Développements limités de fonctions réelles Denis Vekemans 1 Définitions - propriétés Soit n N et P une fonction réelle polynomiale de degré inférieur ou égal à n. La fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en a s il existe une fonction réelle ǫ n de limite nulle en a telle que x E, f(x) = P(x) + (x a) n ǫ n (x). Dans ces conditions, on dit aussi que f admet un DL n (a). Remarques. La fonction réelle f est continue en a si et seulement si la fonction réelle f admet un développement limité d ordre 0 en a. La fonction réelle f est dérivable en a si et seulement si la fonction réelle f admet un développement limité d ordre 1 en a. Sous les mêmes hypothèses que dans la définition, la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en a si et seulement si les conditions suivantes sont réalisées : { (i) f(a) = P(a) (ii) lim x a;x a f(x) P(x) (x a) n = 0 En effet, la fonction réelle ǫ n : E R x f(x) P(x) (x a) n entre la remarque et la définition. Si P n est pas le polynôme nul, on a : f(x) x a P(x) si x E \ {a} et ǫ n (a) = 0 assure le lien Notation de Landau. "Il existe une fonction réelle ǫ n de limite nulle en a telle que x E, f(x) = P(x) + (x a) n ǫ n (x)" s écrit "f(x) = P(x) + o a ((x a) n ) au voisinage de a". Exemple. Toute fonction réelle polynomiale p de degré n admet un développement limité à l ordre n en tout point a réel qui est p. En effet, il suffit de prendre dans la définition, la fonction ǫ n identiquement nulle. Laboratoire de mathématiques pures et appliquées Joseph Liouville ; 50, rue Ferdinand Buisson BP 699 ; 62 228 Calais cedex ; France 1
Théorème 1 Soit n N. Soit P une fonction réelle polynomiale de degré inférieur ou égal à n. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en a, alors P est l unique développement limité d ordre n en a de f. Démonstration. Soient P et Q deux développements limité d ordre n en a de f. Alors, on a lim x a;x a P(x) Q(x) (x a) n = 0, puis lim x a;x a P(x) Q(x) (x a) p = 0 pour tout p [[0, n]] (produit de limites nulles en a). Si on pose P(x) Q(x) = n k=0 a k(x a) k, en prenant k = 0, on obtient a 0 = 0, puis en prenant k = 1, on obtient a 1 = 0,..., et enfin en prenant k = n, on obtient a n = 0. D où P = Q. Théorème 2 Soit n N et P une fonction réelle polynomiale de degré inférieur ou égal à n. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en 0. 1. Lorsque la fonction réelle f est paire, alors la fonction réelle P l est aussi. 2. Lorsque la fonction réelle f est impaire, alors la fonction réelle P l est aussi. 2 Obtention des développements limités 2.1 Par la formule de Taylor-Young Théorème 3 que a I E. Si f est dérivable à l ordre n au point a, alors f admet le polynôme Remarque. P : E R ; x T (n) f(x),a (x) = n k=0 f (k) (a) (x a) k. k! La formule de Taylor-Young ne donne pas tous les développements limités. 2.2 Par opérations sur les développements limités Théorème 4 Formule de changement de point. Soit f une fonction réelle définie sur E, soit a un réel et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel La fonction réelle f admet P : x P(x) comme développement limité d ordre n en a si et seulement si la fonction réelle g : E a = {x a avec x E} R ; h g(h) = f(a + h) admet Q : h P(a + h) comme développement limité d ordre n en 0. 2/6 Mathématiques
Théorème 5 Troncature d un développement limité en 0. Soit f une fonction réelle définie sur E, soit a un réel et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel que 0 I E. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en 0 alors, lorsque m n, la fonction réelle f admet τ m (P) comme développement limité d ordre m en a où τ m : R[x] R m [x] ; P(x) = N k=0 a kx k τ m (P)(x) = m k=0 a kx k. Démonstration. C est immédiat. Théorème 6 Somme et produit de deux développements limités en 0, produit d un développement limité en 0 par un scalaire réel. Soient f et g deux fonctions réelles définies sur E et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel que 0 I E. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en 0 et si la fonction réelle g admet Q comme développement limité d ordre n en 0, alors 1. f + g admet P + Q comme développement limité d ordre n en 0 ; 2. fg admet τ n (PQ) comme développement limité d ordre n en 0, où τ n : R[x] R n [x] ; P(x) = N k=0 a kx k τ n (P)(x) = n k=0 a kx k. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en 0, alors pour λ R, λf admet λp comme développement limité d ordre n en 0. Théorème 7 Composée de deux développements limités en 0. Soit f une fonction réelle définie sur E et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel que 0 I E. On suppose en outre que f(0) = 0. Soit g une fonction réelle définie sur f(i) et on suppose qu il existe un intervalle infini J tel que 0 J f(i). Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en 0 et si la fonction réelle g admet Q comme développement limité d ordre n en 0, alors la fonction réelle g f admet τ n (Q P) comme développement limité d ordre n en 0, où τ n n k=0 a kx k. : R[x] R n [x] ; P(x) = N k=0 a kx k τ n (P)(x) = Théorème 8 Inverse d un développement limité en 0. Soit f une fonction réelle définie sur E et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel que 0 I E. On suppose en outre que f(0) 0. Si la fonction réelle f admet un développement limité d ordre n en 0, alors 1 f admet un développement limité d ordre n en 0. Remarque. Pour calculer le quotient de deux développements limités en 0, la technique la plus utilisée consiste à effectuer la division selon les puissances croissantes. 3/6 Mathématiques
2.3 Par intégration des développements limités Théorème 9 que a I E. On suppose en outre que f est continue sur I. On définit la fonction réelle F : I R ; x F(x) = x a f(t)dt. Si la fonction réelle f admet P comme développement limité d ordre n en a, alors la fonction réelle F admet Q comme développement limité d ordre n+1 en a avec Q : I R ; x Q(x) = F(a)+ x a P(t)dt. 2.4 Par dérivation des développements limités avec méfiance On ne peut a priori dériver un développement limité! Cependant, quand un développement a été calculé depuis la formule de Taylor-Young pour une fonction réelle f, on peut dériver ce développement limité terme à terme pour obtenir un développement limité de la dérivée f de cette fonction réelle f. 3 Développements limités généralisés Soit n N et P une fonction réelle polynomiale de degré inférieur ou égal à n. Soit p N. Soit aussi h p : I R ; x (x a) p f(x). Si la fonction réelle h p admet un développement limité P à l ordre n+p en a et que h p (a) 0, on dit que la fonction réelle f admet un développement limité généralisé d ordre n en a qui est la fonction rationnelle R qui à x associe P(x) (x a) p. Remarque. La valeur de p est liée à la fonction f tandis que la valeur de n peut être choisie. 4 Développements limités en l infini Soit f une fonction réelle définie sur E et on suppose qu il existe un intervalle infini I tel que 0 I E [0, [. Si la fonction réelle f admet un développement limité (généralisé ou non) à l ordre n en 0 sur I E [0, [, alors il existe une fonction réelle ǫ n de limite nulle en 0 telle que f(x) = R(x) + x n ǫ n (x). Au regard de la fonction réelle g : x f( 1 x ), on déduit g(x) = R( 1 x ) + 1 x ǫ n n ( 1 x ), et on dit que T : x R( 1 x ) est le développement limité (généralisé ou non) à l ordre n en de la fonction réelle g. 4/6 Mathématiques
5 Applications 5.1 Application à la recherche de limites Puisque les développements limités permettent l étude de fonctions au voisinage d un point, ils peuvent être utiles pour la recherche de limites. 5.2 Etude d une courbe au voisinage d un point Pour placer la courbe par rapport à sa tangente au voisinage du point a, supposons que f(x) = α 0 + α 1 (x a) + α p (x a) p + o a ((x a) p ), avec α p 0. La situation dépend alors de la parité de p et du signe de α p. On a 1. si p est pair et α p < 0, alors la courbe est en-dessous de la tangente ; 2. si p est pair et α p > 0, alors la courbe est au-dessus de la tangente ; 3. si p est impair et α p < 0, alors la courbe traverse la tangente de haut en bas; 4. si p est impair et α p > 0, alors la courbe traverse la tangente de bas en haut. En particulier, nous savons qu une condition nécessaire pour que la fonction réelle f présente un extrémum local au point a est f (a) = α 1 = 0 et que la réciproque n est pas exacte. Précisons ce problème. Supposons que f admette un développement limité en a non réduit à une constante. Désignons, comme ci-dessus, par α p le premier coefficient non nul d indice p > 1. Nous avons alors f(x) α 0 = α p (x a) p + o a ((x a) p ), avec α p 0. Nous en déduisons immédiatement que f présente un extrémum local au point a si (et seulement si) p est pair. Cet extrémum est un maximum si α p < 0 et un minimum si α p > 0. L utilisation des développements limités permet donc, dans certains cas, d élucider le problème des extréma de la fonction réelle f. Mais il existe des fonctions réelles qui n admettent, au voisinage de a, que des développements limités réduits à une constante, soit parce qu il existe p N vérifiant f(x) f(a) = o a ((x a) p ), et tel que la fonction réelle f n admette pas de développements limités d ordre strictement supérieur à p, soit parce que p N, f(x) f(a) = o a ((x a) p ). Dans chacun de ces cas, pour savoir si la fonction réelle f présente un extrémum local en a, il faudra faire une étude directe. 5.3 Etude d une courbe au voisinage de l infini Les développements limités à l infini donnent des informations sur les asymptotes à la courbe. Les fonctions réelles f et g sont dites asymptotes en + (resp. en ) lorsqu il existe R R tel que les fonctions réelles f et g sont définies sur [R, + [ (resp. ], R]) et que 0, (resp. lim (f g)(x) = 0). x lim (f g)(x) = x + 5/6 Mathématiques
Théorème 10 Si la fonction réelle f admet un développement limité généralisé au voisinage de + (resp. ) de la forme f(x) = ax + b + c x n + 1 x nǫ n( 1 x ), avec n 1, c 0 et ǫ n de limite nulle en 0, alors la courbe y = f(x) admet une droite asymptote en + (resp. ) donnée par y = ax + b. La position de la courbe par rapport à l asymptote est donnée par le signe de c x n. Références [1] D. Duverney, S. Heumez, G. Huvent, Toutes les mathématiques. MPSI PCSI PTSI TSI, Ellipses, 2004. [2] C. De Coster, Notes de cours. 6/6 Mathématiques