Langues et Technologies : Perspectives académiques et professionnelles

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1 1 Cycle de conférences locales en langue française : UL/ AUF Département des Sciences du Langage et de la Communication Langues et Technologies : Perspectives académiques et professionnelles Communication Wafa Berry, professeure et directrice du département Apprendre les langues autrement dans la Société de la Connaissances et l'economie 1 Je commencerai par un constat définitif : Pour s ouvrir au monde et devenir citoyen international actif dans une mondialisation déterminée par la communication, il est impératif de cultiver le plurilinguisme. Heureusement les libanais ont toujours su l importance des langues dans le développement culturel, social et économique du pays. Notre système éducatif, notre société, notre administration, nos médias, le prouvent et d autres. Toutefois les langues au Liban, comme un peu partout dans le monde arabe ( nous prétendons connaître un peu le terrain en Jordanie, en Syrie et en Egypte) sont actuellement gouvernées par un paradoxe : Plus on en fait une problématique, moins on les maîtrise, plus on organise des formations de formateurs, plus les besoins en méthodologies augmentent, plus les maisons d édition s efforcent de déverser sur le marché des méthodes de langue et plus le manuel adéquat manque. Quelle est l origine, alors, de ce paradoxe? Je ne prétends pas dans cette communication répondre à cette question si vaste et dont la réponse touche à plusieurs domaines mais je chercherai dans une première partie à en élucider un 1 Inspiré du titre d un ouvrage de Richard Collin, Fondateur de Trivium. Pionner du Net et du Knowledge Management: Travailler, manager, apprendre autrement : les enjeux de la formation dans la société de la connaissance et l'économie 2.0 1

2 2 des aspects les plus importants à partir de l expérience libanaise pour ne pas trop généraliser. Dans une deuxième partie j essaierai de proposer une approche actuelle de l enseignement des langues celle qui a inspiré les orientations académiques et professionnelles du département des Sciences du Langage à l université libanaise. Une des raisons, donc, de ce rendement faible des entreprises linguistiques scolaires ou académiques libanaises réside dans la formation initiale des futurs maîtres. L enseignement qu ils dispensent demeure traditionnel même quand il se présente comme actuel et innovateur. Nous formons jusqu ici un didacticien consommateur plus ou moins passif de programmes, de méthodes, de manuels ou d exercices donnés. Au fil des jours, il se fige et devient prisonnier de ses propres pratiques et de l approche, à sens unique, dictée par le manuel. Du même coup, son cours devient uniforme manquant d adaptation, d authenticité ou même d animation. Cette formation non opérationnelle va façonner négativement l apprenant : ayant constitué avec son professeur une relation de dépendance cognitive à l image de cette dépendance de son enseignant vis-à-vis des pratiques traditionnelles, celui-ci apprend à lier la connaissance au maître beaucoup moins qu à ses propres efforts. Le maître, déjà limité dans son savoir et savoir-faire reste ainsi le médiateur entre l apprenant et ces deux compétences. Ajoutons à cet élément déterminant de la qualité de l apprentissage, le rythme imposé par l institution et par ses possibilités qui peuvent accentuer ou réduire les lacunes de l enseignement apprentissage des langues. Face à ce cercle vicieux, il fallait repenser l enseignement des langues autrement et transformer le statut plutôt passif de l apprenant et de l enseignant en un statut actif plus entreprenant, opérant ainsi une séparation à l amiable, bien raisonnée, très entre les deux partenaires de l éducation, conditions indispensables à la réussite de chacun. D ailleurs et de manière plus générale, la société de la connaissance et du développement du savoir commence à obéir à une transformation fondamentale. Dans une société marquée de plus en plus par le rapport entre économie et gestion de la connaissance (gérer un projet et acquérir des connaissances supplémentaires par soi-même), oú l homme est de plus en plus sollicité, oú le travail devient une obligation précoce, un même modèle d apprentissage ne convient plus. Le monde académique doit traduire et porter cette transformation, en l occurrence celle des modalités d usages et d approches de la langue (enseignement / apprentissage ou technicité) en tenant compte de la diversité des publics, des besoins et des contextes. 2

3 3 Le département des sciences du langage et de la communication de la faculté des Lettres á l université libanaise a cherché à tenir compte des contraintes modernes et de l impasse des langues citées plus haut. A l heure de la réforme des programmes dans le cadre du LMD, la commission chargée d élaborer les nouvelles maquettes des diplômes a opté pour l innovation, consciente du poids de la compétitivité qui pèse aujourd hui sur l avenir des jeunes et attentive à leurs véritables ambitions et surtout au changement de leurs perceptions à cause de l invasion la technologique. D ailleurs, depuis sa création, en 2001, notre département a mis la langue au carrefour des domaines modernes de la connaissance, à savoir : la linguistique comparée, l Informatique, les sciences cognitives et le management : Bref un pluridisciplinaire préparant l étudiant qui a opté pour les langues à un métier aux visages divers de la modernité. Je présenterai, dans une première partie, les diplômes dispensés par le département et qui concernent la langue et la technologie avec les compétences et perspectives professionnelles auxquels ils préparent l étudiant, puis, dans une deuxième partie j essaierai d expliquer pourquoi ce choix de la technologie pour les langues et je citerai quelques exemples d outils et d usages: Les diplômesen question sont donc les suivants : il s agit de la licence en Ingénierie linguistique comparée avec deux options : Option Traitement automatique de la langue et Option Ingénierie de l Apprentissage des Langues. Deux masters développent et approfondissent les contenus annoncés en licence : il s agit du master recherche en Linguistique Informatique appliquée et du master professionnel en Industrie de la Langue et e-formation qui introduit le volet e-learning Je limiterai ma communication aux spécialités rattachées à l enseignement des langues. Même si la langue française est le pivot de la licence et du master, les langues arabe, anglaise et italienne constituent de potentiels champs d applications des compétences vues en et pour le français. Les unités d enseignement vont dans les 4 axes suivants : - Le Perfectionnement linguistique et la formation en linguistique :Étude approfondie de la langue et études sur la langue) - l Ingénierie de la langue : Pris dans son sens stratégique (ensemble coordonné des activités permettant de maîtriser et de synthétiser les informations multiples nécessaires à la conception, l étude et la réalisation d une unité de formation linguistique) et technique (comment, par quels moyens?) 3

4 4 - Ingénierie didactique des langues :(basée sur le CECRL et sur l approche actionnelle) - Technologie et apprentissage de la langue :Familiarisation avec les technologies de l information et de la communication qui sont aujourd hui à la disposition des enseignants et apprenants de langues et logiciels de base les plus utilisés dans l élaboration d une séquence linguistique: (sites ou portails, dispositifs de visioconférence, i-pods, i-phone, courrier électronique, forum, "chats", blog, «loudblog», fichiers audio libres, MOOs et univers virtuels, plates-formes de "e-learning, logiciels ou systèmes-auteurs pour la création de matériaux pédagogiques pour Internet ou pour les laboratoires de langues, Pinnacle Studio ou Vidéo Spin pour la création de petits films, diaporama sonore, WIMS-plate-forme libre d enseignement et serveur d exercices, Quicktool,générateur d exercices spécialement conçu pour les langues, plate-forme du WEB PEDAGOGIQUE pour bâtir un cahier de textes électronique pour ses classes, ) - Industrie de la langue, (Volet qui recouvre l'ensemble des activités qui visent à faire manipuler, interpréter ou générer par des machines le langage naturel écrit ou parlé par les humains. Cet aspect de la formation fera de l étudiant «l interface» «techno-linguistique» avec l ingénieur proprement dit spécialisé dans la fabrication d outils linguistiques ou éducatifs.) Les programmes proposés devront particulièrement doter nos étudiants des compétences suivantes : * Connaître, maîtriser, concevoir et être à même de réaliser tous les outils relatifs à l utilisation de la langue (enseignement/apprentissage/dictionnairique/exerciseurs/didacticiels/ jeux linguistiques ) * Concevoir (cours designer) et fabriquer un cours de langue quelque soit le dispositif: (en ligne, hybride, présentiel, visioconférence,...) *Acquérir les connaissances de base sur les outils à la disposition des concepteurs et réalisateurs de ressources pédagogiques en ligne. *Acquérir les savoirs faire nécessaires à la conduite des étapes de conception d un module de formation comprenant des modalités «e-learning». *Connaître les fonctions tutorales. * Faire acquérir les compétences nécessaires à la commercialisation d un dispositif de formation 4

5 5 Ces compétences ouvrent devant nos étudiants des possibilités de travail et de recherche jusqu ici méconnues ou peu développées pour les étudiants en Sciences humaines. Un étudiant formé en ingénieur de l apprentissage des langues sera destiné à travailler comme responsable des enseignements ; Chef de projet FOAD ou Ingénieur linguistique FOAD, directeur des cours, coordonnateur dans les écoles de langues, les universités, les services de formation continue des entreprises, les mouvements associatifs, les Instituts et Centres culturels, les services communs de langues (en milieu universitaire). Également, grâce à ses compétences en linguistique informatique comparée, l étudiant pourra travailler dans toutes les Entreprises spécialisées en ingénierie linguistique. (Traduction, Services linguistiques, Révision unilingue et bilingue, Aide à la rédaction, Conseils linguistiques, Avis de langagiers spécialistes sur des questions de langue telles que la grammaire, le style, la ponctuation ou la terminologie, Correction d épreuves, Évaluation de la qualité Les connaissances en TICE, constituent le must et le plus de toutes ces taches. Un telle formation ne pourrait qu ouvrir définitivement l enseignement et l apprentissage des langues a des possibilités incontestables de motivation, d efficacité et d évolution. Pourquoi justement ce rapport de la langue et de la technologie? Tout d abord parcequ il est incontestable que la technologies favorise la mutation de la relation au savoir. Les différentes technologies constituent un nouveau paradigme qui nous pousse à repenser l éducation. Elles facilitent le passage de la logique de l enseignement à la logique de l apprentissage développée par la notion très en vogue du «learner for life ou l apprenant à vie»: D un apprentissage passif et contraignant, l étudiant va passr à un apprentissage délibéré, raisonné et autonome. Les technologies sont par ailleurs un outil particulièrement privilégié pour les langues, elles servirait le rapport si diversifié et utilitaire à celles-ci. Elles permettent le passage de l individuel au collectif donc à l organisation de la pérennité de l information Avec le Web 2.0 par exemple, la connaissance se gère et se partage. L apprentissage ou l enseignement devient autonome et collaboratif. Les capacités de stockage et de syndication des contenus et des interfaces permettant aux internautes d'interagir à la fois avec le contenu des pages mais aussi entre eux. L enseignant (didacticien des langues) ou l apprenant (auto/didacticien de la langue), solitaire, qui a arrêté de progresser faute de moyens ou d énergie, va se trouver, grâce aux technologies soutenu dans sa mission. Il profitera des contenus toujours fonctionnels, archivés, mis en ligne par d autres. (Pérennité = 5

6 6 Archivage = vie de contenus). Le contenu XML découpé en morceaux réutilisable facilite donc une Ré-éditorialisation des contenus, une re-scénarisation et republication. De plus les TICE permettent une plus grande variété dans les dispositifs d enseignement allant du plus simple au plus complexe, du partiel au total, créant ainsi une dynamique de motivation et d adaptation aux motivations existantes.: Introduites ponctuellement dans le cours de langue, les TICE sont un plus à une séquence restant "classique" dans son orientation, elles enrichissent l existant. Les TIC permettent aussi une diversification, une individualisation ponctuelle (séances en centre de ressources de temps en temps avec préparation et / ou reprise en groupe). Formation offrant du présentiel et un accès à un centre de ressources pour X heures. Formation hybride, mixte : du présentiel et une partie à distance (visioconférence, consultation de cours ou de documents en ligne...). Dispositif d autoformation guidée : une ingénierie différente, le point d entrée n est plus le présentiel ni le groupe ; importance du tutorat Autoformation guidée en centre de ressources institutionnel - non présentiel mais sur place, ou autoformation à distance). Formation (ouverte) à distance (à partir de "cours", d exercices ou de documents "classiques", ou travail coopératif ou collaboratif à distance, forums, écran partagé...). Ces dispositifs variés appellent évidemment une diversification des lieux et permettent une plus grande mobilité. Ces lieux varieront entre une salle de cours multimédia, un laboratoire de langues multimédia, un centre de ressources institutionnel (universitaire, centre de ressources d une école de langues...), des salles de libre service informatique, des lieux de documentation ou d information se donnant également une vocation de médiathèque, des centre de ressources : CDI, bibliothèques municipales ou universitaires... ou le domicile. Pour conclure, Il est vrai que l'automatisation des travaux linguistiques représente de nos jours un enjeu économique important mais l'enjeu purement linguistique ne l'est pas moins. Les industries de la langue doivent contribuer au développement de la diversité linguistique. La langue française devrait donc représenter un objet de recherche en soi mais aussi un objet de recherche didactique, dans le but de la facilitation de son apprentissage pour lui permettre d avoir toute sa place dans l harmonie multilinguiste de notre siècle. Par ses programmes, l Université libanaise vise à contribuer humblement à ces objectifs. 6

7 7 Notes bibliographiques : Richard COLLIN, Travailler, manager, apprendre autrement : les enjeux de la formation dans la société de la connaissance et l'économie 2.0, disponible sur Internet. Tardif, J. en collaboration avec A PRESSEAU (1998) : Intégrer les nouvelles technologies de l information. Quel cadre pédagogique? Issy-les-Moulineaux, Éditions sociales françaises. Barbot, M-J. «Ressources pour l apprentissage : excès et accès», in Études de linguistique appliquée, n. 112, Didier (1987). Barbot, M-J. «Stratégies des auto-apprenants et multimédias», in Les Cahiers de l ASDIFLE, n.9 CHALLE, Odile. (1992). «Fonctionnalités linguistiques des nouvelles technologies de l information et autoformation», in Les auto-apprentissages, le français dans le monde, «Recherches et applications». HOLEC, H.(1979), Autonomie et apprentissage des langues étrangères, Strasbourg, Conseil de l Europe/Hatier CATELLIN, S. «Inernet ou la renaissance du mythe du savoir partagé», in Les Cahiers de Médiologie, n.5, Apprentissages des Langues et technologies : usages en émergence. Numéro spécial de la revue «Le français dans le monde, janvier 2002, CLE international/ FIPF. PERAYA, D., 1998, Vers les campus virtuels. Principes et fondements techno-pragmatiques des dispositifs de formation virtuels, disponible sur Internet. 7