bonnes pratiques de management, les plans d actions et les décisions deviennent du capital immatériel. Ce qui fait perdre au concept son intérêt. On retiendra donc ici que le capital immatériel ne prend en compte que des actifs c'est-à-dire du «stock», des choses que l entreprise possède (ou dont elle dispose). En revanche, il ne contient pas toutes les choses que les salariées et dirigeants de l entreprise font. Bien comprendre ce qu est le capital immatériel revient à bien faire la différence entre agir et avoir. Ainsi, la stratégie, la politique commerciale ou la politique de développement durable ne sont pas des actifs et ne font donc pas partie du capital immatériel: ce sont des plans 32

33 d actions. Les résultats que ces politiques produisent sont, en revanche, des éléments du capital immatériel: un environnement plus sain, des nouveaux clients ou de nouveaux produits contenant un capital de savoir innovant. Cela signifie, par exemple, que la mesure du capital humain consiste en une évaluation puis une valorisation des équipes mais pas de la politique RH (qui est un plan d action). De même, la mesure du capital client se centre sur les clients et non sur la politique commerciale. Cette distinction entre actif et action est cruciale pour 3 raisons : Si la réflexion sur le capital immatériel se centre trop sur les actions, elle n existe pas vraiment puisqu elle se confond avec les sciences du management. Attribuer une valeur à un plan d action est hasardeux car les actions réussies produisent des actifs valorisables (matériels, financiers ou immatériels) alors que les échecs ne produisent rien. Mélanger, au sein d un projet de valorisation, des actifs et des actions entrainerait une double comptabilisation: valorisation des moyens mis en œuvre et des résultats correspondants. Cela reviendrait, par exemple, à donner à la fois une valeur à un projet immobilier (valeur de son résultat: l immeuble) et à y rajouter la valeur de l actif: l immeuble. Ainsi tant que l on n a pas compris que l on ne doit valoriser que des actifs et non du travail, on ne peut pas produire une valeur d entreprise fondée sur son capital immatériel. Avoir Agir Ouvrier Bons outils Bon usage Bel ouvrage Bons actifs Bonnes actions Création de valeur Entreprise Capital immatériel Sciences du management Bilan Compte résultat Stock Flux Fig 18 : La valorisation de l immatériel porte sur les actifs et non sur les actions. II. 2 Seconde caractéristique: capital immatériel contient des éléments physiques. Ainsi, le capital immatériel n est pas un complément aux actifs matériels mais aux immobilisations et aux actifs circulants. Les hommes, la neige, les actionnaires sont immatériels mais ont bien une substance physique. 33

34 II.3 Troisième caractéristique: les actifs immatériels se groupent en deux pôles, les actifs d offre et les actifs de demande. Dans notre liste d actifs ou de classes d actifs, nous devons, pour pouvoir demain procéder à une valorisation crédible (voir plus bas) introduire une notion très nouvelle dans la littérature sur les immatériels et pourtant incontournable: il existe des actifs d offre et des actifs de demande. Dans notre formule R=f (A,T,D) reprenons la décomposition systématique présentée plus haut mais en procédant à une décomposition du questionnement. «Que faut-il pour créer de la richesse?» devient : «Que faut-il pour créer des produits ou des services» et «Que faut-il pour qu ils soient achetés»? La première question appelle une réponse riche. Il faut, en effet : Des actionnaires Des immobilisations Des actifs circulants Des ressources naturelles Des machines Des hommes Une organisation Un système d information Une marque Des savoir faire Des partenaires Tout cela est toujours nécessaire (et la plupart du temps suffisant) pour faire exister un produit ou un service. Nous appellerons donc ce premier chapelet, les actifs d offre (actifs nécessaires pour créer une offre). La réponse à la seconde question est infiniment plus simple: il faut des clients. Nous appellerons les clients, les actifs de demande. Le processus de création de valeur s exprime comme un double flux, permis par le travail, entre les actifs d offre et de demande. Flux de produits ou de services partant du pôle des actifs d offre (l entreprise et son environnement) vers le pôle des actifs de demande. 34

35 Flux de cash dans l autre sens: des clients (actifs de demande) vers l entreprise (actifs d offre). Actionnaires Hommes Actifs matériels & fi. Système info. Organisation Savoir et brevets Partenaires Marques Environnement Produits Cash Clients Actifs d offre Actifs de demande Figure 19 : les actifs d offre et de demande et le double flux de produits et de cash Cette répartition des actifs en deux pôles est essentielle pour la valorisation financière car elle met en évidence qu à un instant «T», le cash-flow est à la fois le rendement des actifs d offre (le cash-flow) et aussi celui des actifs de demande. Ce surplus qui provient du client (rendement du client) est capté par l entreprise (rendement des actifs d offre). Lorsqu on évalue l entreprise, on ne peut faire la somme de la valeur de rendement des actifs d offre et des actifs de demande car dans ce cas, on compte 2 fois la même chose et l on produit des valorisations économiques aberrantes. II.4 Quatrième caractéristique: le poids des actifs dans le processus de création de valeur varie selon les secteurs. Imaginons que Adecco subissent une panne informatique pendant une semaine. Ce serait handicapant pour la firme mais cela ne l empêcherait pas d assurer ses prestations. En revanche, imaginons la même durée de panne à la Société Générale. Cela serait fatal à cette banque. L informatique pèse beaucoup moins pour une société de travail temporaire que pour une banque. Imaginons que Geodis n ait fait au cours des 10 dernières années aucun investissement de R&D. Cela n aurait probablement pas empêché à ce transporteur de prospérer. Mais imaginons la même chose chez Sanofi-Aventis ce serait suicidaire. Le capital de savoir pèse beaucoup plus pour un laboratoire pharmaceutique que pour un transporteur. Imaginons que Cap Gemini suspende tous ses investissements en marketing destinés à la promotion de sa marque. Cela serait probablement d un impact économique limité avant un bon moment. Imaginons que Nike fasse la même chose. Ce pourrait être très pénalisant pour ce groupe. Le capital de marque compte beaucoup moins pour une société de services en informatique que pour une entreprise de vêtements haut de gamme. 35

36 Imaginons qu un fournisseur défaillant vende des produits défectueux à un cabinet d avocats. Cela peut être ennuyeux mais pas catastrophique puisque la prestation réalisée par le cabinet n est pas sous-traitée. Imaginons, en revanche, que Carrefour intègre dans ses produits MDD de la viande contaminée par une bactérie pathogène dangereuse. Cela peut coûter très cher à l enseigne. Le capital fournisseur compte beaucoup moins pour une société de prestations intellectuelles que pour une enseigne de la distribution. Glaxo Coca Cola Cap Gemini Ebay Savoir et brevets Marque Hommes SI Autres actifs Autres actifs Autres actifs Autres actifs Fig 20 : Les actifs d offre ont une importance variable selon les secteurs II.5 Les principes de la mesure extrafinancière et financière. Pour les 10 classes d actifs précités, la méthode Thésaurus-Bercy permet d établir des cartes de valeur extra-financière dont un exemple est présenté ici (les cartes présentent des notes sur 20). 1,12 1 1,08 0,9 1 Fig 21: Evaluation extra-financière du capital humain (les notes sont sur 20, les cases oranges sont des coefficients de pondération dont les valeurs varient entre 0,8 et 1,2 en général). 36

37 Pour toutes ces évaluations, les critères (boites jaunes) présents dans les arborescences sont notées grâce à des indicateurs étalonnés (exemple, cidessous, pour le critère Compétence du capital humain). Compétent (Collaborateurs) Note Existence d une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences Moyenne des notes de compétence aux entretiens individuels Diversité Politique de formation de maintien dans l emploi source Bilan Social et Entretien avec la DRH Pour toutes les fonctions clés de l entreprise il y a des collaborateurs experts et des remplaçants experts Pour toutes les fonctions clés il y a des experts mais il manque des remplaçants pour certaines Il y a un déficit de compétence pour certaines fonction clés Données collectées 5/5 ou équivalent 4 3 Bilan Social et Entretien DRH Très forte diversité y compris dans le comité de direction Très forte diversité mais insuffisance dans le codir Une politique plus que des résultats 5 Il n y a pas de GPEC 2 Pas de politique 0 Absence d entretien d évaluation 1 Discrimination perceptible Bilan Social et Entretien avec la DRH L entreprise consacre plus de 6 % de sa masse salariale à la formation, tous les collaborateurs sont formées Budget formation = 4 % MS ; la plupart des salariés sont formés L entreprise consacre 3 % de la masse salariale à la formation L entreprise consacre 1 % L entreprise ne forme pas ses salariés Fig 22: Exemple d indicateur étalonné (extrait de Thésaurus-Bercy) Ces évaluations extra-financières sont ensuite utilisées pour produire des valorisations financières d actifs, notamment, selon 2 types de méthodes de valorisation : méthode par les coûts de remplacement des actifs, méthode par les valeurs de rendement (modèles de cash flows actualisés). La méthodologie permet aussi de procéder à des évaluations financières d entreprises fondées sur leurs actifs immatériels. Cette méthode est mise gratuitement à la disposition de toutes les entreprises françaises qui veulent mesurer leur capital immatériel (téléchargeable sur le site de l Observatoire de l Immatériel). Elle est largement utilisée tant pour des opérations de fusion acquisition que pour établir des tableaux de bord de nouvelle génération. Fig 23: Un échantillon des entreprises françaises qui mesurent leur capital immatériel 37

38 A titre d exemple, nous présentons ci-dessous l évaluation extra-financière du capital immatériel réalisée par la Banque Populaire Atlantique en 2012 présentée dans son rapport annuel. Fig 24: l évaluation extra-financière de la Banque Populaire Atlantique en 2012 selon Thésaurus-Bercy (notes sur 20). En complément, voici, ci-dessous, une évaluation financière d un échantillon d entreprises du CAC 40. Selon la méthode de la Reference-Value incluse dans Thésaurus-Bercy. Société Reference Value En M En /action Capitalisation boursière en M Valeur boursière Cours de bourse en /action Ecart RV/Cours de bourse 1 Total S.A , ,5 42,4% 2 LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton , ,0 97,3% 3 Sanofi S.A , ,6 56,5% 4 L'Oreal S.A , ,8 84,0% 5 GDF Suez S.A , ,5 102,3% 6 Danone S.A , ,6 119,5% 7 Electricite de France S.A , ,3 81,6% 8 BNP Paribas S.A , ,2 5,5% 9 Schneider Electric S.A , ,8 90,7% 10 AXA S.A , ,8 76,3% 11 France Telecom , ,0 62,9% 12 Air Liquide S.A , ,9 55,6% 13 Societe Generale S.A , ,8 120,9% 14 Vivendi , ,8 122,4% 15 ArcelorMittal , ,2 31,8% 16 Pernod Ricard S.A , ,0 20,4% 17 Credit Agricole S.A , ,6 112,6% 18 Renault S.A , ,7 111,1% 19 Compagnie de Saint-Gobain S.A , ,1 27,8% 20 Vinci S.A , ,4 5,8% Fig 25: Classement des entreprises du CAC 40 établi selon leur capitalisation en Reference Value en M (au 7 mars 2012, clôture de la Bourse) 38

39 III Adaptation de cette méthode aux activités non marchandes et à l économie sociale et solidaire III.1 Quelle est la vraie valeur des activités non marchandes? La question de la valorisation des activités non marchandes reste un sujet peu ou mal traité de nos jours. Si de nombreux outils existent pour calculer le rendement d entreprises et d actifs du secteur marchand, il n y en a que très peu voire aucun qui soit régulièrement appliqué au secteur non marchand (administrations, associations, etc). Cela vient du fait que toutes les méthodes de valorisation sont adossées directement ou indirectement à la génération de profits: les actifs marchands ou les entreprises valent les profits qu ils vont générer dans le futur. Comme les activités non marchandes ne génèrent pas de profit, ces méthodes sont inapplicables. L approche de valorisation utilisée est donc celle des coûts historiques: les actifs et personnes morales du secteur non marchand valent ce qu ils ont coûté. C est très frustrant car intuitivement, nous savons tous que les goodwills et badwills observés dans le secteur marchand existent partout ailleurs: telle association produit beaucoup de richesse alors que telle autre en détruit. En outre, l approche par les coûts donne à ces acteurs économiques une image négative de consommateurs de ressources dont la production est impalpable et peut-être absente. On les appelle des «centres de coûts» et on les considère souvent comme des maux nécessaires voire comme des sources de gaspillage. Beaucoup de projets de développement durable ont également cette image. Est-ce fondé? Le présent chapitre explore ces sujets et propose une réponse pratique. Il résulte de 10 années de mesures et d expérimentation sur le terrain. Il combine une méthodologie largement inspirée de la mesure des coûts évités (méthode popularisée par la loi américaine PURPA (Public Utility Regulatory Policies Act) en et une seconde fondée sur la mesure de la valeur immatérielle (Thésaurus-Bercy). Il expose une approche pratique qui permet : 1. d établir un compte de résultat étendu au sein duquel tous les coûts mais aussi tous les bénéfices produits par une organisation sont financiarisés, en supprimant, au moment du calcul, toutes les frontières de temps et d espace. 14 Public Utility Regulatory Policies Act (PURPA),

40 2. D autre part de calculer la valeur d une organisation non marchande. La méthode est complètement exposée sur un plan théorique puis appliquée à des organisations réelles dans l article «Proposition d une méthode de mesure de la création de valeur des organisations de l économie sociale et solidaire grâce au capital immatériel» (Fustec, 2011) 15. La présente section en présente une synthèse théorique et l applique à une association existante mais dont nous tairons l identité. III.2 Méthode de calcul La méthode Thésaurus-Bercy, précitée, ainsi qu une méthode de mesure de la performance économique globale d une activité sont nécessaires dans ce contexte. La Méthode de calcul de la performance économique globale est décrite ici. Pour de nombreuses activités en entreprise (centres de coûts) comme pour de multiples activités à but non lucratif parmi lesquelles celles de l économie sociale et solidaire, les coûts sont visibles et faciles à collecter, les bénéfices éventuels sont, en revanche, cachés et difficiles à mettre en évidence. La méthode permettant de calculer la performance économique globale d une activité donnée porte le nom de Thésaurus-RBC : Recherche de Bénéfices Cachés 16. Elle combine l approche financière dite «méthode des coûts évités» et une technique de brainstorming permettant de découvrir les bénéfices cachés d une action. 1 Identification de actions engagées: réponse à la question «quoi» 2 Collecte des surcoûts totaux associés (réponse à la question «combien») 3.1 Pour chaque action, inventaire des raisons de l avoir retenue (réponse à la question «pourquoi») 3.2 Tentative de quantification d une raison (réponse à la question pourquoi de façon quantitative) Succès: sujet quantifiable Echec: sujet non quantifiable ou données indisponibles: recherche d une autre raison 4 Financiarisation de la réponse 3.2 (réponse Recherche d autres à la question combien pour la retombée) retombées de la même caractéristique 5 Bilan économique : Retombée Coûts engagés Passage à la caractéristique suivante Fig 26 : le synoptique de la méthode Thésaurus-RBC 15 Livre : «Management des Entreprises de l Economie Sociale et Solidaire», De Boeck Méthode mise au point et utilisée par le cabinet Goodwill-management. 40

41 Les étapes 1 et 2 de cette méthode sont très simples à mettre en œuvre: il s agit de définir l action et de collecter les coûts qui ont été engagés pour la conduire. La phase de fouille/brainstorming commence en phase 3.1: les responsables des travaux étudiés cherchent à définir la liste des bonnes raisons qui ont conduit à mener ces actions. La question qui leur est posée est très simple: «Pourquoi faites-vous cela? A quoi cela peut-il bien servir? Quel en sont les intérêts, du plus évident au moins probable? Donnez-nous dans un premier temps des réponses qualitatives». Une fois la phase 3.1 engagée, l évaluateur passe en phase 3.2 au cours de laquelle il cherche à quantifier les retombées. S il trouve des données quantitatives, il passe en phase 4 et calcule les coûts évités ou les bénéfices obtenus grâce aux données quantitatives: c est la phase de financiarisation. Enfin, en phase 5, le bilan économique est établi: la différence entre l économie réalisée et le coût de l action permet d établir le bénéfice. Pour une étude donnée, le processus RBC s arrête lorsque le montant des retombées financiarisées est supérieur ou égal aux coûts engagés. Dans ce processus, la phase de recherche de tous les intérêts des actions engagées est primordiale (phase 3.1) car il arrive souvent que le mobile principal ne puisse pas faire l objet d une quantification et donc d une financiarisation. Ce sont alors des retombées secondaires qui produisent les bénéfices. C est le cas dans l exemple ci-dessous. III.3 Application à un cas L association «Les Compagnons du voyage» œuvre dans le domaine de l économie sociale et solidaire à deux titres: d une part, elle aide des clients, présentant un déficit de mobilité, à utiliser les transports en commun. D autre part, ses collaborateurs sont des personnes en insertion. Ainsi, les salariés de l association accompagnent-ils leurs clients (de porte à porte), dans leurs voyages, en utilisant les transports en commun (métro, train, bus). En 2009 (bilan effectué en 2010 sur la base des chiffres 2009): 526 enfants en rupture sociale (enfants confiés à des familles, parents divorcés ), 232 enfants handicapés et 238 particuliers (personnes âgées, majeurs handicapés ) ont bénéficié des services de l association. Pour équilibrer ses comptes, l association a bénéficié pour l année 2009 d une subvention des deux transporteurs RATP et SNCF de La directrice de l association, Mme Chantal Couprie a souhaité mener une étude montrant la performance économique de son activité, notamment pour apporter 41

42 la preuve à ses sponsors que l opération était économiquement intéressante pour eux autant que pour la société civile. Deux types de bénéfices importants ont pu être mis en évidence. D une part, les Compagnons du Voyage apprennent aux jeunes handicapés qu ils aident, à devenir autonomes dans les transports en commun. En moyenne, cela prend 2 ans. Ainsi, chaque année, grâce aux Compagnons du Voyage, des nouveaux clients réguliers des deux transporteurs apparaissent. Si cette association n existait pas, ces personnes ne deviendraient pas des clients réguliers. Leur nombre augmente tous les ans. En prenant en compte le revenu, pour la SNCF et la RATP, que ces clients ont produit en 2009, il est apparu que l activité était très rentable (396 K / an). Calcul de la rentabilité pour les transporteurs de l'activité des compagons du Voyage Montants en K. En 2009, les compagnons du voyages ont rendu 76 enfants handicapés autonomes dans les transports (qui sont dévenus des clients réguliers de la SNCF et de la RATP). Sur les 10 années passées 766 enfants sont dévenus clients réguliers. Ils ne prendraient pas les transports en commun sinon le calcul du CA généré découle des statistiques de côut moyen des transport en commun d'un usager RATP SNCF en ïle de France Rapplel du montant de la subvention RATP SNCF 920 Chaque année cette rentabilité augmente : effet cumul Slode 396 Fig 27 : Calcul de la rentabilité de l activité des Compagnons du Voyage pour ses sponsors En second lieu, les Compagnons du Voyage emploient des personnes en insertion, ce qui coûte moins cher à la société civile qu un chômeur. Le coût évité pour la société civile a été calculé. Il était de 600 K par an au moment du bilan. Le bilan global de la création de valeur des Compagnons du Voyage est donc de 996 K par an. Les Compagnons du Voyage coûtent donc à leur sponsors 920 K par an et génèrent un excédent économique cumulée minimale de 996 K par an. C est une retombée nette, tous coûts déduits. Un euro investi dans cette association se traduit donc par 2,08 euros de retombées et 1,08 euros d excédent net qui s apparente à un cash-flow. Cette retombée n est comptabilisée nulle part. L association des Compagnons du Voyage était considérée en 2010 tant par la SNCF que par la RATP comme un centre de coûts. III.4 Interprétation des résultats Dans ce type d étude, la différence entre les bénéfices et les coûts est toujours établie d une part pour le sponsor de l action mais aussi pour la société civile. Il en résulte 4 cas: 42

43 1 l action rapporte plus qu elle n a coûté au sponsor et rapporte aussi à la société civile. Il y a donc création de valeur globale (c est le cas des Compagnons du Voyage). 2 l action rapporte plus à la société civile qu elle n a coûté au sponsor mais ses retombées pour le sponsor ne sont pas chiffrables (déficit apparent pour lui). Il y a donc a minima création de valeur transférée (en première approche, le bénéficiaire n est pas le financeur) 3 l action rapporte au sponsor plus qu elle ne lui coûte mais ne rapporte rien de chiffrable à la société civile. Il y a donc ici création de valeur tangible pour le sponsor et intangible ou nulle pour la société civile 4 l action ne rapporte rien de chiffrable: la création de valeur pour le sponsor et la société civile est alors intangible, nulle ou négative. Le premier cas est bien sûr le plus recherché car il montre une création de richesse mesurable pour tous y compris pour le sponsor. Dans ce cas, l action est bonne, à la fois pour des raisons éthiques et économiques. Elle est donc pérenne. Dans le second cas, la création de richesse est avérée pour la société civile mais pas pour le sponsor. Il y a ici une fragilité de l action à long terme. Le troisième cas présente de bonnes conditions de pérennité mais doit faire l objet d un questionnement sociétal: est-ce bien utile pour la société civile? Dans le dernier cas, les chiffres sont absents ce qui rend l interprétation des résultats de l action difficile et la pertinence de l action sujette à caution. On peut dans ce cas être enclin à penser qu il y a gaspillage. Par exemple, dans le cas d une action de lutte contre les addictions qui ne produirait pas de résultat (les bénéficiaires ne sortent pas de leurs addictions), il faudrait se poser ce type de question. Cependant, une absence de retombées chiffrée ne doit pas être interprétée comme un échec de l initiative ou comme la traduction d une mauvaise décision: en toute connaissance de cause, un décideur peut poursuivre une action non rentable. Les intérêts qu il y a d agir ne sont pas toujours financiers. Par exemple, le bilan économique global de la prise en charge de jeunes enfants issus de milieux défavorisés dans le but de leur éviter à l adolescence de devenir délinquants n est peut-être pas financiarisable (effets à trop long terme). En déduire que cela ne sert à rien serait pour autant hâtif. En synthèse, ces bilans économiques sont une aide la décision précieuse : «Telle action sociale et solidaire est créatrice de valeur: poursuivons», «Le bilan est négatif: ne pourrions-nous pas obtenir mieux avec les mêmes moyens en changeant un peu notre façon de faire»? 43

44 «le bilan est négatif : sommes-nous sûrs que nos ressources ne seraient pas mieux employées dans un autre champ de l économie sociale et solidaire?», etc. Ces considérations sont impossibles sans chiffres. Enfin, lorsque l action présente un bilan économique positif, le «défi comptable et financier» s arrête. L argument financier qui serait de nature à interrompre le projet ou le programme concerné disparaît. C est un atout énorme pour l économie sociale et solidaire. III.5 Calcul effectif de la valeur de l association citée en exemple III.5.1 Intérêt universel de la cotation extrafinancière des actifs immatériels Que l acteur économique œuvre ou non dans le domaine marchand, une cotation extra-financière de ses actifs immatériels est souhaitable. Tous gagneraient à identifier les points de force et de fragilité de leurs actifs immatériels puisque ceux-ci sont des facteurs de production de richesse. Ce genre de cotation permet, en effet, de corriger les points faibles et maximiser la performance globale. Par ailleurs, pour établir la valeur économique de l association des Compagnons du Voyage, une évaluation extra-financière de son capital immatériel eût été nécessaire. Ce ne fut pas le cas mais imaginons une note globale de 13/20. III.5.2 Identifier des Acteurs Economiques Efficients (AEE) Un acteur économique efficient est ici défini comme une organisation qui produit, par un moyen ou par un autre, et sans limites de frontières, des retombées financières chiffrables supérieures aux coûts et investissements engagés. C est le cas de notre exemple. La mesure de la performance économique découlant de la méthode RBC (méthode basée sur les flux) permet de mettre en évidence que les acteurs du secteur non marchand peuvent être des acteurs économiques efficients. Mais pourrait-on alors donner une valeur économique à ces acteurs? 44

45 III.5.3 Etablir la valeur des acteurs du secteur non marchand. Dans le domaine de la valorisation des organisations, il existe aujourd hui deux approches. L intérêt principal du présent chapitre est d en introduire une troisième. Pour établir la valeur d une organisation qui produit un excédent économique, les méthodes utilisées consistent à estimer la capacité de l organisation à perpétuer la production de l excédent dans le futur et à y rajouter éventuellement une valeur terminale (méthode du multiple du résultat d exploitation, du multiple de l EBE, méthodes des cash-flows futurs actualisés, etc). Lorsqu elle existe, la valeur terminale correspond, soit à un excédent résiduel au-delà de l horizon du calcul explicite, soit à une valeur d actif résiduel qui subsisterait à terme (valeur d un bâtiment, d un terrain qui ne serait pas totalement déprécié à la fin de la période de projection). Lorsque les organisations ne gagnent pas d argent, la méthode de valorisation (comptabilité publique) consiste à faire la somme des coûts historiques des actifs: l organisation a une valeur comptable égale à la valeur résiduelle, compte tenu des amortissements, des actifs que la comptabilité reconnaît: les immobilisations, les actifs circulants et quelques actifs incorporels. La prise en compte du capital immatériel pourrait inciter à proposer un bilan étendu prenant en compte pour ces organisations non seulement le coût historique des actifs comptables mais aussi les autres: valeur des équipes, des marques, de l organisation, etc. en utilisant les mêmes techniques de valorisation: prise en compte des coûts historiques et calculs de dépréciation. Il y a quelques arguments pour cela. Par exemple, dans le domaine de la santé, la marque «Necker» a une renommée mondiale. et donc beaucoup de valeur. Mais l application, en aveugle, d une telle option produirait des résultats erronés. En effet, toute organisation, efficace ou pas, efficiente ou pas, dès lors qu elle se trouverait en situation d accumuler les actifs coûteux aurait beaucoup de valeur. Tout investissement, pertinent ou non serait ainsi synonyme de valeur! La formule proposée ici est plus réaliste parce que plus prudente. Elle se décompose en 3 phases : 1 établir l efficience économique de l organisation par la méthode RBC. Nous avons vu que l association prise en exemple produit un excédent économique positif. Il est égal à la rentabilité pour les sponsors à laquelle s ajoute la rentabilité pour la société civile. Cet excédent peut être assimilé à un cash-flow que nous appellerons ECF (Equivalent Cash-Flow) 45

46 2 établir l état (notation extra-financière) des actifs matériels et immatériels de l entreprise c'est-à-dire l état de tous les facteurs de production de cet équivalent cash-flow. 3 Calculer la capacité de l organisation à produire des ECF dans le futur en appliquant une méthode des cash-flows futurs actualisés (DCF) aux Equivalents Cash-flows. Nous avons mis au point cette méthode que nous appelons IDCF (Intangible Discounted Cash-Flow). Selon cette approche, l ECF est actualisé en utilisant un taux alternatif au WACC que nous appelons l ICC (Intrinsic Cost of Capital). L ICC est d autant plus bas que les paramètres ci-dessous sont bons : La santé financière de l organisation, La qualité de son capital immatériel, La pertinence de sa stratégie, Son contexte macro-économique, Selon la formule de l ICC présentée dans Thésaurus-Bercy et compte tenu de la note obtenue pour l association au titre de son capital immatériel (13/20), l ICC de l association s établit à 12,9 %. Sa valeur, compte tenu d un ECF de 996 K s établit à 8,9 M. Ainsi, une association qui coûte 920 K par an à la SNCF et à la RATP et qui réalise de l accompagnement porte-à-porte de personnes à mobilité réduite, produit un excédent économique actuel de 996 K et a une valeur globale pour la collectivité de 8,9 M. III.5 Généraliser la méthode IDCF à l ensemble du secteur non marchand Grâce à cette méthode, la valeur économique de toute organisation à but non lucratif: un hôpital, une association de lutte contre la délinquance, une crèche, etc, peut être établie. Notons que cette approche répond exactement à la définition de la valeur partagée (ou Shared Value) de Mickaël Porter 17. «Shared value means creating economic value in a way that also creates value for society by addressing its needs and challenges. Businesses must reconnect company success with social progress. Shared value is not social responsibility, philanthropy, or even sustainability, but a new way to achieve economic success. It is not on the margin of what companies do but at the center. 17 Michael Porter et Mark R. Kraemer: Created shared value, Harvard Business Review, Janvier Voir aussi Marc Mousli : La valeur partagée, un nouveau concept de Michael Porter, alternative économique, Janvier

47 L article précise également: «The concept of shared value can be defined as policies and operating practices that enhance the competitiveness of a company while simultaneously advancing the economic and social conditions in the communities in which it operates. Shared value creation focuses on identifying and expanding the connections between societal and economic progress. The concept rests on the premise that both economic and social progress must be addressed using value principles. Value is defined as benefits relative to costs, not just benefits alone. Value creation is an idea that has long been recognized in business, where profit is revenues earned from customers minus the costs incurred. However, businesses have rarely approached societal issues from a value perspective but have treated them as peripheral matters. This has obscured the connections between economic and social concerns.» Généraliser ces mesures serait précieux car cela permettrait de savoir quelles entités non marchandes produisent de la richesse et quelles entités n en produisent pas Remarque importante réitérée: ne perdons toutefois jamais de vue que l efficience économique ne doit pas être le seul critère de décision pour les activités non marchandes. La pertinence d un service public ne saurait se confondre avec son efficience économique : si l on envisage aisément qu une association de prévention du Sida puisse avoir une efficience économique positive (coûts médicaux évités par un moindre nombre d individus contaminés), il est bien plus difficile d envisager un tel bilan, par exemple, pour une activité de loisirs destinée à des personnes atteintes de la maladie d Alzheimer. L efficience économique ne peut donc être le seul critère d établissement d une politique publique. Elle est cependant une aide puissante à la décision : Tant que la raison éthique et la raison économique peuvent se combiner positivement, la situation est idéale car cela permet d économiser des ressources collectives (qui sont rares par définition). L action est donc pérennisée. Si une activité non marchande, qui devrait être efficiente, ne l est pas, il faut en revoir les modalités ou l arrêter. IV Mesure de la valeur dans d autres domaines et notamment dans le domaine du bâtiment IV.1 Quel serait l intérêt de ces mesures? Nous avons vu dans les sections précédentes que pour les entreprises et les personnes morales du secteur non marchand, la mesure du capital immatériel était devenue un acte de management majeur capable de révéler une valeur importante totalement sous-estimée ou au contraire de corriger des surévaluations perçues. Les intérêts de ces mesures sont toujours les mêmes: 47

48 se tromper moins au moment d une transaction. Eviter, suite à une valorisation erronée qu il y ait un gagnant et un perdant. Identifier les forces et les faiblesses de l actif afin de l améliorer. Souvenons-nous qu avec le même montant d investissement on peut construire un bâtiment magnifique et bien conçu ou au contraire produire un immeuble bourré de défauts. Il y a donc du goodwill sur les bâtiments autant que sur les entreprises. IV.2 Mesurer la vraie valeur d un actif immobilier: un mouvement actif Pour le secteur de l immobilier, une vérité première découle de cette analyse: ce qui fait la valeur d un immeuble serait donc immatériel. Partant de cette hypothèse, depuis quelques années, des professionnels de l immobilier dont Gecina mais aussi Bouygues, Sercib et Unibail ont commencé à mesurer l immatériel de leurs actifs pour mettre en évidence leur vraie valeur de façon plus claire. La méthode utilisée consiste, en premier lieu, à identifier les caractéristiques du bâtiment qui offrent des avantages économiques à l occupant. Dans un second temps, l impact de ces caractéristiques, sur la valeur de l actif, est déduit. En effet, si un bâtiment est économiquement avantageux pour celui qui l occupe, son délai de commercialisation est plus réduit, son taux de vacance est plus faible, son loyer peut être un peu plus élevé, etc et tous ces éléments ont une influence positive sur la valeur de l actif telle que calculée par la méthode des cash flows futurs actualisés. Dans la présente section, nous présentons la liste des caractéristiques qui offrent des avantages économiques pour l occupant et illustrons, d un exemple, les calculs que l on peut faire à leur sujet. Ce sont des critères immatériels qui font que la valeur des bâtiments est elle-même très immatérielle. Dans le domaine du bâtiment tertiaire, nous avons identifié, à ce jour, 4 grands critères de valeur immatérielle: 1. La conception fonctionnelle du bâtiment (s agit-il d un bâtiment où il fait bon travailler et qui optimise la productivité de ses occupants?) 2. sa conception technique (est-ce notamment un bâtiment écologique, durable, sobre en énergie, etc) 3. L emplacement du bâtiment. 4. Et enfin son esthétique qui est sa caractéristique la plus immatérielle. Si nous rencontrons à ce jour quelques difficultés pour établir la part de l esthétique dans la valeur d un bâtiment, notamment en raison du caractère 48

49 subjectif de cette dimension, nous avons en revanche conçu des modèles de valorisation fiables pour les trois autres critères. IV.3 Comment calculer les avantages immatériels d un immeuble pour son occupant? A nouveau la méthode RBC (Recherche des Bénéfices Cachés), présentée au chapitre précédent, est utilisée ici. La phase 1 de la méthode, appliquée à un bâtiment donné, permet de dresser la liste de toutes les caractéristiques immatérielles du bâtiment. Puis, le bilan économique de ces caractéristiques s établit pour partie de façon très simple, grâce à des calculs de coûts évités et de coûts. Mais certaines options de construction ont un impact sur la productivité des salariés. La méthodologie intègre donc également un modèle permettant de mesurer les variations de productivité et leur impact sur le compte de résultat. Enfin, l effet de la localisation du bâtiment, en fonction des lieux de vie des salariés, implique des calculs d optimisation d implantation dans un réseau (calculs de barycentre). IV.3.1 La conception fonctionnelle La modernité de la conception fonctionnelle et la prise en compte des exigences de la responsabilité sociale dès la conception du bâtiment ont des retombées économiques positives pour l occupant. Nous avons identifié 6 caractéristiques principales ici: 1. La dimension sociale du bâtiment couvre les options de conception et d aménagement qui rendent plus ou moins facile la socialisation, le travail en équipe, la formation des salariés et la communication interne. Tout ceci influe sur l efficacité au travail. 2. L impact du bâtiment sur la santé et la sécurité des salariés est un second critère issu de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Les risques de chute (sols glissants, escaliers mal éclairés ) sont ici étudiés, de même que la qualité de l air, etc. Notons, par exemple, que la qualité de l air a un impact sur les arrêts de travail: 15 % d entre eux, aujourd hui, dans le tertiaire, sont liés à des pathologies respiratoires propagées par des systèmes de climatisation peu performants Au titre du confort de l espace de travail, il est établi que les niveaux de bruit 19, de luminosité 20, l esthétique du cadre de travail 21, la vue sur l extérieur 22, la capacité offerte aux salariés de régler eux-mêmes leurs paramètres de confort 23 (thermique, lumineux ), ont des impacts mesurables 18 Joseph J. Romm, 1999, «Cool companies: how the best businesses boost profits and productivity» et William J. Fisk et al. en Adriand Leaman, Bill Bordas, 1999, «Productivity in buldings : the killer variables» 20 Greg Kats, 2003, The cost and financial benefits of green buildings 21 Michael Brill et al., 1984, Using Office Design to Increase Productivity, Workplace Design and Productivity 22 Lisa Heschong, 2002, Journal de l ASHRAE 23 Wyon, 1996, Predicting the Effects of Individual Control on Productivity 49

50 sur la productivité: les différentes publications académiques citées en référence font état de variations de la rapidité d exécution des tâches qui vont de 2 à 35 % selon que ces conditions de travail sont optimisées ou pas. 4. La conception des déplacements au sein du bâtiment est une autre source d efficacité: se repère-t-on aisément dans le bâtiment ou peut-on s y perdre? Accède-t-on aisément à l air libre, par exemple pour pourvoir fumer une cigarette ou cela entraine-il un déplacement assez long? Est-il aisé et rapide d accéder à des espaces de détente, aux toilettes, aux espaces de réunion, le système de gestion des ascenseurs est-il rapide ou occasionne-t-il des attentes, etc. 5. Concernant la flexibilité, il est établi qu un bâtiment équipé de monte-charges permet des emménagements nettement plus rapides et donc moins couteux. De même, l acheminement des réseaux VDI, de la climatisation, de l éclairage, etc, par les planchers et plafonds génère des gains précieux de temps lors des réorganisations d espace. Ce point est d autant plus important que chaque année, dans les grandes entreprises, un tiers des salariés sont amenés à changer de bureau 24. L intégration dès la conception d un système de gestion flexible de cloisons et d une gestion technique centralisée performante permet également des gains précieux de temps et d argent au quotidien par la suite. 6. Enfin l accès du bâtiment aux réseaux électriques et de télécommunication influe sur la performance des occupants: le haut débit et la fibre optique accroissent les vitesses de télécommunication. L accès à deux réseaux électriques autonomes alimentés par deux centrales différentes est également un facteur de réduction des risques de coupure de courant, etc. IV.3.2 Conception Technique du bâtiment. Le 2 ème groupe de paramètres concerne les caractéristiques techniques. Plusieurs d entre-elles ont également un impact économique. Nous en avons ici recensé quatre: 1. La performance thermique, les choix effectuées pour les sources d énergie et les choix effectués pour les appareils consommant de l énergie: climatisation/chauffage, éclairage, eau chaude influent fortement sur la facture énergétique, 2. La sobriété du bâtiment en terme de consommation d eau est également une source limitée mais réelle d économies, 3. La durabilité des équipements, des matériaux et des systèmes de maintenance influe par ailleurs sur le coût global d exploitation du bâtiment à long terme, 4. Enfin, le fait de se fixer, pour un bâtiment donné, des objectifs ambitieux sur le plan environnemental et notamment thermique, qui vont nettement audelà de la règlementation actuelle, est une option d anticipation sur la règlementation future. Elle réduit les risques d éco-rénovations futures rendues obligatoires par des durcissements réglementaires. Or quand elles ont lieu, ces rénovations sont très perturbantes pour les occupants et leur font perdre du temps et de la productivité. 24 Estimation Sercib 50

51 IV.3.3 L emplacement Le 3 ème groupe de paramètres concerne le lieu d implantation du bâtiment. Nous mesurons que lorsqu une entreprise décide de s implanter à grande distance des zones de vie de ses salariés, par exemple pour faire des économies de loyer, elle peut perdre des collaborateurs à cause du temps de transport additionnel (certains déménagements peuvent entrainer jusqu à 20 % de départs) 25. En outre, d après l enquête réalisée en 2010 par le cabinet de conseil Technologia spécialisé en prévention des risques professionnels 26, les conditions d'utilisation des transports en commun sont sources de fatigue et d'altération de la santé pour plus de 90% des salariés d ile de France, qui reconnaissent également l effet des conditions de transport sur les risques de retard. La centralité du bâtiment, si elle a un coût (loyer plus cher) peut donc aussi avoir des avantages économiques: elle limite les frais de transports, atténue le stress et la fatigue. La distance qui sépare le bâtiment d un nœud de transport en commun entraine, en outre, si elle est importante, des pertes de temps de travail et de la fatigue pour les salariés. Par exemple, la mise en place d un service de navette peut avoir pour conséquence d augmenter de 50% le montant des charges d exploitation d un immeuble 27. Le sentiment de sécurité ou d insécurité qu inspire le quartier a également une influence sur le bilan économique du bâtiment. Par exemple, certaines entreprises occupant des bâtiments neufs de bureaux construits ces dernières années à Saint Denis ont décidé de renforcer leur service d agents de sécurité afin d accroitre le sentiment de sécurité de leurs salariés, notamment le soir. Ce qui représente un coût supplémentaire. Par ailleurs, le degré d urbanisation de l environnement immédiat du bâtiment (cafés, restaurants, commerces ) a un impact économique pour l entreprise qui occupe le bâtiment: les salariés ayant de nombreux services à proximité de leur lieu de travail ont moins besoin de s absenter pendant les heures de bureau ou de rogner sur celles-ci pour des raisons domestiques. Au niveau économique, la centralité apporte enfin des services qui sont délivrés par le quartier plutôt que par le bâtiment lui-même (distributeur, poste, restauration, conciergerie, salle de sport, crèche ) ce qui libère des mètres carrés d espace de travail. 25 Sandrine Chauvin, 2010, Réduire les coûts ne doit pas être la seule motivation pour un déménagement d'entreprise, Capital.Fr 26 M. Bouéroux, B. Pellé, G. rimbert, J.C. Delgènes, 2010, Etude d impact des transports et commun de region parisienne sur la santé des salaries des enterprises, Cabinet Technologia. 27 Goodwill-management 2011, Etude des charges sur un immeuble de bureau à plus de 500 m d un moyen de transports ferré 51

52 IV.4 Démarche pratique : le cas du Bâtiment de Gecina Pointe Métro 2 IV.4.1 Choix d un actif de référence L établissement d un bilan économique de tous ces avantages immatériels consiste à comparer poste à poste le bâtiment que l on étudie avec un bâtiment théorique de référence ou avec un bâtiment réel qui est une alternative possible pour l occupant. Si le bâtiment est neuf, l actif théorique de référence présente les caractéristiques moyennes de conception des bâtiments neufs du territoire. S il s agit d une rénovation, la comparaison se fait par rapport au même bâtiment qui aurait été rénové selon les prestations moyennes observées sur le territoire. Nous présentions ci-dessous une illustration des caractéristiques comparées du bâtiment Pointe Métro 2 de Gecina et d un bâtiment concurrent. Indicateurs Bâtiment Pointe Métro 2 Concurrent Lieu Accessibilité Rue Henry Barbusse, Gennevilliers Métro 13, station Gabriel Péri (pied de station) Métro 13, station Gabriel Péri (3 minutes de marche) Livraison 3 décembre 2012 Livré Surface utile (m²) Surface bureaux (m²) Nombre d occupants Loyer ( /m²) Certifications HQE Construction HQE Exploitation Labels BBC - Architecture Moderne, «aéré» et lumineux, jardin, bureaux en premier jour profondeur plateaux 18m, R+5 Brique et vitres, Massif avec patios, bureaux en premier jour, profondeur plateaux 12 à 18m, R+6 Conso énergétique (kwhep/m²) 73 Classe B (90 kwhep/m²) CVC PAC air/air, Poutre climatique statique Groupe frigorifique, Poutre climatique dynamique Monte-charge 2 4 (1) Adaptabilité agencements Faux planchers, faux plafonds, 2 trames 1m35 Faux planchers, faux plafonds Trames 1m35 Isolation acoustique Classique (isolation 30dB) classique Renouvellement d air Systèmes hydrauliques Potentiel de ventilation naturelle Systèmes sanitaire hydroéconomes, limiteur de pression, récup des eaux de pluie pour arrosage, solaire Potentiel de ventilation naturelle 1 chassis ouvrant sur 2 Systèmes sanitaire hydroéconomes, limiteur de pression Figure 28 : Comparaison des caractéristiques immatérielles de Pointe Métro 2 et du bâtiment concurrent Les trois grands groupes de caractéristiques présentées dans les paragraphes précédents se combinent pour générer des bénéfices économiques pour l occupant. Ils sont de deux types : d une part des gains ou des pertes de productivité, d autre part des économies ou des frais d exploitation. 52

53 Ces gains sont à rapprocher du surcoût de loyer pour établir le bilan économique. IV.4.2 Economies d exploitation. La comparaison poste à poste d un bâtiment à forte intensité immatérielle avec un bâtiment de référence permet de mettre en évidence des écarts d exploitation. Dans le cas de la comparaison entre Pointe Métro II et son concurrent, comme le montre le tableau ci-dessous, le poste d économie d exploitation est défavorable à l immeuble de Gecina simplement parce que malgré de meilleures performances sur de nombreux postes (notamment le poste énergie) la densité d occupation au mètre carré est plus faible que dans le bâtiment servant à la comparaison. IV.4.3 Gains de productivité Pour calculer ces gains, nous avons mis au point un modèle original de mesure de la productivité des salariés qui occupent un bâtiment. La productivité est la quantité de bien ou de services produits par un salarié ou une équipe, par unité de temps ou d argent. Ainsi P = Q/T. Dans ce rapport Q est quantité de biens ou de services produite et T est le temps requis pour cette production. Par exemple, un carreleur qui pose 30 m2 de carrelage par jour est plus productif qu un carreleur qui en pose 20. Comme le coût du travail peut varier, une définition plus aboutie de la productivité est P = Q/C ou Q est la quantité de biens ou de services et C le coût du travail pour cette production. En effet, si dans l exemple ci-dessus le carreleur qui pose 30 m2 par jour à un salaire 2 fois plus élevé que son collègue, la productivité économique de ce dernier est finalement supérieure. Le schéma ci-dessous présente l arbre de productivité de notre modèle : Fig 29 : Les paramètres de la productivité qui sont impactés par les caractéristiques d un bâtiment (dans ce schéma le symbole M signifie Moyenne ; «+», somme ; «X», multiplication et «%» division. 53

54 Pour pouvoir procéder à des calculs de variation de productivité entre deux bâtiments, un examen approfondi de la littérature académique relative aux interactions entre les salariés et leur lieu de travail a été réalisé. Il en ressort que : La motivation des salariés est influencée par le cadre de travail, l urbanisation, l esthétique du quartier, la distance aux nœuds de transport en commun, la distance globale entre le lieu d habitation et lieu de travail. La sérénité des salariés (et leur niveau de fatigue mentale) est impactée par le temps de transport pour aller et revenir du travail, par le niveau de bruit dans l espace de travail, la facilité de déplacement dans le bâtiment, les services offerts par le bâtiment ou à proximité, la présence de verdure. Le bien-être physique au travail dépend de la fatigue physique liée au transport, la luminosité de l espace de travail et son origine (100 % de lumière naturelle ou pas), l esthétique du lieu, les caractéristiques d ambiance (température, ensoleillement, hygrométrie, ) et la possibilité pour l occupant de régler ces paramètres. La variation d efficacité peut être étalonnée en fonction de la variation de motivation, sérénité et bien-être physique au travail. En outre, dans ce modèle, les heures productives sont d autant plus réduites que : Les déplacements dans le bâtiment ne sont pas optimisés (nombre d ascenseurs, nombre de points d accès à l air libre, distance moyenne aux sanitaires, zones de pause, zone de restauration ) Les reconfigurations des bureaux en cas de réorganisation sont longues et font perdre du temps aux salariés Les espaces de travail en groupe (bureaux d équipes, salles de réunion, ) ne sont pas assez nombreux de sorte que les collaborateurs de l entreprise perdent du temps pour trouver les espaces nécessaires à leurs travaux. Le bâtiment est éloigné des lieux de vie de ses occupants (une partie du temps de transport empiète sur le temps théorique de travail, les risques de retard augmentent ) Enfin le coût de remplacement des salariés à leur poste augmente lorsque la distance augmente entre le lieu de vie et le lieu de travail car cela augmente le turn over. Dans le cas de la comparaison entre Pointe Métro 2 et son concurrent, on note un net avantage pour le bâtiment de Gecina pour les deux postes de productivité: celle liée à son emplacement et celle liée à sa conception fonctionnelle (voir ci-dessous). Pointe Métro 2 est donc un bâtiment où le concepteur a préféré perdre un peu sur les coûts d exploitation pour gagner nettement plus en productivité. Ce qui s avère être un pari gagnant. 54

55 IV.4.4 Le loyer Mais pour bénéficier de ces retombées économiques positives, l occupant doit parfois accepter un prix de loyer majoré à deux niveaux: A emplacement égal, un bâtiment à forte intensité immatérielle a un loyer plus élevé. Par exemple, à La Défense, le loyer d une tour de première génération est de 50 % inférieur à celui des immeubles neufs. En second lieu, l emplacement influe considérablement sur le prix de loyer: il y a, à nouveau, un écart de 50 % entre le m 2 moyen à La Défense et celui de l avenue François Mitterand à St Denis. IV.4.5 Synthèse chiffrée des bénéfices pour l occupant Type Pointe Métro 2 / Concurrent Bénéfices d exploitation Gain de productivité bâtiment Gain de productivité centralité Surcout Loyer TOTAL : surcoût - : bénéfice Environ ¼ du loyer. Figure 30: bilan économique de la comparaison entre le bâtiment Pointe Métro 2 et le bâtiment concurrent. Les gains économiques générés pour l occupant par Pointe Métro 2 sont équivalent à ¼ du loyer. Si le choix d une densité d occupation plus forte avait été fait pour Pointe Métro 2, cet immeuble serait gagnant sur tous les postes. IV.5 Conclusion Le présent chapitre avait pour but de montrer que dans le domaine du bâtiment, secteur matériel par définition, la dimension immatérielle peut être très importante. Nous pouvons en conclure que la systématisation de la mesure de l immatériel à tous les actifs dans tous les secteurs est souhaitable car cette mesure nous en apprendrait beaucoup sur la valeur véritable «des choses» dans tous les domaines. 55

56 V Mesure de la richesse et de la valeur globale de la France ou de l un de ses territoires V.1 Introduction Le PIB joue un rôle dominant dans la conception de la richesse d un pays. Ainsi, par exemple, pour comparer la richesse de 2 nations on calcule souvent le PIB par individu. Dans le présent chapitre, après un rappel rapide des composantes du PIB et de la manière d exprimer cet indicateur, quatre considérations majeures seront développées qui, naturellement, donneront naissance à des recommandations (partie III du rapport). 1. Le PIB est très immatériel mais sa mesure fondée sur les coûts est réductrice, 2. Le PIB ignore de nombreuses richesses produites chaque année. Il y a donc une production de richesses extra-comptables, immatérielles qui ne sont prises en compte nulle part, 3. Le PIB comptabilise de la richesse qui n en est pas, ce qui trompe l analyste ou le décideur sur la situation du pays ou du territoire, 4. Le PIB est une mesure de flux mais nous n utilisons pas assez les mesures de stock de richesse du pays qui par ailleurs sont incomplètes. Nous dresserons une liste de conséquences que cette situation produit avant de procéder aux recommandations (partie III). V.2 Rappel de ce que mesure le PIB Le PIB est un agrégat macro-économique dont la vocation est de mesurer ce qu un pays produit en une année. Sa formulation la plus courante est la suivante : Dans cette formule : Le poste «consommation finale» correspond à tout ce que les ménages achètent pendant une année. La consommation intermédiaire (par exemple les achats et les ventes entre entreprises) n est pas prise en compte parce que la valeur de ces échanges se trouve déjà dans la valeur de la consommation finale. Le poste «investissements» correspond aux investissements publics et privés et aux variations de stock. 56

57 Les dépenses publiques incluent tout ce que les organismes publics dépensent pour assurer les services dont ils ont la charge. Par exemple, le budget de l éducation nationale, de la police et des hôpitaux s y trouvent Enfin le solde en valeur des exportations diminuées des importations entre dans la formule. L optique de la valeur ajoutée : La valeur ajoutée se définit pour une entité économique (publique ou privée) comme la différence entre la valeur de sa production et la valeur de sa consommation intermédiaire. A l échelle du pays, le PIB peut aussi s exprimer comme la somme de toutes les valeurs ajoutées Cette présentation est très intéressante, elle permet de bien comprendre que la PIB est un indicateur de la richesse créée (valeur ajoutée) par un pays en une année. V.3 La composition du PIB est très immatérielle. En analysant les grands postes du PIB de la France nous arrivons à la conclusion qu en 2012, le PIB est immatériel aux deux tiers. Pour parvenir à cette estimation nous sommes partis de l équation ci-dessous et l avons décomposée un peu plus : En effet, la consommation finale est composée de 3 postes : la consommation brute des ménages, la dépense de consommation finale individualisée des administrations publiques qui correspond à la consommation par les ménages de services financés par l état (santé, éducation, ), la dépense des ISBLSM (institution sans but lucratif au service des ménages) Les autres dépenses de l Etat sont imputées, dans l équation ci-dessus, aux «dépenses publiques», que les ménages ne consomment pas (justice, défense, police, administration générale ) Nous allons détailler la composition du PIB avec les variables suivantes : DCE = Dépense de consommation effective (= CBM + CFIAP + ISBLM) CBM : Consommation Brute des Ménages CFIAP : Consommation Finale Individualisée des Administration Publiques ISBLSM : Institution Sans But Lucratif au Service des Ménages 57

58 ADE : Autres Dépenses de l Etat IPU : investissement Public IPR : Investissement Privé VR : Variation de Stock EXP : Exportations IMP : Importations Ainsi a-t-on : Cette égalité peut être transformée pour faire apparaitre, au niveau de la macroéconomie française, un poste «Ressources» et un poste «Emploi». Cela nous sera nécessaire pour calculer le poids de l immatériel dans le PIB de la France. On a : Sur la base de ces équations, nous présentons ci-dessous un «éclaté» du PIB 2012 à partir des chiffres de l INSEE Montant en Milliards d'euros En % Immatériel PIB = 2032 part poids = DCE = 1500 = CBM = 1129 = Biens alimentaires à domicile 183,80 9,0% 50,0% 4,5% 16,3% + Biens manufacturés 290,96 14,3% 50,0% 7,2% 25,8% + Energie 83,22 4,1% 20,0% 0,8% 7,4% + Services hors loyers 362,97 17,9% 80,0% 14,3% 32,1% + Loyers 208,17 10,2% 10,0% 1,0% 18,4% + ISBLSM 42 2,1% 80,0% 1,7% + CFIAP ,2% 80,0% 12,9% + ADE 174 8,6% 80,0% 6,9% + IPR ,4% 10,0% 1,6% + IPU (iinvest. IBNLSM inclus) 68 3,3% 5,0% 0,2% + VR 1 0,0% 0,0% + EXP ,4% 50,0% 13,7% - IMP ,6% 50,0% Part d'immatériel au niveau du poste "emplois" en France 64,8% Fig 31 : «Eclaté» du PIB Français en 2012 Nous avons ensuite, pour chaque poste, estimé assez approximativement la part de la consommation qui est matérielle et la part immatérielle. Par exemple, lorsque l on étudie la part du matériel dans le prix d une chaussure, il ressort qu environ 50 % du prix est immatériel (voir figure suivante). Ainsi constate-t-on que le PIB Français est immatériel à plus de plus de 60 %. 58

59 Fig 32 : décomposition du prix d une chaussure de Sport Cette figure montre que cette chaussure Nike est immatérielle à 50% environ: le matériel est représenté par la matière première, les coûts de main d œuvre (usine), les coûts matériels chez Nike (bureau, entrepôts ), et par les coûts matériels de distribution. La part immatérielle est liée à la R&D, au marketing et à la publicité, du manufacturier et du distributeur, au service d acheminement du produit et au service de vente. Ce travail d estimation a été réalisé pour les grands postes du PIB (ce n est à ce stade qu une estimation mais il faudrait conduire un travail de mesure avec précision). Le résultat est le suivant : Biens alimentaires à domicile : 50% Biens manufacturés : 50% Energie : 20 % Services hors loyers : 80 % Loyers : 10 % ISBLSM : 80 % CFIAP : 80 % ADE : 80 % IPR : 10 % IPU : 5 % VR : 0 % EXP : 50 % Compte tenu du poids de chacun de ces postes dans les «Emplois» de la comptabilité nationale, il ressort que cet agrégat est immatériel aux 2/3 environ. On a donc l équation suivante: (L indice i signifiant immatériel) En 2012, on sait que 66% des emplois représentent 1738 Ma. Nous prenons, par ailleurs, pour hypothèse que la part de l immatériel dans les importations est 59

60 comme pour les exportations de 50 % (il y en a moins que dans le PIB car on exporte moins les services) On a donc un immatériel dans les importations de 602 Ma/2 = 301 Ma Ainsi le PIB immatériel = = 1437 Ma soit 70 % du PIB Par prudence, nous garderons un poids de l immatériel dans le PIB à environ 2/3 du total. Ceci nous permet de constater que le PIB prend en compte de nombreux éléments immatériels et notamment: la création et le développement du capital humain, c est-à-dire les dépenses de santé, de sécurité et d éducation, Le capital client: un petit PIB signifie une petite demande, un gros PIB une grosse demande, Il prend aussi en compte le capital de marque et le capital de savoir car le niveau des exportations représente l attractivité des produits français à l étranger. De son côté, le niveau d importation montre l attractivité «intérieure» des marques et du savoir-faire français. L intensité de l immatériel dans le PIB conduit à une réflexion clé: la part des facteurs immatériels dans le PIB nous impose d étudier l état et donc la valeur des facteurs immatériels de production de richesse pour nous assurer que leur contribution au PIB est durable. Nous présentons plus bas une solution pour répondre à ce besoin. V.4 Il y a aussi beaucoup d immatériel en dehors du PIB Les travaux de la commission Stiglitz 28 ont étudié en profondeur les défauts du PIB en tant qu indicateur de richesse produite. Ils citent notamment de nombreuses activités qui ne sont pas prises en compte dans le PIB telles que: Le travail bénévole (associatif et autre), L autoproduction (travail domestique, bricolage, consommation de produits du potager), La contribution des parents à l éducation des enfants (scolaire, civique), Etc. Ceci fait dire aux auteurs de ce rapport que le PIB oublie une richesse immatérielle qui peut être estimée à 35 % du PIB. 28 Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Richesse des nations et bien-être des individus : performances économiques et progrès social, Editions Odile Jacob,

61 Au PIB de 2012 (2032 Ma ) il faudrait donc rajouter 711 Milliards de valeur immatérielle. Mais le PIB souffre d un autre défaut qui est, par essence, au cœur de l immatériel: l ensemble des postes de cet indicateur sont comptabilisés à leur coût de transaction ou à leur niveau de dépense. Ainsi, que les produits et services achetés ou obtenus soient de bonne qualité ou pas, ils ont la même valeur. Or chaque prestation ou produit peut être porteur d un goodwill (le produit ou le service vaut plus que son coût) ou d un badwill (le produit ou le service vaut moins que son coût) comme nous l avons vu dans le chapitre sur la valeur des bâtiments. Notons enfin que le PIB ne prend pas en compte les destructions: destruction de capital naturel et destructions liées à des accidents (incendie, marée noire, tremblement de terre, dégradations volontaires, terrorisme ) Il ne prend pas non plus en compte la création de capital organisationnel du pays (les lois, la réglementation, institutions). Et comme on l a si souvent dit, il ne mesure pas le bien-être. Nous restons à ce stade sur l hypothèse que l on pourrait augmenter le PIB de l ordre d un tiers pour prendre en compte la valeur immatérielle qui ne s y trouve pas. V.5 Le PIB comptabilise de la fausse richesse. Il se trouve, en dernier lieu, que le PIB comptabilise de la fausse richesse. Par exemple, des activités marchandes qui ne sont pas bonnes pour l homme mais qui sont légales entrent dans cette catégorie. C est le cas du blanchiment d argent de la drogue, des arnaques en tous genres, de toutes les prestations de santé injustifiées (arrêts maladie notamment). Dans ce registre, viennent se rajouter les transactions qui découlent des dérives de la finance de marché : Solde des investissements des entreprises financières dans des produits dérivés «pourris» (CDS, CDO), Rémunérations excessives des traders, Prix de l immobilier lors de la crise des subprimes et excès de transactions immobilières qui n étaient pas soutenables (le cas est flagrant pour les USA), Par analogie pour la France, accord de crédits non soutenables (crédit revolving) entrainant des risques de surendettement, Etc. V.6 Synthèse de la critique du PIB Trois conclusions majeures peuvent être tirées de ce qui vient d être exposé. 61

62 V.6.1 Améliorer la formule de calcul du PIB serait souhaitable Il apparait ici que le PIB devrait faire l objet de nombreuses modifications afin de donner une vision plus juste de la richesse créée en une année. En outre, l impact économique de ces améliorations serait majeur sur le niveau national de richesse mesurée. A l heure où nous écrivons ces lignes (Aout 2013) M. Pierre Moscovici vient d annoncer que la France est en train de sortir de la crise puisque le second trimestre de l année présente une croissance du PIB de 0,5 %. Cette conclusion est-elle robuste si le PIB ne mesure notre vraie richesse qu à 20 ou 30 % près voire davantage? Poussons plus loin le raisonnement quitte à caricaturer. Avons-nous finalement connu une crise si grave que ça? Et si notre perception de la réalité économique nationale fluctuait, en fonction de l image que nous renvoie un miroir déformant (le PIB), de façon assez différente de la réalité? Se pourrait-il que cette image nous fasse conclure que «Ça va» alors que c est le contraire ou que «Ça ne va pas» alors que finalement la situation n est pas si mauvaise? Le propos est ici évidemment très provocateur. Il est évident que nous avons connu ces dernières années une crise économique très grave car d autres indicateurs moins complexes que le PIB nous en ont apporté la preuve: taux de chômage, déficits publics, etc. Il ne serait pas tenable de penser qu un pays dont les produits se vendent mal à l étranger et qui détruit, au début 2013, 1000 emplois par jour, est en pleine santé économique. Enfin, les variations du PIB sont bien corrélées à d autres grands indicateurs de santé macro-économique de sorte que malgré tous ses défauts, largement étudiés et confirmés par les meilleurs économistes, le PIB garde aux yeux du plus grand nombre sa crédibilité. Il n en demeure pas moins que des variations faibles de PIB peuvent plus que vraisemblablement donner l illusion de reprises ou de dégradations qui n existent pas. Lorsque la variation du PIB est positive ce n est pas grave car elle génère de la confiance. Or la confiance est ce qui manque le plus souvent en France pour prospérer. Nous avons du capital et du travail mais sans confiance le moteur économique cale. Lorsque la variation est négative, si elle n est pas le reflet de la réalité, c est plus gênant. En outre, si un tiers de la richesse nationale n est pas prise en compte, il peut s y passer de bonnes ou de mauvaises choses sans aucun contrôle. 62

63 Tout ceci milite pour une réforme du PIB. V.6.2 Le PIB est certainement un assez bon indicateur de court terme Les pages qui précèdent ont permis d illustrer un point important: le PIB ne prend pas en compte de nombreux éléments de richesse à long terme : La dégradation du capital naturel n est gênante qu à long terme. A court terme, le fait que le PIB l ignore n est pas un trop gros souci, Il en est de même pour richesse créée en dehors du PIB. Par exemple, le fait que des parents fassent bien faire leurs devoirs aux enfants est une création de richesse importante à long terme que le PIB ignore. Mais à court terme ce n est pas grave. Ceci est vrai pour de très nombreuses autres activités de ce type. C est également le cas pour la création de fausse richesse. Par exemple, accorder des crédits trop facilement à des ménages peu solvables ne crée des problèmes qu à moyen terme. Nous pourrions donc imaginer de créer un PIB amélioré pour le court terme et un second pour le long terme. V.6.3 Le poids total de l immatériel dans la richesse créée pendant une année est écrasant En reprenant le poids de l immatériel dans le PIB tel que nous l avons évalué (66 %) et la richesse non comptabilisée dans le PIB telle qu estimée par la commission Stiglitz (35 %), nous arrivons aujourd hui à un poids de l immatériel dans l activité économique d une année, en France, de 75 % environ. Face à cette réalité, nous pourrions être tenté de conclure de la façon suivante: «Dont acte» ou bien «C est intéressant» ou encore «Et alors?» Il se trouve qu au niveau micro-économique dans les entreprises, les administrations centrales, les collectivités territoriales, les règles comptables prennent bien en compte la mesure de la valeur et donc de l état des actifs matériels. En d autres termes, les actifs matériels qui sont à l origine de la production de la richesse nationale sont sous contrôle (analyse des bilans de tous les acteurs économiques). Mais rien n est fait de façon systématique au niveau des actifs immatériels. Nous avons constaté plus haut que le PIB ne prend en compte ni les goodwills, ni les badwills des prestations et produits qu il comptabilise. Il se peut donc que de mauvais actifs produisent une fausse richesse ou que d excellents actifs produisent une richesse non comptabilisée. 63

64 La conclusion que nous tirons de ce chapitre est donc majeure : la comptabilité nationale a besoin de mesures de flux (PIB) mais aussi de mesures de Stock (bilan étendu incluant l immatériel). Nous discutons ce point au chapitre suivant. V.7 Etablir un bilan étendu de la France V.7.1 Nécessité de mesurer le stock de richesse A l instar des entreprises, les territoires et les pays devraient mesurer leur stock de richesses disponibles. Car le pilotage de l entreprise serait moins aisé sans l utilisation combinée d un outil qui trace les flux (le compte de résultat) et d un autre qui trace l évolution du stock de richesse (le bilan). Il en est de même pour l élaboration d une politique économique qui nécessiterait un complément au PIB: un bilan étendu incluant l immatériel. V.7.2 Analyse des travaux de la banque mondiale dans ce domaine En 2005, la banque mondiale a publié un travail très intéressant et innovant 29 qui visait à produire pour un grand nombre de pays un bilan étendu de richesse incluant le capital immatériel. Nous avons cité ce travail en introduction qui conclut que l économie française en l an 2000 était immatérielle à 86 % Fig 33 : décomposition de la richesse de 10 pays en part du capital naturel, du capital matériel (Produced Capital) et de l immatériel. 29 Hamilton et al., Where is the Wealth of Nations? Measuring Capital for the 21st century, World Bank Publications,

65 Comme le montre ce tableau, l étude a identifié pour chaque pays 3 catégories d actifs : le capital naturel, le capital produit (bâtiments, routes, ponts ) le capital immatériel. La valeur du pays est la somme de la valeur de ces 3 classes d actifs. En 2000, la France avait un stock de richesse par habitant de US$ et arrivait en 9 ème position. Son capital immatériel était estimé à 86 % ce qui la plaçait en seconde place dans le top 10 (voir ci-dessus), ex-aequo avec la Belgique et le Luxembourg réunis, après la Suède, immatérielle à 87 %. Dans la liste des autres pays étudiés (120 au total), la France arrive en 3 ème position ex-aequo avec la Belgique et le Luxembourg réunis après la Suède et la Barbade. La méthode pour établir ce calcul a été la suivante : Le capital naturel a été évalué au prix de marché pour le sol et aux cours des matières premières mondiales pour la richesse du sous-sol. Les éléments pris en compte sont : La richesse du sous-sol Les forêts exploitées Les forêts non exploitées Les terres cultivables Les pâturages Les parcs naturels Le capital produit est un agrégat de bâtiments, d infrastructures (autoroutes, ponts ) et de terrains des zones urbaines. Il est valorisé aux coûts historiques. Le Capital immatériel est composé d un ensemble d actifs comme le capital humain, le capital social (niveau de cohésion collective), le capital organisationnel du pays (qualité des institutions, etc) La complexité de la mesure du capital immatériel a fait que les auteurs du rapport ont calculé la valeur actuelle nette globale des pays en actualisant les flux futurs de consommation sur une génération. Cette approche, bien qu ayant un caractère conventionnel, est pertinente au regard des principes fondamentaux de la théorie économique classique: un actif ne vaut que par les flux futurs de richesse qu il peut produire. Comme on l a vu plus haut, le PIB annuel c est aussi la somme des valeurs ajoutées produites pendant une année. La consommation est donc bien un flux de valeur. 65

66 A nouveau, par convention, ces flux futurs ont été actualisés avec un taux de 4 % identique pour tous les pays. Dès lors le capital immatériel est calculé par soustraction : Capital immatériel d un pays = Valeur globale de l économie du pays (capital naturel + capital construit) La formule pour calculer la valeur actuelle nette de la richesse globale est la suivante 30, 31 : Fig 34 : formule de calcul de la valeur actuelle nette globale d une économie Dans cette formule, W t est la valeur actuelle nette globale à un instant t C (t) est la consommation à cet instant. ρ est le ratio pur de préférence temporelle qui indique la propension des consommateurs à consommer aujourd hui plutôt que demain (s-t) est le temps qui sépare l instant présent de l origine temporelle. Par ailleurs, les auteurs du rapport au lieu de calculer la valeur à l infini ont pris pour convention de la limiter à 25 ans. Enfin ils retranchent de cette valeur globale le montant de l épargne nette qui se calcule comme suit : Avec Eni : Epargne nette de l année EBi : Epargne Brute (excédent classique épargne dettes) DAMi : Dépréciation des Actifs Matériels de l année DCNi : dépréciation du capital naturel durant l année i Notons qu il est établi que l épargne nette à l origine d un pays est considérée comme égale à la variation de consommation future: si l épargne est positive, 30 Kirk Hamilton, John M. Hartwick : Investing Exhaustible Rents and the path of Consumption, Revue canadienne d économie, Vol.38, Mai Martin L. Weitzman : Income, Wealth, and the Maximum principle, Harvard University Press,

67 elle crée une augmentation de la consommation, si elle est négative, une diminution. Dans leur méthode de calcul, plutôt que de calculer une épargne globale à l origine et de la retrancher de la valeur actuelle nette de la consommation future, les auteurs calculent l épargne nette des trois dernières années précédant le calcul et la retranchent de la consommation des 3 dernières années précédant le calcul puis divisent le résultat par 3 ce qui donne une consommation nette d épargne nette. C est ce qui est utilisé comme flux à l origine. V.7.3 Commentaires sur ces travaux Une contribution de premier plan Cette étude est impressionnante en ce sens qu elle permet de mesurer la richesse d un pays avec un niveau de fiabilité suffisant pour permettre les comparaisons. Elle nous permet aussi de prendre conscience du poids de l immatériel dans la richesse des pays développés (aux alentours de 80 %) et de faible part (en taux et non pas en valeur) du capital naturel. Elle montre que, pour les pays en développement, ce n est pas le cas: le capital naturel pèse lourd en taux et les actifs matériels pèsent peu. Fig 35 : structure de la valeur de pays en développement Tous cela est à la fois économiquement solide et en phase avec l intuition. Cette vision globale de la richesse d un pays nous aide également à envisager le système de pilotage d une économie durable: Nous savons que même si le capital naturel ne pèse pas bien lourd dans une économie riche, il demeure à la base de tout: ce n est pas parce que la valeur d un téléphone portable est égale à 100 fois la valeur du matériel qui le compose que le matériel devient facultatif. Or nous savons que dans cette équation de la richesse globale, une partie du capital naturel (richesses du sous-sol) ne peut que se déprécier (extraction 67

68 transformation puis abandon sous forme de déchets). Il n est pas possible de reconstituer un gisement de Nickel ou d Or. Le socle de richesse que constitue le sous-sol devrait donc-être préservé de 2 façons : Il devrait être recyclé (ceci relève de l évidence) Ou bien il pourrait être transformé en capital matériel extrêmement durable (cette approche est, en revanche, innovante). Ainsi, utiliser du pétrole pour alimenter un moteur thermique est préjudiciable au capital naturel (déplétion). Le transformer en objets de plastique à très longue durée de vie (et d usage bien sûr) fait que le capital naturel «pétrole» devient persistant sous une autre forme et qu ainsi sur une très longue période, sa valeur est présente dans la valeur du pays. Une autre réalité apparait à la lecture de ces chiffres: la si faible part du capital naturel dans la valeur d un pays développé fait que l application de taxes pour financer le recyclage ou encore pour destruction de capital naturel serait soutenable (ces dernières pouvant, par exemple, servir à financer la recherche pour remplacer des matières non renouvelables par des matières renouvelables ou pour financer le passage à l économie de fonctionnalité voir 3 ème partie de ce rapport) Ce rapport de la banque mondiale nous enseigne d autres choses importantes. Ainsi comprend-t-on qu au sein du capital immatériel, deux actifs dominent : le capital humain l organisation du pays (institution, lois et état de droit) On pourrait s étonner de ne pas y voir : les entreprises le capital de savoir (production scientifique et brevets) l attractivité du pays (capital de marque) Mais ceci est normal compte tenu de la méthode de calcul: à long terme en effet, dans une entreprise comme dans un pays c est le capital humain dont tout découle: une marque, une découverte, tout cela vient du capital humain. Des améliorations sont possibles dès maintenant Ce travail ouvre la voie au nécessaire établissement d un bilan étendu de la richesse des nations. Partant de ce travail et à l échelle de notre pays, nous pouvons dès aujourd hui : Améliorer la valorisation du capital naturel en y rajoutant des éléments que la banque mondiale n a probablement pas : stock halieutique, réserves hydrique et qualité de l eau, cheptel, climat, biodiversité, etc. 68

69 Affiner la valorisation du capital matériel qui à l échelle de l étude ne prend en compte que les macro-actifs mais pas le petit matériel Développer un modèle complet de mesure analytique du capital immatériel qui présente à un instant T une vision plus précise incluant : o La demande intérieure o La demande extérieure o Le capital humain o Le capital de savoir o La marque o Etc. Enfin, le principe d actualiser les flux futurs de richesse de tous les pays avec un taux constant nous parait vraiment contestable, le risque «d accident de parcours» variant fortement d un pays à l autre (on ne peut considérer que La France, l Espagne et l Allemagne ont le même risque de défaut). Si nous produisions un tel travail, le poids de l immatériel dans l économie française serait encore plus important, notamment parce que la part de la richesse produite chaque année qui est absente du PIB y figurerait. L établissement d un tel bilan (Stock), combinée à la production annuelle d une nouvelle version du PIB (Flux), nous permettraient des analyses économiques plus pertinentes et des politique économiques plus solides. Des progrès en sciences économiques 32 Des progrès énormes dans le domaine de l économie durable pourraient découler de la mise en œuvre de telles mesures de façon systématique et à grande échelle. Nous constatons déjà que, plus une économie est développée, moins son capital naturel pèse lourd dans sa valeur totale (mais plus elle en consomme). Il serait, par exemple, souhaitable de calculer la valeur des flux de capital naturel d un pays à l autre. Nous prenons également conscience ici que la mesure de la valeur du capital naturel est nécessaire. Ceux qui luttent contre ces valorisations parce qu ils craignent la marchandisation du monde, «marquent des buts contre leur camp». En effet, c est parce que l on ne mesure pas (ou mal) la valeur des choses que l on peut les laisser piller. Des lois pourraient imposer que le capital naturel soit gratuit pour un usage individuel et payant s il est inclus dans un processus commercial, ce qui réduirait le gaspillage mais imposerait une valorisation. 32 Il existe déjà des travaux sur la création d indicateurs de richesses : Jean Gadrey,, Florence Jany- Catrice, les nouveaux indicateurs de richesses, troisième édition, la Découverte,

70 VI Une histoire récente de la prise en compte de l immatériel en France Nous avons pris conscience, au travers des précédentes sections, que le capital immatériel devait être mesuré à différentes échelons micro et macroéconomiques. Qu en est-il actuellement, comment peut-on évaluer la diffusion de cette pratique en France? Sur la période des quinze dernières années en France, deux grandes périodes concernant l'émergence du capital immatériel peuvent être observées. VI.1 Avant 2005 Les chercheurs scandinaves 33 étaient à la fin du 20 ème siècle les leaders dans la conception théorique du capital immatériel. Des auteurs comme Edvinsson, Sveiby ou Mouritsen furent les pionniers à cette époque. L'«école scandinave» fit ainsi référence à cette époque en complément de l approche américaine incarnée par le professeur Baruch Lev tandis qu en France, aucun «gourou» ne s était engagé explicitement sur la voie des actifs incorporels. Avant 2005, les initiatives les plus importantes, relatives à la promotion du capital immatériel, furent publiques: L'ancien organisme de planification nationale (le Commissariat Général au Plan) montra un intérêt pour le sujet dès Ses premiers efforts ne furent pas considérés comme des succès, mais certains travaux ultérieurs produisirent des résultats intéressants sur «l'entreprise et l'économie de l'immatériel» (Hoarau , Gremaq ). Des instances ministérielles comme le Secrétariat d'état à l'industrie, ou, plus récemment, le ministère des Finances et de l'industrie (MINEFI), ont également joué un rôle actif dans plusieurs initiatives via les délégations de soutien aux entreprises. En tant que pays leader au sein de la Commission européenne, la France joue un rôle important dans nombre de projets communautaires. Elle fut l un des six pays engagée dans le projet européen Meritum dédié aux immatériels qui fédéra 33 Leif Edvinson et Michael Malone, Intellectual Capital: Realizing Your Company's True Value by Finding Its Hidden Brainpower, Collins Hoarau C., Mesure, évaluation et analyse de l efficacité des facteurs immatériels, CEREMO, université de Metz & IAE Paris GREMAQ, Les actifs immatériels dans l entreprise, Université de Toulouse I,

71 des chercheurs provenant de neuf institutions différentes, dont HEC. Hervé Stolowy et Hélène Löning furent les représentants français dans ce projet qui fut remplacé en 2002 par E*Know Net, un autre projet sponsorisé par l Europe où les français ne furent pas présents. L'OCDE également parraina des projets, dans lesquels la France fut «naturellement» impliquée. Ils concernaient de grands enjeux macroéconomiques comme l innovation ou les prix de transfert et l'organisation internationale y joua un rôle de premier plan. Dans certains cas les initiatives était plus orientées vers les entreprises comme ce fut le cas lors de la conférence de 1999 à Amsterdam, ou lors du congrès de Paris en 2004 consacré à «la performance des entreprises et des actifs immatériels", qui donna lieu à la publication d un rapport sur les actifs incorporels et la création de valeur (OCDE 2006) 36. L'OCDE fut clairement impliquée dans les premiers partenariats sur la question, et la France fut identifiée par l'organisation comme un pays exemplaire sur le sujet. Certaines initiatives professionnelles méritent également d être mentionnées car des cabinets de conseil travaillaient à cette époque dans les différents domaines de l immatériel : innovation, valorisation de brevets, valorisation de marques, gestions des droits de propriété intellectuelle. Nous pouvons distinguer ici : o o o Des initiatives privées émanant de cabinets d'audit, constituées généralement de rapports ou d enquêtes sur le thème des actifs incorporels. Par exemple, à l époque (aux alentours de 2000), Mazars, cabinet d'audit international, fut très actif sur ce terrain. Traditionnellement, les cabinets d'audit entretiennent des partenariats avec des écoles ou des universités à travers des personnalités emblématiques. Dans le cas de Mazars, Patrick de Cambourg teint ce rôle, surtout avec HEC. Mazars finança également à la fin des années 90, les traductions des livres de Leïf Edvinsson & Michael Malone (op.cit.) ainsi que de Karl Erich Sveiby 37 Des initiatives à plus long terme initiées par le régulateur comptable. Dès 1987, le Conseil National de la Comptabilité créa un groupe de travail sur les investissements immatériels. Il généra principalement un rapport sur le traitement des marques (CNC 1992), mais qui disparut à la suite de l'intégration européenne. l'évaluation volontaire, à partir de 1999, des actifs immatériels réalisés par certaines sociétés cotées qui publièrent de premières évaluations 36 OCDE, Actifs immatériels et création de valeur, OCDE, Paris 2006 (available at : 37 Sveiby, K.E. The new organizational wealth. Managing & measuring knowledge-based assets, San Francisco: Berrett-Koehler Publishers, Inc

72 dans leur rapport annuel (Sys-com dirigée à cette époque par Alan Fustec, Grandvision et quelques autres...) Dans le domaine universitaire, bien que la France n'ait jamais eu une production académique très abondante sur le capital immatériel elle compte toutefois de bons contributeurs. Citons ici: Épingard (1998) 38 qui traite de la notion d'investissements immatériels. Il enseigne à l'institut National des Télécommunications (INT), et développe une théorie de la performance économique fondée sur la connaissance (Épingard 1999). Stolowy; Jeny-Cazavan 2001, Stolowy & al ; Thieberge 1998, Louzzani 2004 ; Bejar 2006 ; Casta et al ; Gumb 2007) 39 dont les travaux portent pour beaucoup sur les incorporels comptables. Bounfour qui a publié des articles et des livres sur le capital immatériel (voir notamment Bounfour 1999, Bounfour & Épinette, 2006) 40, et qui a également ouvert à l'université de Marne-la-Vallée un mastère spécialisé sur le capital immatériel et une chaire sur le sujet. Il est aussi coordinateur scientifique de la conférence mondiale sur le capital intellectuel pour les communautés, organisée depuis 2005 en commun avec la Banque mondiale. Il peut être considéré comme le principal auteur français sur la question. Il est également le concepteur de l outil IC-dVal dédié à la valorisation des actifs incorporels informatiques (2006) qu il a mis en œuvre dans le cadre du Club Informatique des grandes entreprises françaises (Cigref). En conclusion, quelques personnalités émergent dans le domaine académique, mais pas de leader avec une position similaire à celle de B. Marr, S. Zambon ou L. Edvinsson respectivement en Angleterre, en Italie et en Suède. Toutefois, plusieurs groupes de recherche ou des forums apparaissent sur la période comme, par exemple, à Sciences Po (l'institut des sciences politiques) ou Marie Ange Andrieux créé une "Tribune", une sorte de forum impliquant des universitaires, des analystes financiers, des auditeurs et des directeurs généraux et traitant de la thématique. VI.2 Depuis Nous considérons que le début du mouvement français en faveur des actifs incorporels remonte à 2005/2006: 38 Épingard P., L investissement immatériel : cœur d une économie fondée sur les savoirs, Editions CNRS, Paris Stolowy H. & Jeny-Casavan A., International Accounting Disharmony: The Case of Intangibles, Accounting, Auditing & Accountability Journal, vol. 14, n 4, 2001, pp Bounfour A. Capital immatériel, connaissance et performance, L Harmattan

73 En 2005, Alan Fustec (Goodwill-Management) et Bernard Marois (professeur à HEC) imaginent de lancer une association dont la mission serait de promouvoir la prise en compte et l'évaluation des actifs incorporels en France. Ils présentent l idée à un Capitaine d'industrie, Jean Marie Descarpentries (également membre du conseil d'ernst and Young), qui décide de soutenir le projet. Entre la fin 2005 et la fin de l'année 2006, un groupe de sponsors et de partenaires se joint à l'initiative: SAS France (logiciels), Ernst & Young, l'inpi et plusieurs petites entreprises de conseil (Goodwill-Management, Mar-Tech Finance, Boileau Euroconsult, Finance et Stratégie...). Goodwill-Management, une société de conseil spécialisée dans la mesure des actifs immatériels, propose sa méthodologie en open source pour la jeune association et tous les partenaires apportent leur propre expertise sur cette base, afin de l'enrichir. En Décembre 2006, Alan Fustec et Bernard Marois 41 qui ont publié un livre basé sur la méthodologie de Goodwill-management (Thesaurus-CI) remportent le prix Turgot (livre économique de l'année - Prix Spécial du Jury) En Février 2007, l'observatoire de l'immatériel est lancé «en grandes pompes» à l'opéra Bastille. Deux ministres: JP Jouyet et F. Loos (ce dernier représentant T. Breton) participent à son inauguration. Dès le début, l'observatoire affiche son projet «haut et clair»: «mesurer, comparer et à renforcer les actifs incorporels". Parallèlement Thierry Breton, ministre français de l'economie et des Finances ( ) lance au début de 2006, la Commission Lévy-Jouyet. Le ministre donne à Maurice Lévy le patron de Publicis et Jean-Pierre Jouyet à l époque Chef du Service de l Inspection générale des finances, le mandat de faire des propositions visant à permettre à la France de devenir un leader du capital immatériel au niveau international. Leur rapport (op.cit.) comprenant 68 recommandations est publié le 9 mois plus tard. Le présent rapport s inscrit dans sa lignée. L'année suivante, en 2007, l APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l'etat) est créée. Son objectif est de valoriser, louer ou licencier les actifs immatériels publics français (voir ci-dessous). A peu près au même moment à GEM (Grenoble Ecole de management) un pôle de recherche sur l «immatériels» est créé. Il fédère des chercheurs locaux avec l'objectif de générer des publications universitaires sur le sujet. En 2008, l'association Nationale des Directeurs Financiers et Contrôleurs de Gestion (DFCG) crée, avec le soutien du cabinet Deloitte, un groupe de travail sur le capital immatériel. Le Groupe publie notamment un dossier spécial dans son journal mensuel (Échanges 2008) et un livret sur le capital immatériel dans les Midcaps (DFCG 2008). 41 Alan Fustec, Bernard Marois : Valoriser le capital immatériel de l entreprise, Edition d Organisation,

74 En 2009, le ministre de l'economie et des Finances, Christine Lagarde, prolongeant l'action de Thierry Breton décide de confier à Alan Fustec la production d un référentiel permettant aux entreprises françaises et particulièrement aux PME d évaluer et de valoriser économiquement leurs actifs immatériels. Après plus de 18 mois d'efforts, un groupe de travail composé de 30 praticiens et d'universitaires publie le référentiel «Thesaurus-Bercy". De 2007 à aujourd'hui, chaque année, l'observatoire organise un Symposium sur la mesure des actifs immatériels en présence de 200 à 400 entreprises. Cela montre le vif intérêt exprimé par les entreprises françaises pour mesurer leur capital incorporel. En outre, à ce jour, mi 2013, le référentiel Thésaurus-Bercy a été téléchargé plus de 800 fois depuis le site de l Observatoire de l immatériel. VI.3 Nécessité d une politique publique. Si le capital immatériel constitue un fort levier de création de richesse pour notre pays, nous pouvons constater en revanche que, collectivement, nous ne le prenons pas assez en compte et progressons dans ce domaine de façon opportuniste et dispersée: le monde académique est en retard, les entreprises françaises sont plutôt en pointe sans que leur mouvement soit encore massif et donc stabilisé. De son côté, la puissance publique a depuis quelques années engagé des actions (rapport Lévy-Jouyet, initiatives de Christine Lagarde) mais sans qu une vraie vision stratégique et sans qu un plan d action à long terme n en découle. Le moment semble venu de s y engager et la suite de ce rapport propose une démarche structurée dans ce sens. 74

75 Troisième partie: Développer le capital immatériel en France I Introduction Dans la présente partie, nous dressons une liste non exhaustive de dispositions qui permettraient de développer l économie française par le biais du capital immatériel. Il ne s agit pas encore de recommandations de politique publique (partie suivante) mais d initiatives tant privées que publiques qui auraient un impact positif sur notre économie et - point central qui n existent pas aujourd hui. La partie 2 de ce présent rapport nous a permis de prendre conscience du poids de l immatériel et de notre aptitude à le mesurer tant au niveau micro que macroéconomique. Dès lors que ces points sont acquis, un management de l économie d une nation par la valeur immatérielle semble inéluctable. La France n a plus aujourd hui de réel facteur de différenciation économique par rapport au reste du monde. Certes elle dispose de nombreux atouts mais elle n est pas la seule. En outre, elle souffre de carence et de fragilités nombreuses. S il est possible de lister nos atouts économiques comparés à d autres pays comme nous l avons fait dans la première partie de ce rapport, il semble difficile d établir un domaine d excellence incontesté: - La recherche est plus impressionnante aux Etats Unis que chez nous - L usine du monde c est la Chine, pas la France, - La bonne gestion budgétaire, on la trouve en Suède ou au Canada pas en France, - La performance à l exportation est plus Allemande que Française, - Notre éducation nationale performe nettement moins que celle de la Finlande, - Notre sécurité sociale tant vantée par le passé est bien mal en point, - Nous excellons certes dans le domaine du luxe, du vin ou encore de l aéronautique mais nous y avons là aussi des compétiteurs de même niveau. La question à laquelle ce chapitre cherche à répondre est donc : «Y a-t-il un vaste domaine dans lequel la France pourrait retrouver un grand leadership dans le concert des nations qui soit une source de prospérité durable. La réponse est : «Ce domaine existe, c est l immatériel!». La grille de lecture immatérielle apporte en soi un avantage méthodologique dans l élaboration de la présente partie, de par son approche systémique: 75

76 nous ne prétendons certes pas être exhaustifs mais avons inventorié puis analysé les grands thèmes de la création de richesse: - Le capital humain - Les personnes morales privées et publiques - Les marques - La connaissance collective (le savoir) - L organisation du pays - Etc. Sur tous ces sujets, notre analyse révèle que nous pourrions progresser de façon très importante et en tirer beaucoup d avantages individuels et collectifs. Trois remarques essentielles avant de poursuivre. 1. Nous tenons à insister lourdement ici sur le fait que l immatériel tel que nous le concevons ne s oppose pas au matériel et à «l industriel» mais le complète. Le rapport Gallois a été rédigé et publié un an avant celui-ci. Si l analyse que nous faisons de l état de la France y est globalement très proche, les focus ne sont pas identiques mais se complètent. Au final, les recommandations sont très différentes et complémentaires. 2. Alors que nous mettions la dernière main au présent rapport, le ministère du redressement productif rendait public son plan de renouveau industriel en 34 projets. Nous ne pouvons que souscrire à un tel programme qui vient combler un grand vide en matière de politique industrielle en France depuis très longtemps. Notre conviction et tous les arguments développés ici, montrent que leur réussite est fondée sur des éléments immatériels (voir le chapitre III ci-dessous sur la ré-industrialisation). 3. La déclaration «ce domaine existe, c est l immatériel» page précédente a pu faire sourire car l immatériel (n ) est (qu ) un concept économique. Ce n est pas un produit ou un service qui se vend, alors en quoi cela peut-il constituer un avantage compétitif? Nous verrons dans les pages qui viennent que l essentiel de nos atouts et de nos faiblesses sont immatériels. Intégrer ce concept dans nos raisonnements revient donc à avoir de nouveaux outils pour bonifier tout ce que nous faisons. Ainsi la prise en compte de l immatériel, nous allons le voir plus particulièrement dans cette partie, aiderait grandement la France à renouer avec le succès. Mais, ce faisant, la France prendrait le leadership des nations dans la façon de concevoir la richesse au 21 ème siècle. C est aussi ce qui justifie, dans ce rapport, la présente du chapitre X: les bonnes pratiques d économie et de finance conditionnent la réussite des entreprises et des Etats, les mauvaises entrainent des catastrophes (cf les subprimes). 76

77 II Instaurer en France un principe général de management par la valeur immatérielle II.1 Pour retrouver un leadership économique mondial Notre monde moderne, gros consommateur d informations, a tendance à dévaluer les connaissances largement acquises et partagées pour privilégier les informations nouvelles: «cessez de nous parler du réchauffement, on est au courant». L erreur de jugement est ici sérieuse car un problème majeur ne devrait perdre de son importance que lorsque qu il est traité et pas seulement dès qu il est connu. En 1934, Lord Kelvin recevait le prix Nobel de Chimie. Ce chercheur hors pair nous a laissé une citation qui se trouve très souvent reprise dans le domaine du management : «on ne sait gérer que ce que l on sait mesurer». Devenue un lieu commun cette phrase finit par agacer tellement elle est reprise. Mais sa signification ne perdra de sa valeur que lorsque, dans tous les domaines, le principe sera appliqué: mesurer pour gérer et développer. Nous en sommes loin. L instauration en France d un principe de management par l immatériel nous semble être aujourd hui un enjeu national de premier plan car c est un facteur important de prospérité. En outre, un tel projet ne pose pas de problème de faisabilité. Les paragraphes qui suivent présentent des projets qui permettraient sa mise en œuvre. II.2 Instaurer de façon transitoire une double comptabilité nationale. II.2.1 Qu est-ce à dire? Nous proposons de créer au niveau du ministère de l économie et des finances ou dans une structure publique qui en dépend, un projet de comptabilité nationale qui poursuivrait les travaux de la commission Stiglitz et produirait un bilan et un compte de résultat national annuel fondé sur la valeur matérielle, financière et immatérielle de notre pays. Compte tenu de l inertie nationale et internationale qui caractérise et c est normal les principes de comptabilité publique et macroéconomique actuels, la production de cette structure ne se substituerait pas aux indicateurs classiques qui fondent nos politiques économiques (PIB, Dette, etc). 77

78 Elle produirait, en revanche, chaque année sa propre comptabilité et surtout sa propose analyse de la situation accompagnée de recommandations. Ces conclusions seraient précieuses compte tenu du poids de la richesse cachée dans notre économie. A long terme (10 ou 20 ans) un rapprochement des deux systèmes serait réalisé. Cette approche progressive, en biseau, est incontournable à nos yeux. Car une approche «annule et remplace» est totalement utopique à cette échelle. II.2.2 Recommandations 1 et 2 R1 : Créer une structure qui mesure la richesse de façon différente du PIB. Cette structure produirait un bilan et un compte de résultat de l économie française incluant la valeur naturelle, financière, matérielle et immatérielle de notre pays. R2 : Produire une fois l an une feuille de route pour la création de valeur à long terme du pays qui découle de ces états comptables et confronter ces recommandations aux politiques en cours. II.3 Inciter les dirigeants d entreprises et les établissements financiers à piloter par l immatériel. II.3.1 Pourquoi une telle incitation? Sur ces questions, nous sommes aujourd hui à l âge de pierre: lorsqu une PME est aujourd hui évaluée à 7 fois son EBE diminué de son endettement net, les bailleurs de fonds, investisseurs acquéreurs ne se posent pas suffisamment la question de savoir comment l entreprise va réussir à générer tous ces profits dans le futur. Ils gagneraient pourtant beaucoup à le faire car si les clients ne sont pas solvables, si les collaborateurs ne sont pas fidèles, si le savoir-faire est à bout de souffle, la génération de cash-flows futurs est en danger. Il serait donc souhaitable d inciter voire d imposer que les entreprises produisent tous les ans un état de leur capital immatériel. Cela pourrait passer par une prise en compte recommandée ou obligatoire de ces informations par les principaux partenaires financiers de l entreprise: BPI, banques commerciales, société de capital-risque, compagnies d assurance, etc. 78

79 Fig 36 : plus les actifs immatériels sont bons, plus la génération de profits futurs est sécurisée Cette évolution des pratiques est aujourd hui en cours en France. Il faut donc accompagner un mouvement et non le créer. II.3.2 Recommandations 3,4,5,6, 7 et 8 Toutes les modalités pratiques pour parvenir à ceci sont prêtes à l emploi. Voici quelques options de mise en œuvre possibles : R3: Transformer l Observatoire de l immatériel en un pôle de compétitivité d un nouveau type dont la vocation serait : o o o de faire progresser les méthodes de mesure de l immatériel (à l échelle macro et microéconomique) selon le processus classique d un pôle. d administrer le référentiel officiel de mesure de la comptabilité de l immatériel (Thésaurus-Bercy) et de s assurer qu il est utilisé par tous les acteurs, Créer un label d entreprises garantissant que celles qui l ont mesurent sérieusement leur capital immatériel. R4 : Faire en sorte que la BPI accorde ses financements sur la base d une valeur immatérielle mesurée. R5 : Créer un «PEA» pour les entreprises qui publient leur évaluation de capital immatériel. R6 : Légiférer sur le fait que les établissements financiers évaluent l immatériel avant l accord d un crédit ou avant une prise de participation (sans interférer avec la décision de prêt ou d investissement). 79

80 R7 : Légiférer sur le fait que les entreprises cotées publient leur évaluation de capital immatériel une fois par an (l effort serait limité pour elles car la démarche présente des analogies avec le reporting imposé par l article 225 du Grenelle de l environnement. Il s agirait donc ici de la publication d un reporting intégré). R8 : Légiférer sur le fait que les commissaires aux comptes acquièrent la compétence et vérifient la véracité des publications sur l immatériel. II.3 Attribuer à un organisme national la charge de prévention des défaillances d entreprises fondée sur une analyse de l immatériel. II.3.1 Etat des lieux Nous souffrons d un déficit d entreprises de taille intermédiaire ce qui fait qu une grande partie de l emploi en France est localisé dans les PME (moins de 250 salariés): 2 actifs sur 3 en France travaillent dans une PME. Or ces entreprises sont fragiles: elles ont souvent un déficit de fonds propres et des problèmes de trésorerie. En outre, il n est pas rare que leurs dirigeants manquent de compétences en administration d entreprise. Enfin, la fiscalité Française n est pas favorable aux entreprises mais le modèle économique français mettra probablement des décennies avant de se réformer sur ce point. En attendant, la pression fiscale fait que les marges de manœuvre des dirigeants français sont très serrées. Les PME sont, de ce fait, en première ligne en cas de ralentissement économique Nombre de défaillances d'entreprises (Coface) Nombre de défaillances Figure 37 : le nombre de défaillances d entreprises depuis 2006 : le nombre de faillites en 2012 (environ est le plus faible depuis 2009 mais il reste supérieur de 25 % à celui de 2006). Ces défaillances de PME sont très préjudiciables à l économie nationale. Elles représentent selon la Coface un coût annuel de l ordre de 4 Milliards d euros 80

81 calculé comme la somme des encours fournisseurs au moment du défaut. Cette évaluation est très restrictive puisqu elle ne prend pas en compte l impact sur l économie des suppressions d emplois. Leur nombre est, sur l année glissante Mai 2012 Avril 2013 de l ordre de emplois. Elle ne prend pas non plus en compte la baisse des rentrées fiscales pour l Etat et la hausse des allocations chômage. Tout cela représente donc un coût collectif énorme: un demi-point de PIB a minima. A l instar de la Prévention Routière, nous proposons donc ici de créer la Prévention Economique. Cette structure publique aurait pour vocation de prévenir la défaillance d entreprises. L initiative du ministère du redressement productif qui consiste à créer, auprès des préfets, 22 commissaires au redressement productif est un bon début. Nous soulignons ici plusieurs points d amélioration prioritaires pour en faire une vraie «Prévention Economique» : - Donner à ces structures plus de moyens car actuellement les commissaires nommés n en ont pas assez. Ceci n a pas nécessairement à se traduire par des moyens supplémentaires à allouer à cette grande cause nationale. Le réseau des Chambres de Commerce et d Industrie semble très bien placé pour être un acteur de la prévention économique. - Faire en sorte que certains intervenants au sein de ces structures soient des chefs d entreprises de bon niveau car la réussite de l entreprise est une alchimie très empirique qui exige un vécu. - Doter la Prévention Economique de bons outils pour le diagnostic précoce de difficultés Il se trouve que pour pouvoir poser un diagnostic pertinent sur les risques de défaillance d entreprise, une analyse financière, bien que nécessaire, n est pas suffisante. Même avec un bilan sain, l entreprise peut montrer au cœur de son capital immatériel les racines de difficultés à long terme. En voici quelques exemples : Capital de Savoir sacrifié : En 2013, le nouveau repreneur d une entreprise française de prêt-à-porter haut de gamme confie que ses prédécesseurs avaient pris la décision pour des raisons de marge de délocaliser la production en Asie (en sacrifiant ainsi beaucoup la qualité des produits). L entreprise a perdu plus de la moitié de sa clientèle en 3 ans. Ce sont donc des erreurs immatérielles et non financières qui ont amené cette entreprise au bord du gouffre. Déficit d innovation : Il y a 4 ans (seulement 4 ans) Nokia était la première société mondiale de téléphonie avec 41 % de part de marché. C est aujourd hui une entreprise en difficulté qui n a pas innové à la vitesse de ses confrères et a tardé à sortir un smartphone. Mais il y a 4 ans, ses états financiers étaient parfaits. 81

82 Erreur des dirigeants (capital humain): Début 2012 la société Kodak a déposé le bilan pour l avoir pas compris en 2000 le passage à la photo numérique. La vente d appareils photo numériques représentait 13 % du marché en 2001 mais 90 % en 2004: le marché a basculé en 3 ans. Ce n est pas ici un problème de R&D car Kodak est l inventeur de la photo numérique. C est un problème de décision et de prise de risque donc de capital humain Défaut d organisation et de contrôle: Il y a quelques années Altran a traversé une crise très sérieuse qui aurait pu lui être fatale à cause de son organisation très décentralisée qui n avait pas évolué alors que l entreprise changeait de dimension. L avantage de son organisation en 1990 a failli lui être fatal en Problème de marque : les marques qui ont souffert suite à un problème ponctuel liés à des produits et qui ont entrainé leur entreprise dans une chute, parfois irréversible, sont nombreuses: Arthur Andersen, Perrier aux USA, Union Carbide, Buffalo Grill, Camembert Lepetit, plus récemment Spanguero Ces exemples concernent pour la plupart des grandes entreprises parce que tout le monde connait leur histoire mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. A l échelle des PME, des ETI comme des grands groupes, les entreprises commencent presque toujours «leurs maladies» au niveau de l immatériel. Rappelons, par exemple, que les problèmes de trésorerie notamment liés au non respects par les clients des délais de paiement (qui restent en moyenne de 11 jours supérieurs à la règlementation imposée à 45 jours par la loi LME de 2008) représentent 25 % des entreprises (Coface) cela signifie que 3/4 des défaillances se situent ailleurs et presque toujours dans l immatériel. A nouveau, l outil de check-up complet de la PME comme de l ETI existe aujourd hui. Il prend en compte la qualité du capital immatériel, en plus des dimensions plus connues que sont: La santé financière de l entreprise, Sa façon d agir (où l on trouve à la fois la stratégie, la RSE et la maitrise des risques opérationnels), Son contexte macro-économique Cet outil a fait la preuve de son efficacité dans le cadre d un projet pilote mené par une chambre de commerce et d industrie. II.3.1 Recommandation 9 R9: Attribuer à un organisme public ou parapublic la charge de conduire un plan de prévention d entreprise fondé sur la mesure du capital immatériel. 82

83 II.5 Inciter les dirigeants publics et non marchands à emprunter la même voie II.5.1 Rappels relatifs aux administrations, collectivités et à l ESS Comme nous l avons vu dans la seconde partie, la valeur d un territoire est également massivement immatérielle. Il semble donc plus que souhaitable que les entités locales, régionales et nationales mesurent leur capital immatériel et intègrent ces mesures dans leur processus d aide à la décision. Sans cela, l allocation de ressources peut avoir un rendement décevant voire contreproductif. Le financement public devrait donc être adossé à des évaluations rigoureuses de perspectives de création de valeur globale incluant tout l immatériel. Cela devrait également conditionner le financement des secteurs associatifs et de l ESS. Comme nous l avons montré dans la seconde partie, en effet, une part dominante de la valeur créée par les secteurs non marchands, est immatérielle: il est donc souhaitable que cela soit mesuré et piloté. Notre proposition est donc que l ensemble des financements alloués par le secteur public national ou local soit fondé dans le futur sur des prévisions et un suivi de la valeur immatérielle créée. Cela reviendrait à généraliser la méthode IDCF. II.5.2 Recommandations 10 et 11 R 10: Légiférer sur la production, par les acteurs du secteur non marchand, d un rapport annuel présentant: leur budget, leur équivalent cash-flow, leur valeur IDCF. R11 : Former tous les services publics et parapublics de financement à la prise en compte de l ECF (Equivalent Cash-Flow) et de l IDCF (Valeur immatérielle de l entité) pour juger de la pertinence de l allocation d un financement (allocation budgétaire ou subvention). Former également les acteurs de l ESS à la prise en compte de l immatériel (créer une université pour les dirigeants de l ESS visant à leur apprendre à maîtriser ces notions) II.6 Protéger et valoriser les actifs publics de la France II.6.1 Un nouveau rôle possible pour l APIE. L Agence du Patrimoine Immatériel de l Etat (APIE) a été créée en 2007 suite à l une des recommandations du rapport Lévy-Jouyet. 83

84 La vocation présente de cette agence est d identifier et de valoriser le patrimoine de l Etat. Mais elle peut aussi porter assistance aux collectivités territoriales dans une optique de partage des bonnes pratiques et de conseil méthodologique. L APIE incite les personnes publiques à s appuyer sur leur patrimoine immatériel pour se moderniser et améliorer leurs performances, mais aussi à mieux le protéger pour éviter des appropriations abusives, de nature, notamment, à induire les usagers en erreur. L agence a une mission de sensibilisation, de création de cadres de gestion, mais aussi d accompagnement des administrations dans des projets concrets de valorisation du patrimoine immatériel public. Il s agit donc de favoriser une meilleure identification et appropriation de ces actifs par les entités publiques pour en optimiser le potentiel de création de valeur. Cette optimisation passe aussi par une meilleure circulation de l information entre administrations ainsi que par une ouverture accrue vers des tiers privés: acteurs économiques, citoyens, chercheurs. Ces actifs immatériels publics peuvent, en effet, se révéler de précieux leviers de création de valeur économique et sociale, dans un contexte d économie de la connaissance, en plus de leur rôle dans l exercice des missions de service public. La valorisation du patrimoine immatériel peut également être vecteur de ressources complémentaires pour les entités publiques, notamment en cédant des droits d usage de ces actifs, à l image de la cession du droit d usage de la marque «Louvre» pour 400 M sur une période de vingt ans à Abu Dhabi, ou encore en réalisant des prestations en faveur d acteurs privés ou auprès d institutions étrangères. Dans sa cartographie d actifs publics l APIE identifie: les marques, données, savoir-faire, images publiques mais aussi les concessions qui peuvent être accordées sur le domaine public, les fréquences hertziennes, etc. Ces sujets ont été largement discutés dans le rapport Lévy-Jouyet et nous ne les reprendrons pas ici. Nous suggérons qu un élargissement de l identification des actifs immatériels publics porte sur tous les actifs publics nationaux et territoriaux tels que : Les marques: l hôpital Necker, le Festival d Avignon sont des marques prestigieuses connues mondialement. Il conviendrait de les administrer en les protégeant et en mettant en place le cas échéant des tarifs de droit d usage. Il est évident que la marque «France» apparait ici en tête de liste. Est-il souhaitable que n importe quel industriel puisse aujourd hui s approprier les termes «National», «France» ou «Paris». Imaginons un créateur de parfum qui décide d écouler à l export une production de piètre qualité. Actuellement, rien ne l empêche d appeler son entreprise «France-Fragrance» et de se servir gratuitement de l image très positive qu à la France dans le domaine du luxe à l étranger mais aussi d exposer la France dans le cadre de cette commercialisation. Si le produit est très décevant, la réputation de la France en souffre. 84

85 Il en est de même pour les monuments, les personnages et les évènements historiques: un casino de Las Vegas a le droit de reproduire la tour Eiffel à des fins commerciales, est-ce satisfaisant? Les institutions françaises, leur réputation et leur savoir-faire sont également exposés: La Comédie Française, l Académie Française, le CNAM, le Muséum d Histoire Naturelle, le CNRS, l Opéra de Paris, la Marine nationale, devraient être protégés contre toute appropriation abusive et être valorisés au bénéfice de la «marque France». Une telle valorisation serait, en effet, des plus bénéfique au rayonnement de la France à l étranger, et aiderait des entreprises nationales à gagner des parts de marché à l international en bénéficiant de l image de marque d excellence de certaines institutions publiques françaises. Les marques publiques pourraient aussi à l instar du Louvre faire l objet de cessions de droit d usage auprès d opérateurs économiques en France ou à l international. La question ici n est pas nécessairement d en tirer grand profit mais de protéger, d une part, et de défendre la valeur de ces actifs, d autre part, tout en faisant contribuer ces actifs à l attractivité de nos territoires. Etc. Dans cette perspective les compétences de l APIE pourraient être étendues en lui reconnaissant un rôle plus structurant vis-à-vis des actifs immatériels territoriaux en la positionnant comme une structure d impulsion et de conseil relative à la gestion des actifs publics sur l ensemble du territoire. La diffusion de la culture de l immatériel et de nouveaux modes de management passe nécessairement par une action de formation plus systématique. Il serait donc souhaitable de généraliser l enseignement de l immatériel et de ses enjeux aux écoles formant à la fonction publique mais aussi d intégrer des modules de formation sur l immatériel public dans les instituts de formation continue nationaux et territoriaux tels que l INET ou le CNFPT. II.6.2 Recommandations 12 et 13 R12 : Positionner l APIE comme une structure d assistance à la bonne gestion des actifs territoriaux. Systématiser l enseignement des enjeux et du management de l immatériel dans les écoles formant à la fonction publique; systématiser son inscription dans les programmes de formation continue des agents publics (établissement de leur valeur, protection, tarification pour des usages commerciaux). R13 : Renforcer le rôle de l APIE comme promoteur des actifs immatériels publics à l étranger dans un but lucratif pour l Etat et les collectivités administrées. 85

86 III Réindustrialiser: comment se servir de l apport immatériel III.1 Introduction Le sujet traité ici est très important puisqu il conditionne notre capacité à vendre nos produits en France, à limiter les délocalisations et à exporter. Sur ces thématiques la France est en mauvaise passe comme nous l avons vu en introduction. Rajoutons que emplois industriels ont été perdus en France en 10 ans 42 et que 1000 usines ont été fermées dans notre pays depuis 2009 contre 700 ouvertures 43. L immatériel pourrait-il participer à la ré-industrialisation? Une compréhension un peu simpliste de l immatériel tend à opposer cette composante économique à l industrie. Il y aurait donc selon certaines opinions l économie immatérielle et l économie industrielle. Nous avons montré, par des exemples, dès l introduction de ce rapport, que cette vision de l immatériel était restrictive. Avec une même pièce de tissu et un même temps de travail, on peut faire une robe quelconque ou un superbe vêtement. La différence est un savoir-faire de styliste, purement immatériel. Cette prise de conscience nous amène à comparer une production industrielle qui réussit et une autre qui échoue et de formuler une hypothèse : «et si la différence était immatérielle?» et si la différence entre une voiture Volkswagen et une Peugeot de même gamme était immatérielle? Reprenons donc notre processus analytique exposé en début de rapport: que faut-il pour fabriquer un produit? Il faut tout d abord un bouquet d actifs bien connus : Des machines Des hommes Des ressources financières Une organisation et un SI. Des matières premières Des savoir faire Une marque 42 Rapport «L avenir de l industrie française», rédigé par le Think Tank Génération Expat sous la direction du co-fondateur Sébastien Laye. (Octobre 2012) 43 Comment la désindustrialisation de la France s'accélère, L'Expansion.com avec AFP - publié le 05/02/2013 à 09:37 86

87 Des fournisseurs Il faut ensuite que cet ensemble travaille ce qui entraine des coûts: salaires, énergie, etc. Comparons deux usines dans deux pays différents produisant le même type de produit dans une gamme de prix comparables: il n est pas difficile pour elles deux d avoir les investissements matériels, les matières premières, et les fournisseurs au même prix. La différence va porter sur : 1. Le coût du travail, 2. La productivité humaine dans toutes ses dimensions incluant: La pertinence des options prises, L efficacité combinée des lignes de fabrication + systèmes informatisés + efficacité humaine au sens large + efficacité organisationnelle globale de l entreprise incluant l organisation commerciale, L efficience de ces moyens: le dimensionnement des ressources mobilisées et la part de ces ressources non allouées directement aux travaux productif: encadrement, administratif, support Ainsi, la productivité globale de l entreprise est égale à la pertinence + l efficience + l efficacité des ressources combinées (matérielles, informatiques, organisationnelles et humaines). 3. L avantage concurrentiel du produit issu de l intelligence (ou de la connaissance qu il embarque). Il peut s agir d une intelligence liée : o à l innovation fonctionnelle (fonctions offertes à l utilisateur); o à l innovation technique (baisse des coûts de fabrication, augmentation de la fiabilité, augmentation de la durée de vie ); o au design (attractivité esthétique du produit) o ou encore au modèle économique o à la distribution, o etc. 4. La marque Si nous prenons de nouveau du recul, nous constatons que les caractéristiques des lignes de fabrication, de l informatisation, de l organisation du travail et du travail humain lui-même sont des résultantes de deux paramètres principaux du capital humain: la compétence (incluant la créativité) et la motivation. A plus long terme, la valeur de la marque et du capital de savoir viennent aussi du capital humain: ce sont les équipes marketing qui «font» la marque et les ingénieurs de R&D qui «font» le capital de savoir. Cela étant, la marque et les 87

88 savoir-faire de l entreprise résultent d une production humaine qui s étale en général sur des temps longs à très longs. Ainsi, à l échelle d une ou de deux années dans la pluparts des secteurs, on peut considérer qu un produit tire son avantage compétitif global de 6 paramètres dominants : 1. La compétence des équipes, 2. Leur motivation collective (incluant le moral, la motivation individuelle, la cohésion générale, leur alignement sur un but commun) 3. Le capital de connaissance embarqué dans le produit, 4. La marque utilisée 5. Le coût du travail. et rien d autre puisque le matériel, l énergie, etc sont au même coût par exemple pour la France, l Allemagne, l Angleterre, la Suède, le Danemark, etc (encore que l énergie électrique soit bon marché en France). Qualitativement une première conclusion s impose: le coût du travail ne représente qu un paramètre de réussite sur cinq (qui peut bien sûr largement dominer tous les autres). Les autres paramètres sont purement immatériels. C est sur cette base que notre analyse a été conduite. III.2 Le coût du travail est-il responsable de la désindustrialisation de la France? Cette question est cruciale car si la réponse est oui, la ré-industrialisation peut apparaitre comme difficile à conduire, voire illusoire. En revanche, sinon, le sujet peut être mis de façon sérieuse à l ordre du jour d une politique publique. Le coût du travail est élevé en France, nul n en disconviendra. C est ce que montre le tableau COE-Rexecode ci-dessous 44. La France a un coût du travail de près de 10 fois celui de la Bulgarie, de 4,7 fois celui de la Pologne et de 1,6 fois celui de l Angleterre. Il est également le 8 % supérieur à celui de l Allemagne. Cependant, bien qu étant l un des plus élevé d Europe, il est inférieur au coût du travail en Suède, en Norvège ou au Danemark. 44 COE-Rexecode : Rapport sur la divergence de compétitivité France Allemagne, novembre

89 Fig 38 : le coût du travail en Europe selon COE-Rexcode La France, dans le concert des nations, est donc objectivement désavantagée par le coût du travail d autant que les chiffres des pays européens en queue de pelotons ne sont pas les plus bas du monde: le coût horaire du travail est inférieur à 2 en Chine et au Mexique en La différence entre deux coûts horaires du travail peut se compenser par la productivité (quantité produite à l heure) mais c est illusoire lorsque le delta de coût du travail est très grand. 89

90 Ces chiffres nous apportent donc une information précieuse: la différence de coût du travail n est pas si importante, par exemple, entre la France et l Allemagne. Cette réalité mérite d être creusée car il y a des disparités par secteur et par taille d entreprise (voir ci-dessous). Fig 39 : comparatif du coût du travail en France et en Allemagne (tableau établi par le quotidien Libération sur la base de statistiques Europstat) Ces informations sont éclairantes. Elles montrent, tout d abord, que le coût du travail industriel en Allemagne est plus bas qu en France dans les petites entreprises mais pas dans les grandes. Ainsi pouvons-nous affirmer que si les produits allemands issus des grandes firmes sont plus attractifs que les produits Français (c est flagrant dans l automobile) c est parce que les industries Allemandes ont un meilleur capital immatériel! Nous allons développer ce point qui nous apprend beaucoup de choses sur les voies et moyens de réindustrialiser la France. Mais la présente analyse permet d autres conclusions: la première est que nous avons des marges de manœuvre pour rendre notre pays plus compétitif en abaissant son coût du travail sans que cela se traduise par une perte majeure: une gestion plus souple du temps de travail se traduisant par une remise en cause des 35 heures ne modifierait que faiblement le rapport des Français au travail puisque nous parlons que de 90

91 quelques heures par semaine mais si nous nous fions à l étude Coe-Rexecode jointe, cela nous ferait reprendre l avantage, par exemple, en Europe, sur la Finlande, l Irlande, l Allemagne et sur l Autriche. Mais en second lieu, il apparait très clairement dans cette étude qu un coût du travail élevé n empêche pas à différentes économies d être performantes. En résumé, si le capital immatériel de permet pas à une économie comme la nôtre de rivaliser avec des pays émergeants. Il semble plus que probable que grâce à l immatériel on puisse réindustrialiser notre pays (voir l exemple cidessous). Un effort combiné baisse du coût du travail et politique immatérielle semble être la formule gagnante pour redynamiser durablement notre industrie. III.3 La différence entre une Peugeot et une Volkswagen: immatérielle? III.3.1 La stratégie allemande: très immatérielle 45. L automobile et la machine-outil, sont deux piliers de l'industrie allemande et de ses exportations. A l'exception d'opel, les autres constructeurs que sont Volkswagen, Porsche (aujourd'hui intégré au géant de Wolfsburg), Mercedes et BMW ont largement participé au renouveau allemand. La croissance des ventes, la rentabilité ou l'internationalisation des constructeurs allemands sont les fruits de choix stratégiques longuement mûris. Le président du directoire du groupe Volkswagen Martin Winterkorn annonçait en 2009 : «Ce qui est fondamental pour un constructeur automobile, c'est de concevoir des véhicules qui exercent un pouvoir de fascination sur les clients. Cela peut sembler banal, mais c'est plus vrai que jamais lorsque les temps sont difficiles, comme actuellement». Ainsi les reformes structurelles d ordre social (retraite, flexibilité et coût du travail, santé) ne sont pas les seuls facteurs qui ont permis la réussite de l automobile allemande. Matthias Wissmann président de l union de l industrie automobile (ancien membre du Bundestag en tant que représentant de la CDU) affirme que l une des forces de l industrie de l automobile est sa capacité à renforcer et à maintenir son effort en recherche et développement même pendant les périodes de crise (en 2008 l ensemble du secteur privé allemand investissait 31 Ma en R&D contre 15 Ma en France). En outre, selon lui, c est la stratégie de long terme, mise en place par une gouvernance composée essentiellement

92 d ingénieurs, qui a permis la croissance de l industrie allemande 46 (notons qu il ne peut y avoir de stratégie de R&D réussie sans une démarche à long terme). Fig 40 : évolution des production automobile en France et Allemagne (La Tribune) Remarquons que l industrie automobile allemande n a pas toujours été en bonne santé. Par exemple, la marque Audi qui n a pas toujours eu la reconnaissance qu elle a actuellement. C est par le développement de sa gamme, de son contenu technologique, de sa stratégie d internationalisation, de son image de marque, qu Audi est devenue une marque de premier plan. Par comparaison l'alliance Renault-Nissan a investi 4 milliards d'euros dans le développement de ses véhicules électriques quand Audi prévoit 10 milliards pour moderniser et élargir sa gamme. Selon les professionnels allemands, les marques françaises sont capables du même sursaut qu a connu Audi. Les marques françaises pèchent par leur manque de stratégie d internationalisation et par manque d investissements pour atteindre de nouveaux marchés (Volkswagen va investir 14 milliards exclusivement destinés à la Chine). Que pouvons-nous conclure de tout ceci? Le design, la marque, la R&D, l internationalisation ont fait la réussite des marques allemandes. La dimension immatérielle de ces investissements est écrasante. Un autre élément qui ne relève pas du capital immatériel (quoi que) conditionne ces succès: la prise de risques. 46 L industrie allemande n était pas en bonne santé pendant les années 90 92

93 III.3.2 La qualité des produits: un défaut immatériel français? 47 L ADAC, l automobile club allemand a réalisé une enquête de fiabilité, en recensant les pannes automobile sur le territoire allemand, pour déterminer le classement des voitures les plus fiables. De ce classement ressortent les qualités de certaines gammes françaises. Dans les "mini-citadines", parmi les cinq voitures les plus fiables c'est-à-dire ayant le plus faible taux de pannes, on trouve... deux françaises: la Citroën C1 et la Renault Twingo. Y figure aussi la Toyota Aygo produite en République tchèque au sein d'une co-entreprise PSA-Toyota. Dans la gamme des "petites", la Peugeot 206 est à la troisième place et la Dacia Sandero arrive au cinquième rang sur 23 véhicules recensés. L'étude 2013 de l'adac met en avant la bonne qualité de la franco-roumaine d'entrée de gamme. En outre, les Citroën C3 (neuvième) ou Renault Clio (dixième) se classent devant la Volkswagen Polo ou la Toyota Yaris, des modèles réputés très fiables. Dans la gamme des compactes, sur 30 modèles analysés, le monospace Citroën C4 Picasso arrive au deuxième rang, derrière le 4x4 BMW X1. Le Renault Scénic est huitième. Et la berline Renault Mégane (douzième) talonne la Volkswagen Golf tout en se plaçant devant le monospace compact Volkswagen Touran. Le ludospace Citroën Berlingo, plutôt rustique, est quatorzième, précédant deux monospaces japonais, les Mazda 5 et Toyota Verso, renommés pour leur fiabilité. Cette étude de l'adac appuie d'autres travaux récents qui mettent en avant la fiabilité des marques françaises, ou du moins une qualité comparable à celle des allemandes 48. Dans la dernière enquête annuelle de l'automobile Magazine Le bilan annuel dressé par l'assureur anglais Warranty Direct a montré que les moteurs germaniques sont bien loin de cette fiabilité légendaire. BMW, Mini, Volkswagen et Audi faisaient partie des 10 marques les moins fiables de leurs classement avec Renault et Peugeot. Renault (avec un taux de défaillance de 2,13%) se classe après Volkswagen (avec un taux de défaillance de 1,91%) mais avant BMW (2,20%), Peugeot (2,26%), Mini (2,51%) et Audi (3,71%). 93

94 portant sur cent modèles en France, la petite Renault Twingo remportait la palme de la fiabilité dans la catégorie des "minis" avec une excellente note de 17,5 sur 20. La Mégane triomphait dans les "compactes". Quant à la Laguna, elle obtenait un très honorable deuxième rang dans les "familiales", juste derrière la Mercedes C. Les gammes Citroën C3-DS3, la Citroën DS4 ou le monospace Peugeot 5008 affichaient de belles performances. Que peut-on déduire de tout ceci? Il est possible que la robustesse et la fiabilité des modèles allemands expriment leur suprématie à long terme. Mais sinon, les marques françaises, comme on peut le voir ici, se défendent fort bien. Voici donc une idée reçue qui tombe: dans le domaine de la fiabilité très immatériel, de nouveau - le secteur automobile française n a pas (ou n a plus à) rougir mais qui le sait? Il s avère ainsi que les marques françaises souffrent d un réel déficit d image, en effet voici le résultat d un sondage réalisé en 2010 par le groupe Motor presse, auprès de lecteurs de presse automobile: Fig 41 : Fiabilité perçue des voitures en fonction de leur pays de production et d utilisation. Ces études montrent bien l écart important qui existe partout dans le monde entre la qualité perçue des marques automobiles et leur qualité réelle. III.3.3 La compétence insuffisante des entreprises françaises en exportation A nouveau sur ce terrain, la question est immatérielle: nous parlons nettement moins bien l anglais que nos concurrents. 94

95 Fig 42 : Les élèves français sont mauvais en Anglais Dans ce cadre, une idée, très ancienne et très française, nous limite: nous pourrions perdre notre identité en devenant anglophones. Il serait souhaitable de clarifier les choses sur ce point. L anglais est aujourd hui l espéranto des affaires. Lorsqu un Allemand et un Français parlent affaire, c est en Anglais. Nous devrions déclarer l Anglais seconde langue officielle en France et la réserver aux activités professionnelles. L enjeu est, en effet, de taille car la langue est un frein important à l exportation or seulement 16 % des cadres Français se déclarent «fluent» en anglais 49. Ce taux est probablement inférieur chez les dirigeants de PME. III.3.4 Recommandations 14, 15, 16, 17 et 18 Cette rapide analyse centrée sur l automobile nous fait formuler 5 recommandations clés. R14 : le risque de déclin industriel de notre pays est trop important pour ne pas faire flèche de tout bois. Nous devons revenir au 39 heures et reprendre une logique d ARTT négociée lorsque «ça ira mieux» R15: Notre pays souffre de la qualité perçue de ses produits. La «Qualité France» doit devenir une cause nationale. Nous recommandons de lancer les états généraux de la qualité des produits Français et une mobilisation nationale autour du zéro défaut en France. Cette initiative pourrait prendre la tournure de la campagne «En France on n a pas de pétrole mais on a des idées» lancée à la suite du premier choc pétrolier en R16 : Œuvrer à la promotion des marques Françaises en s appuyant sur les plus belles marques. Il est paradoxal d avoir en France les plus belles marques de luxe mondial, synonymes de qualité absolue et d avoir un déficit dans ce domaine pour les autres produits. L Etat pourrait conduire le projet de faire 49 Entretien d'embauche en anglais : 73% des cadres ne sont pas prêts, Sylvia Di Pasquale 09 septembre

96 rayonner à l export un panel de marques françaises d excellence en agrandissant d année en année le nombre de ces marques à mesure que la mesure R15 porte ses fruits. R17 : Engager un énorme effort national sur la maîtrise de l anglais en faisant de l anglais notre seconde langue nationale et en augmentant son coefficient dans toutes les filières au bac et en imposant que 50 % des cours soient délivrés en anglais dans le supérieur. R18 : Créer une université de dirigeants pour l export Une autre chose manque aux entreprises françaises : elles n innovent pas assez. Ce point sera discuté plus loin. Et la présente recommandation R 18 sera rapprochée d une autre recommandation assez proche. IV Passer à l économie de l usage pour devenir une économie mondiale très innovante, exemplaire et robuste IV.1 Notre économie n est pas soutenable A l heure du développement durable, l humanité fait face à un défi environnemental sans précédent qui n est pas encore pris en compte à sa juste mesure. Il peut être exprimé sous forme de 3 grands volets: Première volet: la dégradation de notre milieu de vie, la biopshère, est rapide, alarmante et ne se résume pas au réchauffement climatique: en France 80 % des eaux de surface et 57 % des nappes phréatiques sont polluées 50. Sur les 8700 décharges officielles de l Union Européenne, 1,2 Milliards de tonnes de déchets s accumulent dont une partie est extrêmement toxique (mercure, toluène, benzène ) 51. Ainsi, la pollution de l air, de l eau et des sols entraîne une explosion de pathologies nouvelles chez l homme : le nombre de cancers a augmenté en France de 63 % en 20 ans 52. La progression de certaines pathologies animales est également inquiétante: la mortalité des abeilles, dans certaines régions, peut atteindre 10 fois la normale 53. Rappelons qu elles contribuent par la pollinisation à la survie et à l évolution de 80 % des plantes. La cause de surmortalité des abeilles tient à plusieurs facteurs parmi lesquels: le parasite Varroa, raréfaction des sources d alimentation liée à l agriculture intensive, la baisse de la biodiversité végétale et l impact des pesticides (5000 substances chimiques commercialisées sont pathogène ou mortelles pour les abeilles). 50 MNHN- Futura Sciences 51 Eurostat 52 Approche méthodologique du lien avec l environnement coll. Inserm Agence Française pour la sécurité sanitaire des aliments Rapport "Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d abeilles"

97 Second volet: L épuisement des ressources naturelles concerne presque tous les domaines. La désertification touche 1/3 des terres émergées 54 et la superficie mondiale des surfaces cultivables stagne depuis 2000 tandis que la population croît de 1,2 % par an % des stocks halieutiques sont surexploités 56 et les réserves connues de nombreux métaux seront, au rythme actuel de consommation, épuisés dans un avenir proche : Or, dans 17 ans, Argent : 18 ans, Cuivre : 31 ans, Zinc : 17 ans, Plomb : 22 ans, Palladium : 15 ans 57. S ajoute à cette liste, bien sûr la question du pétrole. Troisième volet: La misère persiste. Malgré le développement rapide de l économie mondiale et la croissance régulière du PIB du plus grand nombre des pays de la planète, 925 millions d êtres humains souffrent de sous-alimentation. Plus de 3,5 milliards d individus sont victimes de malnutrition (carences en fer, iode, vitamine A) habitants de la planète sur 3 courent le risque de manquer d eau douce à brève échéance (consommation multipliée par 6 en 20 ans 59 ). Un quart de l humanité (2,5 milliards de personnes) consomme une eau polluée parce que nous produisons mille fois plus de produits chimiques qu en 1935 et qu une grande partie finit dans l eau 60. En outre, 250 millions d enfants travaillent par le monde dans des conditions épouvantables 61. IV.2 Toutes les dispositions prises au nom du développement durable sont cruellement insuffisantes Il existe en France depuis une dizaine d années environ un courant de développement durable en progrès constant. Les concepts de consommation responsable, d écoconception (créer des produits ayant un impact réduit sur l environnement) ; d économie circulaire (recyclage des déchets et produits en fin de vie) ; d économie positive (développer des activités ayant un impact positif sur l environnement), etc sont des éléments constitutif du développement durable. Hélas, ces efforts bien que réels et sérieux sont très insuffisants : La réduction des émissions de gaz à effet de serre telle que définie dans le protocole de Kyoto est un échec. A l échelle mondiale l épuisement des ressources et la dégradation des milieux naturels ne sont pas enrayés non plus: une majorité écrasante des indicateurs précités poursuivent leur dégradation régulière. 54 Saquet Anne-Marie, Atlas mondial du développement durable, Autrement, Ibid. 56 Ibid. 57 Sciences et Vie hors Série N 243 Juin Rapport Annuel d activité 2010 Action contre la Faim 59 Laurent de Bartillat et Simon Retallack, Stop, le Seuil, Ibid 61 Selon Unicef 97

98 Si la prise de conscience a bien eu lieu comme le montrent a tenue régulière de sommets organisés par l ONU ou encore, en France, le Grenelle de l environnement ; nous pouvons constater que les progrès constatés au cours de la dernière décennie sont malheureusement bien trop lents au regard des enjeux: La somme des bonnes raisons sociales et environnementales qui militent pour une mise en œuvre rapide du développement durable ne semble donc pas suffisante malgré son ampleur. La démographie joue un rôle majeur dans cet échec comme l explique de façon implacable l équation de Kaya. 62 Il résulte de ces considérations une conclusion très épineuse : tant que nos économies seront basées sur la consommation de biens matériels, elles ne pourront pas être soutenables puisque par un moyen ou par un autre, elles sont fondées sur l exploitation très rapide des ressources naturelles et la production toute aussi rapide de déchets. Nos emplois et nos salaires dépendent donc d une machine qui n est pas soutenable où le verbe VENDRE conditionne tout. Dans certains secteurs saturés comme l automobile, l addiction à ce verbe serait presque comique si 15 % de notre production de richesse nationale annuelle (et presque autant de nos emplois) n en dépendait pas: les autos se vendent à grand renfort de spots publicitaires où le vendeur paye pour qu on lui prenne ses voitures. Bref pour vivre, les entreprises ont besoin de «faire du volume» ce qui rend très hypocrites nombre de politiques de développement durable sur lesquelles elles s'échinent à communiquer. IV.3 Qu est-ce que l économie de fonctionnalités? L économie de fonctionnalité consiste à vendre l usage d un produit et non le produit lui-même. Exemples : o o o Vendre des km parcourus et non des voitures, Du lavage et non des machines à laver, Des pièces à 19 C et non du Gaz Ce découplage entre la vente et le transfert de propriété du produit peut sembler banal et même courant. Ce principe pourrait d ailleurs s appeler «économie de la location» ce qui n a rien de révolutionnaire. Mais les apparences sont vraiment trompeuses, en effet : Dans l économie de la vente, plus le produit se retrouve vite à la décharge et mieux c est : plus de CA, plus de rentabilité ; En économie de fonctionnalité c est l inverse. Plus la durée de vie du produit est longue et plus la marge augmente. 62 Yoichi Kaya, économiste de l'énergie japonais. Livre «Environment, Energy, and Economy» 1993 : Tokyo. 98

99 Voici donc une idée nouvelle, en rupture et qui pourrait peut-être rendre nos économies soutenables: il est possible de maintenir la croissance du PIB sans l adosser à un flux de biens matériels aussi important. En caricaturant (à des fins pédagogiques): on peut croître sans consommer! Voici un exemple simple. Prenons une machine à laver bas de gamme qui coûte aux alentours de 300 et dure en moyenne 7 ans. Ce qui fait un budget lavelinge annuel de 42. Imaginons que l industriel cesse de vendre ses lave-linges mais se mette à vendre un service de lavage de linge. Son service serait le suivant: l entreprise vient installer l appareil chez vous, en fait une révision régulière et le répare s il ne fonctionne plus. Tout cela pour le même prix, soit 42 par an. Nous pouvons convenir que pour le consommateur, il n y a pas grand changement. Le coût annuel pour l usage de la machine est le même. il y a un petit avantage même : pas de grosse somme à sortir au moment de l achat. Il y a aussi un petit inconvénient. Si l utilisateur arrête de payer, on lui retire la machine donc au bout de 7 ans, tant que la machine fonctionne, la vente est avantageuse (mais comme la machine dure en moyenne 7 ans, cet avantage est nul pour la population cliente en moyenne). Nous conviendrons ici que pour l utilisateur les deux options sont équivalentes. En revanche, pour l entreprise et ses revenus tout change. Il n est plus nécessaire de pousser à la consommation pour vivre. Au contraire, plus le lavelinge est durable et plus la marge est belle. Inutile ici de programmer l obsolescence de la machine, il vaut mieux au contraire la faire durer. Cet exemple simple ouvre des horizons: si le flux économique entre le consommateur et l industriel ne varie pas lorsque l on passe de l économie de la vente à l économie de l usage, alors la croissance du PIB peut se maintenir avec un flux de biens qui se réduit fortement. En outre, si le produit dure 4 fois plus longtemps, on atteint les objectifs du fameux facteur 4 (notre planète cesse de se réchauffer si nous arrivons à diviser par 4 la consommation d énergie fossile: cela ne règle pas tout mais ce serait déjà un progrès énorme). Le passage à l économie de fonctionnalités ne manque pas de soulever de nombreuses questions et de poser de multiples problèmes : Les emplois industriels sont détruits puisque le nombre de produits à fabriquer baisse. L actif du bilan de l industriel explose puisque les produits restent sa propriété, ce qui rend l activité très gourmande en capitaux La psychologie de la propriété très fortement ancrée dans notre culture est mise à mal Le progrès technologique est fortement ralenti puisque les générations de produits sont plus longues 99

100 Comme le défi environnemental ne nous pose pas encore trop de problèmes et que l économie de fonctionnalité bouscule tous nos points de repère, elle n est pas vraiment mise en œuvre aujourd hui à grande échelle. Pourtant, elle donne de très bons résultats pour les entreprises qui ont décidé de l intégrer à leur offre: Elis (location de vêtements professionnels, Michelin (location de pneus de camions et d avions), SAS (location de logiciels) ; Xerox (location de copieurs) ; Lexmark (location d imprimantes) ; Interface (location de moquette) ; Safechem (location de produits chimiques) ne regrettent pas le choix de ce modèle économique. IV.3 Chronique d une révolution économique imminente Le débat sur l économie de fonctionnalité, lorsqu il a lieu, laisse la plupart du temps de côté un paramètre essentiel qui pourrait très vite le faire cesser: nous entrons dans une économie de ressources rares, comme nous l avons vu en introduction de ce chapitre. La raréfaction des ressources naturelles aura tôt ou tard pour conséquence d imposer l économie de fonctionnalité. Mais comme nous avons du mal «à croire ce que nous savons» 63, nous débattons des avantages et des inconvénients de ce modèle économique et concluons souvent qu il n est pas bon. Si nous prenons toutefois un peu de recul, nous constatons : que le marché de la location est très dynamique dans le domaine du logement à cause du prix d acquisition des biens. que ceci devient également une réalité pour les voitures électriques: la Zoé est à vendre hors bonus écologique à 33 K en 2013 batterie incluse tandis que son équivalent Clio essence est à 18 K mais l écart de coût global des deux véhicules à l usage est équivalent sur 8 ans: de l ordre de 360 (toujours hors bonus écologique) avec une batterie louée à 79 par mois 64. Il apparait clairement ici que la location rend la voiture électrique intéressante alors que sa vente est à un prix prohibitif. Que devons-nous en déduire? Simplement que le coût des matières premières lorsqu il s envolera fera que les produits deviendront trop chers à la vente et que l économie de fonctionnalité s installera naturellement dans notre paysage économique. Voici quelques bouleversements hautement probables : 63 Expression employée par Yann Artus Bertrand dans le film Home. 64 Retraitement de données disponibles sur le site Breecar.com 100

101 un déplacement des emplois industriels de la ligne de fabrication vers le service après-vente (non délocalisable): moins de monde dans les usines mais plus d emplois de services, une opportunité de relocalisation car le prix des produits et l exigence de faire durer fera que le poids de la main d œuvre baissera dans le prix de revient des produits. Combiné à l élévation du niveau de vie des pays émergeants et aux principes de location cette évolution fera que le «produire en France» redeviendra compétitif, le développement fort, demain, de nouvelles générations de sociétés de leasing pour ces produits durables car le métier d un industriel n est pas de gérer des produits mis à disposition des clients, le développement de produits hyper-modulaires qui permettra des évolutions technologiques sans échange standard, Un vrai passage à l économie circulaire puisque qu en fin de vie le produit est remis à son propriétaire IV.3 La France face à l économie de fonctionnalités Le présent chapitre ne suffit évidemment pas à apporter la preuve que l économie de fonctionnalités à tant de vertus. Il ne décrit surtout pas la façon de s y prendre pour que ces vertus potentielles deviennent réelles. Dans ce domaine comme dans d autres, il suffit de quelques mauvaises options pour qu un changement bénéfique devienne contre-productif. Mais, par ailleurs, imaginons que l économie de fonctionnalités soit, comme on peut le supposer, une opportunité économique à très fort potentiel pour rendre notre pays à la fois plus écologique et plus créateur d emplois. Nous aurions alors vraiment intérêt à établir une politique volontariste et massive de dématérialisation de notre économie grâce à ce concept. Dans le concert des nations ceci nous ferait ouvrir la voie à une économie nouvelle, propre, durable et sociale! N attendons pas que la Chine ou l Inde qui ne pourront pas, c est évident, offrir à leurs populations, vue leur taille, des biens jetables, y viennent avant nous. Car ce jour-là, des produits de qualité et à un prix locatif abordable se déploieront en France en provenance de ces pays. Si nous prenons le leadership, nous pouvons à l inverse offrir à des pays en développement ces mêmes produits durables et abordables en location. Nous pouvons, en outre, parce que nous le ferons progressivement et avec discernement rendre cette économie efficace en traitant au fur et à mesure et sans précipitation tous les problèmes qu elle va poser. IV.6 Recommandations 19, 20 et 21 R19: Créer un institut de recherche sur l économie de fonctionnalité chargé en 2 ou 3 ans maximum: 101

102 d apporter la preuve de l efficacité de ce modèle économique pour notre pays, de définir tous les aménagements juridiques requis pour le développement de cette économie, de mettre en place une méthode efficace permettant aux entreprises de passer progressivement à l économie de fonctionnalités, Etablir un modèle économique et les conditions de viabilité requises pour que se développe de nouveaux opérateurs de leasing qui seront demain des grands interfaces entre les industriels et les consommateurs utilisant des produits en économie de fonctionnalité. R20 : Créer deux TVA. L une pour les produits vendus et l autre pour les produits proposés en économie de fonctionnalités. La moyenne des deux taux étant égale au taux actuel de 19,6 %. Déployer progressivement cette TVA dans des secteurs choisis 2 ans après l avoir annoncé pour que les industriels se préparent. R21 : Lancer, lorsque ces recommandations auront été mise en œuvre, un Grenelle de l économie de fonctionnalités afin d engager une transition efficace dans ce domaine. V Redonner toute sa place au capital de savoir V.1 De quel savoirs parlons-nous? Le capital de savoir est à l origine de l utilité sociale et de l avantage concurrentiel des produits et services disponibles dans un pays: savoir éduquer, soigner, nourrir, habiller, divertir, etc. Afin de ne pas le confondre avec la compétence qui est une caractéristique du capital humain traitée dans un autre chapitre, nous nous centrerons dans cette partie du rapport sur le savoir «produit» sous forme de documents, plans, publications techniques et académiques, brevets, etc. Nous y incluons aussi les caractéristiques des produits et services disponibles qui «embarquent» le savoir. C est la partie visible, pour le plus grand nombre, du capital de savoir. Nous traiterons également ici des processus de production du capital de savoir qui sont composés de la recherche, de la RetD, de l amélioration permanente des pratiques dans les différentes métiers (corpus transmissible des meilleures pratiques artisanales, par exemple), etc. Mais nous choisissons de traiter dans le chapitre relatif au capital humain le domaine de la transmission du savoir, c est-à-dire l enseignement. 102

103 V.2 l Excellence Française est indéniable dans ce domaine Il y a une excellence française en matière de capital de savoir si l on en juge par le nombre de distinctions internationales reçues par des français (prix Nobel, Médaille Field, qui est l équivalent du Nobel pour les mathématiques, etc). En effet, la France 65 compte à ce jour 34 prix Nobels et se place 4 ème dans ce domaine après les USA, l Angleterre et l Allemagne. Elle arrive en seconde position pour la médaille Field après les USA mais devant la Russie ce qui confirme que nous sommes une nation de matheux. De nombreux évènements scientifiques et techniques viennent régulièrement nous le rappeler: succès d Airbus ou d Ariane, découverte du SIDA, forte contribution française à la découverte du Boson de Higgs, etc. En matière de capital de savoir, la France est pourtant une terre de contrastes. V.3 Intensité de la production du savoir en France. V.3.1 Globalement La France figure pour la période au 6 ème rang mondial 66 pour le nombre de ses publications académiques derrière : 1. Les USA 2. La Chine 3. L Angleterre 4. Le Japon 5. et l Allemagne Cette place est enviable. Notons cependant que la France perd du terrain (elle était 5 ème précédemment). En outre, le nombre de publications des grands émergeants (notamment le Brésil, la Russie et l Inde) croissant à un rythme soutenu, elle devrait en perdre encore dans le futur. Mais cette baisse relative n est pas un déclin. Le nombre de publications croit tous les ans 67 et le nombre de citations progresse. Ce repli incite simplement à de la vigilance et à de l investissement. Point positif également, la France détient des avantages technologiques dans plusieurs domaines comme le montrent les graphiques ci-dessous issus du rapport 2012 de l attractivité de la France produit par le ministère de l économie et des finances 68 : dans le domaine des nanotechnologies, des biotechnologies et 65 Sciences : la France dans le top 5 des nations les plus récompensées. Le figaro.fr 10/10/ Chris Llewellyn Smith, rapport de la Royal Society UK, Rapport de l OST Publication collective Centre d Analyse Stratégique (CAS), l Agence française pour les investissements internationaux (AFII), la Direction générale du Trésor (DGTrésor) et le Délégation interministérielle à l Aménagement du Territoire et à l Attractivité Régionale (DATAR) : Tableau de Bord de l attractivité de la France, édition

104 de l environnement notre avantage technologique est positif (barre verticale orientée vers le haut) lorsqu on le compare à celui de 14 pays qui sont nos principaux concurrents incluant les USA, l Angleterre, l Allemagne et le Japon. L indice permettant ce calcul s appelle l avantage technologique révélé. Il correspond, pour un pays donné, à la part de marché des demandes de brevets dans un domaine sur sa part de marché des demandes de brevets tous domaines confondus. La France étant un important déposant, cet indicateur peut être considéré comme absolu (place de la France dans le domaine) et non relatif (relative spécialisation de la France dans un domaine quel que soit son poids par ailleurs). Bien qu ici, comme ailleurs, des thématiques méritant la plus grande vigilance soient identifiées, nous constatons que, globalement, la France n a pas à rougir de sa production de savoir. Fig 42b : Avantage technologique révélé de la France dans 4 secteurs V.3.2 Nous concevons plus que nous ne réalisons Mais nous souffrons, en revanche, d autres lacunes qui touchent à l utilisation de nos connaissances et à la création de produits innovants. Il semblerait, ainsi, que nous soyons bons pour concevoir mais moins bon pour réaliser comme le montrent plusieurs indicateurs. Le premier est la part de la R&D nationale prise en charge par les entreprises: elle est en retrait par rapport à celle de nos grands concurrents (voir plus bas) et elle n a pas changé depuis quinze ans. 104

105 En outre, selon Nicolas Von Bulow 69 la France n'innove pas assez. Par exemple, entre 1970 et 2010, elle n'a créé que 4 entreprises dont le budget de recherche dépasse les 100 millions d'euros. Notre déficit d ETI n aide pas non plus à l innovation qui demande des moyens substantiels. Rajoutons à cela une frilosité française avérée qui limite la prise de risque (voir plus bas le chapitre sur le capital humain). Cette analyse est confirmée par le classement de la France dans le Global Innovation Index de La France a beau être le 6 ème pays au monde par le nombre de ses publications et le 4 ème déposant de brevets en Europe, elle n est que 24 ème dans ce classement des pays innovants et perd 5 places en 3 ans, depuis Nos voisins britanniques sont, pour leur part, 5 ème du classement et les Allemands 15 ème. Notons un autre indicateur très cohérent par rapport à ce qui précède: la France exporte plus de capital de savoir qu elle n en importe. En 2011 le solde positif était de 4 M 71. Cela prouve la qualité de sa recherche mais l insuffisance de l emploi qui en est fait sur le territoire. On sait par ailleurs (voir première partie) que la balance française du commerce extérieur est négative. Il est intéressant de noter que la situation de l Allemagne est inverse: solde positif du commerce extérieur et négatif du capital de savoir. Nous terminerons cette analyse en soulignant que notre désavantage technologique dans le secteur informatique sera de plus en plus pénalisant car les logiciels sont absolument partout. Il y a de nos jours de moins en moins de secteurs où les logiciels ne comptent pas. V.3.3 le savoir faire n est pas que technologique Ce tableau ne serait pas complet s il se bornait au capital de savoir scientifique et technique. Or il y a en France un savoir-faire de compagnons de très haut niveau que l on retrouve notamment dans le secteur du luxe et c est un atout pour la France. Le secteur du luxe, où la France excelle ne connait pas la crise et se développe. Il représente aujourd hui un marché mondial de plus de 200 milliards d euro en croissance soutenue tous les ans. Le comité Colbert regroupe 75 sociétés de luxe françaises, les entreprises qui le composent représentent 30% du marché mondial aujourd hui. L industrie du Luxe française tire un profit sérieux de la mondialisation: LVMH, PPR et Hermès sont bien implanté en Asie avec la détention de 800 magasins pour LVMH, une centaine d ouverture récente en 2010 pour PPR, et Hermès qui a créé la marque chinoise Shang Xia. 69 Nicolas Von Bulow : L'innovation en France : un système en échec, Fondation Terra Nova, Publié par l OMPI Office Mondial de la Propriété Industrielle l INSEAD, 71 Rapport de la cour des comptes 105

106 Or le luxe d exception est le résultat d un savoir-faire ancien et d une alchimie difficile à reproduire, ce qui crée une barrière à l entrée haute à franchir. Il est le résultat d une production locale par des ouvriers et des artisans très qualifiés, ce qui fait du facteur de production peu délocalisable. L avantage de la France dans ce domaine pourrait être poussé car si notre industrie du luxe réussit dans le secteur des sacs, des foulards ou des parfums, rien n interdit qu elle se déploie dans l automobile, les yachts ou d autres secteurs. Une étude récente de CLL-BBDO 72 montre la très forte appétence des consommateurs étrangers de produits français en raison de leur qualité, de leur design et du caractère «fait-main» qui justifie les prix élevés. Compte tenu de ces atouts, nous devrions veiller avec le plus grand soin à la préservation de nos entreprises et de nos marques de luxe (Charles Jourdan, ). Nous devrions également œuvrer à la valorisation des métiers d artisanat de luxe qui relèvent de savoir-faire ancestraux. V.4 Analyse des processus de production du savoir V.4.1 Analyse macro-économique Le processus de création de savoir peut être décomposé en 3 parties: la production publique, la production privée et enfin la gouvernance incluant la stratégie et le financement de la recherche. Nous les analyserons dans cet ordre. Notons au préalable que la France alloue des moyens importants à sa recherche comme le montrent les statistiques suivantes : Fig 43 : Effectif de R&D pour 1000 actifs par Pays (rapport sur l attractivité de la France) 72 Pourquoi le Made in France ne tient pas ses promesses à l'étranger, Etienne Gless L Entreprise.com, publié le 11/06/2013 à 18:28 106

107 Fig 44: Dépense intérieure de R&D par Pays (source : rapport sur l attractivité de la France Bercy) Comme le montrent les graphiques ci-dessus: la France compte un nombre de chercheurs par habitant satisfaisant: il est inférieur à celui des USA, de la Finlande, de la Suède et du Japon mais supérieur ou égal à celui des autres pays. En outre ses dépenses de R&D sont importantes puisqu en 2010 la France se situe en 6 ème place au niveau mondial avec devant elle des pays plus grands (USA, Chine, Japon, Allemagne à l exception de la Corée du Sud). Toutefois, le rapport Dépenses Intérieures de RetD/PIB qui traduit l intensité de RetD du pays est insuffisant. En 1995, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) représentait 2,29 % du PIB. Elle a été de 2,26 % en Elle reste l'une des plus faibles de l'ocde. Dans le même temps, les Etats-Unis ont accru leur effort de 2,6 à 2,8 % du PIB et les Allemands de 2,3 à 2,6. La France est donc loin de l objectif européen de consacrer 3 % de son PIB à la recherche. Avant d en analyser les causes nous pouvons constater une productivité élevée de la France en matière de recherche: nos résultats sont bons mais nos moyens insuffisants. V.4.2 La recherche publique en France La recherche en France est financée à près de 40 % par l Etat, c est plus qu aux USA, en Allemagne, au Japon, en Belgique en Irlande, en Suède 73. Corollaire naturel de cette situation: l intensité en R&D publique en France (Dépense en R&D / PIB) est proche de celle de la Grande Bretagne, des USA, de l Allemagne et du Japon. 73 Rapport sur l attractivité de la France en

108 Pourtant, comme peuvent en témoigner le mauvais état des Universités en France en général (voir le rapport sénatorial Dupont-Gillot 74 ) ou encore la pérennité du collectif Sauvons la Recherche, il existe dans ce domaine un paradoxe: l Etat y fait des efforts très importants notamment entre 2006 et (entre ces deux années, les ressources financières publiques pour la recherche ont presque doublé) mais le «malaise des chercheurs» n est pas enrayé. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation parmi lesquels. La recherche en France est morcelée au travers de très nombreux établissements: 82 universités, 9 EPST, 15 EPIC dont 5 relevant du ministère de la recherche, 67 EPA dont deux sous tutelle du ministère de la recherche, enfin d autres fondations et institutions. Cela ne favorise pas les économies d échelles et la consommation optimale des budgets. D autre part, la synergie entre entreprises et établissements publics de recherche est faible alors que les entreprises françaises, par ailleurs, n investissent pas assez en R&D. La recherche publique souffre donc d une insuffisance de financements privés. Enfin la gouvernance de la recherche en France est en devenir (voir plus bas). V.4.3 La recherche privée C est ici que la production du capital de savoir est la plus problématique. Les entreprises françaises n investissent pas assez en R&D comme le montre le graphique ci-dessous: la recherche privée représente de l ordre de 60 % de l effort total, ce qui est insuffisant (15 à 20 points de moins que le groupe de tête). Mais en parallèle, l intensité (poids de la recherche dans le PIB) nous place aussi en retard par rapport au groupe de tête. C est donc bien des entreprises que vient le déficit. En outre, l intensité de la recherche privée est en baisse depuis Isabelle Rey-Lefebvre : Selon un rapport sénatorial, la loi sur l'autonomie des universités n'a pas atteint ses objectifs, le monde, Avril Rapport de la cour des comptes. Le financement de la recherche, un enjeu national

109 Fig 45 : Intensité de la R&D et part de la R&D financée par les entreprises par pays (source : apport sur l attractivité de la France Bercy) Une autre statistique permet d affiner le diagnostic: hors innovation marketing, les PME françaises se placent en 11 ème position sur l échantillon du tableau de bord d attractivité de la France (14 pays) et en 9 ème position pour les grandes entreprises. Hors innovation marketing, les PME françaises innovent deux fois moins que les allemandes. Fig 46 : taux d entreprises innovantes en fonction de leur taille par pays 109

110 Soulignons-le, de nouveau, cette situation s aggrave et ce malgré l existence et de développement du crédit impôt recherche. V.4.4 Stratégie, gouvernance et financement de la recherche. Gouvernance et financement de la recherche publique La gouvernance et le financement de la recherche publique en France ont fait l objet d améliorations importantes au cours des dernières décennies mais ce sujet reste insuffisamment structuré et efficace. La première stratégie nationale de la recherche en France date de et définit des priorités sans y adjoindre de chiffres. Il est impossible dans ce cadre d établir une allocation de ressources et encore moins de suivre la mise en œuvre de ce plan. L enchevêtrement des organismes de recherche français décrit plus haut et la dépendance de plusieurs ministères ne facilite pas non plus une gouvernance optimale. En 2006, la création de l ANR (Agence Nationale de la Recherche) et de l AERES (Agence d Evaluation de la Recherche et de l Enseignement Supérieur.) fut un progrès réel. L ANR finance la recherche par projet, l AERES récemment remplacée par le HCERES (Haut Conseil de l Evaluation de la Recherche et de l Enseignement Supérieur) en évalue la performance. La séparation des pouvoirs entre les organes de financement et d évaluation est également à nos yeux une bonne chose. Toutefois, le fonctionnement de l ensemble souffre de défauts de jeunesse: les très nombreuses critiques formulées à l encontre de l AERES (arrogance, fonctionnement procédurier et lourd ) 77 en sont un exemple. En matière de financement de la recherche, la lisibilité et l efficacité font encore défaut. La Mission Interministérielle Recherche et Enseignement supérieure gère avec plus ou moins de facilité les budgets répartis entre plusieurs programmes et ministères. Ce n est pas, en outre, une structure de pilotage. La Cour des comptes pointe dans plusieurs rapports des difficultés dans ce domaine 78. La montée en puissance d une gouvernance plus mature accompagnée d un système de pilotage budgétaire performant serait donc souhaitable pour la recherche publique en France. Les pôles de compétitivité Dans le cadre du rapprochement entre recherche privée et recherche publique, leur mise en place en 2005, a constitué une avancée majeure. Les pôles de 76 Rapport de la cours des comptes Rapport de la cours des comptes sur la Mires en

111 compétitivité ont deux vocations. D une part financer des consortiums de recherches au sein desquels des grandes entreprises, des PME et des laboratoires de recherche collaborent. D autre part faire émerger des groupements d acteurs privés et publics au sein des territoires où l on produit du capital de savoir. A ce jour, il existe 71 pôles de compétitivité, 7 pôles de catégorie internationale, 11 à vocation internationale et 53 pôles nationaux. Une évaluation de ce dispositif a mis en évidence un bilan plutôt positif 79. Les pôles ont permis l accélération des projets de R&D, collaboratifs et individuels. Leur mode de fonctionnement est simple: des consortiums se forment et proposent aux pôles des projets de recherche. Si le pôle valide l intérêt d un projet, celui-ci peut obtenir des financements partiels pour les entreprises et totaux pour les laboratoires. Ces sources de subventions sont diverses: le FUI (fonds unique interministériel), les collectivités locales, l ANR (agence nationale de recherche), les fonds européens et la BPI. Elles ont permis le financement de près de 1125 projets de R&D en 2009, pour un montant de 765 millions d euros. Enfin l évaluation citée plus haut a mis en avant la participation des jeunes entreprises innovantes (de moins de 5 ans) qui étaient au nombre de 1246 en 2009 ce qui représentait 17 % des membres. 15 % seulement avaient une activité industrielle (75% avaient une activité dans le secteur de l information et de la communication). Des améliorations sont toutefois nécessaires : les universités sont trop éloignées des pôles, les processus de labellisation des projets manquent parfois de rigueur, les entreprises se plaignent des délais encore trop long pour les versements provenant du FUI. Le retard des versements implique mécaniquement celui du démarrage des projets, le système de mesure des retombées effectives des projets financés serait également à améliorer, etc. V.4.5 Recommandations 22, 23,24 et 25. Nos recommandations sont ici au nombre de 4 : R22 : Poursuivre l effort engagé en matière de gouvernance de la recherche publique et mettre en place une véritable stratégie dans ce domaine avec des objectifs chiffrés et un système de pilotage efficace. Dans ce cadre, on pourrait suggérer un alignement de la stratégie de recherche et des 34 projets de réindustrialisation du ministère du redressement productif. Il serait également souhaitable que la stratégie de recherche inclut un axe important dans le domaine du numérique où La France décroche (notons qu au sein des 34 projets au moins 8 ont une dominante informatique ou numérique, ce qui est une excellente chose). R23 : Engager un plan de rationalisation des organismes de recherche visant notamment à fusionner des laboratoires afin de simplifier l organisation de la recherche et réaliser des économies d échelle

112 R24 : Créer une université des chefs d entreprises destinée à leur donner la culture et le goût de l innovation. Cette structure pourrait être confiée à l INPI ou à l APM (Association Progrès du Management) qui assure déjà la fonction d université de dirigeants avec succès (toutes disciplines). Des mesures d incitation serait nécessaires pour attirer les dirigeants, par exemple, en faisant prendre en charge le coût correspondant par les OPCA et en créant sur ce thème un partenariat fort avec le Medef, la CGPME, le CJD et le réseau Entreprendre. R25: Assurer une promotion à grande échelle des pôles de compétitivité mais évaluer de façon plus précise les retombées économiques réelles des projets subventionnés et en tenir compte ensuite dans les décisions de financement. VI Favoriser l utilisation stratégique de la Propriété Intellectuelle Française Le développement du capital immatériel en France passe aussi par sa protection. Certes tous les actifs immatériels, comme, par exemple, l organisation ou le capital humain ne peuvent pas être protégés juridiquement. Mais une partie est protégeable: Y-aurait-il matière à progrès dans ce domaine? Voici l extrait d un discours de Mme Fleur Pellerin, Ministre de l innovation, des PME et du numérique 3 Juillet 2013) «Le terrain de bataille aujourd'hui c'est bien sûr celui de l'innovation, c'est-à-dire celui de la compétitivité de notre économie et de nos entreprises. Le gouvernement auquel nous appartenons Arnaud Montebourg et moi-même a placé au cœur de son action la compétitivité par l'innovation. C'est la condition nécessaire pour la montée en gamme de notre économie, pour le redressement productif et industriel de la France, c'est le moyen de retrouver des marges de manœuvre, pour mener à bien l ensemble de notre projet politique dans toutes ses dimensions. L'économie de l'innovation passe par la protection des inventions et la stratégie de propriété intellectuelle est donc au cœur de toute politique en faveur de l'innovation. Cette économie de l'innovation a connu des mutations profondes en 20 ans. Le nombre d'inventions brevetées a plus que doublé durant cette période, de nouveaux acteurs sont apparus, je pense à la Chine ou à la Corée du Sud, et un business de la propriété intellectuelle a émergé avec ses bonnes et ses mauvaises facettes,» Dans cette déclaration Mme la Ministre énonce deux idées clés: la place de l innovation dans nos économies modernes et celle que doit tenir la propriété intellectuelle, comme levier de croissance. S il faut faire des propositions d une politique publique relative au capital immatériel pour la France, il est indispensable de favoriser l utilisation stratégique de la propriété intellectuelle. Nous analysons ici les progrès à accomplir à la fois vu de l entreprise mais également à l aune de l expertise de l Institut National de la propriété industrielle que l un de nous (Yves Lapierre) dirige. La compréhension de la manière dont l entreprise manage sa Propriété Intellectuelle (PI), ou plus exactement la manière dont l entreprise se manage par la PI permet à l INPI de proposer les services de management et de protection qui impactent tout le capital immatériel de l entreprise. 112

113 VI.1 L innovation et les brevets Le développement de l'économie dans nos pays industrialisés passe en premier par notre capacité à innover. Les seuls investissements matériels (dans l'outil de production, par exemple) ne sont plus suffisants pour créer des différentiels de compétitivité. Un coût du travail très faible peut aisément contrebalancer cela comme on le voit dans certaines usines chinoises très compétitives sur le marché mondial mais pas automatisées. Mais en parallèle, un coût du travail très faible ne suffit pas non plus. Si tel était le cas les ateliers Louis Vuitton ou Airbus ne seraient plus en France. L avantage compétitif et innovation se conjuguent donc à merveille. Un indicateur simple permet de s'en rendre compte, c est l accélération du dépôt des brevets ces dernières années au niveau mondial. Fig 47 : évolution du dépôt de brevets en Europe et aux USA Il apparait donc clairement que la protection des innovations occupe une place centrale dans l économie immatérielle puisque, sans elle, toutes les copies sont légales de sorte que l entreprise innovante qui a beaucoup investi dans son invention risque de ne jamais obtenir son légitime retour sur investissement. Mais comment peut-on évaluer l état d esprit français au regard de la protection intellectuelle? Nous avons d énormes progrès à faire, comme le montrent de nombreux cas de pillage d informations clés, relatives à nos technologies ou à leur vente : Perte par Dassault du marché d avions de combat à Singapour en 2005 au profit des USA suite à un espionnage industriel: un milliard de dollars, Perte par Thalès d un gros marché de radars au Brésil, Plainte du groupe Bolloré contre BMW pour espionnage sur l Autolib. Si vous avons certainement progressé depuis le Tupolev 144, nous avons encore des progrès à faire dans la gestion de nos brevets (qualité des dépôts, vigilance, plaintes en contrefaçon ) mais aussi en intelligence économique et lutte contre toutes les formes de pillage. 113

114 Fig 48 : Le Tupolev 144 en 1970 VI.2 Parlons un peu des marques La marque est un levier puissant de valorisation du patrimoine immatériel de l entreprise. Elle synthétise et symbolise l entreprise et ses produits: c est un concentré de capital immatériel où l essence du savoir-faire, de la culture de la réussite de l entreprise est présente. Les marques, compte tenu de leur valeur (voir quelques valeurs de marques cidessous), sont également le théâtre d une âpre guerre économique Fig 49 Lacoste, l une des marques Les plus contrefaites Fig 50 : valorisation par le cabinet Interbrand des 18 premières marques mondiales D après le comité Colbert, la contrefaçon représente pour la France une perte annuelle de l ordre de 6 milliards d euros et la destruction de 30 à emplois. Elle a été multipliée par 44 entre 1991 et

115 C est dans ce contexte que la propriété intellectuelle prend toute sa place. Elle vise à protéger, diffuser et promouvoir ses avantages concurrentiels : Protéger: rester maître de ses innovations ou inventions. Diffuser: vendre ou partager sans perdre le bénéfice économique. Promouvoir : faire connaître sa différence, son savoir, sa compétitivité. La propriété intellectuelle, et plus particulièrement la propriété industrielle offre ces possibilités au moyens des brevets, de la protection des marques, de la protection des dessins et modèles. VI.3 Protéger aujourd hui et demain Globalement, la France tient, en termes de protection, une place honorable dans le palmarès des grandes nations. Selon le classement de l Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle, en 2011, elle se situe au sixième rang mondial en terme de dépôt de brevets; elle est quatrième pour le nombre de dépôts de marques, ainsi que pour celui des dessins et modèles (2012, World Intellectual Property indicators, OMPI). Cependant, si on analyse un peu plus en détail ces résultats, certaines faiblesses de notre économie apparaissent clairement. Dans le seul registre des brevets, les PME sont à l origine, en 2011, de 24% des demandes de brevets publiés faites par des personnes morales françaises (statistiques 2012 de l Observatoire de la Propriété Intellectuelle, INPI). Les PME sont à l origine de demandes de brevets publiées en 2011, issues de dépôts par la voie nationale. Au total, PME distinctes ont été repérées parmi les personnes morales françaises déposantes. Les ETI déposantes sont, quant à elles, au nombre de 317 pour 801 demandes de brevets publiées. Ce pourcentage ne reflète en aucun cas l importance des PME et ETI innovantes dans notre tissu industriel. Nous pouvons en déduire que le savoir-faire des PME et ETI françaises est mal protégé. Comme dans tous les domaines économiques, les profondes mutations de notre monde font que la protection de la PI et par extension de l immatériel doit faire l objet de grandes évolutions pour être efficaces. Ainsi : Nous devons enseigner à nos entreprises la culture du secret industriel qui leur échappe. Les français ont tendance à sous-estimer leur talent. Pourquoi donc protéger un savoir-faire moins performant que celui d autres pays ou d autres firmes? Cette idée doit être combattue par une éducation appropriée à tous les niveaux: nos savoir-faire sont au meilleur niveau mondial dans de nombreux domaines. Par prudence, il faut les protéger, Le dépôt est un élément de protection mais ce n est pas le seul: la preuve, il n empêche pas la contrefaçon et le pillage. A l heure du cloud computing nous devons concevoir une forme innovante et élargie de la protection intellectuelle: cryptage de l information, veille, gestions sécurisée de la 115

116 documentation de l entreprise notamment au moment de jeter des documents à la poubelle, clauses de confidentialité renforcées dans les contrats de travail, sécurisation des serveurs contre toute forme d intrusion, etc, Les PME et ETI n ont pas assez la culture de la protection. Nous devons aller à leur rencontre, les éduquer, les inciter, Enfin, pour tout ce qui n est pas aujourd hui couvert par une règlementation solide nous devons ouvrir un chantier prioritaire: comment protéger le capital immatériel c est-à-dire des investissements importants que les entreprises font et dont les retombées économiques ont une pérennité supérieure à un an. o protection des concepts méthodologiques, o protection de programmes informatiques, o protection contre le débauchage d experts, o protection d œuvres, Il existe dans tous ces domaines des solutions plus ou moins efficace: enveloppes Soleau, droit d auteur, dédit formation et clause de non concurrence dans un contrat de travail, etc. Mais l ensemble est atomisé, partiel et méconnu des PME. VI.4 Le rôle de l INPI VI.4.1 Rôle actuel L'INPI est un établissement public, placé sous l'autorité du Ministère du Redressement Productif. Son rôle est, tout d'abord, d être le garant de la qualité des titres de propriété industrielle qui sont déposés auprès de ses services. Il délivre ainsi des titres que sont les brevets, les marques, les dessins et modèles. L INPI assure la conformité de ces demandes par rapport aux lois et règlements à la fois au niveau national et international. Le deuxième domaine d'intervention est de faire évoluer les textes réglementaires au niveau national ou international pour favoriser l'utilisation des titres de propriété industrielle. Citons, par exemple, la mise en place d'un brevet unitaire au niveau européen ainsi que la mise en place d'une juridiction européenne plus homogène. La troisième responsabilité de l INPI concerne la sensibilisation du monde de la recherche et des entreprises aux enjeux de la propriété industrielle. Ce point mérite qu on s y attarde. L'utilisation de la propriété industrielle est malheureusement encore trop perçue, par les chefs d entreprises (et en particulier de PME) comme un sujet complexe, réservé à des spécialistes, qui transforme la créativité en un problème juridique et qui coute cher. L INPI lutte contre cette perception avec énergie. De manière très concrète, quelles sont les actions conduites? 116

117 En premier lieu, la formation. En liaison avec nos partenaires locaux et les professionnels (CCI, Conseils régionaux, universités et PRES), l INPI forme les acteurs de l'innovation: les responsables de la valorisation de la recherche, les thésards, les jeunes entreprises,...durant l'année 2010 près de 1900 stagiaires ont été accueillis et plus de heures de formations dispensées. Par exemple : plus de 20% des thésards CIFRE suivent une formation sur la propriété industrielle. Cependant, les acteurs concernés par la PI sont loin d être tous sensibilisés. Par ailleurs, l INPI accompagne les entreprises et les laboratoires de recherche dans la prise en compte de la propriété industrielle grâce notamment à des audits "PI", des pré-diagnostics destinés aux PME innovantes qui utilisent peu les outils de la propriété industrielle. Il ne s'agit pas de favoriser le dépôt de titre mais de faire comprendre l'enjeu stratégique associé au dépôt d un titre. Dans ces audits, la stratégie de l'entreprise au regard des enjeux de la PI est étudiée: utilisation ou non de titres de propriété industrielle (usage du secret de fabrication, dépôt de titres, acquisition de droits d usage, cession via des licences etc. L institut a aussi pour vocation de faire comprendre que la propriété industrielle doit être partie intégrante du business model de l'entreprise innovante. Aujourd hui, l INPI, à travers ses 22 implantations territoriales, joue partiellement ce rôle d accompagnement des entreprises, avec l aide en particulier des conseils en propriété industrielle. Mais l écosystème du conseil en innovation et en propriété industrielle reste encore insuffisant. Et si le métier de Conseil en propriété industrielle est bien encadré, si la formation est de grande qualité, l accès des PME à ces sujets reste faible. Enfin, L INPI développe des outils d'intelligence économique. Les bases de données PI donnent accès à une quantité très importante d'informations technologiques ou marketing. Les bases de données brevets, disponibles gratuitement sur le site de l INPI, par exemple, contiennent 80% de la technologie mondiale. Les bases de données sur les marques permettent de suivre les stratégies des entreprises dans ce domaine. Cependant, si les données brutes sont effectivement facilement accessibles, l utilisation quantitative et qualitative de ce grand volume d information reste encore limitée à un petit nombre d acteurs et le coût d acquisition est élevé. L INPI a engagé, avec ses partenaires, un programme de développement d une plateforme d exploitation de ces données. Au-delà de la simple analyse concurrentielle que permet cet outil, il devrait être un accélérateur efficace de la création d un marché transparent de le propriété industrielle. VI.4.2 Recommandations 26, 27, 28 et 29 (rôle futur de l INPI) Nous pouvons formuler ici des pistes de développement pour l INPI à l ère de l immatériel. R 26 : Demain plus qu aujourd hui, l INPI pourrait être un acteur proactif des enjeux de la PI auprès des entreprises et notamment des plus petites. Ceci 117

118 constituerait une quasi-révolution: cesser d avoir une activité principalement réactive face à des sollicitations d entreprise pour devenir un acteur proactif de sensibilisation et de conseil. R 27 : L INPI pourrait aussi proposer à sa tutelle de devenir l acteur référent en matière de protection de tout le capital immatériel de l entreprise quelle que soit la modalité applicable. Il pourrait dans ce cadre informer, former et conseiller les entreprises sur ces thèmes en apportant la compétence juridique ad-hoc. On pourrait s inquiéter qu un établissement public fasse, sur ce point comme sur le précédent, concurrence à des opérateurs privés (conseils en PI, cabinet d avocats ). Le faut-il? Pôle Emploi ne supprime pas les conseils privés en recrutement. R28 : Dans un monde où, aux antipodes de la protection du savoir-faire, l Open- Source se développe, l INPI pourra aussi définir son positionnement et innover. En effet, des comportements désintéressés ou qui demeurent économiquement intéressés peuvent être séduits par l Open Source qui permet de créer un standard, ou d œuvrer pour le bien commun. Mais comment se protéger contre la récupération par un acteur commercial d un bien offert à tous ou par l usurpation de paternité? Exemple : un acteur privé se fait passer pour l inventeur d un actif diffusé en open source et en tire un avantage de référent simplement parce que les vrais géniteurs sont restés dans l ombre. Ou bien: une entreprise rajoute une innovation à un corpus largement diffusé et défend un périmètre de protection qui ne lui revient pas (c est un peu le principe de la biopiraterie) R 29 : L INPI pourrait enfin se positionner compte tenu de sa vocation historique comme l expert français en matière d intelligence économique voir de guerre économique (méthodes, outils, formations, etc). Le contexte dans lequel la propriété intellectuelle opère dans le monde contemporain est très différent de celui dans lequel elle est née. Ce nouvel environnement a complètement changé le rôle de la PI, à la fois dans l économie, mais aussi dans la société. Cela implique également que nous changions notre manière de voir et le rôle dévolu à la propriété intellectuelle (F. Gurry, Directeur général de l OMPI, Melbourne 2013)» VII Rendre notre capital humain plus efficace VII.1 Le capital humain, première richesse des nations Le capital humain constitue la première richesse de l entreprise. En effet, c est le capital humain qui crée la valeur ajoutée dans la quasi-totalité des situations et qui de ce fait, crée la richesse. A un instant «T», la valeur d une entreprise se décompose certes en de nombreux actifs : le capital client, la marque, le capital de savoir-faire et les brevets, etc. Mais une analyse assez simple permet de mettre en évidence que ces éléments sont issus du capital humain. Si une entreprise a une belle marque 118

119 c est grâce à ses équipes marketing. Si elle a de bons brevets c est grâce à ses ingénieurs. Si son capital client est de bonne qualité, c est grâce à ses vendeurs. Ainsi, le capital immatériel, c est du capital humain transformé. Il se trouve que deux tiers de la valeur des entreprises correspondent à de la valeur immatérielle. C est une façon d exprimer tout le poids du capital humain dans la réussite d une entreprise. Par extension, le capital humain est aussi un actif central de l économie d un pays et de sa part immatérielle. L étude, précitée, de la banque mondiale le souligne très largement en indiquant l importance des investissements dans le domaine de l éducation. Ainsi selon ce rapport, l augmentation de la scolarité d une année dans un pays de l OCDE permet d accroitre de dollars la richesse par habitant. Le tableau cidessous, extrait du même rapport, montre la relation entre le GNI (Gross National Income agrégat proche du PIB) par personne et le nombre d année de scolarisation par personne. Fig 51: nombre d années d études et richesse par habitant et par pays VII.2 Ce qui manque au capital humain en France De très nombreux travaux, avis, essais sont publiés sur l esprit français ou le comportement des français. Ils émanent de journalistes, philosophes, économistes, historiens, sociologues, politologues, etc. 119

120 Les approches dans ce domaine sont tellement nombreuses, parfois subjectives et souvent contradictoires qu il est très difficile de se forger une opinion solide sur ce qui fait le comportement français. On dit souvent de nous que nous sommes pessimistes, arrogants, peu travailleurs, indisciplinés, créatifs, etc mais que peuvent valoir ces clichés? Que peut valoir l opinion des chinois, des américains ou de tel intellectuel français à notre égard? Pour traiter la présente partie avec un minimum d objectivité nous sommes repartis du modèle très simple de mesure extra financière de la valeur professionnelle d un salarié contenu dans la méthode Thésaurus-Bercy. Cela ne couvre pas toutes les thématiques possibles mais le résultat de l analyse de révèle éclairant. Selon ce modèle pour qu un professionnel soit «bon» il lui faut : Un cœur (des qualités humaines) Une tête (des compétences) Des jambes (de la motivation). Nous sommes repartis de ce modèle et l avons un peu développé. Au sujet de la motivation au travail, nous traitons de la productivité française. Au sujet des compétences nous nous sommes intéressés à la performance de notre système éducatif d une part mais, d autre part, nous avons également sondé les compétences des français dans le domaine de l économie puisque c est le cœur de la thématique que nous entendons rendre plus performante. Au sujet des qualités humaines nous avons procédé à des recherches dans un domaine intrapersonnel: l humeur et dans un domaine interpersonnel: la capacité à «jouer collectif». Ces deux qualités si elles sont largement répandues dans la population créent une nation apte à avancer, à prendre des risques et à surmonter les difficultés de façon plutôt harmonieuse c est-à-dire sans grosses tensions internes. VII.2.1 Les jambes C est peut-être dans ce domaine que nous avons le moins de problèmes à résoudre. Certes la loi sur les 35 heures n a rien arrangé dans le domaine de notre coût du travail horaire puisque nous avons, en passant de 39 à 35 heures réduit le dénominateur du rapport salaire/nombre d heures de 4/39 èmes c est-à-dire de 10,2 % soit une augmentation brutale du coût du travail de 11,4 %. Certes à 120

121 l occasion de la mise en place de l ARTT (Aménagement et Réduction du Temps de travail) des négociations ont eu lieu au sein des branches et dans les entreprises pour accroitre, en contrepartie, la flexibilité du travail. Toutefois, dans une économie de services comme la nôtre où le chiffre d affaires correspond à des heures de prestations, l impact de la flexibilité a été limité. Il en résulte un handicap: le coût horaire du travail est l un des plus élevé d Europe. Comme le montre la figure 38. Le schéma ci-dessous procède à la comparaison entre la France et l Allemagne dans ce domaine. Comme on le voit le coût horaire du travail est inférieur en Allemagne sauf dans le domaine automobile. Fig 52 : le coût horaire du travail par secteur en France et en Allemagne (source : rapport annuel CESE 2013 sur l Etat de la France) Cependant notre pays compense assez bien ce déficit de coût horaire car il se montre très productif. La productivité française (quantité produite par heure) est connue pour être élevée et il en résulte que le coût salarial par unité produite (qui prend en compte à la fois le coût horaire et la productivité) est bon en France comme le montre ce second graphique issu du même rapport. 121

122 Fig 53 : le coût salarial par unité produite (Rapport CESE 2013 sur l Etat de la France) Comme nous l avons déjà souligné dans le chapitre sur la ré-industrialisation par l immatériel, il n est pas satisfaisant de conclure de ces chiffres que le passage aux 35 heures n est pas un sujet important. En effet, ce n est pas parce que notre Coût Salarial par Unité est bon comparé à nos concurrents que nous sommes aptes à rivaliser avec les pays émergeants car avec eux, l écart de Coût Salarial par Unité demeure énorme. En outre, si notre compétitivité hors prix n est pas bonne, nous ne pouvons même pas nous rattraper sur le prix. Ce constat ne fait que renforcer les conclusions des chapitres sur la réindustrialisation par l immatériel et sur la bonification de notre capital de savoir. Car nous sommes à l évidence en France avec un coût par unité produite trop élevé pour lutter avec les pays en développement et avec une compétitivité hors prix (avantage compétitif des produits eux-mêmes indépendamment de leur coût qui est globalement moins bonne que pour nombre de nos compétiteurs (USA, Allemagne, Suède, Danemark ). Convenons cependant ici que notre efficacité au travail ne présente pas de carence insurmontable VII.2 La tête La France investit beaucoup dans son système éducatif mais ses résultats en la matière ne sont pas excellents. Le programme PISA (acronyme pour «Programme for International Student Assessment» en anglais, et pour «Programme international pour le suivi des acquis des élèves» en français) est un ensemble d études menées par l OCDE 122

123 visant à la mesure des performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. Leur publication est triennale. Le premier classement Pisa remonte à La France n y figure qu en position moyenne par rapport aux autres pays de l OCDE loin derrière la Finlande. Pourtant, la France est l un des pays qui investit beaucoup dans son éducation avec 6,2% de son PIB en 2012 soit plus que la moyenne européenne. Principalement financé par l Etat, l investissement par tête annuel est de 9100 $ (tous niveaux d études confondus). Malgré cela, le système éducatif français a du mal à s adapter aux exigences de l économie moderne, comme l indiquent de multiples rapports. Le malaise des enseignants du secondaire y est probablement pour quelque chose: la Cour des comptes a mis en évidence un désintérêt croissant pour ce métier: en 2011 et en 2012 plus de 20 % des postes au concours du CAPES externe n ont pas pu être pourvus dans six disciplines, dont l anglais et les mathématiques. Le résultat est préoccupant: le taux de jeunes de 15 à 19 ans scolarisés est passé de 89 % en 1995 à 84 % en 2010 selon l OCDE 80 et nous avons en France 17% d une classe d âge sans diplôme, ce qui n est pas bon. En ce qui concerne l enseignement supérieur, les chiffres révèlent également des paradoxes : la dépense par étudiant est en France de $ contre $ pour la moyenne européenne et l accès à l enseignement supérieur présente des chiffres encourageants. En effet, 43 % des ans en 2009 ont atteint ce niveau d études en France (ce qui est plus que la Suède, les États-Unis et l Allemagne qui font 42%, 41% et 26 % respectivement). Cependant, l enseignement supérieur français souffre d un taux d échecs encore trop important (très variable d une université à l autre mais supérieur en moyenne des autres pays de l OCDE) et reste un vecteur d inégalités sociales. En effet, ces échecs touchent particulièrement les étudiants des milieux défavorisés ou issus des parcours technologiques 81. La question cruciale du financement de l université en France est également très souvent pointée du doigt et à juste titre. Le manque de moyens constatés dans de nombreuses universités françaises est si évident qu il ne mérite pas ici une longue analyse chiffrée. Nous devons certes rester en alerte car ces réalités sont préoccupantes. Mais elles ne constituent en rien des éléments suffisants pour sombrer dans la sinistrose au sujet de notre système éducatif. 80 OCDE : Regard sur l éducation 2012 : les indicateurs de l OCDE, édition Voir aussi Jean Gadrey : En finir avec les inégalités, Mango,

124 Nous avons un système performant et surtout l un des moins chers au monde pour les élèves et étudiants. En aucun cas le fameux classement de Shanghai ne peut constituer à lui seul un repère pertinent pour juger de la performance de nos Universités. Ce classement donne à notre pays une leçon d humilité et c est une bonne chose car cela permet de se remettre en question et de grandir mais un peu de recul est cependant souhaitable. Ce classement se base beaucoup sur le nombre de publications produites par les universités mondiales. Il en retient 500 sur et seulement 20 universités et écoles françaises y figurent. Notons ici que la France emploie un nombre très important de chercheurs en dehors de l université: au CNRS (premier producteur mondial de publications), à l INRA, à l INSERM, a l Ifremer, etc. Autant de publications académiques qui ne sortent pas à l université. L école polytechnique pointe en 2013 à la 239 ème place. Qui peut en déduire que ce n est pas une excellente école d ingénieurs au niveau mondial? Si tel n est pas le cas, que dire des autres écoles françaises et de la qualité des ingénieurs français? Notons que d autres classements existent. Le Financial Times, par exemple, classe HEC en tête des écoles de management et l ESCP-EAP en seconde position. A en juger par les prix Nobel et médailles Fields collectées par des chercheurs français, par la performance des entreprises du CAC 40, par les succès mondiaux comme Airbus, le TGV ou Ariane, nous pouvons plus que vraisemblablement conclure ici deux choses : 1- Il existe une excellence française en matière d éducation et le niveau de nos élites se situe au meilleur niveau mondial 2- Notre système souffre d un manque d efficacité et d adaptation à la diversité des profils d élèves notamment dans le primaire et le secondaire. Il semble donc que, si le rapport «élites/population» est bon, le rapport «individus mal formés ou pas formés/population» ne le soit pas. Nous concluons donc ici que «la tête» est globalement bonne même si la situation présente de forts contrastes. Il y a toutefois un domaine où la compétence des français doit progresser. Ce n est pas un problème de niveau général c est une question de thématique: les français sont «nuls» en économie. Ainsi selon une étude publiée par La Finance pour tous en partenariat avec l Autorité des Marchés Financiers 82 : 82 Régis Bigot, Patricia Croutte, Jörg Muller : La culture financière des français, rapport Crédoc à la demande de la finance pour tous et l AMF, Octobre

125 50 % des français ne savent pas faire de calculs simples avec un taux d intérêt (savoir que 100 euros placés à 2 % rapportent 102 euros au bout d un an), 25 % seulement savent ce qu est une obligation, 50 % de connaissent pas le sens du mot dividende. En outre, pour nos concitoyens, les entreprises emploient surtout des CDD ou des intérimaires alors que le taux de ces salariés ne dépasse pas 10 % 83. Il est étonnant d apprendre également qu en France 33 % des individus se disent prêts à quitter l économie de marché contre 3 % en Chine 84 Selon le Prix Nobel d économie, Edmund Phelps, la France perd un point de croissance à cause de son déficit de culture économique. Ceci peut se comprendre: comment un peuple peut-il exceller dans un domaine dont il doute? Le Français doit à l évidence progresser dans ce domaine. Il doit également cesser de considérer l entreprise comme un monde horrible où s opposent les «méchants patrons» et les «pauvres salariés», les exploiteurs et les exploités. Rappelons que le salaire moyen d un patron de PME en France est de l ordre de 50 K 85. Dans la bonification du capital humain français, la mise en place d un vaste programme d acculturation économique et financière doit figurer en bonne place. VII.2 Le cœur C est à ce niveau que nous devons très fortement progresser. Deux défauts français sont très largement révélés par de multiples travaux mais nous n en sortons pas. En premier lieu les français sont les champions du pessimisme. C est ce que révèle une enquête réalisée par IPSOS/CGI/Publicis en Avril auprès de 6198 personnes et dont un échantillon de résultat est présenté ci-dessous. Nul besoin de grandes analyses pour conclure: nous serions plus performants si nous étions moins anxieux. Il y a là un chantier prioritaire à ouvrir car nous sommes culturellement habitués à nous présenter les uns aux autres des visions négatives du monde. Les médias ne sont que le reflet de nos comportements et attentes, ils amplifient et propagent une sorte de «principe de pessimisme» qui est durablement ancré dans notre culture. 83 Jean Michel Fourgous (député UMP) : Les Français et l économie : "je t aime moi non plus"!, le Cercle les Echos Ibid. 85 Alan Fustec, Dominique Sappey-Marinier : Manager la Génération Y, Editions d Organisation, La crise vue par les Européens, La France Championne du pessimisme, Le Monde 06/05/

126 Il est assez peu probable que les français présentent à grande échelle un déficit du métabolisme de la sérotonine (neuromédiateur de la bonne humeur). D ailleurs si c était le cas, si leur pessimisme était «génétique» ils ne feraient pas autant d enfants. Nous avançons donc ici une hypothèse: le syndrome est acquis et non inné. Il ne tiendrait donc qu à nous d en sortir collectivement. fig fig 54 : La sinistrose des Français 85 fig 55 : Vision de l avenir par pays (Ipsos/CGI) Nous insistons en second lieu sur un autre défaut très français, régulièrement mesuré et probablement corrélé au pessimisme: nous sommes une nation très individualiste qui a mal à son «vivre ensemble». Selon une étude du Crédoc, en 2013, 84 % des français ont le sentiment de vivre dans une société désunie où la 126

127 cohésion sociale est fragile voire inexistante. Cette étude 87 indique également que selon les sondés, c est l individualisme qui explique pour l essentiel cette situation. Les discriminations n arrivent qu en seconde position après le «chacun pour soi». Fig 56 : les freins à la cohésion sociale selon les Français (Crédoc) Si nous associons le déficit de culture économique, le pessimisme et l individualisme, le cocktail devient détonnant et provoque un mal bien français fait d oppositions, de tensions, de déchirements et de blocages. Conséquences: notre pays ne sait pas se réformer parce que notre capital humain est rigide. A force de voir dans l autre un ennemi (le patron, le syndicaliste, le fonctionnaire, le dirigeant politique), nous consommons en pure perte des quantités incalculables d énergie humaine et nous faisons du «sur place». Un indicateur? Notre pays est «très bien placé» en Europe par le nombre de jours de grève par salarié. Sur la période nous arrivons en seconde position en Europe après le Danemark 88. VII.4 Recommandations 30, 31, 32, 33 Nous l avons compris, nous ne ferons pas de la France un leader de l immatériel sans en faire un leader en matière de capital humain. Dans ce cadre et par ordre de priorité, nous recommandons que l Etat engage : R30 : Un programme national de sensibilisation, éducation, formation de la population à l école, à l université dans les médias sur les vertus d un vrai «vivre 87 Sandra Hoibian : Les français en quête de lien social, rapport du Crédoc à la demande de la Direction Générale de la Cohésion Sociale,

128 ensemble» et non d un «vivre les uns à côté des autres». Il faudrait que ce programme présente les bonnes pratiques d autres pays, pointe en la matière nos nombreux points faibles. Il s agit d un programme de longue haleine qui prendra au moins une génération. Ce programme pourrait comprendre : o o o o o o une analyse des facteurs de l individualisme et de la raison de son importance dans notre culture, une analyse comparée des différents pays en matière de cohésion sociale et de solidarité, une analyse chiffrée des coûts du déficit de cohésion sociale en France, une promotion des acteurs de l économie sociale et solidaire français et de leurs succès, une analyse de l efficacité du service public avec ses réalisations remarquables mais aussi ses lacunes, R31: Un vaste programme de même nature pour réconcilier nos concitoyens avec l économie et l entreprise. Celui-ci pourrait être adossé à un invariant d économie politique commun à la droite et à la gauche française dans lequel : o o o o o o o o On explique simplement le processus de création de richesse, L entreprise est réhabilitée définitivement et qu on cesse de la montrer comme une machine à broyer des vies (simplement parce que c est faux), Le capitalisme responsable est promu aussi, par voie de conséquence (laisser croire qu un actionnaire est une sorte de nuisible qui s enrichit en dormant est contre-productif car sans les actionnaires qui risquent leur épargne, il n y a pas d entreprise et pas d emplois), Le concept de RSE (responsabilité sociétale de l entreprise) est clairement présenté comme la voie à suivre, On tord le cou une fois pour toute au concept de lutte des classes qui ne veut plus rien dire au 21 ème siècle, On condamne l ultralibéralisme et la main invisible pour deux raisons: la France n y a jamais cru et en outre, ce concept est plus que vraisemblablement erroné. La folie de la finance de marché est expliquée et condamnée sans détour.. Cet invariant d économie politique n est ni de droite ni de gauche, tout au moins pas au sens français du terme. Il pourrait donc faire l objet d un consensus et d un déploiement. Dans ce cadre, il serait souhaitable de rendre obligatoire les cours d économie dans les entreprises pour les délégués du personnel et les membres de CE ainsi 128

129 que dans les écoles de journalisme car seuls 10 % des journalistes ont des compétences en économie 89 Nos concitoyens vivront mieux dans des entreprises qu ils comprennent mieux avec des dirigeants qu ils comprennent mieux. Notre économie ira mieux si les salariés y croient davantage. R32 : Un programme national, en troisième lieu, destiné à apprendre dès le plus jeune âge comment fonctionne notre cerveau émotionnel et les voies et moyens de gérer la puissance de nos émotions. Les neurosciences du comportement ont fait au cours de la dernière décennie des progrès fulgurants. La mise en œuvre de techniques simples de gestion mentale qui découlent de ces découvertes permet de mieux réguler son humeur. Nos voisins britanniques dont on vante le flegme n ont vraisemblablement pas d avantage sur les français en matière de biologie du cerveau. Ils ont en revanche, de façon très empirique depuis des siècles, développé une culture de la maîtrise de soi: c est le fameux Keep a Stiff Upper Lip (garde la lèvre supérieure immobile, ne montre pas ton émotion) cher à nos voisins d outre-manche. Nous gagnerions grandement à développer des techniques qui réduisent à grande échelle le risque de sinistrose car il est pour le moins surprenant en 2013 que les espagnols aient plus le moral que les français. R33 : Enfin un train de mesures pour que le capital immatériel acquière ses lettres de noblesses au sein des sciences économiques françaises et vienne enrichir les facteurs de différenciation de l école française d économie, serait une bonne chose. Il faudrait, par voie de conséquence, que cette discipline soit enseignée partout dans les écoles de management, d ingénieur et les universités de sciences économiques et de gestion françaises. Proposons-le ici avec un brin de solennité: Nous avons besoin d une psychothérapie collective visant à lutter contre notre anxiété, mère de notre individualisme (on n a pas les moyens de s occuper des autres quand on craint de manquer pour soi) et de notre pessimisme (peur de l avenir). VIII Simplifier notre capital d organisation et faire de notre secteur public un leader de l immatériel Nous posons ici, sans présenter une analyse détaillée du sujet, que la France à de bons services publics, que sa sécurité est globalement bonne, que la justice y est globalement bien rendue, que ses services administratifs sont satisfaisants, etc. Ceci résulte d une comparaison rapide avec d autres pays. Il y a certes dans ce domaine des problèmes sérieux, des carences, des défauts et des dérives 89 Yona Hellaoua, Spécialiste et pédagogue : le défi du journaliste économique, les echos 11/10/

130 mais, à nos yeux, le problème majeur de la France ne réside pas tant dans la qualité de ses services publics que dans leur complexité organisationnelle et leur coût. VIII.1 Un pays musclé mais obèse VIII.1.1 Poids de la fonction publique et poids de la dette Notre pays traine des lourdeurs qui l empêchent d exceller alors qu il a tant de potentiel. Il est un débat récurrent en France sur le poids de la fonction publique. La dépense publique française qui s établit à 56 % du PIB demeure très importante et nous place en tête des pays du G8 et, en Europe, en seconde position après le Danemark. Ce poids de la sphère publique dans notre économie est malheureusement à peu près constant depuis longtemps (nous étions déjà à 54,9 % en 1994) 90. Fig 57 : Part de la dépense publique dans le PIB (Europstat) Notre pays présente, en outre, un poids de la dette publique important qui s établit en 2013 à plus de 90 % du PIB. 90 Moins de dépenses publiques pour davantage de croissance, d'emplois et de liberté, Yves Cannac - Mars 1996 Institut de l entreprise. 130

131 VIII.1.2 Pléthore de structures et redondances de missions Notre analyse - qui n a rien d original - conduit à conclure que la France souffre de deux défauts majeurs dans ce domaine: il y a pléthore de structures et, pris séparément, leurs budgets peuvent être pléthoriques de surcroît. Illustrons ici, rapidement, ces 2 réalités : Le trop grand nombre et la redondance des structures est particulièrement visible depuis la décentralisation: les services publics délégués par l Etat aux régions (processus enclenché par Gaston Deferre à partir de 1982) n ont nullement entrainé de disparition des effectifs ministériels alors que ceux-ci auraient dû fondre. La conséquence est qu entre 1981 et 2006 le nombre total de fonctionnaires (centraux et territoriaux) a augmenté d un million. Pour ce qui est des dépenses des administrations publiques, la cour des comptes pointe dans un rapport 91 qu entre 1981 et 2008, elles avaient été multipliées par plus de 5 au niveau local, et par 3 au niveau de l Etat. Dans son rapport de Juillet , la cour des comptes souligne d ailleurs l existence de doublons entre l administration locale et l administration centrale. Elle mentionne également la présence d incohérences dans l organisation locale des services de l Etat. Elle recommande de profonde réforme sur ce point. Citons, par exemple, les redondances entre les DIRECCTE 93, DRFiP, les Commissaires au Redressement Productif et la BPI. De même, la production de notes de conjoncture économique se fait à l INSEE, à la Banque de France, à la DRFiP: quel intérêt? En outre, la DGDDI, la DGFiP et la DGCCRF 94 assurent des prestations dont certaines sont similaires. La Cour dénonce également une articulation défectueuse entre les services déconcentrés et les services régionaux des agences nationales, par exemple entre l ADEME, la DREAL et la DDT 95. Ces exemples sont légion. VIII.1.3 Mauvaise gestion des effectifs Dans certaines régions peu attractives, comme la région Champagne-Ardennes les postes prévus ne sont pas tous pourvus, l'écart à l objectif pouvant atteindre 10 %. À l'inverse, la Cour chiffre à 22 millions le coût des sureffectifs en Rhône- Alpes. 91 La conduite par l état de la décentralisation : Rapport de la cours des comptes La Cour des comptes : L organisation territoriale de l Etat, Juillet DIRECCTE Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'emploi, DRFiP : Direction Régionale des Finances Publiques, 94 DGCCRF : Direction Générale du Contrôle de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, DGDDI : Direction Générale des Douanes et Droits Indirects. 95 ADEME : Agence de l Environnement et de la Maitrise des Energies, DREAL : Directions Régionales de l Environnement, de l Aménagement et du Logement, DDT : Direction Départementale du Territoire 131

132 Par ailleurs, d autres fonctions de l Etat souffrent d une répartition uniforme des services sur tout le territoire, qui ne prend pas en compte les différences sociales économiques et urbaines locales. Ainsi, par exemple, la carte des postes comptables coïncide avec celle des communes, le nombre de tribunaux de commerce n est pas en adéquation avec l activité économique, la présence de l INSEE sur certains territoires non plus, etc. VIII.1.4 Une carte administrative foisonnante, enchevêtrée et dépassée Notons enfin le millefeuille administratif Français actuel: communes dans notre pays (contre en Allemagne et en Italie) structures intercommunales, 100 départements et 25 régions VIII.1.5 Réformer oui, mais avec discernement Face à ce constat, la sensibilité libérale lorsqu elle s exprime chez nous pousse sans cesse à moins d Etat et à moins de fonction publique. La volonté collective de bonne gestion, qui n est pas marquée politiquement, se traduit régulièrement par des tentatives de compression des dépenses. La voie du capital immatériel offre une troisième option qui, à nos yeux permet un discernement supérieur et des décisions plus pertinentes pour deux raisons: On peut débattre à l infini du fait que certaines activités économiques (santé, éducation, gestion de l eau, etc) doivent appartenir au secteur privé ou public. Nous n entrerons pas ici dans ce débat qui ne traite pas de l efficacité de l ensemble des prestations apportées au public quelles que soient leur origine. L exigence de rentabilité du secteur marchand est certes un gage partiel d efficacité. Elle évite la gabegie. Mais cette exigence ne garantit en rien un service de qualité pour tous. Il est, par ailleurs, très gênant de tenir pour définitivement acquis le fait que le service public soit moins efficace que le secteur privé. C est vexant pour les fonctionnaires. La question de la valeur produite par le service public au sens large est donc essentielle. Et l objectif que cette valeur soit optimale est central. Il se trouve que l approche proposée par le capital immatériel permet de traiter ce point. La seconde raison tient au fait que sans un système fiable de mesure de la valeur créée, face à une dérive des dépenses, le processus de contrôle passe par la recherche d économies, par des restrictions voire des coupes sombres plus ou moins pertinentes. Il serait préférable d accroitre l efficacité et en parallèle de réduire les dépenses. 132

133 VIII.2 Retour sur l esprit Français. La section précédente pouvait être courte car elle apporte peu au débat: ces points sont connus, ressassés au travers de multiples rapports produits par les organisations françaises les plus sérieuses. Cependant, au mieux, les choses changent lentement et au pire, elles ne changent pas. Ceci nous ramène au chapitre précédent: la France, terre fertile d expression de l anxiété, qui génère le chacun pour soi et la résistance au changement, doit faire évoluer son état d esprit pour pouvoir se réformer. Ainsi, au cœur de la valeur immatérielle de la France se trouve.l humeur ou encore l état d esprit de nos compatriotes. Le chantier de la section qui précède est probablement le chantier le plus important de ce rapport mais aussi le plus difficile et le plus long. Il n est pas souhaitable c est évident d attendre qu un tel programme à long terme porte ses fruits pour engager une réforme de notre organisation et une promotion de la valeur immatérielle dans la sphère publique. Toutefois, les réformes difficiles à conduire dans ce domaine seront de plus en plus faciles dès lors que la psychothérapie française aura commencé à produire des effets. VIII.3 Définir un système public de management par la valeur. VIII.3.1 Pour les structures publiques spécialisées Nous avons vu dans la seconde partie de ce rapport (partie II Chapitre III) qu il existait une méthode permettant de calculer la valeur d organisation à but non lucratif. Rappelons ici que le principe est de constater l existence d équivalents cash-flows (ECF) à l extérieur des frontières de l organisation, ce qui permet ensuite d utiliser des formules applicables aux entreprises. Ces ECF sont souvent constitués de coûts évités: il vaut mieux rendre tel ou tel service public que de ne pas le rendre parce que cela coûte moins cher à la collectivité. La différence est un ECF. Dès lors, pour les organisations non marchandes (pour toutes les collectivités, notamment) la mesure du capital immatériel s applique exactement comme pour une entreprise. Un capital immatériel élevé constitue une forte capacité à générer des ECF et à produire de la valeur partagée au sens de Mickael Porter (voir Partie II à la fin du chapitre III). Pour faire comprendre ici le principe en question, prenons l exemple d un hôpital. Les CHU sont régulièrement montrés du doigt pour leur niveau d endettement (leur dette a triplé en 10 ans et atteint des niveaux alarmants), le nombre très élevé de leurs employés, la qualité parfois critiquée de leurs soins, etc. 133

134 Le management par la valeur immatérielle proposé ici consisterait à : Evaluer plusieurs scénarios pour un hôpital théorique de référence. 1. Coût des pathologies qui sont actuellement soignées à l hôpital si l hôpital n existait pas. Ce volet de l étude présenterait le coût des pathologies pour la société civiles si un système de soin très rustique existait en lieu et place de l hôpital (exemple, volume d actes actuel divisé par 100). Il faudrait pour cela calculer le coût des arrêts de travail en plus par rapport à la situation actuelle, des pertes de compétences dans les entreprises, des défaillances d entreprises, des naufrages familiaux et leurs cortèges d effets sociaux coûteux tel que le chômage, la délinquance, etc. 2. Ce calcul serait ensuite refait avec un volume divisé par 10, 5 et 2 par rapport à aujourd hui. 3. Un bilan économique serait alors produit par scénario : a. rapport coût pour la société civile de l option 1 et du volume de soins 1 b. de l option 2 et de la solution 2 (10 fois moins de soins) c. de l option 3 et de la solution 3 (5 fois moins de soins) d. de l option 4 et de la solution 4 (2 fois moins de soin) Ces calculs seraient réalisés au coût actuel moyen des soins. Ils feraient apparaitre des bilans économiques (bénéfices/coûts) plus ou moins favorables et seraient de nature à mettre en évidence un optimum économique correspondant à une valeur économique collective (mais pas individuelle) optimale ne faisant entrer en jeu aucune considération éthique ou humaniste. Cet optimum économique est atteint lorsque le rapport coût/bénéfice précité est le plus élevé. Le calcul serait ensuite refait avec des hypothèses plus altruistes : augmentation des coûts et des individus soignés mais dégradation de l optimum économique. Dans ces scénarios, l optimum économique se voit dégradé pour soigner des patients «non rentables» du point de vue sociétal en augmentant les prélèvements sur la collectivité sans fixer de maximum aux prélèvements. Un équilibre économico-humaniste est obtenu quand le rapport précité est nul: on augmente le coût des soins jusqu à ce qu il consomme les coûts sociétaux évités par les soins. Le scénario le plus altruiste correspondant à faire tout ce qui est possible en faveur de la santé quel que soit le coût, donne au rapport sa valeur minimale. 4. Sur la base de la solution économique optimale, des scénarios de production de soins à un prix minimal seraient ensuite étudiés en recherchant des optimisations de performance du capital humain, de l organisation, des systèmes d information, des partenaires de l hôpital. 134

135 Ces scénarios de performance permettraient d augmenter les bénéfices individuels (amélioration du numérateur) à bilan constant (rapport bénéfice/coût correspondant à l optimum économique collectif, constant). Le but ultime étant bien sûr ici d obtenir le niveau de soin le plus élevé (celui du scénario altruiste avec un bilan économique correspondant à l équilibre économico-humaniste Cette approche consiste à poser les règles (de bon sens français) suivantes : 1 l idée selon laquelle la santé n a pas de prix est un non-sens qui ne peut que produire à terme des effets contraire au but recherché qui est de soigner au mieux le plus grand nombre dans une logique d accès aux mêmes soins pour tous, indépendamment des conditions de revenus. 2 un service public doit délivrer le maximum de valeur immatérielle pour un coût donné. 3 la collectivité doit définir un niveau de contribution optimal pour la gestion des soins de santé qui n est pas extensible à l infini. Une fois ce modèle établi, un travail à forte valeur ajoutée pourrait être produit pour le secteur hospitalier Français qui permettrait de mettre en perspective: Ses coûts Ses dettes Ses prestations Il en résulterait que les hôpitaux dont la production de valeur au regard du coût est trop faibles feraient l objet de plan de progrès prioritaires. Cette approche nous semble plus pertinente que de chercher seulement «à faire des économies» VIII.3.2 Pour les collectivités territoriales Ici aussi, la mise en place d un management par la valeur est possible dès demain. Il consisterait à comparer à l échelle de chaque territoire : La variation de valeur immatérielle en fonction des options de politiques territoriales retenues (voir méthode au chapitre V partie II) Le coût de gestion de la politique publique correspondante (fonctionnement + amortissements) 135

136 VIII.3.3 Retour sur l esprit Français et exigence pédagogique Nous observons au sein de la population salariée du secteur public, mais aussi du secteur de l économie sociale et solidaire une sorte d aversion pour les raisonnements précités. La peur de la marchandisation du monde fait souvent, dans ces populations, rejeter en bloc toute approche économique où sont comparés des coûts et des bénéfices. Les réactions à ces approches sont d ailleurs souvent indignées et violentes. Dans ces milieux, tout le raisonnement qui précède destiné à accroître l efficience du secteur hospitalier, serait fortement contesté et la seule présence d un calcul économique faisant figurer côte-à-côte des coûts et des gains suffirait à qualifier les auteurs d esprits cyniques dépourvus de sensibilité humaine. Ici aussi la pédagogie est donc un préalable à la réforme: Il ne peut y avoir de service public performant dans une économie pauvre (regardons ce qui se passe dans les pays les plus pauvres du globe) Une économie qui creuse ses déficits et dépense sans discernement, finit par s effondrer (ce ne sont malheureusement pas les exemples qui manquent). Rien n empêche à une activité mue par les valeurs les plus nobles de sombrer dans la mauvaise gestion et de gaspiller. Les activités marchandes n ont nullement le monopole de la mauvaise gestion (voir plus bas la carte des municipalités surendettées qui constitue une catastrophe économique pour notre pays le mot n est pas trop fort). Si une activité de service public est rendue à un coût exorbitant, elle ne rend pas service au public très longtemps. Le niveau alarmant de notre dette publique résulte d un déficit d efficience collective majeur et ancien, il met en danger l ensemble de nos services publics futurs. Si une activité de service public est rendue à un coût exorbitant, les salariés qui en ont la charge ne peuvent se prévaloir des valeurs qu ils défendent puisque ceux qu ils servent pourraient trouver ailleurs un service équivalent moins coûteux et donc plus durable. La seule volonté des acteurs publics et de l ESS de se positionner comme des acteurs vertueux soucieux du bien commun et non mus par des forces cupides impose qu ils s assurent par des mesures appropriées de la valeur globale de ce qu ils font. Il n y a aucun moyen de savoir, sinon, si on n est pas soi-même en situation de gaspillage. Rappelons ici, de nouveau, ce qui a déjà été exposé au chapitre V de la partie II: Le management par la création de valeur ou de richesse n a ici rien à voir avec le profit mais avec la production de services durables et à forte utilité sociale. Dans 136

137 ce cadre, la production d ECF ne peut être le seul critère de jugement. Il est d ailleurs souhaitable d identifier deux types de prestations publiques : Celles qui devraient être efficientes (ECF produits supérieurs aux coûts engagés) et les autres. Sur les premières, en cas de déficit, une mesure corrective est nécessaire et comme il y en a beaucoup, cela entrainerait une performance économique globale de notre pays nettement accrue. Celles qui ne peuvent être efficientes devraient faire l objet d un classement sur une échelle conventionnelle d utilité sociale validée collectivement (financer un centre de soin est prioritaire par rapport au financement d une salle des fêtes). En fonction des ressources disponibles nous pourrions alors définir celles que nous finançons. VIII.4 Recommandations 34, 35 et 36 En guise de conclusion, nous formulons trois nouvelles recommandations. R34 : Engager un programme national de rationalisation des structures publiques visant à une suppression des redondances et une allocation plus pertinente des ressources R35 : Instaurer dans toute la fonction publique un système de management par la création de valeur immatérielle. R36 : Convertir l APIE en Agence pour la Performance Immatérielle de l Etat chargée de sa mission actuelle d une part mais qui se verrait confier en outre un mandat de produire puis de déployer dans toute la fonction publique française, territoriale et nationale des systèmes de management par la création de valeur immatérielle. IX Faire de la marque France une marque leader au niveau mondial IX.1 Un peu d humour pour faire comprendre ce qu est une marque 27 Septembre Foire Agricole à Abilène (Kansas). Les organisateurs ont lancé quelques mois plus tôt l idée originale d un concours d esthétique qui remporte un vif succès: le prix de la plus belle marque gravée au fer rouge sur le cuir d une vache. Le prix sera accordé par un vote du public. C est Denise une superbe vache du ranch Graham Parterson qui l emporte. Le jury est unanime, c est la plus belle marque! Qu a-t-il fallu pour gagner ce concours? De multiples éléments : 137

138 - un fer portant la marque du ranch bien ciselée au bout d un long manche, - un cow boy expert de l exercice, sachant chauffer correctement le fer puis le presser contre la peau de l animal pendant un temps optimal, - un couloir de contention où l animal a été placé par ces personnes afin d éviter qu il rue, qu il bouge ou qu il s enfuit, - un groupe d autres gaillards dont le rôle était de tenir l animal immobile pendant l opération, - un feu à la bonne température et de taille suffisante pour porter le fer à l incandescence, - une vache dont le cuir réagisse au mieux à cette impression traumatisante. - le public qui fait office de jury. Cette petite parabole nous en dit beaucoup sur la notion de marque et de valeur de la marque. Nous voyons d abord qu il y a deux marques : celle qui est au bout du fer, et celle qui se retrouve gravée sur la peau de la vache. La première est un moyen, la seconde, un résultat. Nous voyons également que pour obtenir une belle «marque résultat» (ou image de la marque) il faut : - du capital matériel (le couloir de contention) - du capital humain (les cow boys) - du capital de savoir (l expert) - des moyens complémentaires (le feu) - une cible (la vache) - une marque en tant que moyen (le fer) - Des clients (ici le public) qui «achètent» la marque en votant pour elle. Il apparait ainsi que : la notoriété: symbolisée ici par le public puisque la marque est connue par beaucoup de monde, par tous ceux qui vont voter, et la réputation ou l image: la marque vue comme «belle» (ayant une réputation positive, dans le cas d une marque commerciale), confèrent de la valeur à cette marque. Mais nous voyons également que la marque gravée sur le cuir de la vache est la résultante de la mise en œuvre de toute une série d actifs (fer, feu, capital humain, savoir-faire, organisation, etc). Ceci apporte un autre enseignement: la marque est une résultante ou un concentré d actifs matériels et immatériels. Il serait donc illusoire de faire de la marque France une marque de tout premier plan au niveau mondial si la France, elle-même, venait à être perçue négativement sur certains aspects importants de son identité. En d autres mots, 138

139 si nous voulons améliorer la marque France, nous devons améliorer la France sous tous ses aspects. IX.2 Quels sont les paramètres qui influent sur la marque France? Si la marque France est un concentré de France voici les paramètres de sa réputation, de son image : Il y a tout d abord ses actifs, ce dont la France dispose : son capital naturel son capital construit (villes, infrastructures, monuments.) son histoire et sa culture Son capital humain Ses personnes morales (ses entreprises) Ses investisseurs étrangers Ses visiteurs Son organisation Son savoir faire Ses partenaires étrangers Ses dirigeants (ceux qui l administrent) Sa richesse financière Et puis il y a aussi ce qu elle fait ou obtient. Ses décisions politiques sur la scène internationale Ses décisions militaires Ses résultats sportifs Ses résultats scientifiques (prix Nobel par exemple)... Il y a enfin son marketing international dont la vocation est de promouvoir les atouts de la marque France, de maquiller les défauts et bien sûr de faire connaître tout cela partout dans le monde au plus grand nombre possible d individus. IX.3 Notre marque a-t-elle un triple A? Notre marque est le reflet de notre pays et de ses principales caractéristiques. Avant d évaluer la marque France, évaluons donc la France! Nous venons de voir qu il était aisé avec cette approche de lister les composants de la valeur de la marque France. Comment peut-on estimer leur niveau? Le présent rapport a permis d étudier les actifs immatériels de la France et, de ce fait, nous pouvons nous risquer à une évaluation des constituants internes de la 139

140 France. Le résultat est que sur une échelle scolaire de A (très bien) à E (très insuffisant) la France obtient, selon nous un B (13/20) Actif immatériel Note/ Commentaires 20 Capital naturel et son climat 18 Variété des paysages et des climats et climat tempéré Capital construit 15 Belles villes, belles infrastrutures mais pas de grand port Histoire et sa culture 18 Très vieux pays à l'histoire riche, savoir vivre à la française, loisirs, cuisine Capital humain 12 Cultivé et créatif mais individualiste et anxieux Personnes morales (ses entreprises) 11 place du CAC 40 dans le monde, mais pas assez d'eti, Produits trop peu attractifs, pas assez d'emplois,... Organisation 8 Lourdeurs, enchêtrement, complexité, coût Capital de savoir 12 Publication et Brevets mais entreprises trop peu innovantes Sa richesse financière 9 Poids de la dette Moyenne 12,9 Fig 58 : évaluation extra-financière de la marque France Nous avons également procédé à une cotation de la France en fonction de 3 critères : Deux d entre eux sont issus du rapport 2012 du ministère de l économie sur l attractivité de la France. Selon ce rapport : La France est le second pays européen (sur 14 étudiés) pour les projets d implantation d entreprises étrangères, En ce qui concerne le montant des flux d investissements étrangers la France arrive en 3 ème position dans l échantillon derrière la Belgique et le Royaume uni et en 9 ème position mondiale devant l Allemagne, Pour 82 % des entreprises étrangères installées en France, le bilan de cette installation est plutôt positif ou très positif. Si on rajoute à cela le fait que la France est la première destination touristique au monde, on peut être tenté de décerner à la marque France un A pour son attractivité. Ces deux évaluations montrent également que les auteurs du présent rapport, comme leurs compatriotes ont peut-être tendance à juger un peu sévèrement leur pays. Dès lors que l appréciation n est pas dans l excès, un peu d exigence ne peut nuire. Ces appréciations bien que fondées sur des éléments objectifs n en restent pas moins très contestables. Elles sont présentées ici non comme des vérités mais comme matière à réflexion. Nous formulons ici que la France mérite pour sa valorisation extra-financière un B+. C est une puissance économique importante mais qui doit accepter que de nouveaux géants l entourent. Ceux-ci peuvent être vus comme des menaces ou comme des partenaires économiques. A opter pour la seconde option, on ne parle pas de déclin mais de marchés à conquérir. Dans ce cadre la France peut viser le A. C est à sa portée même si elle doit, pour ce faire, corriger des défauts dont certains sont sévères. 140

141 IX.4 Comment développer la Marque France? Le projet de doter la France d une stratégie de Marque est en cours (ministère du redressement productif). Nous ne sommes donc plus très loin d en disposer. L acte 1 de ce processus est presque terminé. La mise en œuvre sera lancée en Janvier Le rapport décrivant ce projet 96 est très bien fait. A quoi ce projet va-t-il servir? A valoriser les forces du sous-jacent qui est ici un pays alors que dans la plupart des cas c est un produit ou une entreprise (Danone, N 5). Valoriser le sous-jacent veut notamment dire : Réfléchir au positionnement de la France dans le paysage mondial: en quoi sommes-nous différents, en quoi ces différences sont-elles utiles à l humanité?, Réfléchir à la façon de présenter la France avec ce qui la caractérise et avec ses atouts, Concevoir la bonne façon de présenter la France sous son meilleur jour en luttant contre les images erronées que l on véhicule à son égard mais également en minimisant ses points faibles, dans l attente de leur correction. Cette dernière idée ne vise pas à mentir car rien n est pire qu une image qui manque de sincérité. Mais un peu de cosmétique n est pas interdit. Définir les vecteurs et les acteurs chargés de véhiculer de façon efficace, tant par les canaux physiques qu électroniques, l image de la France. Définir aussi une stratégie fondée sur une promotion conjointe et synergique de marques françaises prestigieuses afin que l excellence française soit «accrochée» à la marque France. Quelles sont ces marques? nous en avons déjà cité un certain nombre comme Necker ou la Comédie Française. Rajoutons-y Météo-France, Insee, Centre Georges Pompidou, Versailles, Tour Eiffel, etc. Mesurer la prise de valeur de la marque France au travers des impacts de sa promotion sur l économie du pays. IX.5 Recommandations 37 et 38 Deux recommandations clôturent ce chapitre. R37: Accorder au projet «Marque France» proposé par le ministère du redressement productif toute l importance et tous les moyens qu il mérite à long terme (10 ans minimum) _rapport_marque_france.pdf téléchargeable sur le site du ministère du redressement productif. 141

142 R38 : Avoir conscience que le projet «Marque France» n est que le miroir de l immatériel de notre pays. Un projet «France immatérielle» doit donc accompagner le projet marque France. X Faire la distinction entre vraie et fausse création de valeur notamment dans le secteur financier X.1 Immatériel n est pas synonyme de valeur Depuis le début de ce rapport, immatériel rime avec richesse. Les arguments développés montre bien sûr les deux facettes d une même réalité: si l immatériel est en bon état, il permet la création de valeur mais pas dans le cas contraire. Nul besoin d approfondir: le badwill immatériel existe. La marque Spanguero est devenue un badwill du jour au lendemain, La molécule Médiator aussi, Hitler fut un badwill pour son pays. Il apparait ainsi qu un actif immatériel peut se transformer en passif. La finance mondiale est devenue un domaine très immatériel puisque tout est dématérialisé y compris la monnaie qui est de nos jours (et depuis maintenant environ 40 ans) composée d octets sur des disques informatiques. L inflation fulgurante de la finance de marché et de la banque d investissement a montré ces dernières années qu il pouvait y avoir une fausse création de valeur à très grande échelle dans le monde immatériel qu est la planète finance. La crise financière de 2008/2009 en a été la manifestation la plus évidente et la plus épouvantable. Les Etats sont de prime abord démunis face à la puissance de l argent. Elle est mondiale et sa force de frappe est telle qu elle peut mettre des pays à genoux. En outre, les concepts et mécanismes qu elle met en jeu sont d une grande complexité de sorte que les décideurs politiques et les régulateurs ont parfois bien du mal à les comprendre. Dans le présent chapitre, nous tentons une vulgarisation puis une réflexion sur ce que pourrait être le rôle d un pays comme la France dans un combat nécessaire contre les actifs immatériels toxiques de la planète finance. X.2 Rappel concernant le monde bancaire 97 Le rôle de la banque est fondamental au sein de l économie puisque c est elle qui finance les projets et établit ce lien indispensable entre porteurs de projets et investisseurs. Or, le fondement de l économie est de créer des 97 Michel Aglietta, Macroéconomie financière, cinquième édition, la Découverte,

143 produits et/ou des services qui présentent une utilité sociale pour les acteurs économiques (cette utilité est représentée par un achat qui traduit la satisfaction d un besoin). La banque, en tant qu acteur économique fondamental, n échappe pas à cette règle. Il peut être intéressant de prendre quelques exemples différents pour illustrer cette notion. 1. En tant que particulier, j ai besoin d une maison (bien matériel). Je suis motivé pour travailler afin de pouvoir me l acheter. L acte d achat se traduit ici par une création de richesses : «des cailloux sont transformés en murs». Mon travail m a permis cet enrichissement. 2. En tant que particulier, j ai besoin de me divertir. Je suis motivé pour travailler afin de pouvoir m offrir une place de théâtre (bien immatériel). L acte d achat se traduit ici par une création de richesse : la pièce de théâtre que je vois apporte un plaisir et/ou une connaissance durable(s) (plaisir et connaissance mémorisés). 3. En tant qu entreprise, j ai besoin d une machine pour couler du béton. La machine est une richesse matérielle (un actif matériel) qui sert à fabriquer des murs. 4. En tant qu entreprise, j ai besoin d une marque (actif immatériel) qui donne envie d acheter mes produits (ex : Bouygues : «les maisons de maçons»). La création de richesses matérielles et immatérielles (biens et services) découle donc d une utilité sociale universelle. Tout acteur économique qui perd cela de vue et n est plus mu que par la maximisation de son profit fait courir un risque à son environnement sociétal et, à terme, se met lui-même en danger. Si la banque d investissement a perdu ce point de repère essentiel, elle devient toxique pour son environnement mais à terme pour elle-même. Dans le présent chapitre nous cherchons à en faire une première illustration. C est ce que l on appelle ici «l effet boomerang». Voici un exemple d effet boomerang: un acteur de la grande distribution qui achète massivement en Chine entraine dans son sillage tous les autres acteurs par le jeu de la concurrence, ce qui entraine des délocalisations et des fermetures d usines, ce qui entraine des licenciements de sorte que les consommateurs du territoire se paupérisent. Or, les salariés des fournisseurs de la grande distribution en sont ses clients. Cela finit donc par se retourner contre l enseigne de la grande distribution. Il y a donc à long terme un effet Boomerang. Notre propos n a pas pour objectif de promouvoir le protectionnisme mais simplement de faire valoir que si cette entreprise de la grande distribution raisonne à long terme, elle ne verra pas l achat de grand export comme une 143

144 aubaine. Elle le verra comme un mal nécessaire et cherchera pour son intérêt bien compris de long terme à en limiter ou à en compenser les effets négatifs pour sa clientèle. La recherche de la maximisation du profit à court terme ne fait pas bon ménage avec cette posture. Lorsqu elle est mue par la recherche de la rentabilité maximale, la banque, elle aussi perd de vue sa vocation première, elle risque alors de : - ne pas créer de la richesse (il existe des jeux à somme nulle où le banquier tire profit d une asymétrie d information qui lui est favorable mais détruit autant de valeur ailleurs - voir plus loin). - détruire de la richesse par suite de comportements peu responsables et à court terme (ex : conséquence des subprimes évaluées à environ 500 milliards de perte et 300 milliards 98 de recapitalisation). Dans ces cas, la dégradation de l environnement sociétal de la banque peut avoir à court terme des effets limités, notamment du fait des capacités interventionnistes des Etats qui peuvent atténuer les effets d une crise économique. Mais à long terme, l effet boomerang pèse comme un risque important sur les établissements financiers comme sur tous les autres acteurs économiques, mais dans une mesure d autant plus forte que l écosystème bancaire est vaste et globalisé. Dans le cadre de la présente étude, nous ne pouvons pas chiffrer l effet boomerang et mettre en évidence que les dérives de la banque de marché ont au final des conséquences économiques négatives pour les établissements eux-mêmes 99. Notre propos est par contre de rassembler un faisceau d indices qui amènent à considérer qu une étude économique globale sur le sujet serait souhaitable. X.2 Examen de 4 exemples de pratiques de la banque de marché présentant des risques de destruction de valeur Dans cette section nous allons présenter 4 exemples de pratiques bancaires lies à des produits usuels, et leurs conséquences néfastes potentielles pour les établissements eux-mêmes tout en montrant que ce ne sont pas les produits qui sont en cause mais l usage que l on en fait. 98 Sylvain de Boissieu, «Banques : le tournant stratégique», Investir, 2008, page Pour un traitement sur les liens entre la finance et la croissance voir l article : Christophe Boucher, Gunther Capelle-Blancard,Jézabel Couppey-Soubeyran, Olena Havrylchyk, quand la finance ne sert plus la croissance, économie mondiale 2013, CEPII, la Découverte,

145 X.2.1 CDO et actifs toxiques définition Les produits de «collaterized debt obligation» ont été élaborés avec un triple objectif : Rendre liquide des créances qui ne l étaient pas (ex : portefeuille de prêts immobiliers) Permettre aux investisseurs d investir à différents niveaux de risque (tranches de CDO) sur ces créances Permettre aux entreprises et surtout aux banques de «sortir» le risque de crédit et ainsi de développer l activité sans développer ses garanties financières Pour illustrer l utilité de cet outil, imaginons le cas d un fournisseur d électricité (c est par exemple le cas d EDF 100 ). Il doit fournir l électricité et ne reçoit les paiements des clients qu à la fin de chaque semestre. Le fournisseur d énergie est donc contraint d avoir un portefeuille de créances très important parmi lesquelles un certain nombre ne seront pas recouvrées. Grâce à la titrisation et à l outil CDO, il est possible de créer une société ad hoc qui va acheter mon portefeuille de créances d un côté, et émettre des créances de format destinées à différents profils d investisseurs. Il y a donc une utilité pour l entreprise, mais aussi pour les investisseurs. L entreprise reçoit cash des liquidités et peut réinvestir directement sans avoir besoin de recourir à des financements et, de surcroit, voit le risque de non-recouvrement de ses créances externalisé. Autre cas spécifique à la sphère bancaire, d après un article des échos 101 : «Pour éviter de se trouver dans des situations où le risque de crédit est trop important, ou bien, la contrainte de fonds propres difficile à respecter, il y a deux solutions : limiter les opérations de crédit, ce qui revient à laisser le champ libre à la concurrence et perdre des parts de marché, ou bien, se débarrasser des crédits déjà mis en place en les revendant à des tiers. C est ce pour quoi ont été inventés les CDO.». Voici le schéma de la société ad hoc, de type SPV avec d un côté l actif en tranches et de l autre côté le passif sous forme d obligations : ACTIF = créances Tranche AAA : Risque faible (grâce au recours de contrats CDS) Tranche BBB : Risque moyen Tranche risquée PASSIF = obligations TITRES = Obligations 100 «Les groupes EDF et GDF ont à nouveau répondu présents avec 432 millions d'euros dans le deuxième compartiment de leur fonds commun de créances Loggias, destiné à refinancer des prêts immobiliers accordés à leurs employés», Les Echos n du 02 février 2004 page /12/2011 Pascal Ordonneau Le cercle Les échos 145

146 Conséquence sociale et sociétale La crise des subprimes est une illustration d une dérive de l usage des CDO. Les conséquences en sont très nombreuses. La première étape de ces conséquences en chaine est sociale : les estimations du nombre des expropriations aux Etats Unis est aujourd hui de l ordre de 8 millions et pourrait monter à 25 millions 102 Puis après un séisme financier (voir effet boomerang), il s en suit une grave crise économique et sociétale précipitant des millions de personnes au niveau mondial dans le chômage. Le risque lie à l'utilisation de CDO n'est, à ce jour, pas écarté pour au moins deux raisons: La structuration des produits financiers modernes fait que la présence d actifs toxiques à un certain niveau de la chaîne de valeur reste très difficile à détecter. 103 La créativité des concepteurs de produits financiers est «sans limite». En voici deux exemples : 1 - Le retour des Junk bonds («obligations pourries») 102 Us Loan auditors 103 Stiglitz, à propos du marché des CDS rattachés aux dettes souveraines européennes : «Aujourd'hui, nul n'est en mesure de savoir comment ces produits sont répartis dans le monde», les premiers qui quitteront l'euro s'en sortiront le mieux, l Observatoire de l Europe. 146

147 «Aujourd'hui, avec la très forte baisse des taux (sur les titres d'etat, la dette bancaire par exemple), les investisseurs cherchent du rendement. Et ce ne sont certainement pas les taux pratiqués aux Etats-Unis, particulièrement bas - entre 2 et 2,5 % sur du dix ans -, qui vont le leur fournir» «ce retour des investisseurs vers les actifs spéculatifs, qui coïncide avec une accalmie aussi relative que provisoire des marchés, ne serait pas possible sans la fin de la forte aversion au risque, consécutive à la crise. A partir du moment où les investisseurs reprennent confiance, pensant qu'on a échappé au scénario du pire et que l'économie est en train de s'en sortir - notamment aux Etats-Unis -, ils sont de nouveau prêts à acheter des dettes jugées trop risquées depuis 2008» «Le retour des actifs à haut rendement est plutôt positif. Cela va aider les jeunes entreprises françaises à se refinancer- ce qu'elles ont beaucoup de mal à faire aujourd'hui». (Jean-François Robin, Natixis, à propos des Junk Bonds) les risques d explosion de la bulle des prêts étudiants aux USA. Après l'avertissement du Consumer Financial Protection Bureau sur l'explosion de l'encours de la dette étudiante américaine, la Maison-Blanche étudie un plan d'urgence. Selon les estimations du Council of Foreign Relations, l'encours total de la dette étudiante pourrait atteindre milliards de dollars en Jusqu'ici, tout l'effort du Trésor a consisté à désamorcer la «bombe» de la dette étudiante en rachetant des titres ABS (Asset-Backed Securities) adossés à des emprunts étudiants 105. L effet boomerang La crise des Subprimes est le cas d école de l effet Boomerang puisqu au final, Certains établissements financiers en auront souffert 3 fois : (1) Une première fois, avec les conséquences directes des Subprimes allant jusqu à des faillites (Lehman, Fannie Mae et Freddie Mac, AIG, etc.) (2) La seconde fois tient à la crise financière planétaire qui secoue tous les établissements financiers (crise de confiance, fin du crédit entre établissement ) et les oblige à procéder à des augmentations de capital ou à obtenir un fort soutien de l Etat (3) La 3 ème c est la conséquence pour les banques de la crise économique : dépôts de bilans, paupérisation de la clientèle, etc. 104 Extrait d un Article du Monde.fr. Anna Villechenon : Pourquoi les "actifs toxiques" séduisent à nouveau les investisseurs -30 Mai Extrait de «L'explosion de la dette des étudiants américains inquiète les investisseurs - Par Pierre de Gasquet - 03 Avril 2012 Les Echos. 147

148 Comme on l a vu plus haut, le risque que cela se reproduise (à moindre ampleurs espérons-le) est loin d être nul. Conclusion à propos des CDO. Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de ces constats qui sont des pistes pour progresser au niveau d une banque : Premièrement, l asymétrie de l information entraine des risques incontrôlés. L information n est pas la même pour tous les acteurs. Si l on reprend l exemple de notre fournisseur d énergie, le risque que les clients ne paient pas est mieux connu du fournisseur d énergie que de l investisseur. Ce dernier va donc par exemple se référer aux agences de notation qui ont bien des difficultés à anticiper des défauts. Il y a donc asymétrie d information. La relation qui s établit entre l entreprise et le client n engage plus seulement ces deux acteurs mais également des investisseurs et des agences de notation. Si le fournisseur d énergie ne porte plus directement le risque de non-recouvrement des créances, il y a probablement une attention moins grande qui sera portée au suivi de ce risque. Le risque final agrégé est donc plus fort qu avec une relation simple entreprise/clients. Deuxièmement, les investisseurs peuvent cumuler du risque sans couverture efficace (voir le chapitre sur les CDS). En cas de défauts il y a risque de contagion, comme cela a été le cas en Troisièmement, en cas de défaut d un acteur économique, se pose la question de la responsabilité de la non couverture du risque. Les scénarii où les responsabilités sont vagues conduisent souvent à des comportements excessifs. X.2.2 CDS Définition du Credit Default Swaps Le CDS, assimilable à un produit d assurance, a été développé à partir de 1994 au sein de la banque JP Morgan. C est cependant un type d assurance très particulier puisque : L acheteur de CDS n a pas nécessairement besoin d être en possession de l actif couvert (contrairement aux assurances classiques). L achat de CDS n est limité ni en montant ni en volume. C est un produit très utile pour les raisons suivantes : Les acteurs économiques peuvent se couvrir contre tout type de risque lié à leur activité. Les banques peuvent «sortir» le risque de crédit et ainsi développer l activité sans augmenter ses garanties financières. 148

149 Ainsi, par exemple, les CDS permettent à l acteur A (voir schéma) de proposer un crédit à l acteur C sans augmenter ses besoins de financement (hors bilan) et l acteur B gagne une prime. Lorsque la dynamique est bonne, les trois acteurs sont gagnants à utiliser ce mécanisme. Nous verrons par la suite qu en cas d évènements défavorables, les trois acteurs risquent gros. A = Banque B = Assureur C = Souscripteur de crédit Fig 59 : les trois acteurs des CDS Le marché des CDS pose deux problèmes majeurs : 1. Premièrement, le souscripteur de CDS n est pas nécessairement exposé au risque. Cela reviendrait pour des particuliers à ce qu un voisin puisse assurer la maison en face de la sienne contre l incendie. Il y a là un risque de dérive éthique et une porte ouverte à la spéculation. 2. Deuxièmement, l émetteur de CDS n a pas d obligations en termes de garanties financières, ou tout du moins des obligations bien plus souples que dans la sphère bancaire. Or, en cas d évènement de crédit généralisé, l émetteur peut se retrouver en défaut, en incapacité d effectuer le «paiement contingent». Toute la filière se rend alors compte qu il n y a plus d assurance. Fig 60: évolution de la vente de CDS souverains entre 2010 et 2011 par pays 149

150 Pour illustrer le premier point, les CDS sont des produits très spéculatifs qui peuvent être utilisé pour «attaquer des pays». Comme la Grèce fait partie de la zone Euro, sa monnaie est donc difficile à attaquer, c est l un des avantages de la monnaie unique. Alors, puisque l on ne peut attaquer la monnaie, on attaquera plutôt son point faible, c'est-à-dire sa dette, à l aide des CDS. Les CDS permettent à leurs souscripteurs d investir en pure perte, mais d obtenir un large dédommagement si la Grèce fait défaut. Plus il y a d ouvertures de CDS sur la Grèce et plus sa capacité de remboursement est remise en cause (quoi qu il en soit dans la réalité), le marché va donc en déduire que ce pays n est plus digne de confiance. Les agences de notation financières vont alors baisser la note de confiance du pays, ce qui aggrave encore davantage les difficultés rencontrées. Les CDS sont donc des outils puissants pour installer un cercle vicieux de spéculation sur la dette souveraine: plus les CDS sont achetées plus ceux qui les achètent peuvent espérer un défaut de la Grèce et ainsi toucher le «jackpot». En outre, l outil CDS est un contrat dont l enjeu dépasse les deux contractants. Compte tenu des points vus précédemment, il peut arriver que la notion «d évènement de crédit» soit réajusté par la puissance publique et quelques grands acteurs financiers. C est en tout cas l exemple des CDS Grecs 106, non remboursés auprès des souscripteurs qui voulaient se protéger du risque de défaut Grec. Pour illustrer ce deuxième point, il faut savoir que le montant nominal des produits dérivés négociés hors cote était de milliards de dollars au 30 juin 2011 alors que le PIB mondial était estimé à la même date à environ milliards de dollars. On comprend très vite l énorme risque que représentent ces produits pour les marchés financiers 107. Le volume des CDS au niveau mondial représenterait (difficile à savoir car il s agit d un marché de gré à gré) à minima 50% du PIB mondial 108, ce qui est un volume très élevé. En cas de crise systémique, il est évident que les CDS perdraient toute utilité sociale (pas de remboursement possible compte tenu des volumes). Dans le cas de la crise des subprimes, la compagnie d assurance AIG a fait faillite à cause de 8 Ma de dollars de CDS à payer suite à la faillite de Lehman Brother. Comme AIG a été nationalisée, c est finalement le contribuable américain qui a payé les CDS vendus par AIG. Ce qui a creusé le déficit Américain. Actuellement, suite au défaut partiel de la Grèce 3 milliards de CDS ont été payés. Imaginons un défaut concomitant de la Grèce, de l Espagne et du Portugal les contrats de CDS ne seraient pas honorés. 106 Article : «Non-paiement des CDS sur la dette grecque : entourloupe simple ou scandale à tiroirs?» de Vincent Bénard «Produits dérivés : un marché 11 fois plus gros que le PIB mondial!» 16 décembre 2011, Eberhardt Unger 108 Le magazine Time soulignait que le marché des CDS était de $45000 milliards, «Produits dérivés : un marché 11 fois plus gros que le PIB mondial!» 16 décembre 2011, Eberhardt Unger 150

151 L établissement de la valeur des CDS est également parfois surprenant : «le CDS France coûte aujourd'hui deux fois plus cher que le CDS Danone! Sans remettre en cause la solidité du groupe agroalimentaire, est-ce bien raisonnable?» 109 Conséquence sociale et sociétale La conséquence sociale et sociétale de la prolifération des CDS se confond avec celle des crises financières plus globales incluant les produits dérivés dans leur ensemble. On peut y rajouter que la spéculation utilisant les CDS désoriente totalement les investisseurs en ce sens qu elle peut faire croire à des fragilités d actifs excessives (cf ci-dessus Danone vs France). La conséquence pour l épargnant est désastreuse: il ne sait plus quel produit retenir : les obligations d Etat, c est-à-dire des produits «sans risque», en arrivent même à être boudés et le particulier se met à acheter de l or. L effet boomerang L effet Boomerang que peut entrainer un usage abusif des CDS est assez évident: nous avons déjà parlé de la faillite d AIG voici un autre exemple (en fait, il y en a beaucoup) : En 2012, un trader surnommé la «baleine de la Tamise» a fait perdre 7 milliards de dollars à sa banque 110 JP Morgan en pariant sur un montage complexe de CDS. Ce spécialiste des ABS (asset backed security) travaillait dans un service pourtant pas exposé en première ligne sur les CDS. Patron d'une petite équipe chez JPM, pas une star de la banque, il n'était même pas logé dans la banque d'affaires. Son unité avait gagné beaucoup avec des ABS en Cette fois-ci, vu l'ampleur de la perte, il aurait parié sur CDX c'est-à-dire des paniers de CDS avec des maturités différentes. «La perte de trading de JP Morgan est lourde de conséquences pour le secteur bancaire. 111 Conclusion Les CDS sont des outils très utiles dès lors qu ils servent les acteurs économiques réels à se couvrir contre un risque. Mais ces produits ont deux défauts «génétiques» puisque contrairement aux produits d assurance classiques, il n est pas nécessaire d être exposé à un risque pour en acheter et l acquéreur n est pas limité en volume. Ainsi, les CDS en circulation doivent assurer milliards de dollars, soit 12 fois plus que les montants des créances à risque (Par analogie le propriétaire d'une voiture dispose d'un contrat d'assurance et non pas 109 Les Echos n du 26 Decembre 2011 page JP Morgan bascule dans le rouge le Figaro.fr 11/10/ Par Virginie Robert 14/05 07:00 (les Echos) 151

152 de 10 ou 100!) 112. Des acteurs peuvent donc spéculer en achetant massivement des CDS, qui sont également un indicateur de confiance sur l actif sous-jacent. Il est également possible de vendre massivement des CDS, sans avoir la solidité financière pour garantir les paiements contingents en cas d évènement de crédit. Ainsi, d après J. Stiglitz 113, à propos du marché des CDS rattachés aux dettes souveraines européennes : «Aujourd'hui, nul n'est en mesure de savoir comment ces produits sont répartis dans le monde», prévient-il. «D'où le caractère potentiellement explosif d'un défaut de paiement d'un pays européen qui pourrait geler le marché mondial du crédit d'une manière comparable à ce que nous avons connu en 2008». La conclusion finale est que l assurance n est pas garantie, et que l outil peut être utilisé à des fins spéculatives. Ces deux points peuvent aboutir à des conséquences graves pour l écosystème d une banque. Notons que dans ce domaine, un évènement important s est produit en Europe en novembre 2012 puisque le marché des CDS a été encadré par une loi pour tous les acteurs y compris les établissements financiers de la City à Londres. Il est désormais interdit en Europe d acheter des CDS souverains à nu c est-à-dire sans avoir à couvrir le risque correspondant. Si cette loi est salutaire, elle souffre de nombreuses limites et défauts parmi lesquels le fait que les CDS souverains ne représentent que 10 % du volume total de CDS au niveau mondial. X.2.3 Spéculation sur les dettes Souveraines Définition La spéculation sur les dettes souveraines par une banque d investissement peut également conduire à un effet boomerang. (Voir l exemple Grec ci-après). Les raisons de la crise de la dette grecque sont évidemment multiples : 1. Fort endettement (environ 120 % du PIB) en 2010, déficit budgétaire qui dépasse les 13 % du PIB La crise économique mondiale. 3. La crainte des créanciers de la Grèce sur sa capacité à rembourser sa dette publique ainsi que de payer les intérêts de cette dette, fortement alimentée par les positions des agences de notation. 4. Le manque de transparence dans la présentation de sa dette et de son déficit, notamment par la levée de fonds hors bilan et par le biais d'instruments financiers mis au point par la banque d'investissement Goldman Sachs. 5. L'origine étrangère à la Grèce des prêteurs (à 71 %) «Il faut réformer les bombes financières que sont les CDS» article Les Echos n du 30 Mars 2009 p Les echos.fr Le 17 janvier Gros et Mayer 2010, p

153 Cependant, entre le 1er décembre 2009 et le 11 novembre 2011, le taux des obligations grecques à dix ans est passé de 4,84 % à 41,41 % 116. Cette augmentation s'inscrit-t-elle dans le cadre d'opérations de spéculation sur les dettes souveraines? Nous allons essayer de donner un éclairage en 3 pointsquestion. Point 1 : Le taux d endettement Grec à lui-seul justifie-t-il ces taux d intérêts? En octobre 2011 la dette Grecque s'élevait avant décote à 158 % du PIB, alors qu à titre de comparaison, avec un niveau d'endettement de 229 % du PIB, le Japon avait des taux d'obligations de 1 % (et une dette détenue à 92 % au Japon, contre seulement 29% en Grèce). Point 2 : Les agences de notation et les taux reflètent-ils réellement le risque de défaut? Les dégradations des notes par les agences de notation courant entre mai 2010 et octobre 2011, et qui ont conduits à une augmentation des taux sont-elles explicables? Par exemple, la déclaration de soutien de la BCE qui indiquait «accepter les titres grecs, quelle que soit leur notation, en garantie (collatérale) contre des prêts» n a pas permis de faire baisser les taux. De même, La Grèce est à ce jour le pays le plus mal noté au monde par les agences de notation américaines. Point 3 : Les titres obligataires étaient couverts par des CDS par leurs possesseurs. Pourquoi ces produits n ont-ils pas rassuré les prêteurs et pourquoi n ont-ils pas freiné l envolée des taux? Le faisceau d indices qui conduit à penser que la spéculation a fortement aggravé la situation de la Grèce est, ainsi, assez épais. Conséquence sociale et sociétale Les effets de tout cela sont évidemment catastrophiques sur le plan sociétal, il suffit de suivre les journaux télévisés pour voir à quel point la population grecque n avait pas besoin de ces aggravations. Une étude britannique 117 pointe les effets désastreux de la crise et des coupes budgétaires en Grèce. Parmi eux, une hausse du nombre de suicides, de la consommation de drogue, de la prostitution, du nombre d'infections par maladies sexuellement transmissibles et bien d autres indicateurs sociaux sont au rouge. En outre, les conséquences sociétales ne se limitent pas à la Grèce : elle impactent toute l Europe. L effet boomerang Les effets de la spéculation sur la dette conduisent, à des degrés divers, à un ralentissement économique voire à une crise économique et sociale à l échelle 115 Qui détient les dettes publiques - Fondapol, page 18/ D après Geocodia, taux Japon et taux Grec 117 D après David Stuckler, sociologue à l'université de Cambridge 153

154 nationale. Or, comme nous l avons vu, l économie est le poumon de la banque et réciproquement. Il n est pas dans l intérêt d une banque d investissement ayant une exposition économique dans un Pays A de spéculer sur la dette de ce pays, au risque de compromettre sa performance de moyen terme dans cette zone géographique. Cet hypothèse est également vraie si la banque est exposée dans les pays B, C et D dont l activité économique est intimement liée au pays A. Il en résulte que toute banque exposée sur le marché européen n a pas intérêt à spéculer sur la dette Grecque, au risque de compromettre le cœur de son business, c est-à-dire l activité économique de son environnement. Sur les questions relatives à la dette, non plus autour de la spéculation mais au sujet de la commercialisation, il est un cas d école de l effet boomerang : celui de Dexia. Sur les crédits aux collectivités (a priori non spéculatifs), la banque a multiplié les excès. La banque est en effet touchée par le scandale des crédits structurés aux collectivités 118, ces produits reposant sur des montages financiers complexes 119 avec des taux d intérêts variables, et qui ont plombé les finances de milliers de communes. Par exemple, le conseil général du Rhône, présidé par Michel Mercier, est l un des plus infectés de France par les prêts toxiques à hauteur de 396 millions d euros 120. Fig 61 : Carte de France des emprunts toxiques des municipalités Françaises article de la tribune sur les crédits structurés Dexia 120 «Prêts toxiques : 100 millions d euros engloutis au conseil général?» Par Emmanuelle Sautot. 154

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