Discours de M. Francesco Bandarin, Sous-Directeur général pour la culture. à l occasion du colloque «Le Nôtre à Chantilly» Chantilly, 27 juin 2013

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Liliane Raymond
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1 Discours de M. Francesco Bandarin, Sous-Directeur général pour la culture à l occasion du colloque «Le Nôtre à Chantilly» Chantilly, 27 juin 2013 Monsieur Gabriel de Broglie, Chancelier de l Institut de France, Votre Altesse l Aga Khan, Président de la Fondation du Domaine de Chantilly, Tout d abord, permettez-moi de Vous transmettre, ainsi qu à tous les participants ici présents, les meilleures salutations de notre Directrice Générale, Mme Irina Bokova, et de Vous féliciter pour cette excellente initiative qui s inscrit dans le cadre des célébrations de ce génie que fut André Le Nôtre. Je tiens également à Vous remercier chaleureusement pour le soutien continu que Vous apportez aux projets relatifs à la protection du patrimoine culturel, dont la meilleure illustration est l endroit même où se déroule aujourd hui cette rencontre, à savoir cette remarquable Maison de Sylvie. Votre Altesse est un grand ami du patrimoine et de la culture, comme en témoignent non seulement la longue histoire d engagement et de réalisations du Trust Aga Khan pour la culture, mais aussi les actions récentes que Vous avez soutenues pour la protection des sites du Mali, pour les sites menacés en Syrie et dans d autres pays en conflit. Je voudrais aussi Vous remercier pour Votre participation à la Conférence ADG/CLT/2013/14 - Original: French

2 Internationale «La Culture : Clé du Développement Durable» que l UNESCO a organisée à Hangzhou en Chine au mois de mai dernier. On célèbre aujourd hui un génie français mais aussi un art exceptionnel, celui du jardin à la française, qui a exercé une grande influence pendant des siècles, bien au-delà des frontières de la France et de son propre domaine artistique, sur la forme des jardins en Occident et même sur la forme des villes. L UNESCO participe avec un intérêt tout particulier à cette initiative, car les jardins historiques - qui pour nous se définissent comme une forme de paysage culturel - jouent un rôle très important dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial. L UNESCO a soutenu la nécessité de protéger les paysages culturels depuis pratiquement sa création. Je voudrais rappeler ici la «Recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites» de 1962, la première Recommandation dans le domaine du patrimoine établie par l UNESCO. Mais c est avec la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel que la communauté internationale s est dotée d un outil efficace pour la protection du patrimoine dans le monde entier. Depuis 1972, la Convention du patrimoine mondial identifie, classe et protège un nombre croissant de sites : ils sont aujourd hui 981, avec les 19 dernières inscriptions qui ont eu lieu au mois de juin 2013, lors de la 37 ème Session du Comité du patrimoine mondial au Cambodge. Les jardins historiques occupent une place importante dans la Liste du patrimoine mondial, et sont représentés dans toutes les régions du monde, que ce soit en Europe (on en trouve dans tous les pays européens, de l Espagne à la Russie), en Amérique latine (les Paysages cariocas entre la montagne et la mer de Rio de Janeiro ont été inscrits récemment), en Asie (comme par exemple le Paysage culturel du lac de ADG/CLT/2013/14 - Page 2

3 l Ouest de Hangzhou), et dans le monde arabe (les Jardins d Essais dessinés par Forestier à Rabat). Toutefois, il est à noter que, pendant ses premières années d activité, le Comité du patrimoine mondial a inscrit les jardins historiques essentiellement comme partie intégrante d ensembles monumentaux, comme à Versailles, à l Alhambra, au Taj Mahal ou au Palais d été de Pékin. Il y a eu des exceptions à cette règle, telle que, par exemple, l inscription en 1997 du Jardin Botanique de Padoue en Italie, le premier jardin botanique du monde, créé en 1545, qui a conservé son plan d'origine un jardin clos circulaire, symbole du monde, entouré d'un ruban d'eau. C est en 1992 qu une nouvelle catégorie du patrimoine culturel : les «Paysages culturels», a été introduite dans le cadre de la Convention. Cela a permis d identifier et d inscrire de nombreux exemples de jardins historiques, dans toutes les parties du monde, assurant une bonne représentation des différents modèles que l histoire nous a légués. Comme indiqué dans les Orientations pour la mise en œuvre de la Convention, les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les «œuvres conjuguées de l homme et de la nature» mentionnées à l article 1 de la Convention. Ils illustrent l évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l influence des contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives, externes aussi bien qu internes. Les paysages culturels se divisent en trois catégories majeures : ADG/CLT/2013/14 - Page 3

4 le paysage clairement défini, conçu et créé intentionnellement par l'homme, ce qui comprend les paysages de jardins et de parcs créés pour des raisons esthétiques qui sont souvent (mais pas toujours) associés à des constructions ou des ensembles religieux. le paysage évolutif. Il résulte d'une exigence à l'origine sociale, économique, administrative et/ou religieuse et a atteint sa forme actuelle par association et en réponse à son environnement naturel. le paysage culturel associatif. Ces paysages reflètent la force d'association des phénomènes religieux, artistiques ou culturels à l'élément naturel plutôt que des traces culturelles matérielles, qui peuvent être insignifiantes ou même inexistantes. La catégorie des paysages culturels a connu un grand succès depuis son institution : aujourd hui il y a plus de 80 paysages culturels dans la Liste du patrimoine mondial. Elle comble en effet un vide dans le processus d identification du patrimoine, qui ne peut se limiter au seul patrimoine bâti et monumental. Et c est dans cette catégorie (aussi bien que dans celle des monuments historiques) que l on retrouve de plus en plus de jardins historiques. Aujourd hui, on peut compter une vingtaine de jardins historiques en Europe, y compris les deux qui viennent d être inscrits par le Comité du patrimoine mondial en juin dernier : le Bergpark Wilhelmshöhe, créé à partir de 1689 par le landgrave Charles de Hesse-Cassel à Kassel en Allemagne, et les Villas et Jardins des Médicis en Toscane qui comprennent le Giardino di Boboli à Florence en Italie, l un des exemples de jardin de la Renaissance les plus connus. Le jardin baroque occupe dans cette liste une place importante : il comprend, pour n en citer que quelques-uns, le Palais et le jardin de Peterhof créés par Pierre le Grand à St Petersburg en Russie, les jardins à l anglaise de Dessau-Wörlitz et le Parc du Palais de Sans Souci à Berlin et la Résidence et les jardins de la Cour de Wurzburg en Allemagne, le Parc du Palais de Aranjuez en Espagne, la Reggia de Caserta et les jardin ADG/CLT/2013/14 - Page 4

5 des Palais Royaux de Turin, dont le fameux Parc de la Venaria Reale, en Italie, le Château et les jardins de Schönbrunn à Vienne en Autriche et les jardins du Domaine Royal de Drottningholm à Stockhom en Suède. Le jardin à la française prédomine dans cette liste, même si elle contient plusieurs exemples de jardins romantiques à l anglaise (comme par exemple le Palais de Blenheim au Royaume-Uni ou le Muskauer Park en Allemagne et Pologne). Même si seul le Parc de Versailles fait aujourd hui parti de la Liste du patrimoine mondial, il est évident que c est l ensemble de l œuvre de Le Nôtre qui a exercé une influence importante en et hors d Europe pendant tout le XVIIIe et le XIXe siècle, jusqu à nos jours. Je suis heureux de voir aujourd hui ici réunis un grand nombre de spécialistes qui nous aideront à comprendre l œuvre de Le Nôtre, son travail à Chantilly, mais aussi dans de nombreux autres sites. Pour conclure, je souhaiterais à nouveau remercier la Fondation du Domaine de Chantilly et Son Altesse l Aga Khan pour l immense travail en cours et pour la grande qualité de la restauration de ce site. Il s agit d un modèle d intervention qui va très certainement inspirer d autres sites et servir de lieu d échange et de réflexion pour les spécialistes et les étudiants de ce sujet aussi passionnant que complexe. ADG/CLT/2013/14 - Page 5

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