Les Sciences de l éducation

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1 Les Sciences de l éducation à la croisée de champs professionnels et disciplinaires ou entre pertinence sociale et scientifique Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly Université de Genève Décembre 2003

2 Les Sciences de l éducation à la croisée de champs professionnels et disciplinaires 1. Un contexte de profonde restructuration des systèmes de formation; 2. Emergence et développement des sciences de l éducation. D une science morale à une science sociale? Trois grandes phases. 3. Configurations contrastées de l évolution des sciences de l éducation en Europe. 4. Demandes sociales Point de fuite: thèse en sciences de l éducation en Suisse 5. Enjeux de la pluridisciplinarité des sciences de l éducation. 6. Deux tensions qui à la fois constituent la condition même d existence des sciences de l éducation et conditionnent de leur évolution concrète.

3 1. Restructuration des systèmes de formation et questionnements quant aux apports et au statut des sciences de l éducation. Quatre aspects de la restructuration A) Nouveau rôle des sciences de l éducation dans la gestion des systèmes éducatifs. B) Nouveau rôle des sciences de l éducation dans la formation des enseignants et d autres professionnels oeuvrant dans les milieux éducatifs. C) Nouveaux mécanismes de régulation de la production scientifique. D) Restructuration interne du champ disciplinaire. Questions qui en découlent A) Quels cursus et mandats des institutions tertiaires de formation (double mandat) B) Quels apports des sciences sociales (dont les sciences de l éducation)? C) Questions épistemologiques: statut des sciences de l éducation => pluridisciplinarité ou discipline, etc.?

4 2. D une science morale à une science sociale? Trois grandes phases de l émergence et du développement des sciences de l éducation Première phase (deuxième moitié du 19e siècle) Une puissante demande sociale est à l origine d un nouveau champ disciplinaire: la pédagogie. Une science de l éducation conçue comme science morale. Deuxième phase (au tournant des 19e et 20e siècles) Emergence des courants empiriques: une approche scientifique des phénomènes éducatifs (lien avec les réformes). Mais difficulté de faire des sciences de l éducation une nouvelle science sociale.cela laisse la place aux autres sciences sociales. Troisième phase (la deuxième partie du 20e siècle) Une institutionnalisation durable, les sciences de l éducation deviennent une véritable discipline académique (lien avec démocratisation des études ) Relations avec les sciences sociales

5 2. D une science morale à une science sociale? Trois grandes phases de l émergence et du développement des sciences de l éducation En résumant: Les sciences de l éducation se sont édifiées en s efforçant de répondre aux demandes socio-professionnels qui émanent des systèmes éducatifs, MAIS leur évolution est également étroitement imbriquée avec celle d autres sciences humaines et sociales, en particulier la philosophie, la psychologie, la sociologie et l histoire.

6 3. Configurations contrastées de l évolution des sciences de l éducation en Europe. Première période: Allemagne - Intégration de la formation des enseignants à l université (passage de 196 à 1000 professeurs) - Dans le contexte de la réforme scolaire, augmentation rapide d instituts de recherche éducationnelle en dehors de l Université. (de 9 à 35 institutions avec en moyenne 35 personnes) Pays Bas - Institutionnalisation de la recherche éducationnelle en relation avec les réformes pédagogiques - Création d un certain nombre d instituts dans un marché limité - Création d une institution centrale qui régule les mécanismes généraux - Création de département d éducation à l université Suisse - Croissance rapide du nombre d institut de recherche éducationnelle (+ 50% ; 38 nouvelles institutions) - Ces institutions sont rarement intégrées aux universités. (Source: Hofstetter et Schneuwly, 2000)

7 3. Configurations contrastées de l évolution des sciences de l éducation en Europe. Allemagne Pays bas Suisse Deuxième période: Stagnation des sources financières - Ressources personnelles en régrassion - Moins de recherche empirique - Limitation du subventionnement - Les fonds sont strictement divisés : 40% pour des demandes gouvernementale ; 40% pour des demandes du monde de l éducation ; 20% pour la communauté de recherche - Peu de développement de la recherche éducationnelle.

8 4. Demandes sociales et sciences de l éducation Les demandes sociales émanent de deux réalités étroitement imbriquées: Terrains et pratiques éducatives Demandes émanant de deux groupes d acteurs: A) des décideurs: acteurs de la sphère politico-administrative, chargés de la gestion des systèmes éducatifs et agissant au niveau global; B) des praticiens: acteurs intervenant à un niveau local dans les différents terrains éducatifs (classes, institutions sociales, institutions de loisir, voir institutions familiales).

9 4. Demandes sociales et sciences de l éducation Qualifications professionnelles Les demandes concernant les qualifications résultent: A) des revendications des professionnels de l éducation pour une meilleure reconnaissance sociale, B) des besoins des sphères politico-administratives de disposer d un corps de professionnels à la fois qualifié et adhérant aux principes généraux régissant les systèmes Les qualifications concernent deux types de professions A) les (futurs) professionnels de l action éducative, B) les (futurs) scientifiques, enseignants-chercheurs actifs dans la formation des enseignants, mais aussi cadres spécialisés dans la gestion des systèmes éducatifs (inspecteurs, chefs de service, directeurs d écoles) Dans les deux cas Reconnaissance sociale et professionnalisation de leur métier!

10 Point de fuite: Thèses en sciences de l éducation en Suisse Thèses soutenues en Suisse selon deux régions linguistiques Suisse alémanique Suisse romande Total (Source: Criblez, L., 2000)

11 Point de fuite: Thèses en sciences de l éducation en Suisse Activité de publication de «docteurs» après l obtention de leur titre (C Revue suisse des sciences de Beiträge zur Lehrerbildung l éducation Période Nombre docteurs avec publication Nombre de publications Nombre docteurs avec publication Nombre de publications Total (Source: Criblez 2000)

12 5. Point de fuite: Thèses en sciences de l éducation en Suisse Question : Comment avez-vous choisi votre sujet de thèse? N % réponses Par intérêt personnel pour le sujet % En relation avec mon activité % professionnelle précédente En relation avec le domaine de recherche % de mon directeur En raison de mes relations personnelles % avec le terrain En relation avec mes recherches antérieures % En fonction des perspectives de carrière 1 0.9% Autre 2 1.9% Total réponses % (Source: Dumont, P. Stahl, A. & De Jonckheere, S., 2003)

13 Point de fuite: Thèses en sciences de l éducation en Suisse Motivations pour entreprendre une thèse N % réponses Un espoir de carrière académique % Un intérêt particulier pour le sujet de cette recherche % Un intérêt pour la recherche en % général Une volonté de développement % personnel Un projet professionnel Autre Total réponses % (Source: Dumont et al., 2003)

14 Point de fuite: Thèses en sciences de l éducation en Suisse Difficultés rencontrées durant la thèse N % réponses surcharge doute: méthode et problématique manque bagage méthode difficulté rédaction manque de compétences manque soutien directeur solitude difficultés financières culpabilité envers famille double charge famille et thèse pas de temps pour soi autres Total réponses (Source: Dumont et al., 2003)

15 5. Enjeux de la pluridisciplinarité des sciences de l éducation Une discipline pluridisciplinaire? A) Frontières scientifiques très mouvantes: rapports avec psychologie, sociologie, économie, anthropologie, etc; domaines tels enseignement spécialisé, éducation de la petite enfance, logopédie. B) Différentiation interne selon un mécanisme double: thèmes et domaines constitués en (sous-)disciplines; disciplines externes intériorisées et soumises à restructuration. C) Socialisation et recrutement pour les sciences de l éducation en rapport étroit avec les disciplines mères : enrichissement potentiel; danger de dépendance; difficulté de réciprocité.

16 6. Deux tensions qui à la fois constituent la condition d existence des sciences de l éducation et conditionnent leur évolution concrète. 1ère tension Tension entre ajustement sur les demandes sociales liées aux terrains éducatifs et aux enjeux socio-professionnels et quête d une reconnaissance scientifique qui implique une suspension momentanée de la dimension praxéologique Risques L adaptation trop marquée à la demande sociale peut se muer en soumission, au risque de confondre le chercheur avec l expert ou le praticien, la construction de la connaissance avec l action pédagogique, la discipline avec son objet et d apprécier les résultats de la recherche uniquement sur la base de effets pratiques. La distanciation trop importante avec l objet scientifique c.à.d. l action éducative, peut se muer en négation des besoins spécifiques de celle-ci, les réalités professionnelles n étant alors abordés que comme terrains de vérification et d application de théories scientifique.

17 7. Deux tensions qui constituent la condition d existence des sciences de l éducation, mais aussi le conditionnent de leur évolution. 2ème tension Tension entre le mouvement d autonomisation par rapport aux disciplines de référence et le déploiement pluridisciplinaire des sciences de l éducation. Risques La distanciation d avec les savoir disciplinaires constitués se mue en négation de ceux-ci. La légitimité, d une approche avec des méthodes scientifiques reconnues est niée, au nom des spécificités de l objet éducation dont on met en évidence la globalité, la complexité et la singularité. La référence aux savoirs disciplinaires constitués se mue en révérence, dépendance, comme si seules les spécialisations disciplinaires pures - les sciences mères - étaient autorisées à appréhender scientifiquement l objet éducation. Une discipline sous tension?

18 Les Sciences de l éducation à la croisée de champs professionnels et disciplinaires Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly Université de Genève Décembre 2003