SYNTHESE Santé mentale dans la communauté et citoyenneté
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- Jean-Paul Delisle
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1 SYNTHESE Santé mentale dans la communauté et citoyenneté Président de séance : Professeur Gabriel Ivbijaro, président de la fédération mondiale en santé mentale (WFMH).Alberto Minoletti, Professeur à l'unité santé mentale de l École de santé publique, Faculté de médecine, Université du Chili : la réforme de la santé mentale au Chili.Bernard Jacob, chef de projet et coordinateur fédéral de la réforme des soins en santé mentale : la réforme en Belgique.Roberto Mezzina, directeur du CCOMS de Trieste, Italie : créer des services de santé mentale sans exclusion, avec les portes ouvertes et sans contention.christine Bronnec, adjointe à la sous-direction de la régulation de l'offre de soins, Direction générale de l offre de soins, France : service territorial de santé mentale en France L EXEMPLE CHILIEN : LA REFORME DE SANTE MENTALE AU CHILI Prof. Alberto Minoletti, Unité Santé Mentale de l Ecole de Santé Publique, Faculté de Médecine, Université du Chili Avant 1990, le système de soins en santé mentale suivait un modèle institutionnel, centré autour de quatre principaux hôpitaux psychiatriques situés au centre du pays. Cette centralisation avait pour conséquence un accès aux soins très difficile pour une grande partie de la population, une surpopulation hospitalière, de la négligence et des abus dans ces grandes institutions. Le 1 er plan national de santé mentale a été initié en 1991 sur la base d expériences innovantes locales, à petite échelle. Il était alors important de pouvoir tester le fonctionnement de nouveautés proposées, et former les managers en charge de développer et coordonner les services de santé mentale dans chaque district. Ce plan a permis l émergence de nouveaux services (Centres Communautaires de Santé Mentale, Hôpitaux de jour et Sheltered homes) et programmes (Santé mentale
2 intégrée dans le soin primaire, psychiatrie en hôpitaux généraux, réhabilitation psychosociale). Le second plan national de santé mentale, plus ambitieux, a débuté en Ses valeurs fondatrices étaient : - L approche communautaire : Promouvoir les capacités des individus et des groupes - Participation actives des usagers et des familles - Vision globale de l individu : biologique, psychologique et sociale - Accessibilité et qualité du soin - Actions globales : promotion, prévention, traitement et réhabilitation Ce second plan a été implémenté au niveau national, avec la création d un réseau de services en santé mentale dans chaque district permettant le développement et la diffusion des lignes directrices cliniques. Le travail inter-secteurs a été promu ainsi que le développement des groupes d usagers et de familles. Cette ambition nationale avait également comme but de pouvoir réduire les écarts d accès aux soins au sein du pays. Le modèle de réseau de santé mental est centré sur des centres de soins primaires et des centres communautaires de santé mentale. Ces deux entités occupent un territoire sectorisé. Les centres communautaires fournissement la majorité des soins destinés aux personnes souffrant de maladie mentale, soutenus par un nombre important de partenaires (Hôpitaux psychiatriques, hôpitaux de jour, unités de séjours de moyenne durée, réseau judiciaire, services d urgences, réseaux des drogues et de l alcool, ainsi que de nombreux groupes de familles, d usagers, des résidences communautaires et des associations pour le travail assisté et la réhabilitation). Le but de ce réseau est de promouvoir l éducation, le travail, l intégration dans la communauté et la préservation de l individu et de sa citoyenneté. L évolution du système de soins suite à ces 2 réformes a été objectivée sur différents indicateurs : - Au niveau national : o Augmentation de la part du budget santé alloué à la santé mentale, de la part du budget santé mentale alloué aux services communautaires de santé mentale au détriment des services hospitaliers o Attribution majoritaire du budget de santé mentale aux services ambulatoires (36 %) et aux soins de santé primaire (26 %) o Augmentation du taux de consultations en santé mentale chez les médecins généralistes, du nombre des services ambulatoires o Diminution des places / lits en hôpitaux psychiatriques au profit des hôpitaux généraux et hôpitaux de jour - Au niveau des districts, différents indicateurs indiquent des disparités interdistricts. Tous n ont pas atteint le même niveau d accomplissement des objectifs.
3 - Au niveau des services, on constate également d importantes disparités sur un certain nombre d indicateurs (adhérence thérapeutique, observance des droits humains dans le service). De même, il a été constaté un écart de perception entre les soignants d une part et les usagers, familles de l autre notamment en termes de respect de la capacité juridique de l usager, d absence d abus et d inclusion dans la communauté. En conclusion, les 2 plans nationaux de santé mentale ont permis une réorientation de l offre des hôpitaux psychiatrique vers les services communautaires, favorisante l accessibilité et la qualité des soins. Des challenges restent à relever tels que l augmentation du budget santé mentale, les inégalités constatées entre les services, la promotion de l inclusion sociale et du respect des droits humaines. Pour cela, une loi spécifique à la santé mentale et un organisme indépendant d évaluation sont proposés. L EXEMPLE ITALIEN : CREER DES SERVICES DE SANTE MENTALE SANS EXCLUSION, AVEC LES PORTES OUVERTES ET SANS CONTENTION Roberto Mezzina, Directeur du CCOMS de Trieste, Italie La réforme du système de soins en santé mentale a été initiée en 1978 préconisant l arrêt des admissions en hôpitaux psychiatriques au profit du développement du soin communautaire, intégré dans la cité pour en favoriser l accès. L accent a été mis sur le rétablissement, le respect des droits humains et citoyens et ainsi le traitement sans consentement a été réduit. La réforme a donné lieu à des départements de santé mentale, organisés en un réseau global coût-efficace, touchant chacun environ personnes et incluant différentes composantes : une unité d urgence en hôpital général, des centres communautaires de santé mentale, des foyers offrant un service continu et des centres de jour. Les départements doivent lutter contre la stigmatisation, la discrimination et l exclusion des personnes souffrant de maladie mentale. Les principes d une pratique communautaire reposent sur ; - La responsabilité de la communauté : point d entrée unique et référence - Présence active et mobilité pour s adapter aux besoins - Continuité du soin - Réponse à la crise intégrée dans la communauté - Réponse globale permettant un soin clinique et social avec des ressources intégrées - Equipe de travail multidisciplinaire et créative Trieste est un site exemplaire, sans hôpital psychiatrique depuis 30 ans. La pratique est centrée sur la personne, axée vers le plus haut degré de liberté de l usager et de
4 respect de son pouvoir de négociation. Tout est mis en place pour apporter une réponse adaptée aux besoins de la personne, pour lui permettre d intégrer ses soins à sa vie et à ses aspirations et de participer lui-même au développement du service de soins. Les services présents à Trieste s organisent autour de 4 Centres communautaires de santé mentale, 1 unité d urgence en hôpital général, 1 service de réhabilitation et de support résidentiel, 2 centres de jour, des coopératives sociales, foyers, clubs, associations de familles et d usagers. L EXEMPLE BELGE : VERS LA MISE EN PLACE DE MEILLEURS SOINS EN SANTE MENTALE PAR LA REALISATION DE CIRCUITS ET RESEAUX DE SOINS Bernard Jacob, Chef de projet et coordinateur fédéral de la réforme des soins en santé mentale La vision de la place de l usager date du début des années 2000 en Belgique, aboutissant sur l article de loi 107 («Le Roi peut prévoir des modalités spécifiques de financement afin de permettre, sur une base expérimentale et pour une durée limitée, un financement prospectif des circuits et des réseaux de soins, axé sur les programmes.») en 2002 et sur des concertations en 2007 pour réfléchir à la place et au rôle de l usager dans sa prise en charge. En 2010, le modèle a été défini suite à une réflexion conjointe des autorités politiques, experts, usagers et familles. Il s agit d un plan stratégique qui propose une approche globale et intégrée avec une implémentation locale, mais coordonnée par la construction d un réseau opérationnel. Sa finalité est la continuité des soins, l amélioration de l offre et de la qualité de la prise en charge via la construction d une réponse adaptée aux besoins de chaque usager. Cinq types de ressources dans un territoire sont nécessaires pour offrir une réponse adaptée et centrée sur besoin des personnes - Activités de prévention et de promotion des Soins en Santé Mentale, détection précoce, et dépistage - Equipes de réhabilitation travaillant à la réinsertion et à l inclusion sociale - Unités intensives de traitement résidentiel, aussi bien pour les problèmes de Soins en Santé Mentale aigus que chroniques, lorsqu une hospitalisation s avère indispensable. Il ne s agit donc pas de fermer les hôpitaux mais d en transformer une partie en une offre communautaire - Formules résidentielles spécifiques permettant l offre de soins lorsque l organisation des soins nécessaires à domicile ou en milieu substitutif du domicile est impossible. Cette ressource existait déjà grâce à un travail extraordinaire du secteur associatif notamment. L article 107 a permis de
5 compléter le panel des moyens pour avoir une offre globale sur un territoire donné. - Équipes mobiles ou ambulatoires de traitement intensif, pour les situations de crise ET Équipes mobiles ou ambulatoires pour les personnes qui nécessitent des suivis de longue durée. Il s agit donc d un gel (et non fermeture) de lits et d une transformation des ressources vers les équipes mobiles. Il s agit d un changement de culture important, un mouvement lent et progressif, sur base volontaire des hôpitaux. Ce changement s accompagne de la formation des différentes parties prenantes (professionnels, usagers, familles, politiques ). Le modèle n est pas top down mais doit prendre en compte la réalité de chaque territoire. Ainsi, des efforts ont été engagés pour favoriser la participation active des associations d usagers et de proches à tous les niveaux. Les recommandations des usagers et familles sont des éléments prioritaires. A ce jour, lits ont été gelés. Cela a permis de créer 22 équipes mobiles ou ambulatoires de traitement intensif, pour les situations de crise (5 477 usagers) et 35 équipes mobiles ou ambulatoires pour les personnes qui nécessitent des suivis de longue durée (2 039 usagers). Les mêmes principes et valeurs sont aujourd hui appliqués dans la réflexion d une politique pour les enfants et adolescents. Les seniors seront également visés par une nouvelle politique directement implémentée afin que toute la population puisse bénéficier d un système de soins en santé mentale adéquate et équitable. EXEMPLE FRANÇAIS : SERVICE TERRITORIAL DE SANTE MENTALE EN France Christine Bronnec, adjointe à la sous-direction de la régulation de l offre de soins, Direction générale de l offre de soins, France Le Projet territorial de santé mentale part de la volonté de partir de l existant. L évolution sera progressive car elle nécessite l évolution des pratiques, des changements importants et communs. Le PTSM souhaite garantir des outils de coordination mais vise à laisser les acteurs locaux s emparer et formaliser les engagements qui leur sont demandés. Les états des lieux sur la diversité de l offre de soins sont plutôt favorables en France et il est donc important de valoriser l existant, de s appuyer sur cette tradition pour évoluer positivement. Cependant, cette diversité et l organisation actuelle des soins amènent un problème de visibilité et d hétérogénéité territoriale. C est tout l enjeu de la réforme Les enjeux sont notamment - Améliorer le dépistage et les délais de première consultation grâce notamment à une meilleure coordination entre les différents acteurs de la santé (psychiatrie, médecine générale, médecine scolaire ).
6 - Favoriser l insertion par une politique de désinstitutionnalisation et améliorer le taux d insertion des personnes souffrant de maladie mentale - Réduire les inégalités territoriales : le taux de recours à l hospitalisation varie aujourd hui d environ 30% entre les territoires sans données épidémiologiques pour justifier ces différentes ; le taux de financement est également variable Les valeurs et objectifs du Projet territorial de santé mentale sont : - Conserver les acquis de la politique de secteur : accessibilité, continuité et proximité - Garantir l égal accès aux services grâce à la mise en place d un panier de services commun comprenant les aspects sanitaire, prévention et insertion - Organiser les projets sur les savoirs acquis : les pratiques et l initiative professionnelle sont au cœur de la réforme - Organiser la démocratie sanitaire o Impliquer et responsabiliser l ensemble des acteurs sanitaires, médicosociaux, sociaux et élus concernés par la santé mentale o Appuyer le rôle des CLSM La mise en place concrète du PTSM passera en premier lieu par une démarcheprojet fondée sur un diagnostic partagé, définissant un panier de soins et de services pour un territoire défini et des cibles spécifiques. La réponse organise la coopération de second niveau au service de la qualité des parcours de soins, que ce soit au niveau de la prévention, de la prise en charge ou encore de l insertion. Le projet sera alors élaborée dans le cadre du respect de la démocratie sanitaire et donc de l implication des acteurs locaux (CTS avec sous section santé mentale, CLS de proximité). Un arrêté par le DG d ARS permettra d éditer le contrat territorial de santé mentale qui définit les actions et engagements des différents acteurs, lisibles pour les usagers et acteurs. Les offres et services de proximité seront enfin déclinés pour chaque patient, garantissant un accès coordonné et adapté à ses besoins.
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