Déclaration Statutaire

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1 P-1195 Déclaration Statutaire Je, 196 Je déclare solennellement que, J ai vu comment des femmes étaient traitées par les services sociaux à Mashteuiatsh. Ça fait plusieurs années qu il y a un problème. Je me rappelle d une de mes nièces qui était harcelée par les services sociaux. Ses enfants ont été pris et ma nièce s est suicidée. Elle avait vécu la violence conjugale et elle disait : «La violence que j ai vécue ne m a pas vraiment touchée. Ce qui m a vraiment touchée, c est quand ils m ont pris mes enfants». Après, elle s est suicidée. J ai vu une autre de mes nièces qui vivait la même chose. Elle était vraiment découragée! Il y a beaucoup de femmes qui vivent de la misère au niveau des services sociaux. J ai pensé à ce qu on pourrait faire pour aider ces femmes et pour que ces abus des services sociaux puissent être déclarés au grand jour. En juin 2016, avant que je fasse un voyage à Mashteuiatsh, j ai demandé à ces femmes : «Qu est-ce qu on pourrait faire face à ce problème?» On a parlé ensemble et je suis allée les rencontrer. J ai demandé à mes nièces de me donner un coup de main pour rassembler les gens, afin qu ils puissent parler. Elles ont trouvé quelques femmes, pas beaucoup, parce que les femmes avaient peur. Les enfants de certaines de ces femmes avaient été placés et elles avaient peur qu ils soient placés pour longtemps si elles parlaient. J ai rencontré environ six femmes pour leur parler de mes intentions. Je leur ai dit que je ne pouvais par leur dire ce qui allait arriver car je ne voulais pas leur raconter des menteries, mais que j aimerais qu il y ait des dénonciations. Une des femmes était vraiment contente. Elle disait que ça faisait longtemps qu elle priait pour ça, pour que quelqu un vienne les aider et les écouter. Je leur ai dit ce que j avais comme documents d information, les recherches que j avais faites. Il y a des documents que j avais en ma possession que ces femmes auraient pu ou dû recevoir quand elles se faisaient prendre leurs enfants. Signature du déclarant Déclaré devant moi, À le - 1 -

2 Je leur ai demandé si elles avaient reçu ces documents, si on leur avait parlé des droits qu elles avaient. Elles m ont dit : «Non». Personne n avait reçu les documents d information, personne ne leur avait parlé de leurs droits. Je leur ai dit qu il y avait des documents, des livrets explicatifs. J ai distribué ceux que j avais à quelques femmes, je leur ai donné des pamphlets, pour que ça puisse les aider, un peu comme des outils. Je tiens à insister sur le fait que ces personnes n avaient jamais reçu de l information ou parlé de leurs droits avec les gens des services sociaux. Je suis restée chez une de mes nièces à Mashteuiatsh, pendant un mois. Cette jeune fille était harcelée par les services sociaux. Je dis services sociaux, mais c est aussi la DPJ. Pour illustrer ce harcèlement, je vais vous raconter les incidents suivants: Un jour en face de chez elle, on voyait une auto stationnée. J ai fait semblant de prendre une photo pour que la personne dans l auto, qui était l intervenante de la DPJ, voit le flash. Aussitôt qu elle m a vue, elle est partie. Il est également arrivé que les personnes des services sociaux viennent fouiller dans les poubelles pour voir s il y avait des bouteilles de bière. Ces femmes étaient vraiment harcelées et avaient de la misère à vivre, à cause de ces excès. Une femme m a raconté qu elle était allée voir son enfant dans la famille où il était placé. Quand elle est rentrée dans la maison, elle a constaté que ça prenait un coup, ça buvait. Ensuite, ils disent qu ils prennent nos enfants parce qu on est en consommation! Elle ne comprenait pas ce qui arrivait et ne cherchait pas d aide, n avait pas le réflexe d aller chercher de l aide. Ces femmes ne savent pas qu elles ont des droits! Quand je suis retournée à la maison chez nous à j ai rencontré une journaliste. Je lui ai parlé de ce que les gens de Mashteuiatsh vivaient au niveau de la DPJ. La journaliste m a dit que ce serait bon d aller sur place et qu il y ait du temps pour que les femmes puissent parler. J ai dit que j'essaierais de faire quelque chose pour ça. Je suis aussi allée voir un avocat et j ai parlé de la situation que vivent les femmes là-bas. Il a dit qu il pourrait leur donner un coup de main et qu il ne chargerait rien, parce qu il voulait les aider. Il m a dit qu il aimerait être présent la prochaine fois que j aurais une rencontre avec ces femmes. Je lui ai dit que oui, si je trouvais des femmes prêtes à parler. Mais les femmes ont peur de parler et que leurs enfants soient pris pour de bon. Pour les gens des services sociaux, c est facile de parler en mal de ces femmes on ne parle jamais en bien de ces femmes. C est comme pour ma nièce qui s est suicidée, c était une bonne mère. Elle aimait ses enfants, mais ses enfants ont été pris malgré cela. Une fois, j ai rencontré un directeur de la DPJ avec ma nièce, - 2 -

3 une autre nièce, pas celle qui s est suicidée. J ai dit au directeur que j aillais surveiller ma nièce, parce que je ne voulais pas que ça fasse comme avec mon autre nièce et que ça mène au suicide. Je lui ai dit que je voulais prendre soin d elle, que j allais poser des questions aux intervenants, que je regarderais aller les choses. J ai dit que ma nièce se faisait dire toutes sortes d affaires et que ces gens qui parlaient de ma nièce n avaient jamais passé vingt-quatre heures chez elle pour voir ce qu elle fait pour ses enfants. Des fois, les gens vont raconter des menteries pour abaisser les personnes. Une des femmes, dont l enfant a été pris par les services sociaux, avait plusieurs démarches à entreprendre pour ravoir ses enfants. Elle n a pas fait tout ce qu on lui avait demandé, mais elle a fait des choses pour s aider. Par exemple, elle a arrêté de consommer, elle a laissé son conjoint violent et elle a fait beaucoup de choses pour sa guérison, pour prendre soin d elle, afin de ravoir ses enfants. Malgré cela, elle n aura pas ses enfants, ils ont été placés jusqu à l âge de dix-huit ans. L enfant dont on parle passe devant la maison de sa mère et n a pas le droit de communiquer, de parler avec elle. La femme était enceinte, et à la naissance de son enfant il a été saisit. Un autre exemple d abus : Une intervenante des services sociaux a dit qu elle était comme le Créateur et que la femme (qu elle devait aider) n était rien. Le monde se fait abaisser. J ai demandé aux femmes si elles pouvaient écrire ce qu elles avaient vécu pour que je le montre à l avocat, afin qu on puisse savoir quelle direction on doit prendre, qu est-ce qui pourrait arriver. Je leur ai fait signer des documents pour me protéger, que ça ne puisse pas me toucher. J ai cinq ou six témoignages dans mes papiers qui démontrent bien comment il n y a pas d aide pour ces gens-là. Il y a présentement une de mes nièces qui a perdu ses enfants. Elle était vraiment découragée et hier elle a fait une tentative de suicide. Elle a pris des pilules. C est dur quand on fait seulement prendre les enfants et qu on ne donne pas d aide aux parents. Pourquoi ils n ont pas mis quelqu un pour aider cette femme, pour qu elle prenne soin des enfants et qu ils soient ensemble? Ça ne coûterait pas cher de faire ça. Aujourd hui, quand on place un enfant, c est à peu près deux mille dollars qui est remis aux personnes des familles d accueil. Il aurait été bon de prendre une personne ressource et de l envoyer à la maison pour qu elle puisse aider les personnes, pour prendre soin d elles. Ça n a pas adonné que je puisse retourner là-bas, parce qu il aurait fallu qu on voyage de à Mashteuiatsh et on n a pas d argent. De plus, les femmes se sont désistées, elles ont eu peur. D autres femmes voulaient embarquer, mais nous on ne pouvait pas y aller. C est ce qui est arrivé. Ce qui serait bien c est que les femmes, qui nous ont demandé de l aide ou qui ont communiqué avec nous, puissent être rencontrées par la Commission, afin qu elles puissent raconter leurs histoires. Ce serait bon que ces femmes reçoivent de l aide pour aller témoigner, parce qu elles vivent beaucoup de misère. /* - 3 -

4 Pour moi, ce que je peux donner comme recommandation, c est de regarder comment ça fonctionne cette fameuse DPJ. L Innu a une mentalité différente de celle du québécois. Par exemple, on ne mange pas pareil comme les blancs, alors quand ils nous disent de manger des fruits et des légumes et toutes ces choses-là, ça ne fait pas partie de notre culture et de nos goûts alimentaires. On sait aussi qu il y a du surpeuplement dans les maisons chez les Innus. Il faut qu ils comprennent ça aussi, car cela créé bien des problèmes. On a une mentalité différente, on vit autrement et on traite nos enfants autrement aussi. Nous sommes des Innus! Il faut que les gens des services sociaux puissent nous comprendre, ils ne peuvent pas simplement prendre nos enfants. C est ce que je voulais dire, avez-vous des questions? Q1. Est-ce qu il est possible de rejoindre les personnes dont vous avez recueilli les témoignages pour leur demander d entrer en contact avec la Commission? Je vais vous dire comment ça pourrait se passer : souvent les gens ont effectivement des craintes, peur de représailles, mais il est possible pour les gens de témoigner à huis clos, c est-à-dire que personne dans la salle n est présent sauf le commissaire, le procureur et une personne qui va accompagner pour soutenir les gens qui vont témoigner. Un témoin rapporteur peut également les représenter si elles ne veulent pas se présenter en personne. Par ailleurs, on pourrait offrir aux femmes de recueillir leur témoignage ensemble dans un groupe de partage, si elles le souhaitent. Les échanges pourraient se dérouler en langue innue. Est-ce que vous pensez que ça pourrait être faisable? R1. J ai gardé un site sur Facebook, un groupe fermé avec toutes les femmes qui avaient fait un témoignage. Je ne sais pas si elles sont encore là, si elles n ont pas quitté le groupe. Je vais écrire un message ce soir pour voir s il y a encore du monde dans le groupe. Si elles me répondent, je vais proposer ça. Q2. Nous allons protéger ces femmes, surtout si elles ont peur de représailles. Je voulais vérifier en quelle année a eu lieu le suicide par désespoir de votre nièce? R2. Il y a peut-être dix ans. Q3. Et la situation s est reproduite auprès d autres membres de la famille? R3. Il y a une femme, qui est maintenant âgée dans la cinquantaine, qui vivait cette situation de harcèlement psychologique quand son enfant était jeune. Elle se faisait harceler par la DPJ, et la fille de cette femme vit maintenant le même «pattern»

5 Q4. Quand on parle de la DPJ, est-ce qu on parle des intervenants qui sont dans la communauté, des intervenants Innus, des services sociaux de la communauté qui font ce type de harcèlement ou ce sont des intervenants qui sont à l extérieur de la communauté? R4. Je pense que ce sont des travailleurs sociaux à Mashteuiatsh, mais qui ne sont pas Innus. Q5. Ils étaient non-autochtones? R5. Oui ou ce sont des Autochtones inscrits qui ont la carte d autochtone, mais qui ne sont pas vraiment Autochtones. Q6. Dans quel sens? R6. Ce ne sont pas des gens qui ont la mentalité autochtone, ce sont des métis. Ils ont plus de blanc que d innu dans leur façon d agir. J ai déjà vu un enfant qui a été pris à sa mère qui voulait l emmener en forêt sur le territoire, une fin de semaine. Elle a fait part de son intention aux services sociaux. On est allé chez cette femme et, pas longtemps après, deux ou trois autos de polices sont arrivées avec la dame des services sociaux. Quand elle a vu ça, elle pleurait car elle savait que son enfant allait être pris. Le chauffeur de l auto où j étais a demandé ce qui se passait. J ai dit que je ne savais pas mais que j allais aller voir. Je suis entrée dans la maison et la personne des services sociaux a dit à la mère d aller préparer le linge de son enfant, parce qu ils l emmenaient. Elle lui a dit qu elle devait signer un papier. J ai dit à la femme de ne rien signer, et elle n a rien signé. La personne des services sociaux a dit : «Tu ne veux pas qu on emmène ton enfant?» J ai demandé à la personne des services sociaux si elle me permettrait d emmener son enfant. À ce moment-là, elle ne m a pas adressé la parole. J ai dit à la femme de ne rien signer et d appeler son avocat. La mère ne voulait rien faire de mal, elle ne voulait qu emmener sa fille en territoire, parce qu en territoire on se sent bien. Je suis sortie de la maison et j ai vu l enfant, elle devait avoir huit ans. La jeune enfant se faisait tenir par les bras par deux policiers. J ai crié aux policiers de laisser cette enfant, qu ils étaient en train de la traumatiser. Quand ils m ont entendue ils l ont laissée, j ai alors pris l enfant dans mes bras et je lui ai dit qu on ferait de notre mieux pour arranger quelque chose, que je ne lui promettais rien mais qu on allait essayer de faire quelque chose pour elle et je lui ai dit d aller avec eux. Ça m a vraiment surpris, l agissement des policiers. Q7. Est-ce que c était des policiers de la communauté? - 5 -

6 R7. Oui. J ai parlé au directeur de police qui est un Innu. Je lui ai demandé comment il pouvait permettre qu on prenne les enfants comme ça. Cette enfant-là va être emmenée chez les blancs, et c est une Innue. L enfant a été prise et amenée dans une famille de blancs. Pourtant, l oncle de cette enfant en avait demandé la garde. C est sa nièce et on lui a refusé la garde, malgré le fait que cette famille-là soit reconnue comme famille d accueil chez-nous, Cette fois-là, je m étais mise en colère. J avais de la peine pour ces enfants-là, le traitement qu on leur fait subir. Ils sont séparés et des familles sont brisées. Quelque chose, à ce moment-là, se fait briser et ça va être dur de refaire cette famille comme elle était, parce que plusieurs années de leur vie où ils étaient supposés être ensemble sont perdues. Je vais parler du sort de certains des enfants qui ont été placés. Une jeune fille était enceinte et elle s est fait avorter. Personne n en a jamais entendu parler, même les parents ne l ont jamais su, on ne leur en a jamais fait part. La fille ne savait pas qui était le père de l enfant. Beaucoup d enfants ont été maltraités en famille d accueil, beaucoup! C est pour ça que j espérais que quelque chose se passe, pour que ça arrête. Il aurait fallu aider ces parents-là, mais dans le bon sens du mot. C est ce que j avais à vous dire. Propos recueillis par Denise Caron, agente aux enquêtes, et traduits par M. de madame, conjoint le 16 mai