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F Réforme fiscale A Bruxelles, le 25 novembre 2014 MH/EDJ/JP 724-2014 AVIS sur LA REFORME ET LA SIMPLIFICATION DE LA FISCALITE : IMPÔT SUR LES PERSONNES PHYSIQUES ET IMPÔT SUR LES SOCIETES Conseil Supérieur des Indépendants et des PME WTC III (17 ème étage) - Boulevard Simon Bolivar 30-1000 Bruxelles Tél. : 02 277 90 16 - Fax : 02 277 90 28 cs.hr@economie.fgov.be - www.csipme.fgov.be

Le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME insiste pour que l'on mette en œuvre une réforme et une simplification de la fiscalité. Le présent avis porte toutefois exclusivement sur l'impôt des personnes physiques et sur l impôt des sociétés. Vu l impact important du cadre fiscal sur les entreprises et compte tenu de la régionalisation des compétences sur le plan fiscal, les Conseil Supérieur a décidé d émettre un avis d initiative sur le sujet. Après avoir consulté la Commission ad hoc "réforme fiscale" et la commission "politique générale PME", 1 le Conseil Supérieur a émis le 25 novembre 2014 l avis suivant. POINT DE VUE GENERAL En Belgique, la pression fiscale globale 2 est relativement élevée. Les impôts sur les revenus sont en volume plus importants que les impôts sur la consommation, et les impôts sur les revenus du travail restent très élevés. En 2012, l impôt global est de 45,4% en Belgique. Ainsi, notre pays occupe la deuxième place dans le classement des pays de l Union européenne ayant la pression fiscale la plus élevée. Il n y a que le Danemark qui occupe une position encore moins favorable que la Belgique dans ce classement 3. Durant les quatre dernières années (2008-2012), la pression fiscale belge a augmenté de 1,2%, ce qui représente une progression plus importante que celle enregistrée sur l ensemble de la zone euro (0,3%) 4. En vue de stimuler la croissance économique dans notre pays, le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME estime qu'il est urgent de réduire la pression fiscale globale, en particulier les charges pesant sur le travail, et de réduire l impôt sur les sociétés et l impôt sur les personnes physiques. Le Conseil Supérieur souligne qu'en 2013 les PME représentent 53,5% des emplois en Belgique et 42,9% de la valeur ajoutée. Au total, les PME représentent 1,37 millions d emplois et 80 milliards de valeur ajoutée 5. Le secteur dynamique des PME joue donc un rôle essentiel dans la stimulation de la croissance économique. Les entreprises investissent, rehaussent la productivité, créent des emplois et, par voie de conséquence, sont à la source des recettes fiscales nécessaires pour financer les objectifs de la politique économique et sociale. Le Conseil Supérieur demande de créer un climat fiscal qui ne mine pas cette dynamique. Le Conseil Supérieur plaide pour qu'une réflexion approfondie ait lieu sur la manière dont le système fiscal de notre pays doit être organisé qui prenne en compte la spécificité des PME et la nécessité de rendre le système des impôts plus équitable. Concrètement, il demande de créer dans ce but une commission de réforme de la fiscalité qui serait chargée d'examiner les pistes fiscales et les possibilités de réforme de la structure fiscale de notre système. Cette commission devrait être composée de façon paritaire et comprendre entre autres des représentants et des acteurs du monde économique. 1 2 3 4 5 Lors de la réunion de cette commission, les Professeurs Haustraete, Maus et Vanistendael ont présenté leur vision sur la réforme fiscale de l impôt sur les personnes physiques et de l impôt sur les sociétés pour les PME et les indépendants. La pression fiscale globale fait la comparaison entre les revenus fiscaux communs et les cotisations sociales en fonction du produit national brut (PNB). Eurostat, Taxation trends in the European Union, édition 2014, p. 18. Conseil Supérieur des Finances - section "fiscalité et parafiscalité", "Un tax shifting en faveur du travail, et des bases imposables plus larges. Scénarios pour une réforme fiscale globale et significative", août 2014, p. 24. European Commission, SBA Fact Sheet - Belgium, p. 2. 2

Par ailleurs, il demande que, dans le cadre de l analyse d impact de la réglementation (AIR), on applique de manière efficiente la partie consacrée aux PME qui vise à examiner au préalable les effets des nouvelles mesures fiscales sur les PME. Le Conseil Supérieur se limite dans le présent avis à formuler des propositions concernant la réforme de la fiscalité de l impôt des personnes physiques et de l impôt des sociétés. Il attire l attention sur les lignes de conduite auxquelles une fiscalité plus équilibrée doit répondre. Dans les suggestions de son avis ne figure aucun plan chiffrant le coût d une proposition de réforme fiscale. Il est clair que le coût budgétaire lié à la réduction de la pression fiscale globale, plus particulièrement l instauration d'une réforme fiscale sur le plan de l'impôt des personnes physique et de l'impôt des sociétés, devra être compensé par d autres recettes si l'on veut aboutir à une réforme neutre sur le plan budgétaire. Dans ce cadre, le Conseil Supérieur attire en priorité l attention sur l importance de diminuer les dépenses publiques, de réduire l économie au noir à un niveau comparable à celui des pays avoisinants et de restreindre les déductions fiscales. En diminuant le taux d impôt global par rapport au PNB, cela aura aussi un impact positif au titre d'effet de retour sur le plan budgétaire. En ce qui concerne la quote-part de l impôt sur les sociétés dans la totalité des recettes des pouvoirs publics, il apparaît que celle-ci est limitée. En 2012, l impôt sur les sociétés ne représente que 3,1% du PNB tandis que les recettes totales de l Etat constitue 45,4% du PNB. En ce qui concerne l impôt sur les personnes physiques, celui-ci représente 12,7% du PNB 6. POINTS DE VUE SPECIFIQUES 1. Impôts sur les sociétés 1.1. Comparaison entre le taux belge et celui des autres pays dans un contexte international Il ressort d une comparaison avec les autres pays de l OCDE que le taux d impôt sur les sociétés en Belgique est, en 2014, un des taux les plus élevé puisque notre pays occupe la troisième place avec un taux nominal de 33,99%. La Belgique se classe ainsi après les Etats-Unis (39,1%) et la France (34,4%) 7. Au sein de l Union européenne (28 pays), le taux d imposition moyen nominal sur les sociétés n est que de 22,9% 8. En 2014, si l'on compare les taux réduits applicables aux PME avec ceux des autres pays de l OCDE, on constate que la Belgique occupe avec son taux progressif de 24,98% la troisième place du classement. Seuls le Luxembourg (28,20%) et l Espagne (25%) ont un taux plus élevé 9. La position de notre pays dans ce classement a des conséquences sur la position concurrentielle fiscale internationale des sociétés belges. Le Conseil Supérieur fait également remarquer que l impôt sur les sociétés rehausse le coût du capital et a, par conséquent, un impact négatif sur les investissements. En outre, l impôt sur les sociétés est la forme d impôt qui engendre le plus d effets négatifs sur la croissance 10. Le Conseil Supérieur souhaite que la pression fiscale sur les sociétés soit réduite et s oppose à toute forme de hausse de cette pression fiscale. 6 7 8 9 10 European taxation trends in the European Union, edition 2014, p. 50 et 191. OECD Tax Base, Table II.1 - Corporate income tax rates: basic/non-targeted, may 2014. European taxation trends in the European Union, edition 2014, p. 37. OECD Tax Base, Table II.2 - Targeted corporate income tax rates: small business and other targeted provisions, may 2014. Conseil Supérieur des Finances - section "fiscalité et parafiscalité", "Un tax shifting en faveur du travail, et des bases imposables plus larges. Scénarios pour une réforme fiscale globale et significative", août 2014, p. 133. 3

1.2. Caractéristiques du système belge L impôt belge sur les sociétés se caractérise par un taux élevé (33,9%) et est fondé sur d'étroites bases imposables. La stratégie fiscale adoptée vise une politique de niches comportant des mesures spécifiques telles que la déduction d impôt et la déduction pour le capital à risque. En appliquant cette stratégie de niches, le taux d'imposition effectif se rapproche un peu plus de la moyenne européenne. L introduction des mesures de niches a donné lieu à une baisse du taux d imposition effectif; on peut dire que celui-ci est relativement bas si on le compare dans un contexte international. En 2012, le taux d imposition effectif moyen des sociétés belges est de 26,5%. La moyenne UE-28 est toutefois moins élevée puisqu elle est de 21,1%. La Belgique se classe ainsi au sixième rang dans le classement des taux effectifs d imposition moyen les plus élevés de l Union européenne 11. Le Conseil Supérieur tient à faire remarquer que la plupart des mesures de niches s adressent surtout aux grandes entreprises et aux entreprises multinationales, ce qui a pour effet que la pression fiscale effective sur les PME est en réalité encore plus élevée. Le Conseil Supérieur des Finances attire notamment l attention sur le fait que la déduction effective d impôt provenant de la déduction pour le capital à risque est plus élevée pour les grandes entreprises que pour les petites entreprises, et ce malgré l avantage d un demi-point de réduction complémentaire pour ces dernières. Il ressort des données chiffrées que, sur la base des répartitions des déductions, les petites entreprises ne récupèrent que 448 millions d euros d'économie d'impôt tandis que les charges fiscales des grandes entreprises diminuent elles de 3.576 millions d euros 12. L impôt actuel sur les sociétés est donc perçu par les PME comme un impôt trop complexe qui fait usage d un taux nominal trop élevé et qui n est pas adapté au mode de vie de l entrepreneur d une PME. Le Conseil Supérieur estime qu une stratégie de taux réduits sur une large base imposable faisant un moins grand usage des mesures fiscales dites de niches serait plus efficace pour la plupart des PME dans la mesure où elle permettrait de conserver la neutralité fiscale et de réduire la discrimination fiscale envers les PME. Cette vision cadre avec les diverses recommandations d institutions internationales (semestre européen, OCDE, FMI) et avec celles de la littérature économique d'où il ressort un large consensus pour affirmer que, ceteris paribus, l élargissement de la base fiscale et l abaissement du taux d impôt rend le taux d imposition 13 plus efficace. Toutefois, le Conseil Supérieur souhaite attirer l attention sur le fait que, dans un contexte de forte concurrence fiscale entre les pays européens, la stratégie de niches offre certains avantages. La présence de grandes entreprises belges et étrangères contribue à renforcer notre tissu économique et crée ainsi un marché pour les PME. Pour cette raison, le Conseil Supérieur propose d introduire une fiscalité sur les sociétés qui tienne compte des PME et qui offre aussi une bonne résistance à la concurrence internationale. 11 European taxation trends in the European Union, edition 2014, p. 264. 12 Conseil Supérieur des Finances - section "fiscalité et parafiscalité", "Un tax shifting en faveur du travail, et des bases imposables plus larges. Scénarios pour une réforme fiscale globale et significative", août 2014, p. 166 et 169. 13 Ibid, p. 49 et rapport du 24 février 2014 fait au nom de la commission parlementaire mixte chargée de la réforme fiscale, doc Parl. Chambre et Sénat 2013-14, n 53K3343/001 et n 5-2272/1, p. 31 et 37. 4

1.3. Proposition de réforme Le Conseil Supérieur n est pas partisan de supprimer les mesures fiscales dites de niches qui s adressent plutôt aux grandes entreprises mais souhaite que l'on mette en place un système mieux adapté aux petites et grandes entreprises. Dans ce but, il propose un système dual comprenant un taux réduit pour les PME (sans mesures de niches) d une part, et d autre part, la conservation de l impôt existant sur les sociétés pour les grandes entreprises et les multinationales. Le Conseil Supérieur propose un système d option pour les PME. Dans ce cas, elles pourraient faire le choix entre d une part, un impôt simplifié sur les sociétés de 20% et, d autre part, l impôt existant sur les sociétés de 33% avec les mesures de niches. Les PME constituées sous forme de société pourraient, pour un certain nombre d années d imposition, cinq ans par exemple, faire ce choix entre le taux de 20% (sans mesure de niches) et le taux nominal de 33% en conservant les mesures de niches. Si l on veut faire usage de l impôt simplifié sur les sociétés, les PME perdront le bénéfice des mesures de niches suivantes : le tarif réduit progressif, la déduction majorée pour investissement, les mesures exemptées de soutien régional, l exemption pour le personnel supplémentaire des PME et la déduction pour le capital à risque. L impôt simplifié sur les sociétés serait réservé aux sociétés qui répondraient à la définition d une PME dans le code des sociétés 14. Ainsi la pression fiscale pourrait être fortement réduite et simplifiée pour les PME. Les PME constituées sous forme de sociétés qui préfèreraient conserver le système existant pourraient choisir cette option. Les grandes entreprises et les multinationales ne pourraient pas faire usage du taux simplifié et resteraient soumises à l impôt classique des sociétés. Le Conseil Supérieur demande en outre de limiter le rejet de certaines dépenses sous forme de dépenses non admises puisqu elles augmentent les coûts des sociétés. 2. Impôts sur les personnes physiques 2.1. Taux progressifs élevés Dans le cas de l impôt sur les personnes physiques, l intégralité du revenu est taxée selon les taux progressifs sur base des bénéfices ou profits. En comparaison avec le taux d imposition pour les sociétés (33,99%), le taux d imposition marginal de l impôt des personnes physiques est plus élevé compte tenu du fait que le revenu supplémentaire d entreprise est taxé au taux marginal maximal (min. 25% - max. 50%). Il ressort d'une simulation faite dans le rapport du Conseil Supérieur des Finances que l impôt applicable sur l'entreprise individuelle est plus intéressant en dessous de la limite de 20.000 euros de bénéfices. Passé cette limite, on peut conclure qu il y a un incitant significatif pour transformer une entreprise indépendante sous la forme d'une société 15. En outre, les cotisations de sécurité sociale sont calculées d une autre façon lorsqu il s agit d un indépendant individuel. Elles sont calculées sur base du total des revenus imposables de l'année tandis que les cotisations de sécurité sociale du chef d entreprise sont calculées sur le salaire qui lui est attribué. 14 15 Les petites sociétés sont les sociétés dotées de la personnalité juridique qui, pour le dernier exercice clôturé, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes : le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle est de 50; le chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée est de 7.300.000 euros; le total du bilan est de 3.650.000 euros sauf si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100. Conseil Supérieur des Finances - section "fiscalité et parafiscalité", "Un tax shifting en faveur du travail, et des bases imposables plus larges. Scénarios pour une réforme fiscale globale et significative", août 2014, p. 176. 5

Enfin, le Conseil Supérieur tient à faire remarquer que la forme sociétaire offre encore d autres avantages tels que la protection du patrimoine personnel, de plus larges possibilités de constitution d'une retraite (assurance groupe ou assurance individuelle de pension). Elle constitue aussi un meilleur moyen pour effectuer des optimisations fiscales (par exemple l optimisation concernant le salaire et le patrimoine privé comme le recours à certaines constructions d usufruit). Si l on compare l impôt individuel des indépendants dans les entreprises d une personne avec celui des entreprises sous forme sociétaire, on constate que le système actuel n est pas neutre et que les entreprises d une personne sont encore à plusieurs égards confrontées à plus de problèmes que les entreprises sous forme sociétaire. On peut donc dire de manière générale que le système actuel stimule le passage d une entreprise indépendante vers une société. 2.2. Proposition de réforme Le Conseil Supérieur estime qu il faudrait créer une commission de réforme de la fiscalité en vue d examiner le système fiscal qui est d application aux indépendants et lance un appel pour rendre ce système plus neutre et équitable. Il apparaît en effet que les entrepreneurs indépendants sont confrontés à de plus grandes difficultés que les entreprises sous forme sociétaire, et qu ils sont soumis à un statut fiscal et social moins favorable. Le Conseil Supérieur souhaite que lors des discussions futures portant sur la réforme fiscale, les propositions suivantes soient examinées en matière d impôt des personnes physiques applicables aux indépendants : - Les entreprises d une seule personne devraient pouvoir constituer une réserve séparée pour les investissements dans laquelle les bénéfices qui sont réinvestis dans l entreprise seraient imposés au taux de 25%, soit au taux le plus bas de l impôt des personnes physiques. Les bénéfices qui ne seraient pas réinvestis durant un délai déterminé, par exemple trois ans, seraient ensuite soumis à un impôt progressif. - Comme aux Pays-Bas, il faudrait introduire pour les indépendants une réserve de pension imposable au tarif de base de 25%. Cette réserve pourrait être entamée lors de la prise en pension de l indépendant sans autre impôt. - Les dépenses non admises expliquent dans une large mesure les taux effectifs élevés appliqués aux petites entreprises d'une personne. Le rejet de certaines dépenses sous forme de dépenses non admises doit donc être limité dans le calcul de l'impôt. 3. Une législation fiscale plus juste Le Conseil Supérieur estime que toute entreprise a droit à une législation fiscale juste. En introduisant et en appliquant certains principes dans la législation fiscale, on pourrait faire disparaître certaines causes qui sont à l'origine de la complexité de la législation fiscale, ainsi que de la méfiance qu'elle suscite auprès du public. Le Conseil Supérieur demande de tenir compte des cinq lignes de conduite suivantes. 3.1. Sécurité juridique Toute entreprise a droit à une législation stable et claire qui lui permette de planifier ses activités à long terme et qui lui assure une sécurité juridique à long terme (par exemple pas d'augmentation soudaine du bonus de liquidation, ). 6

Le Conseil Supérieur constate que les règles fiscales sont la plupart du temps introduites dans le cadre d une loi budgétaire, d une loi programme, d une loi portant diverses dispositions, etc Dans ces lois, toute une série de mesures, dont les mesures fiscales ayant un impact important, sont regroupées pour devenir effectives à court terme. Il demande que les nouvelles règles fiscales soient regroupées dans des lois globales concernant la fiscalité et qu elles ne soient plus soumises en toute hâte au Parlement avec un amalgame d autres mesures. Le Conseil Supérieur demande de respecter le principe général de la non rétroactivité. En effet, il ne peut être question d'appliquer de nouvelles mesures fiscales dans le cas où les conditions d imposition avaient déjà été fixées définitivement au moment où ces mesures entrent en vigueur. En outre, il demande de tenir compte du fait que les entreprises doivent disposer du temps nécessaire afin de se préparer aux conséquences de toutes nouvelles mesures. Il faut aussi éviter d introduire ces mesures juste avant la fin de l année précédant l année d imposition. 3.2. Création d une "Commission des Normes fiscales" Le Conseil Supérieur estime qu'il faut organiser une large consultation des parties prenantes avant d introduire de nouvelles mesures. A l instar de la "Commission des Normes comptables", une commission des normes fiscales ayant une composition paritaire pourrait être créée dans laquelle siègerait, outre des représentants de l'administration fiscale, des représentants du monde économique. Cette commission devrait être chargée d'une mission consultative dans le cadre de l'élaboration des lois fiscales et lors de l application de ces mêmes lois. Le Conseil Supérieur estime que la création d'une telle commission contribuera à mettre en place une législation fiscale de qualité permettant ainsi d éviter qu après la publication des mesures, il faille encore publier des lois réparatrices pour corriger les mesures fiscales initiales prises sans avoir été mûrement réfléchies. La Commission pourrait également examiner si le ratio legis de certaines mesures est devenu obsolète. On peut ainsi s'interroger sur la limite des 13% fixée en matière de dividendes 16 et sur le fait d accorder une rémunération de minimum 36.000 euros à au moins un des dirigeants d entreprise. En outre, cette Commission pourrait jouer un rôle consultatif lors de la rédaction de circulaires et ainsi donner à l administration une vision plus claire sur le plan des problèmes pratiques posés par la législation (par exemple les problèmes sur le plan des nouvelles règles de facturation en matière de TVA, les règlements anti-abus, les commissions secrètes,...). 3.3. Passage d un modèle conflictuel à un modèle de consensus Le Conseil Supérieur fait remarquer que les entreprises ont le sentiment que l administration fiscale effectue trop de contrôles et sanctionne trop en imposant de lourdes amendes. Au lieu d appliquer immédiatement des sanctions, le Conseil Supérieur demande que l administration joue un rôle d accompagnement et donne un avertissement avant d'appliquer de lourdes amendes dans le cas d infractions non frauduleuses. 16 Article 215, alinéa 3, 3 et 4 CIR92. 7

Une politique de contrôle fiscal trop axée sur la sanction (les amendes récemment rehaussées sur la TVA, ) est néfaste pour la bonne entente entre le fisc et les entreprises et concoure à l'émergence d'un modèle conflictuel. En particulier pour les entreprises débutantes, le Conseil Supérieur estime qu il est indiqué que l administration fasse un contrôle uniquement de manière corrective après l introduction de leur première déclaration. De plus, il faut accorder une attention particulière aux problèmes spécifiques des entreprises en difficultés. Selon le Conseil Supérieur, il faut donc quitter le modèle basé sur les sanctions et passer à un système de consensus où l amende reste une exception et non pas la règle. Sauf en cas de fraude, l inspecteur devrait avoir le pouvoir, à l instar de ce qui existe aux Pays-Bas 17, de réduire d office l imposition. Aux Pays-Bas, les contrôles fiscaux sont basés sur les principes d un modèle de concertation et non sur celui d un modèle conflictuel. Il faudrait prendre en considération l idée d établir une déontologie pour les fonctionnaires du fisc qui soit effectivement appliquée et suivie (en accordant de l attention aux principes de l indépendance et de la non partialité du fonctionnaire, de la possibilité de révoquer un fonctionnaire, de l obligation pour l administration fiscale de signaler au contribuable une erreur qu'elle aurait commise en sa défaveur, ). L introduction des principes suivants généralement acceptés pourraient contribuer à réaliser un modèle de consensus : la clause d'imprévision, la notion de Tax-Cification, le principe de confiance : - Le Conseil Supérieur souhaite qu à l instar de ce qui existe aux Pays-Bas, la "clause d imprévision" 18 soit introduite dans le droit fiscal belge. La clause d imprévision devrait offrir la possibilité à l administration fiscale de déroger à la loi fiscale lorsque l application de la loi a des conséquences extrêmement dures qui n étaient pas prévues au moment de sa rédaction. On peut par exemple penser à la circonstance dans laquelle les autorités publiques ont introduit un impôt manifestement illégal qui, en raison de la prescription du délai normal d appel, ne peut plus être contesté 19. - Les fonctionnaires et les contribuables devraient pouvoir échanger leurs vues sur un pied d'égalité plutôt que dans le cadre d'une structure verticale telle qu'elle existe actuellement. Un système fiscal dans lequel la législation est conçue sur base d une entente mutuelle et de la confiance réciproque est donc indispensable. Le Conseil Supérieur considère que l introduction de la Tax-Cification constitue une bonne avancée en la matière. - Le Conseil Supérieur souhaite que le principe de confiance soit introduit dans le droit fiscal belge. Il faut éviter que, dans la jurisprudence, l'on accorde plus d'importance à la légalité plutôt qu'à la confiance fiscale. Si une entreprise a conclu une convention avec le fisc, on ne peut la résilier mais le fisc doit au contraire la respecter. 17 18 19 Art. 66 de la loi générale concernant les impôts de l Etat. Art. 63 de la loi générale concernant les impôts de l Etat. Werkgroep fiscaal correct, Blauwdruk voor een meer rechtszekere (ondernemings) fiscaliteit, p. 10. 8

3.4. Uniformisation La législation fiscale doit être simple et claire et doit utiliser entre autres les mêmes définitions et seuils. Il faut créer un système uniforme sur le plan de la procédure qui soit applicable à la fois aux impôts sur les revenus, aux impôts indirects et aux impôts locaux sans mettre en cause la spécificité de chaque impôt. La diversité des règles de procédure (sur le plan des mesures de perception, des règles de prescription, des professions administratives, des compétences d enquête, ) prête à confusion et ne contribue pas à la simplicité, à plus de transparence ni au bon fonctionnement de l administration fiscale et à la collaboration des contribuables. Le Conseil Supérieur est partisan de l introduction d un seul code de procédure fiscale 20. Il demande également de tenir compte d un délai d appel suffisamment long pour le contribuable. Ce délai devrait au moins être aussi long que le délai prévu pour fixer une imposition supplémentaire. 3.5. Service des Décisions anticipées en matière fiscale Le Conseil Supérieur demande que le Service des Décisions anticipées en matière fiscale (SDA) soit étendu au niveau local et transformé en un organe composé paritairement dans lequel siègerait des représentants du monde des entreprises. Ainsi, la décision concernant ce qui est acceptable ou non dans la fiscalité belge ne serait plus une décision unilatérale de l administration fiscale mais serait le résultat d'une concertation paritaire avec les entreprises. La composition unilatérale au sein du service de médiation en matière fiscale doit également être modifiée en respectant la composition paritaire. Le Conseil Supérieur estime que l entente et la confiance entre le fisc et le contribuable n'en seront que renforcées. CONCLUSION Le Conseil Supérieur plaide en faveur d une réforme fiscale dans laquelle des mesures sont prises pour réduire la pression fiscale globale et pour réduire l impôt sur les sociétés et l impôt sur les personnes physiques. Dans son avis, le Conseil Supérieur présente sa proposition concernant une réforme de l impôt sur les sociétés. Il propose un système dans lequel les PME pourraient choisir entre, d'une part, un impôt simplifié sur les sociétés à un taux de 20% sans pouvoir faire usage de certaines mesures de niches (entre autres la déduction des intérêts notionnels, l'exonération pour l'engagement de personnel supplémentaires dans les PME, ) et, d'autre part, le maintien de l'impôt existant sur les sociétés en conservant les mesures de niches actuelles. Il énumère les problèmes auxquels les entrepreneurs indépendants sont confrontés dans le cadre du système fiscal actuel en matière d impôt sur les personnes physiques et formule des proposition concrètes pour le réformer. Dans son avis, il demande entre autres d'introduire une disposition qui permette aux entreprises d'une personne de constituer une réserve séparée pour investissement dans laquelle les bénéfices réinvestis dans l'entreprise seraient taxés au taux de 25%. Il propose également de créer une "réserve pour les vieux jours" imposable au taux de base de 25%. L'indépendant pourra ainsi puiser dans cette réserve immunisée d'impôts lorsqu'il voudra bénéficier de sa pension. 20 Ibid, p. 4. 9

Le Conseil Supérieur estime que lors de cette réforme, il faut également introduire un certain nombre de principes dans la législation fiscale en vue de réduire sa complexité ainsi que la méfiance des contribuables vis-à-vis de l administration fiscale. Les cinq principes les plus importants qui, selon le Conseil Supérieur, sont nécessaires pour arriver à une politique fiscale plus équilibrée sont développés dans l avis, à savoir l'application effective du principe de sécurité juridique, la création d'une "Commission des Normes fiscales", l'introduction d'un modèle de consensus, l'introduction d'un système uniforme sur le plan de la procédure fiscale et la réforme du Service des Décisions anticipées. Enfin, il demande de créer une commission de réforme de la fiscalité qui examinerait toutes les alternatives sur le plan fiscal pour réformer la structure de notre système. 10