MESURE ET INTÉGRATION EN UNE DIMENSION. Notes de cours



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Transcription:

MSUR T INTÉGRATION N UN DIMNSION Notes de cours André Giroux Département de Mathématiques et Statistique Université de Montréal Mai 2004

Table des matières 1 INTRODUCTION 2 1.1 xercices............................. 4 2 NSMBLS MSURABLS 5 2.1 Mesure extérieure......................... 5 2.2 nsembles mesurables...................... 8 2.3 Mesure............................... 12 2.4 xercices............................. 15 3 FONCTIONS MSURABLS 17 3.1 xercices............................. 21 4 INTÉGRATION 23 4.1 xercices............................. 35 5 SPACS D LBSGU 39 5.1 xercices............................. 49 6 DÉRIVATION 53 6.1 Fonctions à variation bornée................... 53 6.2 Fonctions absolument continues................. 62 6.3 xercices............................. 67 7 INTÉGRATION ABSTRAIT 70 7.0.1 Le modèle probabiliste.................. 76 7.1 xercices............................. 79 8 INTÉGRALS ITÉRÉS 81 8.1 xercices............................. 89 9 APPLICATIONS 91 9.1 Série de Fourier.......................... 91 9.2 Transformée de Fourier...................... 100 9.3 xercices............................. 110 1

1 INTRODUCTION L aire d un rectangle R de côtés a et b est ab, par définition. Lorsque a et b sont des entiers, cette aire est égale au nombre de carrés de côté unité nécessaires pour recouvrir R. L aire du triangle rectangle de base a et de hauteur b est bien évidemment ab/2. On en déduit l aire d un triangle quelconque puis, par triangulation, celle d un polygone arbitraire. Le calcul de l aire d un domaine D délimité par des courbes plus complexes, par exemple des arcs de cercle ou des segments de parabole, nécessite un passage à la limite. Dans le cas où D est déterminé par le graphe d une fonction f continue et positive sur un intervalle compact [a, b] 1, D = {(x, y) a x b, 0 y f(x)}, considérons avec Riemann une partition P de l intervalle [a, b] : P = {x 0, x 1, x 2,..., x n } où a = x 0 < x 1 < x 2 < < x n = b. Alors la somme supérieure S(f, P) = n sup{f(x) x k 1 x x k }(x k x k 1 ) fournit une borne supérieure pour l aire requise et la somme inférieure s(f, P) = n inf{f(x) x k 1 x x k }(x k x k 1 ) en fournit une borne inférieure. n utilisant les propriétés des fonctions continues sur les intervalles compacts, on montre que inf{s(f, P) P} = sup{s(f, P) P} et c est cette valeur commune que l on prend pour mesure de l aire du domaine D. On exprime ceci en disant que la fonction f est intégrable au sens de Riemann sur l intervalle [a, b], d intégrale b a f(x) dx = inf{s(f, P) P} = sup{s(f, P) P}. 1 [a, b] désigne un intervalle contenant ses extrémités, ]a, b[ désigne un intervalle ne contenant pas ses extrémités et (a, b) désigne un intervalle contenant peut-être ses extrémités. 2

Lorsque la fonction f n est pas continue, il n est plus certain qu elle soit intégrable au sens de Riemann, même si elle est positive et bornée. Un exemple d une telle fonction est fourni par la fonction indicatrice des nombres rationnels f = I Q, définie par { 1 si x Q I Q (x) = 0 sinon, qui n est intégrable sur aucun intervalle [a, b] puisque l on a toujours S(I Q, P) = b a, s(i Q, P) = 0. On peut essayer d élargir la classe des fonctions intégrables, et ceci est l objet de notre cours, en considérant avec Lebesgue des partitions de l axe des ordonnées plutôt que des partitions de l axe des abscisses. Nous étendrons d abord la notion de longueur d un intervalle, λ([a, b]) = b a, à une classe plus vaste d ensembles (nous les nommerons : ensembles mesurables et la longueur généralisée : mesure). Nous considérerons alors la somme m k σ m (f) = m λ( k) où k = k=0 { x k m f(x) < k + 1 } m et λ( k ) est la mesure de k. ( Pour alléger l exposé, nous avons supposé ici que 0 f(x) 1. ) Cette somme d aires de rectangles généralisés constitue une bonne approximation de l aire du domaine D cherchée : lorsque m est grand en effet, f est presque constante sur k. La complexité de la fonction se traduit par la complexité des ensembles k. Si f est monotone par exemple, les ensembles k sont des intervalles et la somme σ m (f) se réduit à la somme s(f, P) correspondante. Pour une classe très vaste de fonctions (nous les appellerons : fonctions mesurables), nous verrons que lim σ m(f) m + existe et généralise effectivement la notion d aire précédemment obtenue. Une telle fonction sera dite intégrable au sens de Lebesgue, d intégrale 1 0 f = lim σ m(f). m + 3

La propriété de la mesure qui permettra ces développements est la propriété d additivité : désignant par n n la réunion d une suite finie ou infinie d ensembles mesurables deux à deux disjoints 2, nous aurons ( ) λ n = λ( n ) n n et c est sur cette propriété fondamentale que reposera toute la théorie. 1.1 xercices 1. Vérifier que la fonction est partout discontinue. x I Q (x) 2. Déterminer l ensemble des points de continuité de la fonction x x I Q (x). 3. Déterminer les ensembles k associés à la fonction I Q. 2 et par 1 + 2 la réunion de deux ensembles disjoints. 4

2 NSMBLS MSURABLS Nous allons généraliser la notion de longueur en deux étapes. Nous associerons d abord à tout ensemble R un élément λ () de [0, + ] 3 appelé mesure extérieure de qui, lorsque est un intervalle, se réduit à sa longueur. Nous restreindrons ensuite la fonction λ () ainsi définie sur l ensemble P(R) de toutes les parties de R à une famille L appropriée d ensembles de façon à avoir la propriété d additivité. Ces ensembles seront les ensembles mesurables et la fonction restreinte sera la mesure. Nous verrons ensuite des exemples d ensembles mesurables et étudierons des propriétés supplémentaires de la mesure. 2.1 Mesure extérieure La mesure extérieure λ () d un ensemble R est définie par l équation { λ () = inf (b k a k ) } ]a k, b k [, (1) k k la borne inférieure étant calculée sur la famille des suites finies ou infinies d intervalles ouverts { ]a k, b k [ } k recouvrant. Pour étudier ses propriétés, nous nous appuierons sur le théorème suivant. Théorème 1 (Borel-Lebesgue) Tout recouvrement d un intervalle compact [a, b] par des intervalles ouverts { ]a α, b α [ } α A contient un sous-recouvrement fini. Démonstration. Supposons le contraire. Alors au moins l un des deux intervalles [a, a + b 2 ], [a + b 2, b] ne pourrait être recouvert par un nombre fini des intervalles ]a α, b α [. Donc au moins l un des quatre intervalles [a, 3a + b 4 ], [ 3a + b, a + b 4 2 ], [a + b 2, a + 3b 4 ], [ a + 3b, b] 4 3 On convient que si a [ 0, + ], a + (+ ) = +, que si a ] 0, + ], a (+ ) = + et enfin que 0 (+ ) = 0. 5

ne pourrait l être. Ainsi de suite. On obtiendrait de cette façon une suite d intervalles emboîtés, I 1 I 2 I 3, dont le n ième aurait pour longueur (b a)/2 n. L intersection de tous ces intervalles se réduirait à un point x de [a, b]. Il existerait donc un intervalle ]a α, b α [ contenant ce point et, par suite, tous les intervalles I n à partir d un certain rang, contredisant leur définition. C.Q.F.D. Dans le théorème suivant, + x 0 désigne le translaté de par x 0 : + x 0 = {y y = x + x 0, x }. (Ne pas confondre + x 0 avec + {x 0 }.) Théorème 2 La mesure extérieure λ : P(R) [0, + ] possède les propriétés suivantes : 1. F implique que λ () λ (F ) ; 2. quel que soit x 0, λ ( + x 0 ) = λ () ; 3. pour tout intervalle (a, b), λ ((a, b)) = b a ; 4. pour toute suite finie ou infinie d ensembles { k } k, ( ) λ k λ ( k ). k k Démonstration. La première propriété (monotonie) suit de ce que tout recouvrement de F est aussi un recouvrement de et la deuxième (invariance sous translation) découle de ce que la longueur d un intervalle est invariante sous translation. Pour démontrer la troisième, considérons d abord le cas d un intervalle compact [a, b]. Soit ɛ > 0. La relation montre que donc, ɛ > 0 étant arbitraire, que [a, b] ]a ɛ, b + ɛ[ λ ([a, b]) λ ( ]a ɛ, b + ɛ[ ) b a + 2ɛ λ ([a, b]) b a. 6

Pour obtenir l inégalité opposée, il suffit, en vertu du théorème de Borel- Lebesgue, de montrer que, si on a [a, b] b a N ]a k, b k [, N (b k a k ). Pour ce faire, on peut supposer que les intervalles du recouvrement fini sont énumérés de telle sorte que a 1 < a < a 2 < b 1 < a 3 < b 2 < < a N 1 < b N 2 < a N < b N 1 < b < b N. Alors (b N a N ) + (b N 1 a N 1 ) + + (b 2 a 2 ) + (b 1 a 1 ) = b N + (b N 1 a N ) + (b N 2 a N 1 ) + + (b 1 a 2 ) a 1 > b N a 1 > b a. Si l intervalle (a, b) est borné, les inclusions entraînent [a + ɛ, b ɛ] (a, b) [a, b] b a 2ɛ λ ((a, b)) b a. nfin, si l intervalle (a, b) n est pas borné, il contient des intervalles bornés de mesure extérieure arbitrairement grande et, par monotonie, λ ((a, b)) = + = b a. Pour démontrer la quatrième propriété (sous-additivité), considérons pour chaque k une suite d intervalles ouverts { ]a k j, bk j [ } j tels que k j ]a k j, b k j [, j (b k j a k j ) λ ( k ) + ɛ 2 k. Alors les intervalles { ]a k j, bk j [ } j,k forment une famille au plus dénombrable (c est-à-dire peuvent être rangés en une suite finie ou infinie) telle que k ]a k j, b k j [, k k j 7

d où λ ( k k ) k (b k j a k j ) j k λ ( k ) + ɛ. C.Q.F.D. 2.2 nsembles mesurables La fonction λ que l on vient d introduire ne devient additive que si on la restreint à la classe des ensembles mesurables. Un ensemble R est un ensemble mesurable si quel que soit A R, λ (A) = λ (A) + λ (A c ). Puisque, par sous-additivité, on a toujours quel que soit A R, λ (A) λ (A) + λ (A c ), il suffit, pour démontrer qu un ensemble est mesurable, de vérifier l inégalité quel que soit A R, λ (A) λ (A) + λ (A c ) et, pour ce faire, on peut bien sûr supposer que λ (A) < +. Théorème 3 Pour toute suite finie ou infinie d ensembles mesurables { k } k deux à deux disjoints, on a ( ) λ k = λ ( k ). k k Démonstration. Considérons un ensemble A R quelconque et vérifions d abord, par récurrence sur N, que ( N ) λ A k = N λ (A k ). (2) 8

Cet énoncé est en effet trivial pour N = 1 et, s il est vrai pour N, ( N+1 ) (( N+1 ) ) (( N+1 ) ) λ A k = λ A k N+1 + λ A k N+1 c ( N ) = λ (A N+1 ) + λ A k = N+1 λ (A k ). Dans le cas d une suite finie, { k } 1 k N, on a donc bien, en prenant A = R, que ( N ) N λ k = λ ( k ). Dans le cas d une suite infinie, { k } 1 k +, on a, pour chaque N, que donc que ( N N ) ( + ) λ ( k ) = λ k λ k + ( + ) λ ( k ) λ k. La sous-additivité de la mesure extérieure implique l inégalité opposée. C.Q.F.D. Nous dénoterons par L la famille des ensembles mesurables. Le théorème suivant peut s énoncer en disant que cette famille forme ce que l on appelle une tribu. Théorème 4 La famille L P(R) des ensembles mesurables possède les propriétés suivantes : 1. R est mesurable ; 2. le complémentaire c d un ensemble mesurable est mesurable ; 3. la réunion d une suite finie ou infinie d ensembles mesurables { k } k est mesurable ; 4. l intersection d une suite finie ou infinie d ensembles mesurables { k } k est mesurable. 9

Démonstration. Les deux premières propriétés sont évidentes de la définition et la quatrième découle, par complémentarité, de la deuxième et de la troisième. Pour démontrer cette dernière, considérons d abord le cas de deux ensembles mesurables 1 et 2. Alors, quel que soit A R, λ (A( 1 2 )) + λ (A( 1 2 ) c ) = λ (A 1 A 2 ) + λ (A c 1 c 2) = λ (A 1 c 2 + A 2 ) + λ (A c 1 c 2) λ (A 1 c 2) + λ (A 2 ) + λ (A c 1 c 2) = λ (A c 2) + λ (A 2 ) = λ (A). Par récurrence sur N, la réunion de toute suite finie d ensembles mesurables { k } 1 k N est donc mesurable et, par complémentarité, ainsi en est-il de leur intersection. Considérons maintenant une suite infinie d ensembles mesurables deux à deux disjoints { k } k. n vertu de l équation (2), on a, quel que soit A R et quel que soit N, ) ( N N ) c ) λ (A) = λ (A k + λ (A k de telle sorte que = ( N N ) c ) λ (A k ) + λ (A k ( N + ) c ) λ (A k ) + λ (A k λ (A) + λ (A + ( + ) c ) λ (A k ) + λ (A k ) ( + ) c ) k + λ (A k ce qui montre que k k = k k est mesurable. nvisageons enfin le cas d une suite infinie quelconque { k } k. Posons F 1 = 1, F 2 = 2 c 1, F 3 = 3 c 1 c 2,..., F n = n c 1 c 2 c n 1,... Ces ensembles F k sont mesurables et deux à deux disjoints de telle sorte que leur réunion est mesurable. Or k F k = k k 10

puisque, si x k k, il existe un premier indice k x tel que x kx et alors x F kx. C.Q.F.D. Théorème 5 Tout intervalle I est mesurable. Démonstration. Considérons d abord le cas où I =]a, + [. Soit A R un ensemble quelconque et soient ]a k, b k [ des intervalles tels que A k ]a k, b k [, k (b k a k ) λ (A) + ɛ. Considérons les intervalles I k = ]a k, b k [ I, I k = ]a k, b k [ I c. On a ) λ (AI) λ ( k I k λ (I k ) k et ) λ (AI c ) λ ( k I k k λ (I k ) donc λ (AI) + λ (AI c ) k (λ (I k ) + λ (I k )) = k (b k a k ) λ (A) + ɛ. Les autres cas se ramènent à celui qui vient d être étudié. Par exemple, ]a, b[ = C.Q.F.D. + ]a, b 1 + k ] = ( ]a, + [ ]b 1 k, + [ c ). Théorème 6 Tout ensemble ouvert O est mesurable. Démonstration. Si x O, soient a x = inf{a ]a, x[ O}, b x = sup{b ]x, b[ O} + 11

et I x =]a x, b x [. Alors, ou bien I x = I y ou bien I x I y =. Les intervalles I x distincts sont donc au plus dénombrables (chacun d eux contient un nombre rationnel différent). Dénotant ces intervalles par J 1, J 2, J 3,..., O = n J n peut s écrire comme réunion d une suite finie ou infinie d intervalles ouverts deux à deux disjoints (appelés composantes connexes de O). C.Q.F.D. Théorème 7 Tout translaté + x 0 d un ensemble mesurable est mesurable. Démonstration. Observons d abord les identités : ST + x 0 = (S + x 0 )(T + x 0 ), (S + x 0 ) c = S c + x 0. Soit A R un ensemble quelconque. Alors, en vertu des identités précédentes, A( + x 0 ) = (A x 0 ) + x 0, A( + x 0 ) c = (A x 0 ) c + x 0. Par suite, la mesure extérieure étant invariante sous translation, λ (A( + x 0 )) + λ (A( + x 0 ) c ) = λ ((A x 0 )) + λ ((A x 0 ) c ) C.Q.F.D. = λ (A x 0 ) = λ (A). Théorème 8 Tout ensemble N de mesure extérieure nulle est mesurable. Démonstration. Soit A R un ensemble quelconque. On a C.Q.F.D. 2.3 Mesure λ (AN) + λ (AN c ) = λ (AN c ) λ (A). La mesure λ est la restriction de la mesure extérieure λ à la tribu des ensembles mesurables L. Théorème 9 La mesure λ : L [0, + ] possède les propriétés suivantes : 1. λ( + x 0 ) = λ() ; 12

2. λ((a, b)) = b a ; 3. pour toute suite disjointe { k } k, λ( k k) = k λ( k) ; 4. pour toute suite croissante 1 2 3, ( + ) lim λ( n) = λ k. Démonstration. Seule la quatrième propriété (continuité) n a pas encore été démontrée. Considérons à nouveau les ensembles F 1 = 1, F 2 = 2 c 1, F 3 = 3 c 2,..., F n = n c n 1,... Ils sont disjoints et tels que, pour chaque n, n n = F k. Par suite, λ( n ) = n λ(f k ) et ( + + ) ( lim λ( + ) n) = λ(f k ) = λ F k = λ k. C.Q.F.D. Une propriété vraie partout sauf aux points d un ensemble de mesure nulle est dite vraie presque partout. Par exemple, la fonction I Q est égale à 0 presque partout. Un ensemble dénombrable est toujours de mesure nulle mais un ensemble peut être de mesure nulle sans être dénombrable. Ainsi en est-il de l ensemble de Cantor. xemple. Soit K l ensemble des points x de [0, 1] dont le développement triadique, + a k x = 3 k, a k {0, 1, 2}, ne contient que des 0 ou des 2. Lorsque deux développements sont possibles, on convient d utiliser celui qui contient un nombre infini de 2 : 1 3 n = 2 3 n+1 + 2 3 n+2 + 2 3 n+3 + 13

Contenant 2 N points, l ensemble K n est pas dénombrable. D autre part, il est clair que Par suite, [0, 1]K c = ] 1 3, 2 3 [ + ]1 9, 2 9 [ + ]7 9, 8 9 [ + ] 1 27, 2 27 [ + λ([0, 1]K c ) = 1 3 + 2 9 + 4 27 + = 1 et λ(k) = 0. L axiome du choix affirme que le produit cartésien α A B α d une famille d ensembles non vides B α est non vide, c est-à-dire qu il est possible de choisir un élément x α de chaque ensemble de la famille : x α B α pour tout α A. n l utilisant, on peut obtenir un ensemble non mesurable. xemple. Introduisons une relation d équivalence sur l intervalle [0, 1] en posant, pour x, y [0, 1], x y si x y Q. Choisissons, en vertu de l axiome du choix, un nombre x dans chaque classe d équivalence [x]. Alors, l ensemble des nombres ainsi obtenus n est pas mesurable. Supposons en effet le contraire. Soit Q [ 1, +1] = {r 1, r 2, r 3,...} et considérons les ensembles translatés k = + r k. Ils sont disjoints car si x k j, x = a + r k = b + r j avec a, b. Comme a = b + (r j r k ) b, il faut que a = b, donc que r k = r j, c est-à-dire que k = j. Les relations [0, 1] + k [ 1, 2] (chaque x [0, 1] appartient à [x ] pour un x approprié, donc à k pour un k approprié) entraînent donc 1 + λ( k ) 3 ce qui est absurde puisque λ( k ) = λ() pour tout k. 14

2.4 xercices 1. Montrer que tout recouvrement d un ensemble K R compact (fermé et borné) par des ensembles ouverts contient un sous-recouvrement fini. 2. Si R et k R, Montrer que λ (k) = k λ (). k = {y y = kx, x }. 3. Soit µ : P(R) [0, + ] la fonction définie par µ () = sup{(b a) ]a, b[ }. Cette fonction est-elle monotone? invariante sous translation? Préservet-elle la longueur des intervalles? st-elle sous-additive? 4. Répondre aux mêmes questions si la fonction µ est définie par µ () = card(z). 5. Montrer que, si R est mesurable et k R, l ensemble k est mesurable. 6. Montrer que tout ensemble mesurable borné est de mesure finie. La réciproque est-elle vraie? 7. Un ensemble de mesure nulle peut-il être ouvert? Doit-il être fermé? 8. Soit ɛ > 0 donné. Construire un ensemble ouvert de mesure λ() < ɛ qui soit dense dans R (c est-à-dire tel que tout nombre réel puisse s écrire comme la limite d une suite de nombres appartenant à ). 9. Montrer qu un ensemble R est mesurable si et seulement si à chaque ɛ > 0 correspond un ensemble ouvert O ɛ R tel que O ɛ et que λ (O ɛ c ) < ɛ. Suggestion : considérer d abord le cas où λ () < + puis les ensembles m = ] m, +m[. 10. Montrer qu un ensemble R est mesurable si et seulement si on peut l écrire comme la réunion disjointe d un ensemble de mesure nulle N et d un ensemble qui est une réunion au plus dénombrable d ensembles fermés F k : = N + F k. k 15

11. Soit µ : L [0, + ] une fonction additive. Montrer qu elle est nécessairement croissante et sous-additive. 12. Soit µ : L [0, + ] la fonction définie par { + si est infini µ() = card() si est fini. Montrer que µ est additive et invariante sous translation. 13. Soit { k } k une suite décroissante, 1 2 3, d ensembles de mesure finie. Montrer que ( + ) lim λ( n) = λ k. L hypothèse «de mesure finie» est-elle essentielle? 14. Une fonction µ : L [0, + ] possède la propriété d additivité finie si, pour toute suite disjointe finie { k } 1 k N, Montrer qu une fonction ( N ) µ k = N µ( k ). µ : L [0, + ] est additive si et seulement si elle continue et possède la propriété d additivité finie. 16

3 FONCTIONS MSURABLS Nous allons maintenant introduire la classe des fonctions mesurables, étudier ses principales propriétés et considérer quelques exemples. Une fonction f : R est une fonction mesurable si, quel que soit α R, l ensemble f 1 ( ]α, + [ ) = {x f(x) > α} est mesurable. n particulier, le domaine de définition de f doit lui-même être un ensemble mesurable puisque = n N{x f(x) > n}. n vertu des identités et {x f(x) < α} = {x f(x) > α} = + + {x f(x) > α 1 k }c {x f(x) < α + 1 k }c, il revient au même de vérifier que les ensembles de type {x f(x) < α}, {x f(x) α} ou {x f(x) α} sont tous mesurables. L image inverse d un intervalle quelconque (c, d) par une fonction mesurable, f 1 ((c, d)), est donc toujours un ensemble mesurable. xemple. Une fonction indicatrice f = I, définie par { 1 si x I (x) = 0 sinon, est mesurable si et seulement si l ensemble l est. Théorème 10 Toute fonction continue f : (a, b) R est mesurable. 17

Démonstration. n vertu de la continuité de f, l ensemble {x f(x) > α} est relativement ouvert dans (a, b) (c est-à-dire de la forme O (a, b) avec O ouvert) donc mesurable. C.Q.F.D. Théorème 11 Soient f, g : R des fonctions mesurables et h : (a, b) R une fonction continue. Alors la fonction composée h f (si elle est définie) et les fonctions f + g et fg sont mesurables. Démonstration. L ensemble {x h(f(x)) > α} = f 1 (h 1 ( ]α, + [ )) est mesurable parce que l ensemble h 1 ( ]α, + [ ) est relativement ouvert dans (a, b), donc de la forme h 1 ( ]α, + [ ) = k ]a k, b k [ (a, b), ce qui entraîne que f 1 (h 1 ( ]α, + [ )) = k f 1 ( ]a k, b k [ (a, b) ). La fonction f + g est mesurable en vertu de la relation {x f(x) + g(x) > α} = r Q({x f(x) > r} {x g(x) > α r}). Finalement, la relation fg = (f + g)2 f 2 g 2 2 et la continuité des fonctions u u 2 et u cu, c R, entraînent la mesurablité de la fonction fg. C.Q.F.D. xemple. Une fonction étagée est une fonction f : R R dont l ensemble des valeurs est fini. Si {a 1, a 2, a 3,..., a N } 18

est l ensemble de ses valeurs non nulles et on a k = f 1 ({a k }) = {x f(x) = a k }, f = N a k I k (représentation canonique). La fonction f est donc mesurable si et seulement si chacun des ensembles k l est. xemple. Si une fonction mesurable f : R ne s annule pas, la fonction 1/f est mesurable. xemple. Si f : R est mesurable, sa valeur absolue f, sa partie positive f + = f + f = sup{f, 0} 2 et sa partie négative le sont aussi et l on a f = f f 2 = sup{ f, 0} f = f + f, f = f + + f. et xemple. Si f, g : R sont mesurables, les fonctions le sont aussi. sup{f, g} = inf{f, g} = (f + g) + f g 2 (f + g) f g 2 Théorème 12 Soient f n : R des fonctions mesurables. Alors, sur leur domaine de définition respectif, les fonctions et sont mesurables. sup f n, inf n N n N f n, lim sup lim f n f n, lim inf f n 19

Démonstration. Considérons par exemple l enveloppe supérieure sup n N f n. Son domaine de définition est l ensemble Pour tout α R, l ensemble {x sup f n (x) < + }. n N {x sup f n (x) > α} = {x f n (x) > α} n N n N est mesurable. Le raisonnement est symétrique pour l enveloppe inférieure inf n N f n. Le théorème découle alors des relations et lim sup f n = lim sup f n = inf k + n k lim inf f n = lim inf f n = sup k + n k sup f n k N n k inf f n k N n k sur les domaines de définition appropriés et des équations lim f n = lim sup f n = lim inf f n sur l ensemble C.Q.F.D. {x lim sup f n = lim inf f n}. Théorème 13 Soient f : R une fonction mesurable et g : R une fonction coïncidant presque partout avec f. Alors g est mesurable. Démonstration. L ensemble est de mesure nulle et N = {x g(x) f(x)} {x g(x) > α} = ({x g(x) > α} N) + ({x f(x) > α} N c ). Le premier ensemble est mesurable parce que de mesure nulle et le second est mesurable parce que f l est. C.Q.F.D. 20

Théorème 14 Soit f : R une fonction mesurable positive. Il existe une suite de fonctions mesurables positives étagées ϕ n : R qui croît vers f. Démonstration. Considérons les ensembles et Alors la fonction étagée est mesurable. Puisque et que on a n,k = {x k 1 2 n f(x) < k 2 n } ϕ n = F n = {x n f(x)}. n2 n k 1 2 n I n,k + n I Fn n,k = n+1,2k 1 + n+1,2k F n = (n+1)2 n+1 k=n2 n+1 +1 ϕ n ϕ n+1. n+1,k + F n+1, D autre part, en chaque point x, on a, pour n assez grand, que C.Q.F.D. f(x) 1 2 n ϕ n(x) f(x). 3.1 xercices 1. Soit f : R une fonction. Montrer qu elle est mesurable si et seulement si les ensembles le sont pour tout r Q. {x f(x) > r} 21

2. Vérifier les relations suivantes : I F = I I F, I +F = I +I F, I F = I +I F I F, I n n = sup I n. 3. Soit f : (a, b) R une fonction monotone. Montrer qu elle est mesurable. 4. Soient f : R R une fonction mesurable et x 0 R. Montrer que la fonction x f(x + x 0 ) est mesurable. 5. Soient f : R R une fonction mesurable et k R. Montrer que la fonction x f(kx) est mesurable. 6. Soit f : (a, b) R une fonction admettant une primitive (c est-à-dire telle qu il existe une fonction F : (a, b) R dont elle est la dérivée : f = F ). Montrer qu elle est mesurable. 7. Soient R un ensemble de mesure finie et f : R une fonction mesurable. Montrer qu à chaque ɛ > 0 correspond N N tel que λ{x f(x) > N} < ɛ. 8. Montrer que toute fonction mesurable est limite simple d une suite de fonctions mesurables étagées. 9. Montrer que toute fonction mesurable bornée est limite uniforme d une suite de fonctions mesurables étagées. 22

4 INTÉGRATION Ce chapitre constitue le coeur du cours. Nous allons y définir l intégrale d une fonction mesurable f sur un ensemble mesurable, f, lim et établir ses trois propriétés fondamentales qui sont la linéarité, la positivité et l additivité. Pour ce faire, nous utiliserons beaucoup le fait que l équation f n = lim f n est valable sous des hypothèses très générales dans la théorie de Lebesgue (théorème de la convergence monotone, théorème de la convergence dominée et lemme de Fatou). Nous terminerons par un théorème justifiant la dérivation sous le signe intégral. Soit R un ensemble mesurable. L intégrale sur d une fonction mesurable est définie en trois étapes. Soit d abord N ϕ = a k I k une fonction mesurable positive étagée représentée sous sa forme canonique (c est-à-dire que les a k sont les valeurs distinctes non nulles de ϕ). L intégrale de ϕ sur est définie par l équation On a donc à priori que ϕ = 0 N a k λ( k ). ϕ +. Un moment de réflexion montre que l équation ϕ = a k λ( k ) N est vraie dès que, dans une représentation ϕ = a k I k, N 23

les ensembles mesurables k sont deux à deux disjoints, même si les a k associés ne sont pas tous distincts. n effet, chaque valeur non nulle a k est alors nécessairement égale à l une des valeurs a j, les ensembles k correspondant à l une de ces valeurs non nulle forment une partition de l ensemble j correspondant et la mesure est additive. Les trois propriétés suivantes sont des conséquences immédiates de la définition : λ() = 0 implique ϕ = 0, et F implique 0 ϕ ψ sur implique ϕi F = F ϕ, ϕ Pour vérifier la troisième, on s aide de la remarque qui vient d être faite : si avec ϕ = a k I k N et ψ = b ji F j, M j=1 N M k = F j = R, il faut utiliser les représentations j=1 ψ. ϕ = a k I k F j N M j=1 et ψ = b ji k F j. N M j=1 Si ensuite f : R est une fonction mesurable positive, son intégrale sur est définie par { } f = sup ϕ 0 ϕ f sur. ncore ici, on a à priori 0 Les trois propriétés suivantes : f +. λ() = 0 implique 24 f = 0,

et F implique 0 f g sur implique fi F = F f, f découlent directement de cette définition et des propriétés correspondantes pour les fonctions étagées. Si enfin f : R est une fonction mesurable quelconque, nous dirons qu elle est une fonction intégrable (ou sommable) sur si f < + et nous poserons alors f = f + f. Cette définition a un sens puisque qu alors, nécessairement, f + < + et f < +. Nous dénoterons par L 1 () la classe des fonctions intégrables sur. Remarque. Lorsque est un intervalle [a, b] avec a b, on conserve la notation usuelle pour l intégrale, en indiquant si nécessaire la variable d intégration : on écrit ainsi b b f = f = f(x) dx et R [a,b] f = a + f = a + f(x) dx. g xemple. La fonction I Q est intégrable sur tout intervalle (a, b) et b a I Q = 0. xemple. Une fonction mesurable bornée est intégrable sur tout ensemble de mesure finie. n particulier, une fonction continue est intégrable sur tout intervalle compact. 25

Théorème 15 (convergence monotone) Soient R un ensemble mesurable et f n : R des fonctions mesurables positives qui croissent vers une fonction f : R. Alors lim f n = Démonstration. Il est clair que f est une fonction mesurable positive et que f n f. lim Pour démontrer l inégalité réciproque, soient ɛ > 0 et ϕ une fonction mesurable positive étagée telle que ϕ f et considérons les ensembles f. A n = {x f n (x) (1 ɛ)ϕ(x)}. Ils sont mesurables et, par hypothèse, croissent vers. Si ϕ = N a k I k est la représentation canonique de ϕ, on a f n (1 ɛ)ϕi An = N N (1 ɛ)a k λ(a n k ) = (1 ɛ) a k λ(a n k ). Utilisant la continuité de la mesure, on en déduit lim f n (1 ɛ) N a k λ( k ) = (1 ɛ) ϕ. Le nombre ɛ et la fonction ϕ étant arbitraires, ceci entraîne le résultat. C.Q.F.D. Remarque. Soient R un ensemble mesurable et f n : R des fonctions mesurables positives qui croissent vers + sur. Si λ() > 0, f n = +. n effet, posant lim A n = {x f n (x) > K}, 26

on a, quel que soit K > 0, f n f n Kλ(A n ) A n donc, par continuité, lim f n Kλ(). Le nombre K > 0 étant arbitraire, la remarque se trouve justifiée. xemple. Soit f : (a, b) R une fonction mesurable positive bornée. Alors b n2 n { k 1 f = lim 2 n λ x k 1 2 n f(x) < k } 2 n. a Théorème 16 Soient R un ensemble mesurable, f, g : R des fonctions intégrables sur et α, β R. Alors αf + βg est intégrable sur et αf + βg = α f + β g. Démonstration. La démonstration se fait en plusieurs étapes. Soient d abord ϕ et ψ deux fonctions mesurables positives étagées. Représentons-les sous la forme N M ϕ = a k I k, ψ = b ji F j les ensembles mesurables k et F j j=1 étant tels que Alors N M k = F j = R. ϕ + ψ = N j=1 M a k λ( k ) + b jλ(f j) j=1 = a k λ( k F j) + b jλ( k F j) N M j=1 N M j=1 N M = (a k + b j)λ( k F j) = j=1 (ϕ + ψ). 27

Soient ensuite f et g deux fonctions mesurables positives. Il existe deux suites de fonctions mesurables positives étagées {ϕ n } n N et {ψ n } n N qui croissent vers f et g respectivement. On a donc f + g = lim = lim ϕ n + lim ψ n = (ϕ n + ψ n ) = (f + g) lim ( ϕ n + ψ n ) (en vertu du théorème de la convergence monotone). Soient enfin f et g deux fonctions intégrables. Alors h = f + g est intégrable puisque h ( f + g ) = f + g < +. De plus, on a donc c est-à-dire h + + f + g = f + + g + + h h + + f + g = f + + g + + h h = D autre part, si α 0, il est clair que α ϕ = α f + g. pour toute fonction mesurable positive étagée ϕ, donc que, pour toute fonction mesurable positive f, αf = α f. Pour une fonction intégrable f quelconque, αf est intégrable (en appliquant ce qui précède à α f ) et αf = (αf) + (αf) = αf + αf = α( f + f ) = α f. ϕ 28

Si, enfin, α < 0, αf = ( α)( f) est intégrable et αf = ( α)( f) = ( α) ( f) = ( α)( = α( f + f ) = α f. C.Q.F.D. f f + ) Remarque. Si = A + B est une partition mesurable de et f est intégrable sur, on a f = f + f A B (additivité finie de l intégrale) en appliquant le théorème précédent aux fonctions fi A et fi B. Théorème 17 Soient R un ensemble mesurable, f, g : R des fonctions intégrables sur telles que f g sur. Alors f g avec égalité si et seulement si f = g presque partout sur. Démonstration. On a 0 (g f) = g f. L égalité a lieu dès que f = g presque partout sur puisque, posant on a A = {x f(x) = g(x)}, B = {x f(x) g(x)}, (g f) = A (g f) + B (g f) = 0. Réciproquement, observons que si h : R est une fonction mesurable positive telle que h = 0, on doit avoir h = 0 presque partout sur (on prendra ici h = g f). Posant en effet A k = {x h(x) > 1 k }, 29