Causes et conséquences des échecs de l extubation

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Réanimation 2001 ; 10 : 723-7 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S162406930100189X/FLA COMMUNICATIONS DES EXPERTS Causes et conséquences des échecs de l extubation A. Mercat* Service de réanimation médicale, centre hospitalier universitaire d Angers, 49033 Angers cedex 01, France insuffisance respiratoire aiguë / intubation intrachéale / sevrage / ventilation mécanique acute respiratory failure / endotracheal intubation / ventilator weaning / mechanical ventilation DÉFINITION L échec de l extubation peut être défini comme la nécessité précoce d une nouvelle intubation (ré-intubation) dans les suites d une extubation programmée. Cette définition exclue les ré-intubations faisant suite à une extubation accidentelle. De même, en sont exclus les échecs de décannulation trachéale (ablation d une sonde de trachéotomie). L adjectif précoce vise à exclure les ré-intubations liées à des évènements cliniques nouveaux sans lien direct avec la situation clinique au moment de l extubation. Dans la littérature, sont qualifiées de précoces, les ré-intubations intervenant dans les 24 à 72 h après l extubation [1]. Jusqu à récemment, la nécessité de ré-instituer une assistance ventilatoire dans les suites d une extubation était synonyme de ré-intubation. Ceci n est plus vrai depuis la démonstration que la ventilation non invasive pouvait, au moins dans certains cas, s avérer efficace dans cette circonstance [2, 3]. INCIDENCE L incidence des échecs de l extubation varie, en fonction des études, entre 5 et 20 % [4-24]. On ne connaît pas l incidence «optimale» des échecs de l extubation. Une incidence élevée suggère une surestimation par les cliniciens de la capacité des patients à respirer sans assistance ni sonde d intubation et expose un grand nombre de patients extubés trop précocément aux complications de l échec de l extubation (cf. infra). A contrario, une incidence très faible suggère une attitude trop timorée dont la conséquence obligée est une prolongation inutile de l intubation et de la VM et donc des risques qui leurs sont associés. FACTEURS DE RISQUE L incidence des échecs de l extubation est plus forte dans les unités de réanimation médicale ou polyvalente [9, 11, 16, 18, 22, 24] que dans les unités de réanimation chirurgicale [5, 10, 13] ou de réanimation postchirurgie cardiaque [23]. Ces différences attestent, à l évidence, de l influence du terrain et du motif de l intubation sur le risque d échec de l extubation. La gravité globale à l admission, appréciée par les scores usuels (IGS II ou APACHE II) ne semble pas influencer le risque d échec de l extubation [8, 16]. Le motif de l intubation semble constituer un déterminant majeur du risque d échec de l extubation mais les données rapportées apparaissent contradictoires. Vallverdu rapporte une incidence des échecs de l extubation de 36 % chez les patients placés sous VM pour une affection neurologique organique contre respectivement 9 % et 0 % pour les patients intubés pour insuffisance respiratoire aiguë (IRA) ou décompensation aiguë de BPCO [20]. La forte incidence des échecs de l extubation des patients atteints d affection neurologique centrale est confirmée par une étude réalisée en réanimation neurochirurgicale qui rapporte une incidence de 38 % sur un collectif de 100 patients [25]. Esteban a rapporté des résultats différents puisque, dans son étude, l incidence des échecs de l extubation était de 24 % chez les patients intubés pour décompensation *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : amercat@invivo.edu (A. Mercat).

724 A. Mercat aiguë de BPCO, 22 % chez les patients intubés pour coma et 17 % dans le groupe IRA [16]. La durée de VM préalable ne semble pas constituer un facteur de risque indépendant d échec de l extubation [16, 18]. Une étude a rapporté une association significative entre l utilisation préalable d une sédation intraveineuse continue et le risque de réintubation (15, 1 % contre 4,7 % pour les patients sans sédation ou ayant reçu une sédation discontinue) [26]. Cependant, en l absence d analyse multivariée, rien ne permet d exclure que cette association soit simplement liée à un facteur confondant. Esteban a comparé deux méthodes d évaluation de la tolérance de la VS : pièce en T et aide inspiratoire à 7 cmh 2 O. Le taux d échec de l extubation était respectivement de 18, 7 % avec l épreuve sur pièceentetde 18, 5 % avec l aide inspiratoire [16]. Ainsi, la méthode utilisée pour juger de l extubabilité ne semble pas influencer le risque d échec de l extubation. De même, la duréedel épreuve de VS ne semble pas influencer l incidence des échecs de l extubation. C est, du moins, ce que montre les résultats de l étude d Esteban qui a comparé l évolution de patients extubés après une épreuve de VS sur pièce en T de 30 ou de 120 minutes [24]. Les taux d échecs de l extubation (nécessité de réintubation dans les 48 h) était respectivement de 13, 5 et 13, 4 %. Il convient cependant de préciser que ces résultats ne portent que sur des patients ne présentant pas de difficulté de sevrage puisque ayant toléré leur première épreuve de VS. Chez les patients présentant des difficultés de sevrage, la modalité utilisée pour le sevrage (VS sur pièce en T, aide inspiratoire ou VACI) ne semble pas influer sur l incidence des échecs de l extubation [6, 9]. L application d un protocole d évaluation systématique de la sevrabilité visant à réduire la durée de ventilation n augmente pas le risque d échec de l extubation [14, 17]. L inverse est même suggéré par l étude d Ely qui rapporte un taux de réintubations précoces ( 48 h) de 3 % (5 sur 149) dans le groupe «intervention» contre 8 % (12 sur 151) dans le groupe contrôle (p =0, 08) [14]. CAUSES Le tableau I expose les causes d échec de l extubation rapportées dans sept études ayant analysé au moins 15 cas d échec de l extubation. Ces études rapportent des incidences très variables pour chacun des motifs de réintubation. Ces variations sont probablement liées aux faibles effectifs analysés, aux différences entre populations étudiées, mais également aux difficultés rencontrées dans l identification du ou des motifs précis ayant conduit à la ré-intubation. ENCOMBREMENT BRONCHIQUE L encombrement bronchique est une des causes fréquemment rapportées d échec de l extubation notamment chez les patients intubés pour une affection neurologique [20, 25, 27]. Il est attribué aux troubles de déglutition secondaires à l intubation, à l altération du réflexe de toux et à la dysfonction des muscles expiratoires. Les données concernant la prédiction de l encombrement bronchique postextubation sont très limitées. Le protocole d évaluation systématique de la sevrabilité appliqué par Ely comporte un critère spécifique décrit comme «toux adéquate lors des aspirations trachéales» [14]. Cependant, les données disponibles ne permettent pas d apprécier l intérêt de ce critère dans la prévention des échecs de l extubation secondaires à un encombrement bronchique. Les données rapportées par Vallverdu suggèrent que la mesure, avant l extuba Tableau I. Causes des échecs de l extubation. Références [7]* [10] [12] [15] [20] [21] [24]* Ré-intubations, n 18 46 17 16 23 74 61 Dyspnée laryngée, n (%) 3 (17) 9 (20) 3 (18) - 2 (9) 11 (15) 9 (15) Œdème pulmonaire, n (%) 6 (33) - 2 (12) - - 17 (23) 4 (7) Atélectasie, n (%) - - 5 (29) 1 (6) 4 (17) - 5 (8) Encombrement / inhalation, n (%) 4 (22) 22 (48) - 7 (44) 6 (26) 12 (16) 17 (28) Troubles de conscience, n (%) 1 - - - 3 (13) 7 (9) 11 (18) Hypoxémie, n (%) - 12 (26) - - 2 (9) - 20 (33) Autres causes, n (%) 7 (39) a 3 (30) b 7 (41) c 8 (50) d 6 (26) e 27 (36) f 38 (62) g * plusieurs causes possibles chez un même patient ; a «affection respiratoire initiale» (n = 6), pneumopathie ou embolie pulmonaire (n =1); b hypercapnie (n = 2), arrêt cardiaque (n =1); c «fatigue respiratoire»(n = 6), apnée(n =1); d pneumonie nosocomiale (n = 2), bronchospasme (n = 4), sepsis (n = 1), intervention chirurgicale (n =1); e angor (n = 1), bronchospasme (n = 1), inhalation de liquide gastrique (n = 1), sepsis (n = 1), infection bronchopulmonaire (n = 1), arrêt cardiaque (n =1); f «insuffisance respiratoire aiguë»(n = 21) ; g acidose respiratoire (n = 7), signes de détresse respiratoire (n = 23), cause inconnue (n = 3), arrêt cardiaque (n = 2), pneumonie (n = 1), granulome trachéal (n = 1), hémorragie digestive (n = 1).

Échecs de l extubation 725 tion, de la pression expiratoire maximale puissent contribuer à l évaluation du risque d encombrement postextubation des patients intubés pour une affection neurologique [20]. A contrario, le score d évaluation des «besoins en soins des voies aériennes» utilisé par Coplin ne semble pas pouvoir contribuer à l évaluation du risque de ré-intubation des patients neurochirurgicaux [27]. ŒDÈME PULMONAIRE La survenue d un œdème pulmonaire cardiogénique est une cause classique d échec du sevrage. Cet œdème est classiquement rapporté àla brutale modification des conditions de charge ventriculaire gauche et/ou à la survenue d une ischémie myocardique lors du passage de la ventilation en pression positive à la VS. La survenue d un œdème pulmonaire après l extubation, c est à dire après une épreuve de VS considérée comme bien tolérée, suggère soit que l épreuve de VS a été de trop courte durée pour que l œdème pulmonaire soit devenu suffisamment symptomatique soit que cet œdème ait été favorisé par l extubation elle-même. Cette dernière hypothèse est compatible avec les données disponibles concernant l évolution du travail respiratoire après extubation qui montrent que celui-ci soit reste inchangé soit augmente probablement du fait d un œdème des voies aériennes supérieures [28, 29]. Ainsi, l extubation pourrait, par le biais d une augmentation du travail respiratoire, favoriser la survenue d un œdème pulmonaire. DYSPNÉE LARYNGÉE Environ 5 % des patients extubés après intubation prolongée présentent une dyspnée laryngée, secondaire, dans l immense majorité des cas, à un œdème glottique [12, 30-32]. Parmi ces patients, le taux de ré-intubation varie en fonction des études de 25 à 50 % [12, 30-32]. Un test simple visant à prédire la survenue d une dyspnée laryngée postextubation a été proposé [12]. Ce test repose sur l hypothèse qu un œdème glottique, en réduisant la surface de section de la glotte autour de la sonde d intubation, doit diminuer les fuites expiratoires survenant autour de celle-ci après dégonflage du ballonnet. La fuite est calculée à partir de la différence des volumes courants expirés, mesurés par le respirateur, avant et après dégonflage du ballonnet en ventilation assistéecontrôlée. Miller et al. ont mesuré une fuite de 180 ± 157 ml chez six patients qui présenteront une dyspnée laryngée postextubation contre 360 ± 157 ml chez 94 patients qui n en présenteront pas [12]. Une valeur seuil de 110 ml donnait, dans cette étude, une sensibilité de 67 % et une spécificité de 99 %. Ces résultats ont été cependant remis en cause par une étude récente [33]. Trois essais randomisés, il est vrai de puissances assez faibles, n ont pas montré de bénéfice à la prescription systématique d une corticothérapie dans l heure précédant l extubation pour la prévention de la dyspnée laryngée et a fortiori de la ré-intubation [31, 32, 34]. CONSÉQUENCES L échec de l extubation est associé àune surmortalité très significative (tableau II), une prolongation de la durée de séjour en réanimation et à l hôpital et une augmentation du besoin de soins prolongés en centre de moyen ou long séjour [4, 16, 18, 20, 24]. Cette surmortalité ne semble pas liée à un facteur confondant puisque, l échec de l extubation reste, en analyse multivariée, un facteur de surmortalité indépendant de l âge, de la gravité globale appréciée par les scores IGS ou APACHE II, de la durée devmantérieure et du motif de la mise sous VM [16, 18]. Les complications immédiates de la ré-intubation ne semblent pas responsables de cette surmortalité. La prolongation de la durée de ventilation et des risques qui lui sont associés pourrait expliquer en grande partie cette surmortalité [1]. Ainsi, Torres a montré que la réintubation était associéàun risque accru de pneumonie nosocomiale (47 % contre 10 %) responsable d environ 50 % des décès [35]. Dans une étude portant sur 74 patients ré-intubés dans les 72 h suivant l extubation, Epstein a analysé l influence du motif de la ré-intubation et du délai entre extubation et ré-intubation sur la mortalité [21]. Dans cette étude, la mortalité des patients ré-intubés pour dyspnée laryngée ou encombrement bronchique était de 17 % (4 sur 23) contre 53 % (27 sur 51) pour les patients ré-intubés pour un autre motif (p < 0,01). De même, les patients ré-intubés plus de 12 h après l extubation avaient une mortalité significativement plus élevée (51 %, 25 sur 49) que ceux ré-intubés dans les douze premières h (24 %, 6 sur 25) (p < 0,05). Une analyse multivariée a permis de montrer que la Tableau II. Mortalité hospitalière en fonction du succès ou de l échec de l extubation. Références Mortalités(%) p Succèsde l extubation Échec de l extubation [16]* 2, 6 27 < 0, 001 [18] 12 43 < 0, 001 [20]* 5, 6 34, 8 < 0, 001 [24] 12, 5 41 < 0, 001 * mortalité en réanimation.

726 A. Mercat ré-intubation tardive (au-delà de douze heures) et/ou pour un motif autre que la dyspnée laryngée ou l encombrement bronchique constituaient des facteurs indépendants de surmortalité. Les données préliminaires d une étude récente suggèrent qu une stratégie conduisant à une ré-intubation plus précoce en cas d échec de l extubation puisse diminuer la mortalité de ces patients [36]. CONCLUSION En l absence de critère infaillible permettant de prédire la tolérance de l extubation, les échecs de l extubation constituent le risque obligé du sevrage de la ventilation mécanique. Ce risque paraît particulièrement élevé chez les patients placés sous VM pour une affection neurologique organique. Sa réduction passe probablement par une meilleure prédiction des risques d encombrement bronchique et à un moindre degrés de dyspnée laryngée et d œdème pulmonaire. Une décision de ré-intubation la plus précoce possible pourrait en diminuer la mortalité. RÉFÉRENCES 1 Epstein SK. 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