LA TRANSPLANTATION CARDIAQUE. JN Trochu, JL Michaud, JF Godin



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Transcription:

LA TRANSPLANTATION CARDIAQUE JN Trochu, JL Michaud, JF Godin Objectifs pédagogiques Connaître les indications et contre-indications de la transplantation cardiaque Connaître les objectifs du bilan pré-greffe Connaître les modalités essentielles de la surveillance du patient greffé - chiffres de survie à 1, 5 et 10 ans chez l adulte - connaître les principes du traitement immuno-suppresseur - complications cardio-vasculaires et extra-cardiaques les plus fréquentes Introduction Les inhibiteurs de l enzyme de conversion, les bêta bloquants et la spironolactone améliorent le statut fonctionnel et la survie des patients insuffisants cardiaques, mais malgré ces progrès thérapeutiques, 50% des malades en stade IV de la NYHA vont mourir dans l année. La transplantation cardiaque constitue une thérapeutique d exception, proposée à certains patients atteints d'insuffisance cardiaque terminale. Plus de 3000 transplantation cardiaques ont été réalisées dans le monde en 2000. Les données du registre international (1982-2000) montrent chez les adultes, une survie à 1 an de 80%, à 5 ans de 66% et à 10 ans de 47%. Un an après la greffe plus de 90% des patients ne signalent pas de limitation dans leurs activités quotidiennes et plus d un tiers des patients ont repris une activité professionnelle. Chez l enfant la survie est de 78% à 1 an et 67% à 5 ans, la mortalité étant significativement plus élevée chez les enfants greffés avant l âge d un an. Cependant, la lourdeur, le coût de la transplantation ainsi que le faible nombre de greffons disponibles imposent des critères de sélection rigoureux. Le succès de la greffe ne pourra être assuré qu'au prix d'une surveillance centrée sur la détection du rejet, la recherche d'une dégradation du greffon cardiaque, d'une complication infectieuse, néoplasique ou iatrogène. Le nombre croissant de transplantés confronte quotidiennement le médecin généraliste à la prise en charge de ces patients en collaboration étroite avec les c e n t r e s de transplantation. La greffe cardiaque n échappe pas à cette évidence.

Indications et contre-indications : le bilan pré-greffe Indications et étiologies La greffe cardiaque se discute pour les patients : - en insuffisance cardiaque sévère, irréversible - résistante à un traitement médical optimal, - au-delà de toutes ressources thérapeutiques spécifiques médicochirurgicales (geste de revascularisation, défibrillateur implantable, etc.), - les patients à haut risque de mortalité à un an, - âgés de moins de 65 ans. Après 60 ans, il faut prendre en compte les pathologies associées susceptibles d'aggraver le pronostic et de contreindiquer la transplantation. Les principales indications sont (données internationales 2000) : - les cardiopathies ischémiques : 46 % - les cardiomyopathies : 45%, surtout représentées par les cardiopathies dilatées primitives ou secondaires, plus rarement les cardiopathies hypertrophiques ou restrictives. - les cardiopathies valvulaires : 4 % - la retransplantation : rare (2%). - les autres cardiopathies sont rares (1%) : myocardite, dysplasie du ventricule droit, atteinte myocardique post-chimiothérapique, cardiopathie congénitale, sarcoïdose, etc. - chez les enfants : <1 an, cardiopathies congénitales : 78% ; >1 an-17 ans, cardiomyopathie : 65% Contre-indications absolues - l hypertension artérielle pulmonaire fixée non réversible après épreuves pharmacologiques. Elle expose au risque d insuffisance cardiaque droite aiguë irréversible dans les heures qui suivent la transplantation. - toute maladie néoplasique évolutive ou récente de moins de 5 ans, - les foyers infectieux évolutifs non maîtrisés, - toute tare viscérale sévère ou maladie évolutive de mauvais pronostic à court terme. Contre-indications relatives Ces contre-indications sont fonction de leur gravité, de leur étiologie, de l âge du patient et de son l état général. - le diabète insulino-dépendant, selon le nombre et le type de complications dégénératives, - l insuffisance hépatique ou rénale ( transplantation combinée rénale possible), - les pathologies digestives (ulcère évolutif, colopathie, antécédents de pancréatite chronique, hépatites virales...), - les atteintes pulmonaires (broncho-pneumopathies obstructives, insuffisances respiratoires restrictives, séquelles de tuberculose...). 2

- l instabilité psychosociale (alcoolisme, toxicomanie, pathologies psychiatriques) doit être parfaitement évaluée et prise en charge par le réseau de soins (généraliste, cardiologue, centre de greffe, psychologues, associations, etc.). Objectifs du bilan pré-greffe - 1 er objectif : vérifier l'absence d'autres solutions thérapeutiques notamment chirurgicales (revascularisation) et optimiser le traitement médical - 2 ème objectif : rechercher une contre-indication soit absolue soit relative pouvant nécessiter un traitement préalable à la transplantation (cathétérisme cardiaque droit et tests hémodynamiques, bilan digestif, urogénital, dermatologique, bilan stomatologique, O.R.L., bilan hépatique, rénal, pulmonaire, neuro-psychiatrique, sérologies virales et parasitaires multiples, la recherche d'allo-anticorps anti-hla, etc.). En cas d urgence ce bilan est réduit au minimum. - 3 ème objectif : évaluer le pronostic qui déterminera le moment de l'inscription sur la liste d'attente. - 4 ème objectif : préparer à la transplantation : information et prise en charge psychologique du malade et de son entourage Pour comprendre : Le pronostic est évalué sur un faisceau d arguments qui tient compte de l'atteinte fonctionnelle (classe NYHA, dyspnée, activités quotidiennes, choc cardiogénique), de l'ancienneté des symptômes et de l évolutivité de la maladie (fréquence et gravité des épisodes de décompensation), de l importance de l'altération de la fonction systolique du ventricule gauche et droite, de la dilatation des cavités cardiaques et de la qualité du remplissage ventriculaire à l étude doppler, des mesures de la consommation maximale d'oxygène à l'effort (seuil très péjoratif si le pic de VO2 est inférieur à 14 ml/kg/mn), de l'élévation des pressions pulmonaires et de la présence d'arythmie ventriculaire sévère. Cependant aucun de ces éléments n est à lui seul péremptoire pour l inscription sur liste d attente et l étude de nouveaux marqueurs pronostiques fait l objet de travaux de recherches cliniques, et notamment l étude des paramètres biologiques témoignant de l activation neuro-hormonale (comme par exemple le Brain Natriurétic Peptide). Inscription sur liste d attente de greffe et suivi pré-greffe - Si l'indication est acceptée, le patient est alors inscrit sur la liste d'attente du centre transplanteur, son dossier administratif étant transmis à l Etablissement Français des Greffes. Un patient ne peut être inscrit que sur une seule liste. Le patient peut être stabilisé par le traitement médical, autorisant un retour à domicile en attendant la transplantation, ou en état hémodynamique instable nécessitant une hospitalisation en secteur de soins intensifs, dépendant de drogues inotropes positives ou d une assistance circulatoire mécanique. - Avant la greffe, le rôle des médecins traitants est essentiel pour rechercher la survenue de pathologies intercurrentes susceptibles de retarder ou de contre-indiquer temporairement la transplantation (complications infectieuses, ulcère gastrique...) qui seront systématiquement signalées au centre de greffe. 3

- Le suivi mensuel régulier, par le centre de greffe, permet de dépister une aggravation ou une amélioration et réévalue le degré d'urgence. Le déroulement de la Transplantation L appel La proposition émane des échelons régionaux et nationaux de l Etablissement Français des Greffes, seul organisme habilité à cette activité. Il situe la place de l équipe dans la liste des centres contactés et déclenche une mise en alerte de l équipe de transplantation. Acceptation du greffon Elle se décide après un échange concis entre l équipe du receveur, celle du donneur et la coordination. La qualité et la rapidité de la communication sont indispensables, ce d autant plus que l état du receveur et surtout celui du donneur sont susceptibles de dégradation très rapide. Groupe sanguin, anticorps, sérologies virales, appariement morphologique, sont vérifiés. La cause du décès, l âge et les facteurs de risque qu il implique, l évaluation hémodynamique, l importance du support inotrope et surtout l échographie cardiaque sont indispensables. L organisation de la greffe Toujours complexe, elle implique les coordinations pour réguler le prélèvement multi-organes (reins, foie, cœur, poumons, pancréas...) par des équipes multiples aux localisations très diverses rendant souvent nécessaire des moyens de transport rapides comme l hélicoptère et l avion. L équipe du donneur prend en charge l organisation du bloc opératoire et le maintien en fonction des organes. L équipe du prélèvement cardiaque est souvent réduite à un seul chirurgien, transporté sur place avec le matériel de prélèvement. Le prélèvement cardiaque Dans un climat de parfaite entente avec les autres équipes de prélèvement, le chirurgien cardiaque est le dernier à agir et sera le premier à partir. Si l excision du cœur et sa protection sont un acte simple, codifié et rapide, l évaluation à thorax ouvert peut être un acte d extrême responsabilité, surtout si l état hémodynamique s est dégradé. Le transport dans un liquide de conservation se fera en container réfrigéré. Transplantation L organisation du bloc opératoire du receveur se synchronise sur celle du donneur. Après préparation de l anesthésiste, la circulation extra-corporelle autorise la résection du cœur du donneur, l implantation du greffon, sa mise en charge progressive et son sevrage définitif de la circulation extra-corporelle. L immuno-suppression est commencée. Le temps d ischémie du greffon doit être le plus court possible et un délai de six heures entre le clampage de l aorte du donneur et le déclampage de l aorte du receveur est considéré comme maximal. Le plus souvent, ce geste chirurgical s effectue simplement. 4

Cependant, la présence d une assistance mécanique pré opératoire, une hypertension artérielle pulmonaire, un saignement, une fonction médiocre du greffon, peuvent compliquer très dramatiquement cette chirurgie. Après la greffe Surveillance postopératoire immédiate - Risque de défaillance du greffon (insuffisance cardiaque droite), traitement les complications rénales et infectieuses bactériennes (plus souvent broncho-pulmonaire à ce stade, traitement antibiotique agressif). - Surveillance de l initiation du traitement immuno-suppresseur dans des conditions d asepsie rigoureuse. - Durée totale du séjour hospitalier de 3 semaines à 1 mois. Sortie pour un centre de convalescence et de rééducation à l effort, étape indispensable à la réinsertion compte tenu de l importance de l amyotrophie péri-opératoire. - Particularités du cœur dénervé : tachycardie sinusale au repos, accélération retardée à l effort, absence de douleur angineuse. Traitement immuno-suppresseur La prévention du rejet fait appel à un schéma classique : - Sérum anti-lymphocytaire IV (Thymocyte ) : durant les 3 à 5 premiers jours, - Corticostéroïdes : IV en péri-opératoire puis per os dès que possible avec une décroissance progressive - Ciclosporine (Néoral ou Sandimmun ) : débutée le 3 ème jour ou plus tard en selon la fonction rénale. - Aziathioprine (Imurel ) : per os dès la 24 ème heure - Acide mycophénolique mofétil (Cellcept ) : indiqué en remplacement de l azathioprine dans le traitement préventif du rejet - Tacrolimus (Prograf ) : en évaluation dans le traitement préventif du rejet en remplacement de la ciclosporine. Une triple thérapie (corticoïdes, azathioprine ou acide mycophénolique mofétil, et ciclosporine) est donc poursuivie après la sortie des soins intensifs. Au terme de 6 mois à 1 an, en fonction du nombre de rejets, de la persistance d un infiltrat lymphocytaire, de l existence d une insuffisance rénale, d un diabète, de complications carcinologiques ou infectieuses, l immunosuppression est diminuée en recherchant le meilleur rapport tolérance/efficacité en se basant sur les dosages de ciclosporine). Surveillance ambulatoire A court terme le pronostic est dominé par le rejet et les infections, et à long terme par l athérosclérose accélérée du greffon et les complications néoplasiques. Le suivi est assuré lors de consultations ou d hospitalisations de jour selon un schéma pré-défini, avec un examen clinique, ECG, échocardiographie, un bilan biologique et une biopsie endomyocardique. 5

La surveillance a donc pour but : - la détection du rejet aigu grâce à l échocardiographie et les biopsies endomyocardiques systématiques, - la recherche d une dégradation du greffon (ECG, échocardiographie), - le dépistage des effets secondaires du traitement immuno-suppresseur - la détection de complications infectieuses, néoplasiques. Les complications cardio-vasculaires Diagnostic et traitement du rejet aigu Complication précoce, plus rare après 6 mois de greffe, 17% des hospitalisations la première année. - Examen clinique pauvre, ECG, faible sensibilité : microvoltage des QRS, troubles du rythme supra ventriculaire. - Le diagnostic repose sur l échocardiographie (apparition d anomalies du remplissage auriculo-ventriculaire, les anomalies de la contractilité du ventricule gauche sont tardives) et la biopsie endomyocardique (un score de gravité établi en fonction de l importance et de la diffusion de l infiltrat lymphocytaire myocardique guide le traitement du rejet). - Le traitement est basé sur l administration de corticoïdes à fortes doses par voie intra-veineuse, voir de sérum antilymphocytaire en cas de résistance. Hypertension artérielle du transplanté cardiaque L HTA du transplanté cardiaque est très fréquente (prévalence 70%). - origine multifactorielle mais dominée par la ciclosporine - peut être responsable de complications cardio-vasculaires : AVC, et surtout elle participe à l altération de la fonction rénale, complication fréquente de la transplantation cardiaque. - bi voir tri-thérapie anti-hypertensive est le plus souvent nécessaire. Maladie coronaire du greffon La maladie coronaire du greffon (ou athérosclérose accélérée ou rejet chronique) dont l incidence est estimée à 10% par an est le facteur limitant de la transplantation. Elle est responsable d une mortalité et morbidité tardives importantes. Sa fréquence et son caractère souvent silencieux justifient une surveillance par échocardiographie de stress et coronarographies systématiques. - A la différence des lésions athéromateuses localisées, il s agit d un épaississement artériel coronaire intimal diffus proximal et distal, rendant les gestes de revascularisation difficiles. - Le plus souvent asymptomatique, découverte à l occasion de coronarographies ou d échocardiographies de stress, ou devant un tableau d insuffisance cardiaque globale, des épisodes d arythmie, de mort subite ou lors d infarctus du myocarde indolore (diagnostic ECG) - Traitement : préventif en corrigeant les facteurs aggravants habituels dominés par les dyslipidémies. 6

- Les statines et le diltiazem ont démontré une réduction significative de l incidence de la maladie coronaire du greffon. - L aspirine est systématiquement administrée. - A un stade évolué de la maladie le seul traitement radical consiste en la retransplantation cardiaque. Dans le contexte actuel de pénurie de greffon, ces indications sont alors l objet de discussions collégiales au cas par cas. Autres complications cardio-vasculaires - épanchement péricardique, parfois responsable de tamponnade postopératoire - constriction péricardique - cardiopathie restrictive - dysfonction sinusale, plus rarement troubles du rythme. - Les atteintes valvulaires chirurgicales sont exceptionnelles, mais des insuffisances tricuspides secondaires à une dilatation du ventricule droit et surtout traumatique après biopsies endomyocardiques peuvent être importantes et avoir un retentissement clinique. Complications extra cardiaques Insuffisance rénale L insuffisance rénale est une complication fréquente chez les transplantés cardiaques, d origine multifactorielle, mais dominée par la néphrotoxicité de la ciclosporine et l hypertension artérielle. Le plus souvent modérée elle conduit parfois tardivement à la dialyse ou la transplantation rénale. Infections Principales complications au cours de la première année (20% des causes) - Les infections précoces sont surtout bactériennes avec un fort tropisme pulmonaire. - Herpès virus : (précoces). L acyclovir (ZOVIRAX ) est prescrit préventivement, couvrant la période d immuno-suppression importante. - Cytomégalovirus (CMV) : (moyen terme). Ces infections peuvent être redoutables chez le transplanté avec atteinte multi-organe possible. Le mauvais appariement (donneur à sérologie négative avec receveur à sérologie positive) oblige à une surveillance attentive (PCR CMV), à un traitement préventif et curatif (Cymevan ) en cas d infection avérée. - Epstein Barr Virus : responsable de mononucléose infectieuse et potentiellement, de développement de lymphôme EBV dépendant. - Infections fongiques et aspergillaires : compliquent le plus souvent les infections bactériennes graves et prolongées. - La toxoplasmose : les kystes peuvent se développer dans les fibres myocardiques. Un traitement préventif est nécessaire pendant quelques mois en cas de receveur négatif et donneur positif vis à vis de ce parasite et en cas d infection avérée, un traitement curatif plus lourd est préconisé. 7

En pratique Lors du suivi ambulatoire passée la phase aiguë, tout syndrome infectieux doit être pris en considération chez le transplanté cardiaque, et entraîner un bilan d investigation : une infection O.R.L. ou urinaire est souvent asymptomatique, une origine pulmonaire n est pas toujours facile à mettre en évidence. Selon la gravité du tableau, l attitude sera différente : un traitement à domicile peut être débuté avec un bilan d investigation minimal (NFS, bilan inflammatoire). L équipe de greffe est prévenue, une adaptation du traitement immuno-suppresseur peut être recommandée. Un traitement antibiotique de " présomption " est prescrit, à large spectre avec une bonne diffusion tissulaire. On évitera au maximum les antibiotiques interférant avec le métabolisme de la ciclosporine. Lorsque les signes cliniques sont francs avec altération de l état général, si l état fébrile s accompagne de signes cliniques inhabituels, ou si le traitement prescrit précédemment n est pas efficace, une hospitalisation au centre de transplantation est alors impérative. Très rapidement, sont effectués différents examens, en particulier la recherche d une étiologie virale ou bactérienne (fibroscopie bronchique par exemple). Le traitement immunosuppresseur est adapté. Complications néoplasiques Complications du traitement immuno-suppresseur, elles justifient, avec les complications rénales, d utiliser l immuno-suppression efficace la plus faible possible en s aidant de dosages sanguins réguliers de ciclosporine ou tacrolimus. - prévalence : 3% à 1 an et 9 % à 5 ans. - les lésions cutanées représentent 30% à 50% des cancers. Une consultation dermatologique annuelle ainsi que les mesures de prévention (éviction solaire) sont systématiquement réalisées. - les lymphomes induits par l immuno-suppression doivent être aussi redoutés (29% des cancers à 1 an). Les dyslipidémies - l'hypercholestérolémie est très fréquente après transplantation cardiaque, le plus souvent associée à une hypertriglycéridémie. Elles sont impliquées dans le développement de la maladie coronaire du greffon qui est, avec les cancers, la cause principale des décès à long terme - en plus du régime hypolipémiant, les statines (risque de rhabdomyolyse) seront choisies de préférence aux fibrates et aux résines hypocholestérolémiantes, en raison de leur puissance d action et de leurs effets bénéfiques sur la survie. Conclusion La transplantation cardiaque reste un traitement d exception mais le patient transplanté cardiaque ne devrait pas être considéré comme un patient à part car la plupart de ses plaintes, en dehors de la période postopératoire précoce, relève de la pratique médicale générale. 8

Il garde cependant une spécificité qui requiert des jalons pour sa surveillance. Si certains événements cliniques restent sans conséquence dans la population générale, ils peuvent faire courir au transplanté un risque de complication grave. La surveillance devra donc s attacher en priorité à détecter les épisodes de rejet aigu, respecter la spécificité de la prise en charge des épisodes infectieux, prévenir et dépister précocement les signes de maladie coronaire du greffon, dépister les complications néoplasiques et limiter le nombre et l intensité des autres complications iatrogènes. La surveillance du transplanté cardiaque repose donc sur une collaboration étroite entre médecins généralistes, cardiologues et le centre de transplantation. Cette prise en charge conjointe, non exclusive par le centre de transplantation, est le garant d une bonne réinsertion du patient au sein de son groupe familial, social et professionnel. 9