Accord sur l électricité Suisse-UE : le temps presse, pourtant les négociations s enlisent
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- Simone Marie-Noëlle Mélançon
- il y a 8 ans
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1 Case postale Sion Tél Bulletin septembre 2013 version longue Accord sur l électricité Suisse-UE : le temps presse, pourtant les négociations s enlisent L accord sur l électricité entre la Suisse et l Union européenne (UE) est extrêmement important pour notre pays, pour de multiples raisons. Or, nous en sommes à la septième année de négociation sans avoir encore abouti. L UE souhaite avoir parachevé son marché intérieur de l énergie à la fin Si la Suisse veut en faire partie, le temps presse. Outre quelques points de contenu, ce sont surtout les grandes questions institutionnelles qui retardent la conclusion de l accord. Depuis cette année, il semblerait que l on aborde enfin ces questions. Mais la résistance est déjà de mise. Le risque est de voir l accord sur l électricité encore repoussé, avec des conséquences négatives pour la Suisse. Déjà sept années de négociation 2 Pourquoi cet accord sur l électricité est-il important pour la Suisse? 3 Pourquoi un accord sur l électricité est-il important pour l UE? 5 De grands changements sur le marché suisse 6 Les obstacles à l accord sur l électricité (1) questions de contenu encore en suspens 7 Les obstacles à l accord sur l électricité (2) Les questions institutionnelles, une épée de Damoclès 9 Bilan 11
2 Déjà sept années de négociation Le déclencheur des négociations sur un accord sur l électricité avec l Union européenne (UE) fut la panne italienne de C est à la suite de cette panne du 28 septembre 2003, qui avait paralysé une grande partie de l Italie, que l UE avait abordé la Suisse avec le projet de mettre en place une meilleure coopération entre les marchés afin d empêcher qu un tel incident ne puisse se reproduire. On pensait que les négociations étaient nécessaires aussi au vu de la libéralisation du marché européen de l électricité et représenteraient un plus pour les deux parties. Des entretiens exploratoires furent menés en et ce n est qu en 2006 que les mandats de négociation furent octroyés par les deux parties. S ensuivirent dans la période entre 2007 et 2009 trois rondes de négociation au niveau du Conseil fédéral ainsi que plusieurs rencontres de groupes de travail. Les années 2010 et 2011 furent plutôt marquées par des débats techniques. En outre, à l automne 2010, en raison de développements du droit européen, le Conseil fédéral étendit le mandat de négociation de la Suisse, afin de poursuivre les négociations sur la base du troisième volet de mesures sur le marché intérieur de l énergie 1 et de prendre en compte la directive européenne sur l électricité d origine renouvelable (directive RES), pour pouvoir conclure enfin cet accord sur l électricité. A long terme, celui-ci devait être complété par l intégration d autres thèmes (efficacité énergétique, infrastructures énergétiques, mécanismes de crise dans le domaine du gaz). L accord sur l électricité représente par conséquent le premier chapitre d un accord sur l énergie. Ainsi, cela fait déjà sept (!) années que la Suisse négocie un nouvel accord sur l électricité avec l UE, afin de se voir octroyer l accès au marché intérieur européen de l électricité. Au début de l année 2011 comme en 2012, la Conseillère fédérale Doris Leuthard et le Commissaire européen à l énergie Günther Oettinger avaient annoncé la conclusion de l accord sur l électricité pour la fin de l année en cours. Les deux fois, l objectif ne fut pas atteint. En avril 2013, Mme Leuthard a indiqué qu un projet de contrat écrit devait être élaboré jusqu en juillet de cette année, sur la base duquel seraient ensuite débattues les questions en suspens au cours du second semestre. Une autre rencontre avec M. Oettinger avait également été annoncée pour le mois de juillet D après ce que l on sait, cette rencontre aura lieu en septembre 2013 et devrait être suivie d une quatrième grande ronde de négociation afin que l accord puisse être conclu d ici fin Le troisième volet de mesures sur le marché intérieur de l énergie prévoit les mesures suivantes : 1) la séparation des réseaux (c est-à-dire la séparation entre l exploitation du réseau pour l électricité et le gaz et les activités de production et de livraison de l énergie) ; 2) la protection du consommateur (notamment vis-à-vis de l obligation des Etats membres en ce qui concerne les mesures pour les consommateurs vulnérables, pour l imposition de méthodes de facturation transparentes et pour la mise à disposition d informations relatives aux contrats pour les consommateurs ainsi que pour la création d un guichet central et d un office de conciliation) ; et 3) le renforcement de l indépendance et l harmonisation des compétences des autorités de régulation nationales. 2
3 Pourquoi cet accord sur l électricité est-il important pour la Suisse? Le marché de l électricité de l UE évolue à grande vitesse. Bien que n étant pas membre de l UE, notre pays se situe en plein cœur de l Europe et ne peut donc pas vivre en totale autarcie. Cela s applique d autant plus au secteur de l électricité, dans lequel la Suisse possédait jusqu à présent une position clé qu elle pourrait toutefois également perdre très rapidement. Si les avantages d un accord sur l électricité avec l UE sont nombreux, les inconvénients sont eux aussi multiples et sérieux. > Le commerce de l électricité est très important pour la Suisse depuis des décennies. Cela se traduit dans les chiffres statistiques de la dernière décennie comme dans ceux de l année passée. Tandis que l année dernière, nous consommions 59 TWh d électricité, nous en avons importé dans la même période 86,8 TWh et en avons exporté 89 TWh. Ce solde de commerce extérieur positif de la Suisse s est monté en 2012 à 771 millions de francs, millions de francs. Les activités commerciales suisses n ont cessé de croître ce qui souligne l importance du commerce de l électricité pour la Suisse. En raison de ces gros volumes commerciaux, de bonnes conditions cadres pour notre pays sont impératives. La Suisse souhaite continuer, à l avenir, à pouvoir tirer profit du négoce et de la vente de son électricité. Sans accord notre pays pourrait subir des répercussions négatives, p. ex. sous forme de taxes sur le commerce transfrontalier du courant. D un point de vue économique, un tel accord est donc très important. En outre, la décision de principe du Conseil fédéral du 25 mai 2011 de sortir du nucléaire nécessite une nouvelle orientation de notre approvisionnement. Cette décision de principe entraînera indubitablement une densification des échanges d électricité avec l étranger, car cette sortie du nucléaire ne saura se faire sans importations. La sécurisation des importations futures doit donc être considérée comme un objectif majeur. > De même, le transport de l électricité par notre pays n est pas de moindre importance pour l économie nationale. Environ 10 à 20 pour cent (selon la source) de la totalité de l électricité européenne transite par la Suisse. Notre pays occupe ainsi traditionnellement une position de «plaque tournante de l électricité». Si la Suisse veut consolider cette position à l avenir, l accord sur l électricité est primordial car c est sur cette base uniquement que nous pourrons garantir le maintien de nos prestations de transport et être correctement rétribués pour celles-ci. > Au cours de ces dernières années, d importants investissements ont été réalisés dans l énergie hydraulique (notamment dans les centrales de pompage-accumulation). Si jusqu à récemment, ces installations étaient principalement utilisées pour mettre à disposition de l énergie de pointe (majoritairement autour de midi), elles jouent aujourd hui un rôle crucial dans le stockage des nouvelles énergies renouvelables qui arrivent d Europe de façon stochastique et en grande quantité. Ce changement de situation est notamment imputable au tournant amorcé dans la politique énergétique de l Allemagne, où depuis la catastrophe du réacteur de Fukushima, des milliards d euros de subventions ont été injectés dans l énergie solaire et éolienne. Avec ces nouveaux investissements dans l énergie hydraulique et dans les installations déjà existantes, la Suisse peut prendre une fonction importante de «batterie» de l Europe, en stockant l énergie «excédentaire» issue de la production renouvelable et en la réinjectant dans le réseau ultérieurement en fonction du besoin. Sans accord, l industrie hydraulique suisse risque ne plus être utilisée comme «batterie», ou seulement de façon limitée. 3
4 > Les décisions futures concernant le développement des réseaux de transport et la configuration des régulations du marché sont prises dans les instances européennes que sont ENTSO-E (instance de l UE des gestionnaires de réseau européens / en Suisse : Swissgrid) et ACER (instance de l UE des régulateurs nationaux de l énergie / en Suisse : commission de l électricité ElCom). Dans le cas de l aboutissement de l accord sur l électricité, la Suisse pourrait elle aussi siéger dans ces instances et ainsi participer à l élaboration et à l approbation des développements du marché intérieur européen de l électricité. > Un aspect très important pour les investisseurs locaux est l accès au marché européen de l électricité ou l accès libre mutuel au marché. Les entreprises suisses ont ainsi les mêmes chances sur le marché que leurs concurrents de l UE, peuvent consolider leur position dans l espace européen et ont accès à de nouveaux clients. Si l accord échoue, la Suisse risque d être traitée par l UE comme un Etat tiers sans accès au marché. Sans un accord, pour garantir la sécurité d approvisionnement, plusieurs centrales énergétiques supplémentaires seraient requises, le prix des importations d électricité pourrait fortement augmenter et les exportations seraient plus difficiles. Tout cela aurait des conséquences négatives sur nos prix de l électricité ainsi que sur notre sécurité d approvisionnement, c est pourquoi cet accord sur l électricité avec l UE semble essentiel. Un tel accord permettra à la Suisse d échanger librement de l électricité avec l étranger. Une intégration dans le réseau d approvisionnement d électricité européen permettra de garantir un approvisionnement fiable de la Suisse en électricité et un niveau de prix stable sans inconvénients de concurrence, et d assurer les débouchés pour nos capacités de stockage flexibles. > Pour relever les défis de l avenir, les investissements dans l infrastructure (réseaux et production) sont primordiaux. En cas d échec de l accord, des investissements importants pourraient être abandonnés pour des raisons d insécurité juridique. 4
5 Pourquoi un accord sur l électricité est-il important pour l UE? L UE souhaite d ici 2014 harmoniser toutes les principales règles relatives au marché de l électricité. Le principal objectif est de garantir la sécurité d approvisionnement et de proposer une énergie «abordable». Etant donné qu aux Etats-Unis, les prix de l énergie baissent massivement grâce au boom du gaz de schiste, l UE craint de se laisser distancer dans la concurrence internationale en raison de prix de l énergie croissants. La création d un marché intérieur libéralisé de l énergie doit permettre de conserver des prix «abordables» et concurrentiels pour les consommateurs et les entreprises. Pour atteindre cet objectif, l énergie doit pourvoir transiter et être commercialisée sans problème entre tous les Etats de l UE. Située en plein cœur de l Europe, ce n est qu avec la participation de la Suisse que l UE pourra créer un marché intérieur de l énergie réellement complet et régulé de façon uniforme. L accord sur l électricité prévu doit permettre d harmoniser les marchés de l électricité en Suisse et dans l UE et d accroître la sécurité d approvisionnement des deux parties. Cela requiert une harmonisation des standards de sécurité et d exploitation, afin d éviter autant que possible les surcharges dans le réseau et ainsi les incidents tels que la panne italienne mentionnée ci-avant. D autre part, une quantité suffisante d électricité doit toujours être disponible pour pouvoir couvrir la demande et garantir la stabilité des réseaux. Sur ce point, la Suisse présente également un intérêt pour l UE en raison des capacités de stockage de ses centrales hydrauliques et des voies de transport plus courtes qui traversent le pays. Les centrales de pompage-accumulation suisses sont très précieuses pour l UE. Avec ses capacités d accumulation et de production de courant flexibles et extrêmement peu polluantes, la Suisse peut rapidement mettre à disposition de l énergie de pointe (énergie d ajustement) et soutenir l UE dans ses objectifs majeurs et prioritaires (sécurité d approvisionnement, concurrence et durabilité). Ainsi, pour l UE également, un tel accord ne présenterait que des avantages. Toutefois, pour la Suisse les inconvénients liés à une absence d accord seraient très négatifs, voire catastrophiques, alors que pour l UE une absence d accord présenterait bien sûr quelques inconvénients, mais somme toute assez mineures à l échelle du continent. 5
6 De grands changements sur le marché suisse Le marché suisse de l électricité connaît en ce moment des bouleversements importants. La législation suisse s efforce par des mesures d ajustement de s adapter aux changements qui se profilent sans entraver une future intégration. Afin de comprendre les moteurs des changements en Suisse, il est intéressant de considérer tout d abord brièvement la situation du marché de l électricité dans l UE. L ouverture du marché UE : pas si simple Depuis le milieu de l année 2007 déjà, l UE a ouvert ses marchés nationaux, jusqu aux ménages privés. Les principales étapes du processus de libéralisation européen ont été le droit de passage, la régulation de l accès au réseau, la séparation des gestionnaires du réseau et des producteurs d électricité ainsi que le libre choix du fournisseur pour les consommateurs. Ce processus de libéralisation doit s achever avec le grand projet de création d un marché unique de l électricité en Europe, qui comprendra d ici 2014 environ 500 millions de consommateurs. L UE souhaite se tenir à cet objectif, bien que le projet, selon une estimation de la Commission européenne d octobre 2012, ne tienne pas parfaitement son cap. En effet, les directives de l UE ne sont parfois pas transcrites en directives nationales, ou seulement de façon très hésitante. Pour y remédier, la Commission de l UE souhaite désormais mettre en place des procédures d infraction. Concrètement, il reste toujours de nombreux consommateurs qui ne sont pas suffisamment informés ou ne sont pas en mesure d utiliser les possibilités d un marché libre. L application du «troisième volet de mesures sur le marché intérieur de l énergie», qui définit la structure du marché intérieur de l énergie, connaît des retards considérables en raison des initiatives nationales individuelles. En Suisse : Séparation fourniture et réseau Dans le cadre des mesures d adaptation suisses mentionnées, on peut citer l entrée en vigueur en avril 2008 de la Loi sur l approvisionnement en électricité (LApEI), qui a marqué le début de la mise en œuvre échelonnée de la libéralisation du marché suisse de l électricité. Cette loi ne concerne que la fourniture d électricité, pas le réseau. Toutefois, pour attribuer à tous les participants du marché un accès à cet unique réseau électrique, chaque consommateur final et producteur d électricité a droit à un accès au réseau sans discrimination et a également le droit d injecter de l électricité dans le réseau. Cette séparation a eu pour résultat la fondation de la société nationale d exploitation du réseau Swissgrid. Compétente pour le réseau suisse à haute tension elle garantit à tous les participants du marché un accès non discriminatoire. Swissgrid a également permis de satisfaire à une exigence centrale de l UE, l existence d une société nationale d exploitation du réseau de ce type. Au final, cette libéralisation du marché de l électricité, en pleine éclosion, peut être considérée comme le plus grand changement survenu en Suisse sur le marché de l électricité depuis ses débuts. Ouverture progressive La libéralisation du marché de l électricité est également une condition de base à la conclusion d un accord sur l électricité avec l UE. C est pourquoi le 1 er janvier 2009, une première étape vers la libéralisation a été franchie : les gros clients ayant une consommation annuelle supérieure à KWh/an peuvent depuis cette date choisir librement leur fournisseur. Cette nouvelle règlementation concerne 53 pour cent du marché suisse. Cinq ans plus tard (2014), dans le cadre d une deuxième étape vers la libéralisation, le libre choix du fournisseur devrait être élargi à tous les clients, c est-à-dire désormais également aux petites entreprises et aux ménages privés. Mais la libéralisation totale pourrait n intervenir qu à partir du 1 er janvier L ouverture totale du marché de l électricité est en effet très contestée en Suisse. Les syndicats et partis de gauche ont déjà annoncé leur intention de lancer 6
7 un référendum. C est pourquoi la possibilité, en variante, d une libéralisation en trois étapes plutôt qu en deux est envisagée. Du point de vue de la politique intérieure, cela pourrait représenter une voie intelligente et pragmatique, mais ce nouveau retard ne serait sûrement as du goût de l UE, d autant plus que l ouverture totale du marché est considérée à Bruxelles comme une condition sine qua non pour la conclusion d un accord sur l électricité. La porte-parole du Commissaire de l UE l a réaffirmé en des termes parfaitement clairs : «Nous avons besoin d une ouverture totale du marché suisse de l électricité afin de pouvoir conclure un accord sur l électricité. Il s agit d une condition de base. Nous l avons toujours affirmé, et notre position à ce sujet n a pas changé.» Les obstacles à l accord sur l électricité (1) questions de contenu encore en suspens En ce qui concerne les questions encore en suspens dans l accord sur l électricité, la Conseillère fédérale Doris Leuthard, à la suite de sa rencontre avec le Commissaire européen M. Oettinger en avril 2013, cite les prescriptions de l UE sur l électricité d origine renouvelable, les contrats de fourniture à long terme, les prescriptions de transparence de l UE dans le commerce de gros de l énergie et les aides d Etat. La libéralisation totale en Suisse reste également encore un sujet ouvert, car le programme de mise en œuvre n est pas encore clair. > Directive sur l électricité d origine renouvelable (directive RES) : l UE exige de la Suisse, pour la conclusion d un accord sur l électricité, non seulement une ouverture totale du marché suisse de l électricité mais également la reprise de la Directive pour la promotion des énergies renouvelables (directive RES). Si la Suisse accepte ces conditions, cela lui permettrait de se rallier au réseau et de se positionner à l échelle de l Europe entière, et de gagner ainsi de nouveaux domaines d activité. La directive impliquerait également la reconnaissance mutuelle des garanties d origine pour l électricité issue d énergies renouvelables. Néanmoins, avant que la valeur cible maximale, ses conséquences pour la Suisse ainsi que la répartition sur les différents secteurs ne soit définitivement déterminés, la retenue reste de mise sur le sujet, du point de vue suisse. L idéal serait que l UE accepte de faire une concession en fixant pour la Suisse une valeur cible de la part d énergies renouvelables sur la consommation d énergie totale d ici 2020 plus basse que celle de l UE. > Contrats à long terme : l accord doit également trouver une solution en ce qui concerne les contrats de fourniture d électricité à long terme qui existent entre les producteurs d électricité français et les entreprises suisses. Pour l approvisionnement en électricité de la Suisse, ces contrats d approvisionnement à long terme avec des centrales nucléaires françaises étaient essentiels. Les contrats à long terme doivent désormais être transposés dans la nouvelle règlementation de l UE, que ce soit au moyen de droits de transport financiers, de droits de transport physiques ou d une forme mixte (modèle hybride). Pour répondre à cette problématique, une solution semble aujourd hui se dessiner, comme l expliquait en avril 2013 la Conseillère fédérale Doris Leuthard, sans toutefois donner plus de détails. > Régulation des marchés du commerce de gros de l énergie (règlement REMIT) : l UE a promulgué fin 2011 le règlement sur la transparence et l intégrité des marchés européens du commerce de gros pour l électricité et le gaz. 7
8 Ce règlement interdit le délit d initié et la manipulation du marché et vise à garantir la transparence dans les transactions. C est pourquoi les fournisseurs d électricité ayant des activités commerciales doivent transmettre leurs données aux autorités européennes. A ce sujet, le Conseil fédéral a mandaté en juin 2013 le DETEC pour étudier d ici fin février 2014 la manière dont les règles de l UE doivent être reprises dans la législation suisse. > Un autre point non encore élucidé concerne la possibilité de règlementations exceptionnelles en ce qui concerne la concurrence dans la production d électricité. La Suisse ne veut pas que cela signifie une obligation de mise en concurrence pour les concessions de droit d eau. Une solution possible serait une règlementation exceptionnelle pour empêcher l accès d entreprises étrangères à l utilisation de la force hydraulique en Suisse. > Aides d Etat : Dans le contexte d une libre concurrence dans le marché intérieur, l UE interdit à ses membres de verser de telles aides d Etat, car celles-ci sont susceptibles de fausser la concurrence. Dans ce contexte, notre concurrence fiscale pose problème à l UE, qui y voit des aides d Etat. Pour l instant, rien de permet de dire comment cette problématique vis-à-vis de l UE peut être résolue. La Conférence des gouvernements cantonaux a proposé en septembre 2012 «d étudier cette question en profondeur une fois que l on aura déterminé quelle solution institutionnelle doit être appliquée pour la configuration des relations futures entre la Suisse et l UE». > Une autre différence existante concerne la protection du client ; dans l UE, celle-ci est définie de façon bien plus détaillée que jusqu à présent en Suisse. En principe, on peut cependant présupposer que pour toutes les questions encore suspens des solutions existent ; la thématique des aides d Etat ainsi que la problématique des questions institutionnelles représentent les plus grands défis. > Libéralisation totale du marché : la libéralisation du marché ne représente pas un gros obstacle. Même si la Suisse ouvrira complètement son marché au plus tôt en 2015, ce retard ne devrait pas poser de problème. L important est que l EU puisse reconnaître les progrès dans ce processus en direction d une libéralisation totale du marché suisse de l électricité. Si l ouverture totale du marché, par contre, devait échouer, la réaction de l UE est difficile à anticiper. 8
9 Les obstacles à l accord sur l électricité (2) Les questions institutionnelles, une épée de Damoclès L accord sur l électricité a longtemps été perçu comme l un des nombreux accords de secteur conclus entre la Suisse et l UE. Le secteur de l électricité a toujours plaidé une négociation indépendante des autres dossiers, afin que les intérêts des autres dossiers ne se règlent pas au détriment de l accord sur l électricité. Aujourd hui l UE ne souhaite plus conclure d accords sectoriels et insiste sur une résolution préalable des fameuses questions institutionnelles. Tandis que pour l UE, la voie bilatérale ne peut pas être davantage aménagée, la Suisse souhaiterait vivement poursuivre de cette manière. Mais selon les objectifs de l UE, les Etats tiers ne doivent pas être privilégiés par rapport aux membres de l UE. En d autres termes, l UE considère la résolution des questions institutionnelles comme une condition à la signature d un accord sur l électricité. Ces questions concernent fondamentalement la définition de la coopération future au sein des différents contrats. Concrètement, il convient de définir quelle institution dispose de l autorité à quel moment, et quelles sont les procédures qui doivent être appliquées. Invoquant l argument d une incertitude juridique persistante, l UE souhaiterait clarifier les quatre points suivants : a) Adaptation du droit : les procédures de reprise du nouveau droit doivent être définies de manière standard. L UE souhaiterait que la Suisse autorise une adaptation dynamique du droit de l UE (Acquis Communautaire). b) Surveillance : l UE exige une autorité indépendante qui surveillerait l application conforme de l accord. c) Interprétation : l UE exige une interprétation unique de l Acquis Communautaire en Suisse, analogue à l interprétation dans l UE. d) Processus d arbitrage : en cas de litige entre l UE et la Suisse, celui-ci doit pouvoir être résolu selon une procédure définie et par l instance convenue. Ce dernier aspect est particulièrement important, notamment en ce qui concerne la question de l instance juridique compétente à qui revient la décision en cas de litige. L UE souhaite que ce rôle incombe à la Cour européenne de justice, tandis que cette variante ne semblait pas envisageable pour la Suisse ces dernières années. Celle-ci proposait plutôt l EFTA ou une instance nationale indépendante. Dans ce contexte, le Conseiller fédéral Didier Burkhalter s était fixé pour objectif début 2012 d élaborer l accord sur l électricité comme projet pilote pour la résolution des questions institutionnelles. Celui-ci devait faire office de test. Si cela se révélait efficace, le cadre institutionnel de base pourrait alors être appliqué aux autres dossiers et contrats. L idée a fait long feu etle Conseil fédéral a transmis à l UE en juin 2012 de nouvelles propositions de résolution des questions institutionnelles. Dans les entretiens qui suivirent avec la Commission européenne, différentes options ont été débattues. En juin 2013, le Conseil fédéral a mandaté le DFAE d établir d ici août 2013 un projet pour un mandat de négociation. Afin que les négociations puissent effectivement débuter, un mandat comparable de l UE est également nécessaire, ce qui pourrait demander un peu de temps. L accord institutionnel prévu, s il est conclu, sera valable horizontalement, c est-à-dire pour tous les accords d accès au marché existants et futurs. L option aujourd hui sélectionnée se base sur l idée que les questions d interprétation du droit européen sont soumises à la cour européenne de justice. Des commissions mixtes doivent ensuite trouver une solution sur la base de cette 9
10 interprétation. Cette solution renvoie à différentes questions nouvelles, p. ex. ce qui se passerait si les commissions mixtes ne parvenaient à aucun accord. Dans tous les cas, une reprise automatique du droit européen par le Conseil fédéral reste exclue. Celui-ci souhaite plutôt aborder les questions institutionnelles avec une stratégie à moyen terme et en plusieurs étapes. Dans une première étape, il faudrait aborder les questions institutionnelles et rassembler les décisions s y rapportant. Dans une deuxième étape, ces décisions devraient être testées à l aide de cas concrets comme l accord sur l électricité. Le débat autour des questions institutionnelles est donc en plein mouvement. Pour finir, le parlement et la population devront également se prononcer sur les questions institutionnelles vis-à-vis de l UE. Et dans ce domaine, on s attend déjà à coup sûr à des débats houleux et interminables sur la reprise automatique du droit européen. Ainsi, l UDC a déjà annoncé qu elle se mobiliserait contre une éventuelle régulation avec des «juges étrangers». En outre, le système constitutionnel suisse (y c. le droit au référendum) ne peut pas être facilement contourné. Il est donc largement dans l intérêt de la Suisse de clarifier le plus rapidement possible ces aspects ouverts sur les questions institutionnelles. S il se posait en effet des problèmes de mise en application ou si l on prenait du retard dans l adaptation du droit européen, il est fort probable que la conséquence en serait un accès limité au marché européen de l électricité, une discrimination des acteurs suisses et un flou juridique. Dans toute cette affaire, il existe un conflit de base fondamental lourd de conséquences : d une part, le besoin de souveraineté nationale de la Suisse et d autre part, son besoin d accéder au marché intérieur européen. Pour l instant, on ne sait pas encore comment ces deux ambitions pourront être conciliées. Il semble seulement être dans la nature des choses qu il nous faille céder une partie de notre souveraineté pour pouvoir participer à une règlementation ou à une législation supérieure. Les années à venir nous diront à quel point notre souveraineté nous est chère, notamment en regard d éventuels dommages économiques. 10
11 Bilan La Suisse, tout comme l Union Européenne, a un intérêt majeur à conclure un accord commun sur l électricité. Les avantages sont évidents pour les deux parties. La Suisse obtiendrait un accès au marché européen de l électricité, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives intéressantes à la fois pour les fournisseurs d électricité et pour les consommateurs. L UE, pour sa part, pourrait intégrer le château d eau de l Europe dans son marché intérieur, ce qui constitue un avantage sérieux au regard des fortes variations de production des nouvelles énergies renouvelables. En ce qui concerne les inconvénients possibles dans le cas d un échec des négociations, la situation, à l inverse, s annonce très inégale. Pour l UE, une mise à l écart de la Suisse serait certes fâcheuse, car il faudrait renoncer à de précieuses capacités de stockage. Néanmoins, il serait nettement plus facile pour les Etats membres de se les procurer que d accepter des conditions spéciales pour un non-membre. La Confédération, pour sa part, serait toutefois confrontée à une situation entièrement nouvelle en cas d échec de l accord sur l électricité. Un approvisionnement en électricité qui ne dépendrait quasiment que de sa propre production serait inévitablement inflexible, incertain et plus coûteux que l intégration dans un système. En outre, sans accès au marché pour la Suisse, le commerce pourrait devenir compliqué et les importations éventuelles très chères. Au vu de ces risques économiques importants, la direction des négociations suisse se doit d estimer précisément combien de temps nous pouvons encore maintenir notre position de blocage dans les discussions autour des questions institutionnelles. Liens utiles sur le sujet :
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