Pétrole: grande nouvelle de 2014 : quid de 2015?



Documents pareils
Les perspectives mondiales, les déséquilibres internationaux et le Canada : un point de vue du FMI

BASE DE DONNEES - MONDE

Perspectives économiques régionales du Moyen-Orient et de l Afrique du Nord

Contexte pétrolier 2010 et tendances

À Pékin (heure de Pékin) : 11h00, 20 janvier 2015 À Washington (heure de Washington) : 22h00, 19 janvier 2015 JUSQU À PUBLICATION. Courants contraires

Croissance plus lente dans les pays émergents, accélération progressive dans les pays avancés

LES BRIC: AU DELÀ DES TURBULENCES. Françoise Lemoine, Deniz Ünal Conférence-débat CEPII, L économie mondiale 2014, Paris, 11 septembre 2013

Présentation Macro-économique. Mai 2013

Perspectives économiques

Le RMB chinois comme monnaie de mesure internationale : causes, conditions

Base de données sur l'économie mondiale Alix de Saint Vaulry *

L Épargne des chinois

Les perspectives économiques

à la Consommation dans le monde à fin 2012

Quel est le "bon" système de Bretton-Woods?

OUESSANT. Vivienne investissement. Printemps-été Rapport de gestion. L analyse quantitative au service de la gestion active

Revue des Marchés. Charles Gagné

Le marché mondial de l énergie a connu ces dix dernières années

Les difficultés économiques actuelles devraient demeurer contenues à moins que les tensions financières s amplifient

Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne. FMI Département Afrique Mai 2010

Canada-Inde Profil et perspective

TABLE DES MATIERES. iii

Secteur bancaire Enjeux d image

Master en Droit et Economie / Automne 2013 / Prof. F. Alessandrini. Matières premières. Luc Hinz, Quantitative Investment Manager (BCV)

La prévision est un art difficile de manière générale, mais c est

Note relative à l investissement direct étranger dans le monde et au Maroc

Info-commerce : Incertitude économique mondiale

Déchiffrer les marchés et les placements à long terme. 30 juin 2015

Fiche signalétique d un service de téléphonie mobile version du 24/08/2012

TD n 1 groupe 1 : Vendredi 30 novembre 2007 Bertrand Lapouge Stéphane Perot Joël Maynard

Bienvenue. Procure.ch. Jeudi 26 avril Haute école de gestion Fribourg Haute école de gestion Fribourg

Pourquoi la croissance du commerce international s est-elle essoufflée? Beaucoup d espoir repose sur la libéralisation des échanges commerciaux

BANQUE CENTRALE DE TUNISIE DETTE EXTERIEURE DE LA TUNISIE 2011

QUELLE DOIT ÊTRE L AMPLEUR DE LA CONSOLIDATION BUDGÉTAIRE POUR RAMENER LA DETTE À UN NIVEAU PRUDENT?

Nouvelle vague d assouplissement 1

DORVAL FLEXIBLE MONDE

LES ENJEUX DE LA VOLATILITE DU PETROLE ET DU GAZ ENTRETIENS ENSEIGNANTS-ENTREPRISE 28 AOÛT INSTITUT DE L ENTREPRISE

L incidence des hausses de prix des produits de base sur la balance commerciale du Canada 1

TD de Macroéconomie Université d Aix-Marseille 2 Licence 2 EM Enseignant: Benjamin KEDDAD

Croissance à crédit. Vladimir Borgy *

L économie ouverte. Un modèle de petite économie ouverte. V2.0 Adaptépar JFB des notes de Germain Belzile. Quelques définitions

La situation en matière de pension privées et de fonds de pension dans les pays de l OCDE

A PLUS FINANCE FONDS DE FONDS

Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique

Boussole. Divergence des indicateurs avancés. Actions - bon marché ou trop chères? Marchés boursiers - tout dépend du point de vue!

Marché mondial de l automobile

RAPPORT ANNUEL DE LA BANQUE DE FRANCE

Distribution préliminaire Octobre 2012

Le Moyen-Orient et le pétrole. pp32-39

La Banque nationale suisse surprend les marchés

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

Secteur de la construction au Canada

QUEL RÔLE POUR LE FMI DANS LE NOUVEL ORDRE ÉCONOMIQUE MONDIAL?

LE COMITÉ D INVESTISSEMENT DE LA GESTION PRIVÉE

Les effets d un prix du pétrole élevé et volatil

Flash Stratégie n 2 Octobre 2014

2015 et l investissement en actions : la prise de risque est-elle justifiée?

Les divergences dominent le marché

DS n 3 Chap 1-2h. Épreuve composée

L accumulation de réserves de change est-elle un indicateur d enrichissement d une nation?

LE COMMERCE EXTÉRIEUR CHINOIS DEPUIS LA CRISE: QUEL RÉÉQUILIBRAGE?

Case study Méthodologie d enquête et développement d une Great Place To Work

III. Au-delà des comptes courants : gérer les risques liés aux déséquilibres internationaux

Table des matières. Le long terme Partie II. Introduction Liste des figures... Liste des tableaux...

Transition énergétique Les enjeux pour les entreprises

NOTICE MÉTHODOLOGIQUE SUR LES OPTIONS DE CHANGE

Les actions internationales pour l enseignement supérieur Un objectif de coopération internationale entre pays programmes et partenaires

Le poids de la consommation dans le Pib atteint des niveaux

V. Marchés des changes

Les échanges Internationaux. L environnement monétaire international

Les questions relatives aux finances publiques, longtemps réservées aux spécialistes, sont

Actifs des fonds de pension et des fonds de réserve publics

Système Monétaire International Et Système Financier International

REPÈRES ÉCONOMIQUES POUR UNE RÉFORME DES RETRAITES JUILLET 2015

BANQUE NATIONALE DE ROUMANIE BANQUE NATIONALE DE ROUMANIE

Les relations commerciales entre les pays méditerranéens

Perspective des marchés financiers en 2014

mai COMMENTAIRE DE MARCHÉ

Web Analytics. des Visiteurs en Ligne? Raquel de los Santos, Business Consultant Forum emarketing 2012

Choc pétrolier et pause conjoncturelle en France

Quelle part de leur richesse nationale les pays consacrent-ils à l éducation?

CHUTE DES PRIX DU PÉTROLE

Investissement étranger à la Bourse de Casablanca

La situation économique et financière

Le CAC vu de Nouillorque (Sem 10, 6 mars. 15) Hemve 31

ANTICIPATIONS HEBDO. 16 Février L'élément clé durant la semaine du 9 Février 2015

Investissements et R & D

m² LE MARCHÉ LOCATIF - 3T 2014 LA DÉFENSE. Demande placée. Taille des transactions T T2014

Wali. Directeur général. commissaire Du gouvernement. conseil. M. Abdellatif JOUAHRI. M. Abdellatif FAOUZI. M. Le Wali. M. Le Directeur Général

la voie bilatérale reste la meilleure option

Point d actualité. Conseil Economique, Social & Environnemental Régional. Séance plénière 2 février 2015

v i e L engagement est une force Prêts à grandir ensemble? Volontariat Entreprise International

La question sociale globale et les migrations. Présentation de Jean Michel Severino aux semaines sociales, 28 Novembre 2010

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La finance internationale : quel impact sur l'économie marocaine? 20 Novembre 2012

Il existe plusieurs qualités de pétrole brut, selon sa densité et sa teneur en soufre. Il s agit des trois qualités primaires de référence :

Quepeut-ondiredelavolatilitédel euro?

La politique monétaire. Lionel Artige HEC Université de Liège

Réalisation. Diffusion

ICC septembre 2012 Original : anglais. tendances de la consommation du café dans certains pays importateurs.

Transcription:

Pétrole: grande nouvelle de 2014 : quid de 2015? Alerte 6 janvier 2015 Les Cahiers Verts de l Économie 9, rue d Artois 75008 Paris Tél : 01 53 42 65 33 E- mail : socofi@socofi.com www.cahiersvertsdeleconomie.com Jean-Pierre PETIT, Président des Cahiers Verts Raphael CESARI, Economiste/Stratégiste Xavier CHAPARD, Economiste/Stratégiste Avec la contribution de l équipe des Cahiers Verts 1 1

Points clés Il ne s agit pas du 1 er contre-choc pétrolier intense depuis 30 ans; il s agit même du 11 ème. Les baisses du prix du baril n ont pas, dans le passé, constitué un bon signal d une future récession américaine ou mondiale. Les causes majeures de la baisse du S2 2014 (-50%) ont été constituées par la hausse de l offre (presque un quart de l explication), puis la baisse de la demande (moins de 20% de l explication), sachant que le dollar fort et la hausse des taux réels expliquent environ 40% de la baisse du prix du pétrole en dollars. Il ne nous semble pas envisageable que le prix du baril remonte fortement en 2015. Nous pensons que le prix du pétrole devrait rester «bas» en 2015 (60-70 $ le baril à partir d un point plus bas en début d année). La baisse du prix du baril est globalement favorable pour l économie mondiale. L effet est moins favorable que par le passé pour les Etats-Unis après le boom du pétrole de schiste, mais il reste largement positif. L effet sur l inflation n est baissier qu à court terme et dépend, au-delà, de l ancrage des anticipations, ce qui renforce la pression sur la BCE et la BoJ, compte tenu des pressions déflationnistes et des taux d intérêt directeurs à zéro. Les pays exportateurs nets de pétrole sont évidemment perdants, en particulier ceux qui ont le plus profité de leur rente pétrolière ces dernières années. Les pays les plus à risque de ce point de vue sont le Nigeria et le Venezuela, puis la Russie (voir à ce propos la chronique hebdo du 5 janvier; «Russie; risque majeur de 2015?»). 2

Il ne s agit pas du 1 er contre-choc pétrolier intense Cas antérieurs de chute du prix du baril de 30% ou plus depuis 30 ans Pic WTI Baisse Raison de la chute du prix du baril nov-85 mars-86-67% Augmentation de la production d Arabie Saoudite juil-87 oct-88-44% oct-90 fev-91-56% Récession américaine Désaccord de l'irak et des Émirats Arabes Unis concernant les quotas de l'opep juin-92 dec-93-39% L'OPEP maintient un objectif de production élevé. dec-96 dec-98-60% sept-00 nov-01-53% Récession américaine Baisse de la demande couplée à une augmentation de la production de l'opep aout-06 janv-07-34% Préoccupations concernant les stocks croissants de l'ocde juil-08 dec-08-77% Récession mondiale et dollar fort mai-11 oct-11-34% Crise de la zone euro et dollar fort fev-12 juin-12-30% Crise de la zone euro et dollar fort En cerclé: les contre-chocs plutôt favorisés par des facteurs d offre Source: Datastream, Les Cahiers Verts Depuis 30 ans, ce n est pas le premier contre-choc pétrolier de plus de 30% et nombre d entre eux ont été même plus intenses (voir tableau ci-dessus). Le contexte ayant favorisé de telles chutes a été avant tout celui d une chute de la demande (récession américaine et/ou mondiale). Mais on a aussi connu des contre-chocs pétroliers plutôt (mais non exclusivement) favorisés par des évolutions de l offre, notamment en 1985-86. Le dollar haussier et la hausse des taux réels (augmentation du coût de stockage et réduction de l attrait du pétrole comme classe d investissement) ont parfois également joué un rôle. 3

Les baisses du prix du baril: un bon indicateur avancé du cycle économique? En grisé: les récessions américaines Les baisses du prix du baril n ont pas constitué dans le passé un bon signal d une future récession américaine ou mondiale. Les baisses de prix du pétrole n indiquent pas nécessairement un signal pertinent et rigoureux de glissade de l économie mondiale et ce d autant que ce marché a souvent tendance à «exagérer» ; -34% entre août 2006 et janvier 2007 sur des craintes de ralentissement mondial (qui viendra plus tard) ; -34% entre mai et octobre 2011 sur des craintes de récession mondiale (crise de la zone euro et de la dette fédérale américaine); -30% entre février et juin 2012 sur la crise de la zone euro,... L inverse est en revanche vrai. Depuis 1973, toutes les récessions américaines ont été précédées d une hausse du prix du baril (récession de 73-75, récessions de 1980 et 1981-82, récession de 90-91, récession de 2001 et récession de 2007-09). La baisse du prix du baril qui a suivi la récession a évidemment à chaque fois favorisé la reprise ultérieure. 4

janv.-13 avr.-13 juil.-13 oct.-13 janv.-14 avr.-14 juil.-14 oct.-14 janv.-15 avr.-15 juil.-15 oct.-15 Le prix du pétrole semble se stabiliser après avoir chuté de moitié en 2014 et les anticipations ont été revues en forte baisse à moyen terme 120 Prix du pétrole anticipé en $/baril Pour le Brent, selon l EIA à différentes dates 110 100 90 80 70 60 réalisé janv-14 juin-14 déc-14 50 Le marché a également revu fortement en baisse ses Le prix du pétrole (Brent) a chuté de plus de 50% depuis juin. Source: STEO, EIA, Les Cahiers Verts anticipations à moyen terme. Ainsi, les futurs pricent un pétrole à 65$ le baril dans 1 an et seulement 75$ à horizon 3-5 ans. Les anticipations du marché à moyen terme étaient stables depuis 3 ans autour de 90/95$. Le consensus a été surpris à la fois par la vitesse de la baisse du prix et par son ampleur. Ainsi, l EIA prévoit désormais une stabilisation du prix du pétrole autour 70$ par baril en 2015 contre une prévision à plus de 100$ il y a 6 mois. Nous pensons également que le prix du pétrole devrait rester bas en 2015 (60-70 $ le baril à partir d un point plus bas en début d année puis d une remontée en fonction de la hausse de la demande en volume), vu le positionnement dans le cycle spécifique des matières premières (1), même si ce dernier pourrait être moins long que par le passé. (1) Voir notre éditorial du 7 juin 2013; «Vers la fin du super-cycle des matières premières» 5

Plusieurs facteurs expliquent cette baisse violente : production actuelle et anticipée, croissance de la demande et conditions monétaires Estimation de la contribution de différents facteurs à la baisse du prix du pétrole entre juin et décembre Variation de la variable Sensibilité des prix Impact sur le prix Hausse de la production hors OPEP +0.3% -13.3-3.5% Retour inattendu de la production dans OPEP Baisse de la consommation - effet croissance Baisse de la consommation - effet intensité en pétrole +0.6% 13.3-7.5% -0.4% 13.3-5% -0.2% 13.3-3.5% Hausse des taux réels à 2 ans +160 pb -5% -8% Hausse du dollar +12% -1-12% Inexpliqué -7.5% Source: STEO, EIA, Datastream, Les Cahiers Verts Contribution de différents facteurs à la baisse du prix du pétrole entre juin et décembre hausse du dollar inexpliqué hausse des taux réels à 2 ans hausse de la production retour inattendu de la production dans l'opep baisse de la consommation - effet croissance baisse de la consommation - effet intensité en pétrole Source: STEO, EIA, Datastream, Les Cahiers Verts Tous les facteurs réels (offre/demande), actuels comme anticipés, et monétaires ont joué négativement depuis 6 mois. Ainsi, selon nos estimations: - la hausse de l offre explique 11% de baisse du prix du pétrole (presque 1/4 de la baisse réalisée). Elle vient fondamentalement de la hausse plus marquée de la production américaine mais aussi, à court terme, du retour des productions Libyennes et Irakiennes qui avaient baissé depuis 1 an. - La baisse de la demande de pétrole explique 8,5% de LA baisse du prix du pétrole (soit moins de 20% de la baisse réalisée depuis 6 mois). Elle vient de la croissance décevante de l activité mondiale hors USA, mais également de l intensité en pétrole plus faible de la croissance. - l effet monétaire est loin d être négligeable, puisque l appréciation du dollar et la hausse des taux réels américains expliquent environ 40% de la baisse des prix (environ un quart pour le dollar et 15% pour les taux réels). En effet, l impact du dollar est direct sur les prix cotés (en dollar) et la hausse des taux augmente le coût de stockage et réduit l attrait du pétrole comme classe d investissement. 6

Où peut aller le prix du baril en 2015? - L'expérience montre qu'après des contre-chocs violents de ce type non provoqués par des chocs de demande (c-a-d une récession), la remontée du prix du baril est très modérée et dure quelques années. N'oublions pas non plus que les super-cycles haussiers et baissiers des prix des matières premières et en particulier du pétrole sont très longs. La littérature académique (voir notre éditorial du 7 juin 2013; «Vers la fin du super-cycle des matières premières?») a enregistré pour le pétrole plusieurs cycles baissiers depuis 150 ans: baisse des prix réels de 65,2 % entre 1920 et 1947: baisse de 23,1 % entre 1958 et 1973; baisse de 69,9 % entre 1980 et 1998. L actuel super-cycle baissier n a démarré qu à l été 2008, pour une baisse réelle d environ 50%. - La demande mondiale de pétrole ne va pas progresser fortement au cours des prochaines années. La croissance mondiale, de même que la croissance manufacturière mondiale, risque de demeurer à des niveaux proches des 3 dernières années, seulement légèrement au dessus de 3% (en PPA). De plus, l intensité énergétique, et surtout pétrolière, de la croissance baisse dans l ensemble des zones géographiques. Enfin, la croissance chinoise, particulièrement intense en matières premières, sera moins élevée. -Il faut tenir compte également de la volonté de moyen terme de l'arabie Saoudite qui semble être de maintenir ses parts de marché et de faire reculer le pétrole non conventionnel, en particulier aux États-Unis. - Quant à la capacité de production de pétrole, qui dépend avec un long délai des dépenses d'investissement en exploration et forage, il faut s'attendre à une première décélération de la hausse en 2015, mais elle ne sera pas suffisante en soi pour provoquer une brusque remontée des prix. - Mais il est vrai que le cycle du pétrole de schiste (qui a expliqué une part substantielle de l augmentation de la production mondiale du pétrole depuis 2005) est spécifique par rapport au pétrole conventionnel; le seuil de rentabilité et même le coût opérationnel des puits sont plus élevés. Surtout, les investissements par champ pétrolier sont moins importants et le pic de production est atteint bien plus rapidement, d où une offre plus élastique au prix à moyen terme. D autre part, le niveau des réserves prouvées est beaucoup plus faible. D où une moindre capacité à supporter des prix bas aussi longtemps (par rapport aux réserves de l OPEP). - Parallèlement, la baisse du prix du pétrole soutiendra une reprise graduelle de la demande. - Mais en tout état de cause il ne nous semble pas envisageable que le prix du baril remonte fortement en 2015. Nous pensons que le prix du pétrole devrait rester bas en 2015 (60-70 $ le baril à partir d un point plus bas en début d année puis d une remontée en fonction de la hausse de la demande en volume). 7

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Fondamentalement, nous sommes dans la partie baissière du super-cycle des matières premières, avec une baisse de la demande Intensité énergétique du PIB en barils d équivalent pétrole pour 1000$ 2005 Répartition de la consommation d énergie mondiale en % de la consommation totale 4 3 pays émergents ex Chine et Europe de l'est USA Zone Euro Japon Chine 8 6 4 60% 50% 40% pétrole gaz charbon énergies nucléaire et renouvelables 2 2 30% 1 0-2 20% 10% 0-4 0% Source: EIA, FMI, Les Cahiers Verts Source: BP, Les Cahiers Verts La demande en énergie va progresser moins rapidement Outre la baisse de l intensité énergétique, la demande que dans les années 2000. de pétrole EST moins dynamique en raison du transfert Cela vient en partie de la croissance potentielle de demande vers les autres énergies. mondiale moins élevée. En effet, le FMI prévoit une croissance de 4% (en PPA) à horizon 5 ans contre plus Le pétrole, se situant à plus de 100$ depuis 4 ans après de 5% au milieu des années 2000. Cela nous semble sa forte hausse durant les années 2000, a poussé les d ailleurs bien optimiste; 3 à 3,5% serait plus consommateurs à mieux utiliser l énergie et à s orienter raisonnable. vers des énergies moins chères (charbon, gaz, ). Cela a été renforcé par le développement des énergies Cela vient également du mix de croissance moins intense renouvelables. en énergie, principalement avec le ralentissement de la croissance chinoise et américaine. Enfin, cela vient de la baisse de l intensité énergétique Comme lors des super-cycles pétroliers précédents, la dans chaque zone géographique, ce qui est classique après demande s ajuste avec retard, ce qui devrait limiter la une période de prix élevés. croissance de la demande dans les prochaines années. 8

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 et une hausse de l offre, qui s ajuste avec retard à la forte hausse des prix durant les années 2000 Monde: Réserves de pétrole prouvées 60 50 40 en années de consommation en Mds de barils 2 000 1 500 30 1 000 20 500 Source: BP, Les Cahiers Verts L offre s ajuste également avec retard à la variation des prix. C est ce qu a montré dans les années 2000 l exemple du gaz aux Etats-Unis. La hausse du prix au début des années 2000 a conduit à une forte augmentation de l investissement (découvertes, forages, ) et, à partir de 2008, à une forte augmentation de la production. Comme cela avait été le cas dès le début des années 80 (après la forte hausse des prix dans les années 70), La hausse des investissements a conduit à une augmentation des réserves de pétrole prouvées (pétrole de schiste, gisement en haute mer, ). Les réserves exploitables de pétrole sont à un plus haut historique en niveau comme en années de consommation (plus de 50 ans). L effondrement du prix du gaz à partir de 2009 a fortement réduit l effort d investissement mais la La hausse des investissements passés va donc production a continué de progresser, en raison des favoriser la croissance de l offre de pétrole au investissements passés. moment où la demande est moins dynamique. 9

Les coûts opérationnels faibles, même avec le pétrole de schiste, favorisent une poursuite de la production et un maintien des prix en 2015 Baril de Brent: prix actuel, seuil de rentabilité des projets de pétrole de schiste et coût opérationnel des projets existants 80 70 60 50 40 30 20 10 0 coût opérationnel seuil de rentabilité prix actuel Source: IEA, IHS, Datastream, Les Cahiers Verts Le prix actuel de 60 dollars par baril (Brent) Le forte baisse du prix du pétrole commence à est à peu près en ligne avec le seuil moyen de impacter l activité de forage aux Etats-Unis, rentabilité des projets d extraction de pétrole de schiste, qui est généralement estimé entre 50 et 70 comme le montre la légère baisse des foreuses dollars par baril. Notons que ce coût baisse en fonctionnement fin 2014. rapidement ces dernières années (plus de 20$/baril depuis 2012) grâce aux avancées Toutefois, compte tenu des investissements déjà en technologiques. cours et du décalage entre investissement et De plus, le coût de production opérationnel des puits production, la production aux Etats-Unis va déjà en activité est de l ordre de 30 à 40 continuer de progresser dans les prochains mois dollars. C est pour cela que les prix devraient se (même si l investissement reculera en 2015). maintenir à un bas niveau en 2015. 10

réserves prouvées (en années de prod) 160 140 Les spécificités du pétrole de schiste pourraient toutefois raccourcir la durée et l intensité du super-cycle pétrolier Monde: Pays contributeurs à la hausse de la production de pétrole entre 2005 et 2013 et réserves (en Mds de barils/jour) Canada 100 80 Courbe de production typique des puits pétroliers au cours du temps (maximum de production = 100) 120 100 OPEC 60 puit de pétrole de schiste puit convientionnel 80 40 60 40 20 0 Kazakhstan Brazil Azerbaijan China Colombia Russia US 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 hausse de la production de 2005 et 2013 (M bll/j) 20 0 0 5 10 15 20 25 années depuis le forage Source: AIE, Les Cahiers Verts Source: BP, Les Cahiers Verts Le pétrole de schiste américain représente presque 80% de la hausse de la production mondiale depuis 2005 (3,1 sur 4 millions). L exploitation du pétrole de schiste a des spécificités qui change le marché du pétrole, en rendant l offre plus élastique au prix: - Il est plus cher à produire (de l ordre de 60 $/baril contre 10-20$ pour l OPEP), limitant la Or les réserves prouvées pour le pétrole de schiste américain sont actuellement limitées (moins de 10 années de production actuelle contre 90 ans pour les pays de l OPEP). Dès lors, il est peu probable que les prix restent très bas aussi longtemps que lors du cycle baissier précédent (à moins de 40$ entre 1986 et 2003 hors 1 ère guerre du golfe). baisse de prix soutenable. - L offre s adapte plus rapidement car chaque puit est moins coûteux et plus rapide à forer, mais il produit moins de pétrole et surtout bien moins longtemps. Au total, les USA concurrencent désormais l OPEP en terme de producteur marginal de pétrole, d où des prix moins volatils à horizon 2-3 ans, mais des cycles plus courts. 11

Quid des implications macro? - La baisse du prix du baril est globalement favorable pour l économie mondiale. - Cela devrait favoriser l activité américaine (1) en volume (gains de pouvoir d achat des consommateurs, baisse des charges des industries consommatrices d énergie) au profit, in fine, de l emploi. Les Etats-Unis restent en effet importateurs nets d énergie. Ces gains seront toutefois légèrement amputés par le resserrement des conditions financières (hausse des taux réels et hausse du dollar), de moindres exportations vers les pays exportateurs nets de pétrole (surtout vers le Mexique et le Canada, presque 3,5% du PIB américain) et par un moindre effort d investissement et d embauches dans l industrie pétrolière locale (voir infra), avec un impact négatif sur la croissance de 0,2 à 0,3 point. - Au total, l impact de la baisse actuelle du pétrole reste très favorable pour la croissance américaine, de l ordre de 0,6 à 0,7 point à un an contre 1 point auparavant, soit un impact un peu inférieur à celui en faveur de la zone euro. Mais il ne faut pas par ailleurs négliger l impact négatif de la hausse du dollar sur l économie américaine : une hausse du taux de change effectif réel du dollar de 10% (près de 15% depuis juin) entraîne une baisse de l activité de 0,5% pendant 2 ans (modèles Fed ou OCDE). - La zone euro bénéficiera du regain d activité et ne souffrira pas, à l instar des Etats-Unis, du ralentissement de l investissement en énergie (dans la mesure où il est quasi-nul), du resserrement des conditions financières (dans la mesure où l euro et les taux longs nominaux baissent sensiblement grâce à la BCE plus accommodante) et du ralentissement du Canada/Mexique (la zone euro est un peu plus exposée sur la Russie, 1% de son PIB vs 0,2% aux USA, mais cela ne compense pas totalement le poids du Canada-Mexique pour les USA). -Cela étant, il demeure une incertitude spécifique sur la bonne transmission de ce contre-choc en zone euro; défiance structurelle des agents, problèmes de gouvernance en zone euro, exposition au risque géopolitique (Russie). Néanmoins, nous pensons que la zone euro devrait plus bénéficier du contre-choc que les USA (impact de l ordre de 1 point sur la croissance du PIB). (1) Il ne faut pas cependant par ailleurs négliger l impact négatif de la hausse du dollar sur l économie américaine : une hausse du taux de change effectif réel du dollar de 10% (près de 15% depuis juin) favorise une baisse de l activité de 0,5% pendant 2 ans (modèles Fed ou OCDE). 12

Monde USA ZE Japon Chine Autres émergents Taiwan Thailand South Korea South Africa Asie EM hors Chine India Chile Japan Turkey New Zealand Israel Europe EM* Euro area China Peru Sweden US Australia Switzerland Brazil L impact économique de la baisse du prix du pétrole est globalement positif pour le monde, surtout pour l Europe et l Asie Impact de la baisse du prix du pétrole sur la croissance à 1 an pour une baisse de 20$/bll, en % Solde pétrolier en 2007 et 2013 production consommation en dollars courants, en % du PIB 0.8 0.6 0.4 0.2-1% -3% -5% -7% -9% 2007 2013 0 Source: Les Cahiers Verts, modèle du FMI estimé sur les années 90-2000: il faut nuancer cette estimation pour les USA car, sur les 2 dernières décennies, le taux de dépendance énergétique était beaucoup plus élevé qu aujourd hui aux Etats-Unis. * Hors pays de l ex-urss Source: BP, FMI, Les Cahiers Verts La baisse du prix du pétrole est sans ambiguïté positive pour la croissance mondiale car elle transfère du pouvoir d achat des pays «rentiers» du pétrole (qui achètent des obligations sans risque) vers des pays qui ont une plus grande propension à consommer et innover. Le FMI estime qu une baisse de 20$/bll du pétrole augmente la croissance mondiale en volume de 0,5 point. Si le pétrole se stabilise à 70$ dans les prochains mois contre 110$ depuis plus de 3 ans, cela suggère une hausse de 1 point de la croissance mondiale. Les Principaux bénéficiaires de la baisse du prix du pétrole sont évidemment les pays fortement importateurs nets de pétrole. Cela constitue une amélioration marquée de leurs termes de l échange et soutient leur demande. Cela est donc très favorable à l Asie, en particulier à l Inde, à la Corée et au Japon. Cela est également très favorable à l Europe, en particulier pour la zone euro et la plupart des pays d Europe centrale (dont la Turquie). 13

1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 juil.-14 janv.-15 juil.-15 janv.-16 juil.-16 janv.-17 juil.-17 L effet est moins favorable que par le passé pour les Etats-Unis après le boom du pétrole de schiste mais il reste largement positif 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% Part de l exploration et forage miniers dans l investissement dans l'investissement en structure dans l'investissement en équipement et structure dans l'investissement privé Impact de la baisse du prix du pétrole sur la croissance à 1 an pour une baisse de 20$/bll, en % 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0-0.2-0.4-0.6-0.8 consommation PIB investissement des entreprises 0% Source: Fed d Atlanta, Les Cahiers Verts Source: Datastream, Les Cahiers Verts Les modèles classiques, estimés sur les années 90 et 2000, suggèrent qu une baisse de 20$ du prix du baril soutient rapidement la croissance américaine de 0,5 point. Mais la hausse du pouvoir d achat réel est en partie compensée par l impact négatif sur l activité minière, dont le poids a fortement augmenté ces dernières années. La chute du prix du pétrole n impacte pas directement la production mais devrait réduire fortement l investissement en forage, ce qui pèse sur la croissance américaine à court terme. Mais l investissement en exploration et forage représente moins de 1% du PIB (et moins de 0,5% du l emploi), contre 9% du PIB pour les Dépenses d énergie. En effet, l exploration et le forage représentent depuis 2011, 1/3 de l investissement en structures et 6% de l investissement privé, soit plus de 4 fois supérieur aux années 90. Le déficit pétrolier est passé de 2,5% du PIB en 2005 à moins de 1% du PIB. Au total, l impact de la baisse actuelle du pétrole reste très favorable pour la croissance américaine, de l ordre de 0,6 à 0,7 point à un an contre 1 point auparavant, soit un Impact un peu inférieur à celui en faveur de la zone euro. 14

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 L effet sur l inflation n est baissier qu à court terme et dépend, au-delà, de l ancrage des anticipations, ce qui renforce la pression sur la BCE et la BoJ Monde: inflation, inflation sous-jacente et énergétique Soutien éco et baisse les anticipation 20% 15% 10% 5% 0% -5% -10% -15% glissement annuel, à prix du pétrole constant en 2015 total sous-jacente énergie effets de base Source: Datastream, Les Cahiers Verts L énergie représente 10% du panier de consommation des ménages et près de la moitié des variations de l inflation. Une baisse du prix du pétrole de 40% fait baisser de 7,5% l inflation énergétique, et donc de 75 pb l inflation totale sur un an, ce qui est plus marqué dans les pays développés (moins de subventions, ). Comme les salaires et l inflation sous-jacente sont peu affectés à court terme, cela entraîne une hausse du pouvoir d achat réel et donc soutient la croissance. A contrario, la baisse de l inflation réalisée conduit à une baisse des anticipations d inflation, même à long terme, ce qui favorise une hausse des taux réels qui pèsera à son tour sur l activité et les prix. Au total, la politique monétaire américaine ne devrait pas réagir à la baisse du pétrole, sauf si les anticipations d inflation étaient mal ancrées. Dès lors, la Fed ne devrait pas modifier trop fortement sa stratégie de hausse des taux alors que les banques centrales des émergents devraient être plus souples. Au delà, une économie plus dynamique favorise une hausse des pressions fondamentales sur les prix (salaires, services, ). Pour la Zone Euro et le Japon, la contrainte des taux à zéro et les craintes de déflation devraient pousser à plus de politiques non conventionnelles (QE, ). 15

Kuwait Saudi Arabia Azerbaijan Qatar Moyen Orient Venezuela United Arab Emirates Kazakhstan Algeria Iran Russia Norway Ecuador Trinidad & Tobago Turkmenistan Afrique Colombia Canada Mexico Latam balance extérieure Les pays exportateurs nets de pétrole sont évidemment perdants, en particulier ceux qui ont le plus profité de leur rente pétrolière ces dernières années 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Solde pétrolier en 2007 et 2013 production consommation en dollars courants, en % du PIB 2007 2013 Source: BP, FMI, Les Cahiers Verts Les pays producteurs et exportateurs nets souffrent de la baisse du prix du pétrole, puisque cela dégrade leur terme de l échange et donc leur pouvoir d achat international. C est principalement le cas des pays du moyen orient, de certains pays d'amérique latine (Venezuela, Colombie) et d'afrique. Toutefois, L impact dépend de l utilisation faite de la rente pétrolière ces dernières années (mise en réserves pour lisser la consommation future ou consommation de la rente aux fins de dépenses courantes). 130 110 90 Prix du pétrole nécessaire pour équilibrer la balance budgétaire et extérieure (en dollars par baril) Kazakhstan Oman Libye Irak Algérie Russie Nigéria Venezuela 70 Azerbaijan EAU Bahrain Qatar Arabie S. 50 Koweit niveau Iran actuel 30 30 50 70 90 110 130 150 170 niveau moyen 2011-2013 solde budgétaire Source: FMI, Les Cahiers Verts Après 3 années de pétrole à 110$, certains pays producteurs ont augmenté leurs dépenses sociales et leur demande intérieure de telle sorte que le prix du pétrole nécessaire pour équilibrer leur compte courant et leur budget public a fortement augmenté. Ainsi ce prix nécessaire a augmenté de 40$ entre 2008 et 2014 en Arabie Saoudite et en Russie. Les pays les plus à risque de ce point de vue sont le Nigeria et le Venezuela, puis la Russie, le Kazakhstan et l Iran (voir à ce propos la chronique hebdo du 5 janvier; «Russie; risque majeur pour 2015?»). 16

Conclusion et Questions 17 Copyright tous droits réservés. Ce document est strictement confidentiel et établi à l attention exclusive de ses destinataires. Il ne saurait être transmis à quiconque sans l accord préalable écrit de SOCOFI. 17