Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.
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- Angèle Lavallée
- il y a 5 ans
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1 C O R R I G É L ÉTAT SUJET Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie. Introduction Les règles de justice sont indispensables à la vie humaine. Elles constituent une obligation légale et morale. L individu isolé ne peut survivre, et c est donc naturellement qu il est poussé à s associer à ses semblables. Mais si notre nature nous oblige à former des sociétés, les institutions chargées de réguler la vie en commun ne sont pas l œuvre d un instinct. Les hommes doivent créer des lois. La difficulté posée par le texte est alors la suivante. Ce qui vaut à l intérieur d une société est-il transposable sans modification essentielle dans les rapports que les nations ont entre elles? Hume ne le pense pas, et il va même jusqu à reconnaître la légitimité du concept de raison d État. Comment le justifie-t-il? N y a-t-il pas le risque d accorder à la politique le droit de définir la justice et la morale selon le bon plaisir des gouvernants? 1. L analogie entre l individu et l État A. La validité des règles Le thème du texte apparaît dès les premiers mots. Hume annonce qu il va réfléchir à «la validité des règles de justice.» Que signifie cette expression? La notion de validité renvoie à celle de valeur. Dans le cas de la justice, ce mot désigne la légitimité des règles, ce qui nous amènera à nous demander ce qui les justifie théoriquement. Mais il faut aussi s intéresser à leur capacité à orienter la conduite des hommes. Les lois doivent posséder une force contraignante sous peine de n être que des chiffons de papier ou, comme le dit Hume, du «parchemin gaspillé.» Quel est donc le principe qui valide les règles de justice, et quelle est la portée de son pouvoir? Peut-il déterminer la totalité des sphères de l existence humaine? Si la première partie ne répond pas directement à ces questions, elle y conduit par le biais d une analogie entre les individus et les «sociétés politiques». Hume soutient que les États reconnaissent, dans une certaine mesure, la valeur des maximes de justice qui ordonnent les rapports entre les particuliers. Quel est le fondement de son argument? B. Des individus aux relations internationales Les relations internationales semblent comparables à celles qu entretiennent les individus à l intérieur d une société donnée. Chacun ayant besoin de la coopération des autres pour parvenir à ses fins, il est nécessaire d inventer
2 L ÉTAT SUJET des règles communes pour que la vie soit la plus harmonieuse possible. La justice a pour fonction d empêcher la violence et l insécurité qui en résulte. Et, de la même façon qu un individu comprend qu il n est pas seul au monde, chaque État admet la légitimité de l existence d autres nations. Les princes sont même fiers de dire qu ils prennent «en considération les droits des autres princes. L estime publique a son poids. Un prince réputé sans foi ni loi sera isolé, et finalement affaibli. Hume reprend ici une des leçons de Machiavel, en notant toutefois que «certains» gouvernants ne sont pas animés par un calcul hypocrite. Ils peuvent penser de bonne foi que la pluralité et la diversité sont des composantes nécessaires du monde humain. Cette attitude se concrétise dans l existence des alliances et des traités internationaux. Ce point manifeste l importance de la volonté et de la raison. Les États s engagent les uns envers les autres selon des clauses définies. La référence à l écriture est importante car le «parchemin» matérialise la volonté. Il est possible de s y référer pour rappeler un prince à ses engagements. Il apparaît ainsi qu il existe une force de la justice capable de stabiliser, de mesurer et d ordonner les rapports de force économique ou militaire qui s exercent dans les relations internationales. Enfin, Hume invoque une preuve empirique. C est l expérience elle-même qui confirme la validité des règles de justice au niveau des individus et des nations. [Transition] Au terme de cette partie, les règles de justice apparaissent sous la forme d un double respect : celui du droit des autres à une existence propre, ce qui implique la non-violation de leur propriété, et celui des engagements pris et inscrits dans des conventions. Pourquoi existe-t-il cependant une spécificité des relations internationales? 2. Les limites de l analogie A. La nature humaine Hume invoque l expérience pour vérifier la réalité de son analogie. Celle-ci a cependant besoin d être évaluée. Il est d ailleurs évident que l histoire montre aussi la fragilité des traités internationaux. Mais le constater ne suffit pas. Il faut en donner les raisons profondes. C est la fonction du concept de nature humaine. Le texte acquiert ici une nouvelle dimension. L argument de Hume est ontologique. Il concerne l être même de l homme, ses caractéristiques essentielles. Dans un premier temps, (jusqu à «licencieuse»), la nature humaine est mentionnée pour éclairer les rapports entre individus. Le vocabulaire est sans ambiguïté ; il s agit d établir que la vie humaine ne peut exister qu au sein d une société. L individu est un être de besoin, et n a pas les moyens
3 L ÉTAT SUJET d y pourvoir seul. La coopération est un donc un fait de nature ; elle s impose inéluctablement et réclame «des lois d équité et de justice» pour pouvoir durer. Ces lois consistent à régler les échanges et à définir la propriété de chacun afin que nul ne soit lésé. L absence de règles touchant le droit de vendre et d acquérir conduit au «désordre», à la «confusion» et, au terme du processus, à «la guerre de tous contre tous.» Cette référence implicite au Léviathan de Hobbes dessine le spectre d un état anomique où un individu craint tous les autres comme il se fait craindre d eux. La vie humaine y est impossible, et c est pourquoi cette situation est le mal absolu que les individus cherchent à conjurer. Nous comprenons ainsi que la nature humaine est le principe qui commande aux hommes de s entendre en inventant des règles, car si nous étions guidés par un instinct, comme le sont les animaux, la violence créatrice de désordre serait impossible. B. L utilité La nature humaine est donc l origine de la validité des règles de justice. Il apparaît toutefois que sa puissance n est pas égale dans tous les aspects de la vie humaine. Hume marque ainsi la spécificité des rapports internationaux. La nécessité de relations harmonieuses de coopération ne s y fait pas aussi fortement sentir qu entre les membres d un même groupe. Les États ne sont donc pas identiques à de grands individus, la politique internationale a sa logique propre. Hume affirme d emblée que «les nations peuvent subsister sans relations», et même «dans une certaine mesure, dans une guerre générale.» Une nation peut à la rigueur vivre en autarcie à condition d être une petite société, soucieuse de limiter à l extrême les rapports avec ses voisins. Mais la guerre est ce qui menace le groupe d une destruction totale. Aussi Hume nuance-t-il son propos. Il est vrai cependant que certaines nations se maintiennent grâce à la guerre. Le combat contre un ennemi extérieur est un moyen de maintenir une unité à l intérieur de la société. Ainsi s annonce l idée centrale de cette partie. Du point de vue des États, seule compte leur utilité propre. C est le critère fondamental de «l obligation morale.» La justice est donc fonction de l intérêt particulier de chaque État. Cela n exclut pas radicalement la possibilité d une entente. Les nations peuvent avoir un intérêt commun à ne pas s attaquer, mais la portée des traités est soumise à la logique d un calcul réfléchi de la part de chacun. Dès lors, un État peut juger avantageux pour lui de rompre une alliance ou de ne pas tenir compte du droit. L expérience vérifie la justesse du propos de Hume. La guerre menée par les États-Unis en Irak fut décidée sans tenir compte de l opposition juridique de la communauté internationale. N est-il pas alors choquant de parler d obligation morale? La non-observance de la justice apparaît bien plutôt immorale. semble avoir sa propre
4 L ÉTAT SUJET conception de la justice, ce qui signifie que les États sont fondés à employer des procédés auxquels les individus ne doivent pas recourir sous peine d être punis. [Transition] La dernière partie est consacrée à préciser cette thèse à l aide du concept de «raisons d État». Quelle est sa nature? sa portée? 3. La justification de la raison d État A. La raison d État «Tous les politiques» reconnaissent le droit pour un gouvernant de rompre un traité lorsque les circonstances le légitiment. La pensée du Moyen Âge a élaboré le concept de raison d État autour de deux maximes. La première dit que «la nécessité ne connaît pas de lois.» Sa logique est la suivante. Chaque souverain ayant pour charge suprême de maintenir l indépendance de sa nation, il est autorisé à se dégager d un accord quand la situation évolue de telle sorte que respecter une alliance conduirait le pays à sa perte. La deuxième maxime affirme que «le salut public est la loi suprême», supérieure aux lois générales qui commandent le respect de ses promesses. Hume l évoque en parlant «d urgences particulières». Il existe donc une morale politique différente du sens courant du mot. Cependant, il ne faut pas se dissimuler que la nécessité reste une notion ambiguë. Il est parfois commode de l invoquer pour faire croire que l on a raison. La raison d État devient alors l argument par lequel l arbitraire tente de se légitimer. L invasion du territoire d autrui peut n avoir d autres causes que l appétit de pouvoir d un gouvernant. L intérêt du texte est de ne pas condamner globalement les pratiques politiques sous prétexte qu elles ne répondent pas forcément aux critères classiques de la justice. Hume note que «la plupart des philosophes» admettent cette thèse, et nous voyons qu il se situe de leur côté. B. Rupture ou continuité? La dernière phrase de l extrait revient sur les relations interindividuelles. Hume admet que la violation des règles de justice est également possible dans ce cas, mais il assortit son propos d une grande réserve. La désobéissance n est justifiable que dans le cas de la «plus extrême nécessité», comme dans les cas singuliers de légitime défense. D ordinaire, il faut suivre les lois qui interdisent aux personnes de se faire justice à elles-mêmes, car on ne saurait être correctement juge et partie. Cela nous conduit à une dernière remarque. Les rapports entre individus sont eux aussi dictés par l utilité. Il n y a donc pas rupture entre les deux niveaux. La nature humaine continue d exister et d agir dans la sphère politique, mais ses prescriptions sont moins pressantes qu au niveau individuel.
5 L ÉTAT SUJET L obligation morale est la même, mais elle est plus praticable dans la sphère des individus car nous savons que nous devons coopérer avec nos concitoyens. Nous sommes en quelque sorte embarqués dans un destin commun alors que vis-à-vis des étrangers, la relation est moins étroite. C est donc la plus ou moins grande force des rapports d intérêts qui conditionne la validité des règles de justice. Conclusion Ce texte expose une conception complexe de la justice. La validité de ses règles provient des exigences universelles de la nature humaine, qui commandent aux hommes d inventer des institutions pour vivre en paix et en sécurité. Cependant, cette nécessité prend des formes différentes, voire opposées, selon la nature des intérêts en jeu. Les individus d un même groupe ne peuvent vouloir se détruire collectivement dans une guerre civile, alors qu un État a parfois le droit de violer ses promesses. Il y a une forme générale d obligation morale, mais elle peut conduire à justifier des attitudes contraires. Seul un droit international peut étendre la nécessité à l échelle des relations internationales. Mais ce droit ne dépend-il pas de la bonne volonté des États?
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