Physique des mouvements rapides chez les plantes



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Physique des mouvements rpides hez les plntes Yoël Forterre (1) (yoel.forterre@univ-mu.fr), Philippe Mrmottnt (2), Ctherine Quilliet (2) et Xvier Nolin (3) (1) Lortoire IUSTI, CNRS UMR 7343, Aix Mrseille Université, 13453 Mrseille (2) Lortoire Interdisiplinire de Physique, CNRS UMR 5588, Université de Grenole-Alpes (3) Lortoire de Physique de l Mtière Condensée, CNRS UMR 7336, Université Nie Sophi Antipolis Dépourvues de musles, ertines plntes mettent en œuvre des mouvements dont l fulgurne est omprle à elle des nimux. Nous montrons dns et rtile que euoup de es mouvements, néessités pr l reprodution ou l nutrition, ont l même se physique : une instilité ménique qui lière de l énergie élstique stokée. Deux grnds types d instilités méniques sont utilisés pr les plntes pour mplifier l vitesse de leur mouvement : les ruptures solides ou liquides (vittion) pour l propulsion des grines ou des spores de fougères, et les instilités de flmge élstique pour les pièges des plntes rnivores, telles que l Dionée ou l utriulire. Les plntes ougent, et ps seulement sous l effet du vent ou de l roissne. Certines ont mis u point u ours de leur évolution des ménismes de mouvements propres étonnmment rpides, ve des vitesses de pointe (~ 1 m/s) et surtout des élértions (milliers de g) supérieures à e qu on peut renontrer dns le monde niml. Ces mouvements rpides, de nture qusi explosive, sont générlement ssoiés à des fontions importntes omme l reprodution (propulsion de pollen hez ertines orhidées, mouvements explosifs de dispersion de grines), l défense ontre des prédteurs (repliement du Mimos Pudi) ou l nutrition (pièges des plntes rnivores). Ils fsinent les sientifiques depuis les oservtions de Linné et Drwin, et ontinuent à générer des questions sur l vitesse mximle de proessus physiologiques importnts omme le trnsport d eu et d ions à trvers les memrnes ellulires, l modifition des propriétés méniques de l proi ellulire ou les signux ssoiés à l méno-pereption (Forterre, 213). Dns et rtile, nous exposons l physique des ingénieux ménismes utilisés pr les plntes pour se mouvoir, sns l ide d uun musle. À l origine des mouvements : osmose et évportion Pour omprendre omment une plnte peut produire des mouvements, il est néessire de fire une rève plongée dns s struture intime. Une différene fondmentle entre les ellules nimles et végétles est que es dernières sont entourées d une proi rigide, onstituée priniplement de ellulose. Cette proi permet ux ellules végétles de soutenir une grnde pression d eu interne, ppelée pression de turgesene. Une pression de turgesene de l ordre de 4 à 8 rs est hituelle dns les ellules de plntes ien hydrtées, et peut même tteindre jusqu à 4 rs (4 fois l pression tmosphérique!) dns ertines ellules spéilisées. L rigidité des ellules végétles leur permet à l inverse, dns ertines situtions, de soutenir des pressions internes d eu négtives (e qui signifie que le fluide, u lieu de pousser, tire les prois vers l intérieur pr le iis de ses fores ohésives, voir endré 1). L exemple le plus onnu est l sève des rres, qui irule sous tension dns les visseux onduteurs ve une pression négtive pouvnt tteindre -1 rs. Physiquement, l origine de es vleurs extrêmes de pressions provient de phénomènes d osmose ou d évportion (voir endré 2). Ces flux d eu entre l plnte et l extérieur gonflent ou dégonflent les ellules de l plnte. Il en résulte une pression de turgesene, qui entrîne un mouvement ménique à l éhelle mrosopique. Certins de es mouvements orrespondent à une déformtion irréversile de l proi des ellules, omme les mouvements de roissne pr rpport à l grvité (fig. 1). D utres sont ssoiés à une déformtion réversile, omme le repliement des feuilles de l plnte sensitive Mimos Pudi induit pr osmose (fig. 1), ou l ouverture et l fermeture des éilles de pommes de pin sous l effet de hngement d humidité de l ir (fig. 1). 4 Artile disponile sur le site http://www.refletsdelphysique.fr ou http://dx.doi.org/1.151/refdp/21444

4Imges de l physique Mihl Rueš. Pièges de l utriulri ure. 4Pression négtive et vittion endré 1 Autnt l pression d un gz est forément positive, utnt elle d un liquide peut être négtive, à ondition que l on s érte de l étt d équilire thermodynmique. Considérons l éqution d étt d une mole de fluide dérit pr l éqution de Vn der Wls : P = [RT/(V-)]-(/V 2 ), où P est l pression, V le volume, R l onstnte des gz prfits et T l tempérture. Les prmètres et sont reliés ux intertions entre moléules et représentent un ért ux gz prfits. En trçnt les isothermes (fig. E1), on trouve que l pression peut devenir nettement négtive dns une ertine gmme de volumes. L onstrution de Mxwell permet de déterminer les pliers entre liquide et vpeur : l pression, toujours positive, y vut P vp (T) et orrespond à l étt d équilire (pointillés sur l figure). En prtnt du liquide, on peut ependnt diminuer l pression à des vleurs inférieures à P vp et même à, tnt qu uune ulle de vpeur n pprît. Les moléules du liquide s éloignent légèrement les unes des utres et, tels des ressorts, elles résistent en tirnt les prois du réipient u lieu de les pousser (fig. E1). C est l ohésion des moléules entre elles et ve les prois qui permet d exerer ette pression négtive, représentée pr le terme (/V 2 ). Les pressions négtives oservées dns de l eu peuvent tteindre plusieurs entines de fois l pression tmosphérique. Ces étts persistent tnt qu uun germe ou défut ne vient provoquer l nulétion d une ulle. Cel néessite de fournir de l énergie pour dépsser une rrière liée à l tension de surfe entre l vpeur et le liquide. L ompétition entre énergie de surfe et énergie de volume implique que seules les ulles ve des ryons supérieurs u nm peuvent roître. Une fois nuléée, une telle ulle de vittion roît violemment, ve un temps rtéristique de l ordre de l miroseonde, jusqu à e que l on retrouve l équilire thermodynmique entre liquide et vpeur (fig. E1). P Liquide Métstle P vp Vpeur V Liquide sous tension Liquide et vpeur en équilire Bulle E1. () Isotherme dns le digrmme P-V d un fl uide réel (leu) ; vert : zone métstle ; pointillés : équilire liquide-vpeur. () Un liquide peut soutenir des pressions négtives (tension), grâe ux fores d intertion ttrtives entre moléules (fl èhes rouges). () L pprition d une ulle relâhe es tensions. 4Osmose, évportion et pression de turgesene hez les plntes Les phénomènes d osmose et d évportion sont ruiux pour ien omprendre l origine des grndes gmmes de pression renontrées dns les ellules végétles. Comme toute ellule, l ellule végétle est entourée d une memrne perméle à l eu mis imperméle à ertins solutés présents dns l ellule (sels, sures). D un point de vue entropique, es solutés herhent à ouper le plus d espe possile ; ils ont don tendne à «pomper» l eu pure qui se trouve à l extérieur de l ellule, de l utre ôté de l memrne semi-perméle, jusqu à e que les potentiels himiques de l eu de prt et d utre de l memrne soient égux. À l équilire, il existe lors dns l ellule une surpression P = RT égle à l pression osmotique, où est l onentrtion en soluté dns l ellule. Pour une onentrtion de,2 mol. l -1, on trouve que l surpression dns l ellule (l pression de turgesene) est de 5 rs, une vleur typique des ellules végétles. Le phénomène opposé se produit lorsqu une ellule est en ontt ve l ir. Le potentiel himique de l eu dns l ir est en générl euoup plus s que dns l ellule, e qui signifie que l eu s évpore de l ellule. L équilire n est tteint que s il existe une dépression dns l ellule égle à : P = (RT/V w ) ln[h] <, où V w est le volume molire prtiel de l eu liquide, et h le tux d humidité reltive dns l ir. Pour une humidité reltive de 9 %, ette dépression d équilire vut -14 rs! L eu est lors sous une forte tension et dns un étt métstle, e qui peut donner lieu à de l vittion (voir endré 1). endré 2 5

Limite physique des mouvements purement hydruliques : le temps poroélstique Les mouvements des plntes, mlgré leur diversité, ont don tous le même point de déprt : un trnsport d eu piloté pr osmose ou pr évportion. Ce ménisme ommun impose une ontrinte physique forte : l vitesse d un mouvement sé uniquement sur un éhnge d eu est néessirement limitée pr le temps de trnsport de l eu à trvers le tissu. On peut montrer que le trnsport de l eu à trvers un tissu poreux et élstique omme le tissu végétl est un proessus diffusif, qui opère sur un temps τ p = L²/D, où L est l distne de trnsport et D un oeffiient de diffusion effetif qui tient ompte des propriétés élstiques et hydruliques du milieu. d e f g Temps du mouvement τ(s) 1 6 1 5 1 4 1 3 1 2 1 1 1 1-1 1-2 1-3 1-4 1-5 1-6 1-6 MOUVEMENTS HYDRAULIQUES roissne évportion osmose (g) vittion 1-5 Le temps τ p, ppelé temps poro élstique, fixe don l vitesse mximle des mouvements sés uniquement sur le trnsport d eu hez les plntes. Pour illustrer ette idée, nous vons tré sur l figure 1 l durée τ de plusieurs mouvements du règne végétl en fontion de l tille typique de leur tissu en mouvement. On onstte que l durée des mouvements ssoiés à l roissne (fig. 1) ou de eux liés à un hngement d humidité de l ir mint (fig. 1), se trouvent u-dessus de l frontière τ = τ p, e qui est omptile ve leur nture purement «hydrulique». C est églement le s du repliement des feuilles du Mimos Pudi (fig. 1). Bien que e mouvement soit euoup plus rpide que les préédents (de l ordre de l seonde), il reste omptile ve un trnsport d eu r il opère sur une distne euoup plus petite. () (d) flmge élstique (e) 1-4 () 1-3 () INSTABILITÉS MÉCANIQUES frture (f) Épisseur du tissu L(m) PHYSIQUEMENT IMPOSSIBLE 1. Clssifition physique des mouvements hez les plntes en fontion de leur durée τ et de l tille typique L sur lquelle opère le mouvement (d près Skotheim et Mhdevn, 25). L frontière τ = τ p (trit vert) donne le temps poroélstique (le mouvement hydrulique le plus rpide possile) en prennt un oeffi ient de diffusion moyen pour l eu dns les tissus végétux D ~ 1-8 m 2 s -1. L frontière τ = τ i (trit ornge) donne le temps inertiel (le mouvement élstique le plus rpide possile) en prennt une densité ρ = 1 kg m -3 et un module de Young E = 1 MP. () Mouvement de roissne en réponse à l grvité. () Mouvement hygrosopique des éilles de l pomme de pin. () Repliement des feuilles du Mimos Pudi pr osmose. (d) Plnte rnivore Dionée. (e) Plnte rnivore utriulire. (f) Propulsion de grines hez le onomre d âne (Ellium elterium). (g) Mouvement de tpulte des spores de fougère. 1-2 1-1 1 Comment ugmenter l vitesse des mouvements : instilités méniques Si les végétux s ppuyient uniquement sur le trnsport d eu pour ouger, ils ne pourrient ps produire des mouvements sur une éhelle de temps plus petite que elle donnée pr le temps poroélstique. Pourtnt, l figure 1 montre que de nomreuses plntes frnhissent lrgement ette limite hydrodynmique et rivlisent ve les plus rpides mouvements renontrés hez le vivnt. Comment font es hmpions du règne végétl pour tteindre de telles vitesses? Nous llons voir que leur strtégie ommune est d utiliser une instilité ménique, est-à-dire l liértion rpide d énergie élstique u-delà d un ertin seuil. Deux grnds types d instilités méniques sont utilisés pr les plntes pour produire des mouvements rpides : les instilités de flmge élstique pour les pièges des plntes rnivores telles que l Dionée ou l utriulire, et les ruptures solides ou liquides (vittion) pour l propulsion des grines ou des spores de fougères. Dns l suite de l rtile, nous disutons es deux grndes lsses de ménismes. Instilité de fl mge élstique : les plntes rnivores Dionée et utriulire L plnte rnivore Dionée (Dione musipul) qulifiée de «merveille de l nture» pr Drwin présente l un des mouvements rpides les plus onnus du règne végétl. Son piège est onstitué de deux loes tthés à leur se pour former une sorte de mâhoire (fig. 2). L fe interne de hque loe ontient des poils méno-sensiles. Lorsque es poils sont touhés pr l insete, un signl életrique est généré. Le piège se ferme lors en quelques dixièmes de seondes, e qui est trop rpide pour être expliqué uniquement pr un trnsport d eu (fig. 1). L étude de l géométrie et de l dynmique de fermeture du piège permis de montrer que l Dionée utilise une instilité élstique pour mplifier s vitesse de fermeture. Les loes du piège ont en effet une géométrie de oque mine, omés vers l extérieur dns l étt ouvert et omés vers l intérieur dns l étt fermé (fig. 2,). Lorsque le piège est délenhé, les loes essient de se ourer vers l intérieur en hngent 6

tivement leur ourure nturelle pr un ménisme osmotique ou de roissne rpide enore ml ompris. Cependnt, en rison de l forme de oque des loes, e hngement de ourure néessite le frnhissement d une rrière d énergie élstique r l déformtion d une oque mine est très oûteuse d un point de vue énergétique (voir endré 3). De l énergie élstique s umule don dns le système jusqu à e que l rrière élstique soit frnhie. Les loes «flment» lors rutlement vers l intérieur, refermnt le piège utour de s proie. Le même type d instilité été réemment dévoilé hez une utre plnte rnivore : l utriulire. Moins onnue que l Dionée, l utriulire (du genre Utriulri) est pourtnt présente dns les mris de l pluprt des ontinents. Ses pièges à suion sont d une sophistition remrqule. Chque piège est une petite outre élstique, qui se met lentement en dépression sous l tion de glndes qui pompent l eu vers l extérieur (fig. 2d). Il fut environ une heure pour «rmer» insi le piège. Le piège est muni d une porte flexile, initilement fermée, sur lquelle sont fixés des poils sensitifs. Le délenhement de l suion est rélisé en un temps reord d une milliseonde, grâe à un ménisme d instilité élstique similire à elui de l Dionée. En effet, tout omme les loes de l Dionée, l porte de l utriulire est une oque élstique. Initilement omée vers l extérieur, elle résiste à l différene de pression. Le touher d un poil sensitif diminue ette résistne, sns doute suite à l propgtion d un signl életrique : le flmge élstique de l porte se délenhe, e qui inverse omplètement l forme de l porte et l ouvre vers l intérieur (fig. 2e,f). L eu environnnte est rpidement spirée, ve une élértion de 6 g, enrihie de petits nimux qui ne peuvent nger ontre e ournt (fig. 2d). Instilité de vittion : l propulsion des spores de fougères Si des mouvements rpides peuvent servir à l nutrition (Dionée et utriulire), euoup sont utiles à l reprodution et ssurent l propulsion et l éjetion de grines (voir pr exemple le Conomre d âne, fig. 1f), de pollen ou de spores. Prmi eux-là, l un des plus élégnts est sns doute le tpultge des spores de fougères (fig. 3). Chez l pluprt des fou- d niml,5 mm 1 m t =,4 s 4Instilité de flmge d une oque mine élstique L instilité d une oque mine élstique est l rhétype d une instilité ménique provennt d une ontrinte purement géométrique. Cet ojet possède deux positions d énergie lole minimle : l oque ourée d un ôté ou de l utre (fig. E2). Pour psser de l une à l utre, il est néessire de frnhir une position intermédiire dns lquelle l oque est presque plne. Or, on sit depuis les trvux du mthémtiien F. Guss qu il est impossile de trnsformer une surfe sphérique en une surfe plne sns hnger son ire. Ce hngement d ire est très oûteux du point de vue de l énergie élstique et entrîne l existene d une rrière d énergie. Ainsi, lorsque l on essie de retourner une oque mine, elle-i préfère résister dns un premier temps, e qui se trduit générlement pr des modifitions d ire loles et peu pereptiles qui umulent de l énergie élstique, plutôt que de se ourer dns l utre sens. Cependnt, si l on ugmente l fore ppliquée, Rpide Lent il rrive un moment où l umultion d énergie permet de frnhir l rrière d énergie élstique. L oque «flme» lors rutlement de l étt Fore initil vers l étt finl de ourure opposée, relâhnt rpidement l énergie élstique. E2. Instilité de fl mge d une oque mine et llure du potentiel élstique ssoié.,1,1 ourure lole,2,4,6,8 1 du loe (mm -1 ) t (s ) e f P<,5 mm Courure du loe moyennée (mm -1 ) porte,4,2 -,2 -,4 simultion de l porte E élstique Rpide t =,2 s 2. Instilité de flmge élstique hez les plntes rnivores Dionée (-) et utriulire (d-f). () Piège de l Dionée dns l étt ouvert (guhe) et fermé (droite). () Forme 3D d un loe du piège durnt l fermeture, mesurée à l ide d un dispositif stéréosopique ( t : intervlle de temps entre deux imges suessives). () Courure moyenne du loe en fontion du temps ; le piège été délenhé à t =. (d) Piège de l utriulire et trjetoire d un petit rusté d eu doue spiré juste près l ouverture de l porte. (e) Imgerie en nppe lser de l porte du piège lors de l ouverture. (f) Simultion numérique du fl mge de l porte élstique. (Figures - d près Forterre et l., 25. Figures d-f d près Vinent et l., 211.) Lent endré 3 4Imges de l physique 7

1 μm Courure (μm -1 ) 2 μm Ouverture lente,15,1,5 -,5 Ouverture -,1-3 -2-1 1 1 1 1 2 1 3 1 4 1 5 1 6 Temps (s) gères, les spores sont réunies en ms sous les feuilles et se développent dns des psules sphériques, les spornges, possédnt une «rête» en forme d nneu onstituée d une douzine de ellules remplies d eu (fig. 3). Lorsque le spornge est exposé à l ir, l eu s évpore des ellules de l nneu et l pression dns les ellules devient négtive (voir endré 1). Cette pression négtive tire sur les prois des ellules et entrîne l ouverture de l nneu r les prois sont symétriques : fines du ôté de l interfe ve l ir et épisses du ôté de l interfe ve le spornge (fig. 3). Lorsque l tension dns l eu devient trop grnde (environ -9 rs), des ulles de vittion pprissent dns les ellules. Leur roissne rutle relxe l énergie élstique emmgsinée dns les prois et entrîne l fermeture rpide du spornge, et l éjetion des spores omme dns une tpulte. Ctpulte inertielle Bulles de vittion Fermeture Temps (μs) Relxtion poroélstique 3. Ctpulte pr vittion du spornge de fougère. () Ouverture et fermeture d un spornge ynt déjà envoyé ses spores. () Ménisme d éjetion en qutre étpes, orrespondnt ux qutre photos de l figure (sur l troisième photo, on ne voit que l position vnt le délenhement). () Courure moyenne du spornge en fontion du temps pour l ouverture lente (oure leue) et l fermeture rpide (oure rouge). En éhelle logrithmique, on perçoit mieux les osilltions inertielles puis l relxtion poroélstique (d près Nolin et l., 212). Le ménisme d éjetion est ompris dns les grndes lignes depuis plus d un sièle, mis de nomreuses questions restient en suspens jusqu à réemment. Un point en prtiulier intriguit. Pour être fontionnelles, les tpultes médiévles et romines utilisient une utée, qui permettit de stopper à mi-ourse le rs de l tpulte et, insi, d éjeter le projetile vnt qu il ne retourne u sol. En l sene d un tel dispositif, omment le spornge réussit-il à propulser effiement les spores? Des expérienes réentes utilisnt une mér rpide ont permis d éluider l question. L dynmique de fermeture du spornge est en fit non trivile et onstituée de deux phses (fig. 3). Dns l première phse, qui ne dure que quelques dizines de miroseondes près l vittion (il s git prolement du mouvement le plus rpide hez les végétux), le mouvement du spornge est inertiel, résultnt de l trnsformtion d énergie élstique en énergie inétique. Cette phse est si rpide que l eu piégée dns les prois poreuses de l nneu n ps le temps de se redistriuer. L pression d eu dns les pores ugmente lors rutlement, e qui loque trnsitoirement l nneu à mi-ourse et permet l éjetion des spores à plus de 1 m/s. Dns un deuxième temps, une fois les osilltions inertielles morties, l pression d eu relxe lentement et le spornge se referme omplètement en quelques entines de milliseondes. Ainsi, e système onstitué de quelques ellules et d eu est suffisnt pour remplir toutes les fontions d une tpulte, de l phse d rmement liée à l évportion de l eu u délenhement pr vittion et enfin à l utée permettnt l éjetion des projetiles, grâe u omportement poroélstique de l proi végétle. Conlusion En onlusion, les plntes présentent des strtégies remrqules, liées à des instilités méniques de flmge ou de vittion, pour tteindre des vitesses euoup plus rpides que elles générées pr leur moteur interne, qui est limité pr les flux d eu ve un temps de réponse poroélstique. Notons qu il existe tout de même une limite ultime à es strtégies, à svoir le temps inertiel de mise en mouvement des msses élérées : ette limite se trduit pr l existene d un temps inertielélstique τ i = L/, où L est l tille de l ojet et l vitesse des ondes élstiques, en deçà duquel les mouvements sont physiquement impossiles (fig. 1). Ces plntes ne sont ps que des uriosités de nostlgiques de l leçon de hoses. À l heure où le iomimétisme permet de forer ertines rrières tehnologiques, les mouvements sns musles onstituent une soure d inspirtion prometteuse pour l rélistion de systèmes rtifiiels en mirofluidique et rootique. Référenes Y. Forterre et l., Nture 433 (25) 421. J. M. Skotheim et L. Mhdevn, Siene 38 (25) 138. O. Vinent et l., Proeedings of the Royl Soiety B 278 (211) 299. X. Nolin et l., Siene 335 (212) 1322. Y. Forterre, Journl of Experimentl Botny 64 (213) 4745. 8