ADDICTIONS ET MILIEU RURAL

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1 RECHERCHE-ACTION DU SATO-PICARDIE ADDICTIONS ET MILIEU RURAL Pratiques de consommations, accès aux soins et perspectives pour une prévention adaptée aux contextes locaux Une recherche-action en Picardie Verte, Pays Noyonnais et Pays du Valois

2 Une recherche-action du SATO-Picardie Auteur : Anne SOLER Juin

3 RESUME L association SATO-Picardie a noté ces dernières années l arrivée croissante d usagers de drogues en provenance de zones les plus rurales de l Oise. Alertée par les difficultés que ces usagers rencontraient pour accéder aux soins, l association décide d engager une recherche-action en milieu rural. Décliné sur trois territoires «pilotes» du département, le projet entend renseigner les pratiques de consommation de produits psycho-actifs et évaluer les besoins en termes de prévention, d accès aux soins et aux programmes de réduction des risques liés aux addictions en milieu rural. Cet éclairage contextuel vise à orienter les stratégies d actions en zone rurale, en accord avec les dynamiques territoriales et les demandes des usagers. Il ne fait plus doute aujourd hui que les drogues circulent aussi bien dans les villages et les petites villes isolées que dans les agglomérations d importance. Les dommages sanitaires et sociaux que risquent d engendrer les consommations de produits psycho-actifs se voient en revanche exacerbés par le contexte prévalant en milieu rural. En effet, les usagers se heurtent durement à de nombreuses barrières dans l accès aux soins, au défaut criant de prévention, de possibilité d accueil et aux risques de visibilisation du stigmate. Les intervenants sont confrontés, de leur côté, au manque de moyens humains et matériels, à l éclatement démographique Les usages n en sont que plus à risques : expérimentations parfois précoces, pratiques de partage de matériels de consommation, poly-consommations, mésusages de médicaments et parcours de soin compromis ou dénaturé Nous concluons à l urgence d agir, mais avec précaution et selon d autres modalités que celles prévalant en ville. En campagne, tout demeure à inventer avec les usagers. REMERCIEMENTS Nous souhaiterions tout d abord remercier toutes les personnes ayant accepté de participer à cette étude de nous avoir accordé du temps et d un peu d eux-mêmes pour partager leurs expériences parfois difficiles Nous remercions également l ARS, le Conseil Régional de Picardie, la MILDT et le Conseil Général de l Oise pour leur soutien et leur intérêt pour ce projet. Merci à l ensemble des membres du SATO-Picardie pour leur investissement et leur travail sur ce projet, et plus particulièrement (par ordre alphabétique) : Benjamin Appert, François Brossard, Yves Casu, Jean- Pierre Demange, Delphine Duflot, Sébastien Dunet, François Glepin Pascal Hachet, Claude Lefevre, Dominique Lefevre, Lola Lefevre, Adeline Legrand, Jocelyn Librin, Joëlle Lteif, Pascal Rosier. Enfin, nous transmettons tous nos remerciements aux partenaires ayant participé au projet, pour la pertinence de leurs éclairages et leur grande implication à agir malgré les difficultés, en particulier les Centres sociaux ruraux de Picardie Verte, l Hôpital de Crèvecoeur-le-Grand, les pharmaciens des trois territoires, les médecins, les travailleurs sociaux, l ensemble des membres du Réseau Santé du Noyonnais, le Réseau Ado du Valois et les MSF du Valois. 2

4 SOMMAIRE RESUME ET REMERCIEMENTS... 2 INTRODUCTION - DROGUES A LA CAMPAGNE OU EST LE CRIME?... 6 UNE RECHERCHE-ACTION EN MILIEU RURAL - DONNEES DE CADRAGE A. Objectifs et méthodologie Genèse du projet et objectifs Une méthodologie plurielle Limites et difficultés B. Les «territoires» d investigation - contextes De la notion de «territoire» Indicateurs socioéconomiques et sanitaires Contexte rural : observations générales C. Etat des connaissances sur les consommations de drogues en milieu rural Des usagers de drogues en zone rurale, un phénomène nouveau? Drogues et ruralité Etat de la recherche Expériences et dispositifs existants USAGERS DE PRODUITS ET PRATIQUES DE CONSOMMATIONS DANS LES MILIEUX RURAUX DE L OISE - QUELS CONSTATS? A. Caractéristiques sociodémographiques des usagers résidant dans les zones rurales investiguées Caractéristiques sociodémographiques Indicateurs socioprofessionnels B. Pratiques de consommations Photographie générale Des consommations similaires à celles que l on constate en ville Intervenant de façon précoce Modalités de consommations - Prévalence des consommations par voie nasale pour les consommateurs de psychostimulants et d opiacés mais existence d injecteurs C. Profils d usagers Quelles pratiques, quels besoins? Consommateurs de cannabis (n=33) Poly-consommateurs festifs (n=24) Les poly-consommateurs problématiques ou dépendants (n=50) D. Pratiques à risques, dépendance - un défaut de prévention criant Partage de matériel et manque de dispositifs de RdR Prévalence des poly-consommations et mélanges de produits Rapport aux produits et dépendance

5 L EXPERIENCE VECUE : ETRE TOXICOMANE A LA CAMPAGNE - PARCOURS ET REPONSES SOCIALES A. Parcours de consommations De l expérimentation à l addiction, quelques cadres théoriques Premières consommations et parcours de consommations Prévention et modalités de circulation de l information : connaissances, représentations, écueils B. Implication sociales des consommations de drogues La honte en héritage Place dans la structure sociale Consommation de drogues et «insertion» professionnelle : cercle vicieux et multiplication des contraintes C. Stigmate : la contrainte du silence et circulation souterraine de la parole L étiquette Réponse locale la résistance au stigmate? «Y a pas d ça chez nous!» L homme répudié, l homme caché Implication des acteurs locaux, des parents et ressources en milieu rural D. Femmes et consommations multiplication des contraintes DYNAMIQUES RURALES, ACCES AUX SOINS ET RECOURS AUX INSTITUTIONS A. Précarité et accès aux droits : une situation préoccupante B. Accéder aux soins : un parcours semé d embuches Ruptures et renoncement aux soins Le recours aux soins L interconnaissance comme élément perturbateur Formation des professionnels et pluridisciplinarité Obstacles perçus à l accès et la continuité des soins C. L impact de la «géographie» des territoires Le Nord du Beauvaisis et l absence de «ville phare» Le Pays du Valois Crépy-en-Valois comme pôle ressource Le Pays des sources et Vallées Noyon comme zone d influence mais éclatement sur le territoire D. Prévention et dépistage, le rôle des professionnels de santé Recours au dépistage, prévention et réduction des risques Accessibilité du produit vs. inaccessibilité des soins D. Repérage, pudeur et recours aux institutions : soutien vs. stigmate CONCLUSION - DE L URGENCE A AGIR SANS EMPRESSEMENT PRECONISATIONS BIBLIOGRAPHIE ANNEXES ANNEXE 1. Liste des tableaux et graphiques ANNEXE 2. Sigles et abréviations utilisées ANNEXE 3. Questionnaire usagers de drogues

6 ADDICTIONS ET MILIEU RURAL Pratiques de consommation, accès aux soins et perspectives pour une prévention adaptée aux contextes locaux -- Une recherche-action en Picardie Verte, Pays Noyonnais et Pays du Valois 5

7 INTRODUCTION Drogues à la campagne Où est le crime? En mars 2012, ASUD 1 publie dans son journal un article intitulé «Des traces à la campagne» 2, témoin d un état qui commence à faire parler de lui : il y a des drogues et, donc, «des drogués» en milieu rural. L article, caustique, est illustré d une représentation de la jeune Heidi flanquée de ses chèvres en pâturage dans les montagnes éternelles une seringue dans le bras. Une image qui en dit long sur la morsure, acide, que ce constat fait à nos représentations d une campagne guillerette, naïve, éloignée du contexte subversif des villes, et donc de ses drogues. Car «drogues», dans nos représentations collectives, égalent milieu urbain, et plus spécifiquement banlieues ghettoïsées, ou à l autre extrémité, jet set. A la campagne, pense-t-on souvent, on boit Pour expliquer ce phénomène si troublant qui brouille les frontières entre ville et campagne, une analyse, reprise des hypothèses apportées par l OFDT un an plus tôt 3, est proposée: phénomène nouveau, l arrivée de la drogue à la campagne serait passée, en partie tout au moins, par ces nouveaux arrivants venus de la ville, de classes moyennes et hautes, qui s installent à la campagne pour profiter de ses joies - notamment des prix du logement au m². Ils auraient apporté avec eux leurs modes de vie et leurs drogues. La drogue serait donc venue à la campagne avec et par les citadins (envahisseurs?) néo-ruraux, transformant avec eux le paysage rural encore vierge de produits illicites. La thèse semble attrayante pour tous : pour les citadins qui, gardant leurs spécificités et leur côté subversif, demeurent porteurs de la «modernité» (qu elle soit bonne ou mauvaise), festive et contestataire de la «Loi» ; et pour les ruraux qui trouvent dans ces citadins la cause de leur malheur, de cette nouvelle source de potentiels stigmates, comme s ils n en avaient pas déjà assez 1 Association d Auto-Support des Usagers de Drogues. Fondée en 1992, cette association de et pour des usagers de drogues vise notamment à revendiquer les droits des usagers de drogues, lutter contre la stigmatisation et promouvoir les projets et pratiques qui visent à réduire les risques liés aux consommations de drogues. 2 TERMOLLE A., «Des traces à la campagne», ASUD Journal, n 49, Mars 2012, pp L Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT) observe en dans le cadre de son dispositif TREND que «certaines personnes déjà usagères de drogues tendent à s établir en zones rurales, «chassées» des villes par le niveau des loyers et les pénuries de logement», in OFDT, Drogues et usages de drogues en France. Etat des lieux et tendances récentes , TREND, Janvier 2010, disponible sur 6

8 En France pourtant, il n existe que peu ou pas d analyses historiques et sociologiques fiables pour forger la genèse du phénomène «drogues et campagne» 4, en évaluer l ampleur réelle, les caractéristiques de sa population et des besoins ou pour valider ou rejeter la thèse du triptyque «citadins néo-ruraux» «drogues» - «campagne». Pourtant, si le phénomène fait aujourd hui parler de lui et se fait donc plus «visible», il nous est permis de douter, en cœur avec nombre d intervenants en toxicomanie, que «l usage de drogues ait soudainement bondi dans nos campagnes 5». Localement, la question de l intervention en milieu rural préoccupe l association depuis bien des années, posant la question, complexe, des modalités d actions. Concernant les «drogues» et à plus forte raison «les usagers de drogues», les représentations et les tabous ont la peau dure, attisant les résistances, forçant l isolement et faisant souvent obstacle à la mise en place coordonnée et cohérente de projets venant répondre aux besoins, réels, des populations usagères de drogues. Un constat qui se manifeste de façon exacerbée en milieu rural où le terrain, peut-on dire sans trop s avancer, reste encore trop largement vierge. Des questions se posent donc car pour agir sur une situation sans trop de dégâts, d «effets pervers», en particulier quand nous traitons de comportements fortement stigmatisés et potentiellement dangereux pour la santé, il nous faut en comprendre le sens, l évolution et les enjeux. Il faut aussi parvenir à toucher sa population, sans la desservir. Le contexte n est pas propice : l article d ASUD se joint à nombre d autres écrits pour attirer notre attention sur les conditions d accès aux soins, aux services de réduction des risques et de prévention en zone rurale. Le constat est partagé et sans appel: l accès à ces services est difficile sinon compromis. Les écrits et les témoignages des intervenants convergent peu ou prou pour dénoncer cet état de fait. En résulte un conflit qui apparait presque inextricable : d un côté, répondre aux besoins suppose de développer des projets et d engager des coûts pour toucher une population éclatée sur le territoire et parfois difficile à toucher ou à mobiliser. Le «coût de revient» de tel projet peut vite paraître prohibitif si nous le comparons à un même projet décliné en ville, où le nombre de personnes «accessibles» est bien différent. D un autre côté, ne pas y répondre serait criminel? Peut-on rester, encore, sans réponse satisfaisante? Cela n est pas sans conséquence Mais les cadres de nos dispositifs ont été élaborés en fonction de modèles établis en ville. Alors, que faire? La situation décrite dans les écrits et par les intervenants travaillant dans le champ de l addiction ne diffère guère de celle que nous constatons localement. Depuis plusieurs années, nous observons en effet l arrivée dans les CSAPA et CAARUD de personnes en provenance de zones rurales présentant des usages problématiques de produits psycho-actifs. Il s agit très souvent de polyconsommations mêlant alcool, produits illicites et/ou mésusages de médicaments. Force est de constater que nombre d entre elles ne parviennent jusqu à nos centres qu avec difficulté, une fois que les consommations sont installées et que les situations socio-sanitaires se sont dégradées. 7 4 Ici, l ouvrage de BACHMANN C.et A.COPPEL retraçant l histoire des drogues aurait plutôt tendance à invalider cette thèse, voir Christian BACHMANN, Anne COPPEL, La drogue dans le monde : hier et aujourd hui, Editions Albin Michel, Points actuels, Paris, 1989, p 32 5 Une expression reprise de l article suivant : BONNIN O., «Usagers de drogues en milieu rural - La seringue est dans le pré», Le journal du Sida n 217, oct-nov-déc. 2010

9 Or, rappelons-le, l Oise reste un territoire à dominante rurale 6, une caractéristique qu il s agit d appréhender concernant les questions de santé. Les études menées sur la région et sur le département mettent en lumière un contexte de santé plutôt défavorable 7 et les zones rurales et les villes isolées apparaissent particulièrement concernées. L accès aux services de santé est souvent entravé par la faible densité médicale 8 et par un réseau de transport en commun interurbains encore peu développé 9. Le même constat est fait en matière d addictions, et plus particulièrement de toxicomanies. Si les indicateurs placent le territoire au niveau de la moyenne nationale en termes d usage et de mortalité suite aux usages de produits psycho-actifs 10, le taux de recours aux soins reste plus faible que la moyenne nationale 11. Nous ne pouvons que constater que les politiques de prises en charge et de prévention des addictions peinent à se décliner dans les zones plus rurales du territoire. Aujourd hui, acteurs du territoire et institutions de santé s accordent pour faire de ces questions une priorité. Aussi, le Plan Stratégique Régional de Santé place comme première priorité l'amélioration de l'accès à la santé avec comme orientations stratégiques le développement d'une prise en charge et d'un accompagnement de proximité, visant particulièrement les zones rurales, et l'adaptation de l'offre aux besoins effectifs, en particulier dans le champ de la prévention, des soins et de l'accompagnement médico-social. Pour autant, nous ne pouvons agir efficacement sans une meilleure connaissance et compréhension du contexte prévalant hors des villes, particulièrement sur le champ des addictions dont les pratiques restent souterraines, socialement honteuses. Il nous semblait alors primordial d enrichir la réflexion sur les possibilités d offre de soins sur notre territoire en matière d addictions en portant une attention particulière sur les zones rurales, périurbaines ou concentrées autour de petites ou moyennes villes isolées. Pour offrir une approche locale adaptée et la plus efficiente possible, il semblait nécessaire d en connaitre et comprendre mieux les spécificités, les contraintes et 6 Le département de l Oise, comme le reste de la Picardie, se caractérise en effet par l absence de très grandes agglomérations et par une certaine dispersion des habitants en milieu rural. En 2008 en effet, 41% des Isariens vivent dans des communes de moins de 2000 habitants et 34% dans des communes dites rurales. Voir Recensement INSEE OR2S, Diagnostic Santé Picardie, la situation en Voire aussi les travaux de l OR2S sur l observatoire santé par pays : 8 Pour ce qui se rapporte aux professionnels de santé, la Picardie présente des densités médicales qui la situent le plus souvent dans les dernières positions des régions françaises. Elle se trouve parfois même au dernier rang, notamment pour les médecins spécialistes libéraux. OR2S, Diagnostic Santé Picardie, la situation en Selon l INSEE, l'ouest du département est le moins bien desservi par les transports en commun interurbains. Or, pour les ménages les plus pauvres, les déplacements sont tributaires de l'offre de transports en commun : le budget consacré au transport des 10 % des ménages aux revenus les plus faibles est de 30 % supérieur à la part consacrée par l'ensemble des ménages. Voir, BOUSCASSE M., «Pauvreté et Précarité dans l Oise», INSEE Picardie, Analyses n 29, 2008, Une offre de transport à la demande se développe par Oise mobilité, mais les communes rurales restent néanmoins très enclavées : voir 10 Les indicateurs relevés ont trait aux taux d expérimentation et aux usages réguliers de drogues illicites selon le Baromètres santé Jeunes 2005, au niveau d utilisation de kit steribox, àla vente de traitement de substitution aux opiacés et au nombre de surdose. 11 Source : PSRS - Juin Voire 8

10 les besoins des habitants en termes de prévention primaire, secondaire et tertiaire. Là se trouve l enjeu de ce projet. Trois territoires ruraux ont été ciblés : le pays du Valois, le Pays des Sources et Vallées et la Picardie Verte et ses territoires limitrophes. Ils apparaissent largement découverts en termes de prise en charge des addictions. Les besoins existent toutefois et l investigation menée a permis de mettre en lumière la présence d usagers de produits psycho-actifs y résidant. Constat a été fait que les réponses existantes restaient encore insatisfaisantes et inadaptées aux contextes ruraux. 9

11 Dans ASUD Journal, n 49, Mars 2012, pp

12 Une recherche-action en milieu rural - Données de cadrage A. Objectifs et méthodologie 1. Genèse du projet et objectifs Ce projet trouve sa genèse dans les alertes lancées par les salariés du SATO-Picardie et des partenaires locaux troublés par la situation que nous entrevoyions en zone rurale : l alcool et les drogues circulaient bel et bien et faisaient parfois des ravages, notamment chez les jeunes générations. Il nous fallait agir en campagne mais les quelques initiatives entreprises - passant notamment par le renforcement des liens avec des partenaires médico-sociaux se heurtaient à un éternel dilemme : le manque de moyens, la résistance de certains et la difficulté à agir sur ces territoires éloignés et mal connus. Comment parvenir à toucher ces usagers? Pour nous permettre d avancer et de répondre aux besoins, il nous fallait mieux comprendre, définir les besoins et les stratégies. Des «zones» avaient été identifiées en fonction de la provenance des usagers que nous rencontrions dans les centres de soins et, plus souvent encore, alors qu ils étaient incarcérés. Les (rares) réponses existantes restaient insatisfaisantes et inadaptées. Mais nous ne savions encore que peu de choses sur le contexte (aussi bien les contraintes que les ressources) nous permettant de penser des actions innovantes pour répondre aux besoins. Toutes les structures ambulatoires étaient concernées : chacune observait l arrivée d usagers venant des campagnes (plus ou moins) environnantes. Ces usagers devaient souvent faire face à de nombreux obstacles pour nous atteindre, au premier rang desquels l éloignement et le manque de transport. 11

13 Pour définir nos objectifs et la manière dont nous procéderions, un comité de pilotage fut constitué, rassemblant une à deux personnes de chaque structure ambulatoire référente du projet. En fonction de nos observations, et après avoir opéré un travail de «pré-diagnostic» auprès des usagers et des partenaires, trois territoires ont été identifiés: - Le Grand-Ouest du Beauvaisis : La Communauté de Communes de la Picardie Verte et de Crèvecœur-le-Grand situées au Nord-Ouest de l Oise, puis Breteuil - Le Pays des Sources et Vallées : en particuliers la Communauté de Communes du Pays Noyonnais et des Deux vallées, situées au Nord-Est de L Oise - Le Pays du Valois, situé au Sud-Est de l Oise. Nous décidâmes qu ils seraient nos territoires «pilotes» pour mener une recherche-action. La méthodologie que nous adoptions fut construite en fonction des objectifs définis ensemble lors des réunions. Pour parvenir à les atteindre, la démarche visait à concilier la recherche et l'action que nous mènerions de front en tant qu acteurs opérationnels du territoire. Il s'agissait de répondre plus justement aux besoins identifiés et de réagir aux évolutions, grâce à : - L évaluation des besoins de prévention, de soins et de réduction des risques liés aux addictions dans les zones rurales de l'oise, grâce à une meilleure connaissance des pratiques des usagers de drogues ; - Une meilleure compréhension des dynamiques et des contraintes spécifiques à l'œuvre en zone rurale, afin d envisager des stratégies pour la mise en place d actions ; - L association des usagers dans la définition de projets à développer ; - La mobilisation des acteurs des territoires dans la réflexion et la construction de projet afin de coordonner nos efforts, renforcer les partenariats et favoriser la formation d acteurs relais ; - Et ce afin de développer des actions de prévention des addictions sur ces territoires destinées à favoriser l accès aux soins, aux dispositifs de réduction des risques et au droit commun pour les usagers de produits psycho actifs, dans une démarche globale et adaptée aux contextes locaux. L enjeu de cette étude était donc tout à la fois de nous éclairer sur les pratiques - les éventuelles conduites à risques - des usagers de drogues (UD) rencontrés en milieu rural, et de favoriser une approche compréhensive et participative. La conjugaison de ces approches devait nous permettre d envisager des actions innovantes en réponse aux besoins repérés et d en favoriser l appropriation future par ses bénéficiaires éventuels. Aussi, la méthodologie choisie pour mener cette recherche-action mêle une approche quantitative et qualitative. 12

14 2. Une méthodologie plurielle Une étude auprès des usagers de produits psycho-actifs Afin d obtenir des données quantifiables sur les pratiques des usagers de drogues, un questionnaire 12 composé de 39 questions ouvertes et fermées renseignant les pratiques de consommations a été élaboré. Il a été proposé aux usagers des CSAPA 13 du SATO-Picardie (Pôles Soins et Pôles Prévention) provenant des zones investiguées entre mars 2012 et janvier Un protocole de recherche établi en concertation avec les équipes prévoyait que le membre de l équipe référent présente le projet aux usagers concernés et leur propose d y participer en répondant, seuls ou accompagnés si une demande était faite en ce sens, au questionnaire. L anonymat et la confidentialité ont été préservés, notamment par rapport à l équipe soignante qui ne devait pas connaitre la teneur des réponses, et ce afin de limiter au maximum les contraintes éventuelles à y répondre librement et, ainsi de diminuer les potentiels biais. Les équipes du CAARUD 14 se sont également mobilisées, notamment lors des interventions en milieu festif (rave et free parties), tant nous y avions constaté la présence de jeunes participants provenant des zones rurales du département. Le questionnaire a été proposé à toutes les personnes fréquentant le stand de prévention et de réduction des risques 15 et les questionnaires remplis par les personnes en provenance des zones investiguées ont été isolés. Les échanges concernant le projet ayant eu lieu avec les usagers viennent également alimenter cette étude. Pour participer à l étude, les critères d inclusion ont été établis comme suit : être ou avoir été consommateur de drogues et résider dans les zones à dominantes rurales des territoires visés par l étude. Tableau 1. Questionnaires renseignés en fonction des territoires En janvier 2013, 10 mois après la mise en place du projet, 107 questionnaires exploitables ont été renseignés par les usagers de produits Territoires - Pays des sources et vallées - Picardie verte et proche Total psycho-actifs résidant sur les territoires - Pays du Valois 44 identifiés : 49 questionnaires ont été remplis par Total général 107 des usagers des CSAPA du SATO, 26 ont été renseignés en milieu festif et 29 ont été complétés par des usagers rencontrés grâce à la méthode «boule de neige» et grâce à une présence sur le terrain (dans la rue). Les usagers montrant un certain intérêt pour le projet se voyaient proposer une rencontre avec la sociologue afin de retracer ensemble leur parcours et échanger sur les besoins et les perspectives envisageables pour améliorer l accès aux services de prévention, de soins et de réduction des risques en fonction des contraintes prévalant dans leur zone d habitation. Si cette 12 En annexe, Annexe 3 pp Centre de Soins d Accompagnement et de Prévention en Addictologie. Les trois CSAPA ambulatoires de l Oise du SATO-Picardie (Beauvais, Compiègne et Creil) ainsi que trois Pôle Prévention (Noyon, Beauvais et Creil) ont été impliqués dans l étude. 14 Centre d Accueil et d Accompagnement à la Réduction des Risques des Usagers de Drogues Cette démarche a donné lieu à une étude sur les pratiques en milieu festif alternatif. Bientôt disponible sur le site du SATO-Picardie

15 proposition était acceptée, date était prise pour une rencontre au domicile ou dans un lieu choisi par l usager, de préférence sur le territoire d habitation. La rencontre donnait lieu à un entretien semidirectif d une heure et demi à trois heures, enregistré sous réserve d acceptation de l usager (ou de la possibilité de le faire). A cette méthode s est associée la méthode dite «boule de neige». Aussi, lors des entretiens était-il demandé à la personne de nous présenter, si possible, d autres usagers n ayant pas forcément recours aux CSAPA du SATO. 43 entretiens semi-directifs ont été menés auprès de 36 usagers et de quatre parents d usagers. 28 ont pu être enregistrés, avec le consentement de la personne. Trois focus groupes (rassemblant entre 4 et 10 personnes) ont été animés, au cours desquels quatre thématiques ont été abordées : les pratiques de consommations et les pratiques à risques, les personnes sollicitées et la question du regard et des interactions dans les villages, les modalités d accès (ou non) aux soins, les perspectives de projets à développer. L observation participante était privilégiée dans cette démarche de travail (présence sur les lieux, présence lors des soirées festives, présence lors des consommations, etc.). L approche ethnographique suppose une présence de terrain et ne peut être quantifiée. Associant les acteurs de territoires Les acteurs de territoire intervenant dans les champs médicaux, sociaux, judiciaires et éducatifs ont été sollicités pour cette recherche-action. Cette démarche visait plusieurs objectifs : - Etayer et alimenter de leurs observations - de manière qualitative et quantitative l analyse et la compréhension des dynamiques à l œuvre, des ressources mobilisables mais aussi des contraintes existant sur les territoires ; - Eclairer les besoins tels que ressentis par les acteurs des territoires et amorcer communément la réflexion sur les perspectives de travail à décliner éventuellement en action de prévention, d accès aux soins et de réduction des risques liés aux addictions; - S inscrire, quand cela était possible, dans les réseaux existants sur les territoires ; - Associer, si possible, les partenaires à la démarche, et ce à plusieurs niveaux : de leur côté en orientant d abord les usagers des structures partenaires faisant état de comportement de consommation vers la sociologue, et du nôtre en diffusant ensuite les résultats de la rechercheaction le tout afin de partager les orientations à prendre à l avenir en réponse à ces résultats. Consultations des professionnels de santé - Les pharmaciens ont été rencontrés et sollicités : 18 pharmacies visitées dont 6 dans le Valois, 8 en Picardie Verte et 4 dans le Noyonnais. - Les médecins : 3 médecins généralistes sollicités ont répondu favorablement à nos appels. - CSAPA : Rencontre avec l ANPAA (Oise) et Le MAIL (Somme) sur les dispositifs existants en milieu rural. - UCSA : interrompu. 14

16 Travail au sein des réseaux - Création d un atelier «addictions» dans le cadre du Réseau Santé du Noyonnais : deux rencontres d une quinzaine de participants - Rencontre avec les MSF du Valois et présentation du projet dans le Réseau Ado - Rencontres partenariales organisées par les Centres Sociaux Ruraux de Picardie Verte, associant les infirmières scolaires de Pôle. - Entretien auprès des gendarmeries - Maisons d arrêts (Compiègne et Beauvais) et Centre Pénitentiaire de Liancourt : interrompu 3. Limites et difficultés Comme toute recherche, celle-ci comporte des limites qu il est nécessaire d évoquer pour en nuancer les résultats. Nous en soulignons ici quelques-unes. La première tient au mode de recrutement des personnes interrogées : la méthode «par boule de neige» fut complexe à mettre en œuvre tant nombre de personnes rencontrées de prime abord (au CSAPA donc) soulignaient qu elles tentaient de distendre leur relation avec les autres usagers de drogues de leur connaissance afin de ne pas mettre en péril leur démarche de soin. L intérêt de la personne étant toujours l élément primant, la méthode de rencontre par «boule de neige» n a été mise en œuvre que lorsque cela semblait exclure toute difficulté pour la personne sollicitée. De même, malgré l intérêt et la bonne volonté des partenaires sollicités et quelques tentatives d orientations, l implication des partenaires n a pas permis de rencontrer d autres usagers. Nous regrettons ici que malgré notre souhait d associer l ANPAA à ce projet, la collaboration avec l association n ait pu aboutir et permettre des échanges plus opérants malgré la bonne volonté des équipes. Enfin, il convient de souligner que la présente étude ne vise pas la représentativité au sens où elle jugerait de l importance des consommations de drogues en milieu rural : les enquêtes en population générale existent déjà et cette étude n a pas vocation à faire doublon. Les résultats quantitatifs proposés ici ne rendent en aucun cas compte de tendance observable en population générale. Cette recherche vise exclusivement les usagers de produits psycho-actifs comme éventuels bénéficiaires des actions pouvant découler du projet. De plus, l étude ne prétend pas avoir été en mesure de toucher de manière représentative l ensemble des usagers de drogues résidant en zone rurale. Le projet s inscrit véritablement dans une recherche visant l action et dont la perspective est de mobiliser les UD à être acteurs des orientations de projets établis pour eux. 15

17 B. Les «territoires» d investigation - contextes 1. De la notion de «territoire» La notion de «territoire» comme entité représentative est complexe à saisir, comme en témoigne la difficulté à opérer des découpages territoriaux satisfaisants. Nous ne pouvons qu observer la multiplication de ces découpages, différents dans chaque administration et en fonction de la thématique : ici les EPCI, là les territoires de santé, là l apparition de la notion de «territoire vécu» qui s opposerait à l arbitraire des découpages administratifs Sur cette notion fortement ancrée sur le particulier, Yannick Sencébé nous renvoie à l histoire : «Comment ne pas remarquer l'ambiguïté de ces pays, enracinés dans le particulier, le spécifique, le provincial, que l'etat a patiemment intégré au niveau national, pour assurer une cohésion sociale et une souveraineté "territoriale", avant que les gouvernants actuels ne leur reconnaissent le statut de "territoires"? 16». L intérêt pour «le territoire» ne peut être détaché de la politique de déconcentration et de décentralisation qui s opère depuis la fin du siècle dernier : la prise en compte des «spécificités» de chaque «territoire» devait et doit permettre de mieux décliner les politiques publiques sur le terrain et les piloter au plus proche des besoins particuliers des populations et des singularités des territoires. Cependant, de l infiniment petit, à l infiniment grand, il n existe qu un continuum. A dresser des «frontières» sur le papier, nous risquerions d oublier que les «territoires» ne sont ni des entités homogènes, ni des entités cloisonnées disposant de leur propre dynamique différente (sans lien, donc?) de celle du voisin. Chaque village possède certes son «caractère», son atmosphère, son histoire, dispose de ses lieux de rencontres et de socialisation, son contexte et ses dynamiques sociales et économiques. Il n en demeure pas moins lié à son entourage, jouant d interinfluences et de mobilité. La notion de «branchements» proposée par l anthropologue Jean-Loup Amselle 17 est fort évocatrice pour figurer ce jeu qui lie, finalement, toute «société», ou «territoires» entre eux. Le village, le bourg et le territoire sont des entités construites, non sans connexion permanente avec le «territoire» voisin. Gardons-nous de les observer comme des structures sociales cloisonnées, fonctionnant sur elles-mêmes, claustrophobiques mais «authentiques». N en doutons pas : les populations des villages bougent et se transforment, en lien constant avec les villes. Un détour théorique qui mérite d être opéré lorsque l on évoque le «monde rural», auquel s adjoint souvent l idée de cloisonnement, «d enclavement» 18. Comme le rappelle Alexandre Pagès dans ses travaux sur la pauvreté en milieu rural 19, si les territoires ruraux attirent aujourd hui pour 16 SENCÉBÉ Y., «Des bons usages de l enclavement : une analyse sociologique du «pays du Diois»», in A. Bleton-Ruget, P. Bodineau et J.-P. Sylvestre (dir.), Pays» et territoires. De Vidal de la Blache aux lois d aménagement et de développement du territoire, Dijon, 2002, pp AMSELLE, J-L. Branchements. Anthropologie de l universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001, 265 p. 18 Selon la terminologie de Yannick Sencébé, la notion d enclavement prend encore plus de sens dans ses travaux compte tenu de la géographie du territoire qu il étudie, in SENCÉBÉ Y. (2002), op.cit 19 PAGES A., «Pauvreté et exclusion en milieu rural français», Etude rurales, 2201/3, n , p , disponible en ligne sur 16

18 leur qualité de vie grâce à un mouvement idéologique écologique qui valide l idée d un heureux «retour à la terre», ils restent néanmoins entachés d une certaine image d «archaïsme», d envers de la modernité (bonne ou mauvaise) que représenteraient les villes. En résulte une idée d immuabilité, voire d étouffement, comme s ils vivaient repliés sur eux-mêmes. Il n en ait rien. Dans leurs travaux sur les «néo-ruraux» du Valois, M.Bozon et A.-M. Thiesse commentent les flux migratoires dans cette contrée rurale de l Oise, depuis le XIX e siècle jusque dans les années Ces travaux mettent d ores et déjà à mal une représentation commune, souvent admise de fait, selon laquelle les territoires ruraux seraient des lieux gardés par une population historique, fortement implantée depuis des siècles, farouche à l étranger, se partageant les terres de générations en générations ; jusqu à, tout au moins, l industrialisation et la mécanisation du travail agricole qui a participé à l exode rural dès les années Les auteurs rappellent que dans «nos» contrées du Valois aussi, flux migratoires entrants et flux sortants ont participé depuis fort longtemps, si ce n est au renouvellement des populations, au moins à la dynamique démographique de nos villages et hameaux. Le bilan était, qui plus est, plutôt heureux : les étrangers, principalement polonais dans le Valois, se sont et ont été intégrés et participaient à la vie locale. Pour autant, dès les années 1970, l arrivée de nouveaux citadins qui s installent à la campagne mais travaillent dans les grandes agglomérations représente un phénomène «nouveau». Tout change, car dans le même temps, les campagnes «perdent une partie des jeunes populations [autochtones] en faveur des milieux urbains». Or cette fois, la nouvelle population ne se mélange que peu ou pas aux «allogènes», ne fréquente pas ses lieux de sociabilités, ne s investit pas ou peu dans la vie locale : elle ne travaille pas sur le territoire, n y a pas d amis et, arrivant souvent en couple, ne forme pas même de couples mixtes qui auraient permis leur assimilation. Mais les enfants grandissent Le village est certes parfois «enclavé» et l accès aux services est compliqué, mais il n en est pas moins mouvant et dynamique. Il ne s agit pas de postuler qu il n existe pas de «spécificités» à chaque territoire ou de rejeter en bloc cette analyse, mais d en percevoir les limites et les défauts. Et d interroger notre regard sur le «monde» rural. 2. Indicateurs socioéconomiques et sanitaires Les trois territoires sur lequel porte cette étude ont été choisis selon plusieurs critères : - d une part, il s agissait là de zones géographiques en provenance desquelles nous recevions un nombre croissant d usagers dans nos services. Pour beaucoup, les difficultés d accès aux services avaient considérablement retardé et compliqué leur parcours de soins. - d autre part, nous ne pouvions que constater que les caractéristiques de ces territoires, selon les données socio-sanitaires dont nous disposons, les rendaient fort différents. Au Grand Nord du Beauvaisis - où l on observe l absence de «ville phare» mais différents bourgs de moyenne taille et se caractérisant par des indicateurs socio sanitaires plutôt défavorables - répond le Pays du Valois avec la ville de Crépy-en-Valois pôle d influence de la zone, rassemblant les services et montrant un BOZON M., THIESSE A.-M., La terre promue : Gens du pays et nouveaux habitants dans les villages du Valois, Fondation Royaumont, 1986

19 certain dynamisme -, dont les indicateurs économiques et sociaux feraient pâlir d envie nombre d autres territoires, mais privé de ressources et de services suffisants. Ces territoires, donc, s ils sont tous à «dominante rurale» 21, font état de contextes différents. Le Nord du Beauvaisis Picardie Verte et Crèvecœur le Grand plus proches. Situées au nord de Beauvais, les Communautés de Communes de la Picardie verte et de Crèvecœur-le-Grand sont des zones parmi les plus rurales de l Oise. Composé de cinq cantons et de plus de 90 communes, ce territoire se caractérise par un nombre important de petits bourgs de moyenne influence Grand Villiers, Formerie, Songeons, Marseille en Beauvaisis, Crèvecœur-le-Grand Beauvais au sud et Amiens au nord constituent les grands pôles urbains les Les indicateurs convergent à montrer une situation socio-économique relativement peu favorable avec notamment en 2006, un revenu net imposable annuel moyen des habitants de la Picardie Verte et de la Communauté de Communes (CC) de Crèvecœur (respectivement et ) inférieur aux revenus annuels moyens des Isariens ( ), des Picards ( ) et des Français ( ) 22. Un constat à nuancer cependant : la perte des emplois agricoles suite à l industrialisation semble peu ou prou avoir été compensée par l implantation ou le développement de ses industries, avec notamment la verrerie Saverglass à Feuquières, Luchards industrie à Grandvilliers et Kindy Bloquert à Moliens. Pourtant, chaque fermeture ou suppression de postes et de sources d emploi se fait lourdement ressentir dans la région. A l image des activités présentes dans la zone, les ouvriers sont plus représentés qu en moyenne dans l Oise. Le niveau de qualification de la population reste, en moyenne, faible. De plus, à l inverse d autres zones rurales qui connaissent un certain exode rural, la Picardie verte enregistre une croissance démographique modérée. Elle attire une population nouvellement implantée 23 (famille avec jeunes enfants) même si elle perd par ailleurs une population jeune, en particuliers des ans qui partent en ville poursuivre leur scolarité ou trouver un premier emploi Et qui parfois, reviennent, bredouilles 21 Définition de l INSEE : «L'espace à dominante rurale, ou espace rural, regroupe l'ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n'appartenant pas à l'espace à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes multipolarisées). Cet espace est très vaste, il représente 70% de la superficie totale et les deux tiers des communes de la France métropolitaine.» Voir 22 OR2S, Diagnostics territoriaux de santé : Le Grand Beauvaisis, 2010, Amiens, p.7 23 «Récemment, les progressions de population les plus marquées ont été enregistrées dans la partie rurale du territoire, dans les bassins de vie de Grandvilliers, et Formerie. Elles correspondent en partie à l extension de la zone de desserrement de l habitat de Beauvais sans atteindre pour ces communes le seuil des 40 % des déplacements d actifs vers ce pôle économique.( )Les arrivées récentes dans la zone sont plutôt des familles accompagnées de leurs jeunes enfants. Les départs concernent principalement les jeunes de 15 à 30 ans qui partent en ville poursuivre leur scolarité ou trouver un premier emploi.» Voir LEROUX L., «La Communauté de Commune de la Picardie Verte, un territoire rural de l Oise», REGARDS, INSEE Picardie, oct

20 Les indicateurs de santé, eux, ne sont guère favorables à la zone : les mortalités générales et prématurées sont significativement au-dessus des moyennes nationales, tant chez les hommes que chez les femmes, et la densité médicale faible. Plus spécifiquement, les pathologies liées aux consommations d alcool et de tabac sont importantes en Picardie Verte et, de manière plus significative encore, en CC de Crèvecœur 24. Très peu de données existent sur les consommations de produits illicites, si ce n est que les traitements de substitution aux opiacés (Subutex ou Buprénorphine haut Dosage et méthadone) concernent 0,24 % des assurés du Grand Beauvaisis (comprenant Beauvais), ce qui est équivalent au département (0,24 %) et proche de la région (0,30 %). La consommation de ces produits est de 0,13 % chez les femmes et de 0,35 % chez les hommes, soit 316 personnes 25. Cependant, ces indicateurs ne nous permettent pas d estimer l ampleur des besoins et le nombre de consommateurs de drogues qui pourrait bénéficier des services de réduction des risques et de soins. Afin de pouvoir réaliser une telle estimation, il a été systématiquement demandé aux usagers rencontrés d évaluer le nombre de consommateurs réguliers de drogues connus sur leur commune et les communes environnantes et qui pourraient bénéficier des services du SATO- Picardie, mais qui demeuraient néanmoins éloignés d une structure soin. L estimation s est concentrée sur les consommations sévères de produits illicites. Le croisement de ces données nous permet d estimer que ce nombre avoisinerait les 150 à 200 personnes. Ce chiffre aurait cependant tendance à fluctuer et en fonction de la mobilité des usagers, allant et venant en fonction des opportunités d emploi, et avec les jeunes générations. Le Nord-Est Isarien : le Pays des Sources et Vallées L étude s est plus spécifiquement intéressée au Pays Noyonnais et, dans une moindre mesure, au Pays des deux Vallées, où des besoins avaient d ores et déjà été identifiés. Près d une soixantaine de communes composent ce territoire, sous influence de Noyon d une part principale et plus grande ville de la zone, où se concentrent les services et, à l extérieur, de Compiègne. Territoire avec une population plutôt jeune, la situation du Pays Noyonnais semble néanmoins la plus préoccupante de la zone. En effet, les indicateurs sociaux font état d une plus grande précarité de sa population : le taux d allocataires de minimas sociaux et le taux de chômage se révèlent nettement supérieurs aux moyennes nationales, et même régionales 26. Les indicateurs de santé ne sont pas plus favorables : - Les mortalités générales et prématurées sont significativement supérieures dans le pays Noyonnais à celles du niveau national (respectivement 1 163,6 pour habitants contre 903,2 24 Avec un taux de mortalité pour des causes liées à l alcool de 42,3 et 63,7 pour en Picardie Verte et CC de Crèvecœur contre 35,8 pour au niveau national, voir OR2S(2010), op cit, p OR2S (2010), ibid, p Données tirées du recensement de 2006 par l INSEE et exploitées par l OR2S. Se référer à OR2S, Diagnostics territoriaux de santé des pays de Picardie : Sources et Vallées, 2010, Amiens

21 et 295,0 contre 219,4). Cette tendance se confirme de façon significative quant à la mortalité liée aux pathologies dues à l alcool et au tabac. - La mortalité par suicide est significativement supérieure pour les communautés de communes des Deux Vallées et du Pays Noyonnais à celle observée à l échelle nationale. - Quelle que soit la spécialité médicale et paramédicale, les densités en professionnels de santé sont très faibles dans le pays Sources et Vallées. Les densités sont particulièrement basses concernant les médecins spécialistes (deux fois moins qu au niveau régional, quatre fois moins qu au niveau national). La densité en lits de psychiatrie chez les enfants est faible également en regard de la moyenne départementale. Elle est même nulle pour les adultes. Liée à la structure de Compiègne, le SATO-Picardie dispose d une antenne non médicalisée sur la Commune de Noyon. A ce titre, elle assure des permanences suivantes: - Pour le Pôle prévention : chaque lundi de 14h00 à 17h00 et chaque mercredi et jeudi de 9h30 à 12h30, dans les locaux de la mission locale. - Pour l antenne 1 er accueil du Pôle Soins : permanence ouverte sur rendez-vous chaque lundi de 9h30 à 12h30 et chaque jeudi de 14h00 à 16h30 à l hôpital général. Cette permanence est accessible en particulier aux patients hospitalisés pour sevrage et/ou aux patients suivis par l Unité de Compiègne, qui peuvent ainsi bénéficier d une prise en charge régulière au plus proche de leur domicile. De plus, une maraude du CAARUD visant à rencontrer les usagers de drogues actifs s est développée. Elle se rend sur la ville une fois par mois. Malgré le constat que des besoins sont relativement importants dans cette zone géographique ainsi que l attestent les professionnels de santé (pharmaciens, médecins, professionnels du secteur médico-social) et les usagers,- ces dispositifs peinent à drainer nombre d usagers par rapport aux besoins réels, ceci malgré l effort de coordination des professionnels du SATO et du territoire dans le cadre du réseau santé. Les dispositifs demeurent trop peu connus des usagers et le relais peine à s opérer entre les médecins de villes et les équipes du SATO pouvant assurer un suivi psycho-social qui fait défaut. Les usagers se montrent souvent farouches à se dévoiler, préférant avoir recours à «des ressources personnelles» (marché noir, amis, médecin jugé peu regardant), même lorsque celles-ci peuvent jouer, à terme, en leur défaveur. Nous tenterons par la suite de comprendre cet état de fait. Le Sud-Est : Le Pays du Valois Rassemblant les cantons de Crépy-en-Valois, de Betz et de Nanteuil-le-Haudoin, le Pays du Valois se compose de plus de soixante communes. S il n en est pas moins à dominante rurale, le Pays du Valois bénéficie d une situation socio-économique autrement plus favorable que le précédent : en 2007, le revenu net imposable annuel moyen des habitants du Sud de l Oise est de , ce qui est bien au-dessus des revenus 20

22 moyens des habitants de l Oise ( ), des Picards ( ) et des Français ( ). Les taux d allocataires de minima sociaux et de chômage sont également bien en-deçà des moyennes nationales. Ce dynamisme qui se traduit également par une croissance démographique imputable notamment aux effets de migrations dus à l'extension de la grande couronne de la banlieue parisienne - facilitée par le développement des voies de circulation entre la zone et la capitale (ligne SNCF et RN2) et à la proximité de la zone aéroportuaire de Roissy qui constitue un important bassin d emploi. Les indicateurs de santé s en trouvent positivement affectés et se situent plutôt dans le vert. Cependant, comme sur les deux autres territoires, la densité en professionnels de santé est faible, fortement concentrée autour du pôle médical de Crépy-en-Valois. Il y a ainsi moins de médecins libéraux exerçant en médecine générale et moins de spécialistes que sur l ensemble de la France. La maison médicale pluridisciplinaire installée à Crépy-en-Valois vise à pallier ce manque. De plus, le territoire, peu desservi en transports en commun, est marqué par l absence de nombreux services publics. Les hôpitaux, structures d'hébergement, tribunaux, Assedic, CAF, CPAM sont distants de 25 à 75 km selon les cantons. Concernant les addictions, le taux de mortalité pour des causes liées à l alcool est inférieur à celui recensé sur les deux autres territoires d investigation, mais comparable à celui observé au niveau national (respectivement 33,7 et 34,6 pour ). Pour les traitements de substitution aux opiacés (Subutex et méthadone), nous disposons des chiffres s étalant sur tout le sud de l Oise 27 : ils concernent 0,19 % des assurés, ce qui est plus faible que dans le département (0,24 %) et qu en région (0,30 %). La consommation de ces produits est de 0,07 % chez les femmes et de 0,31 % chez les hommes, soit 240 personnes. L enquête réalisée auprès des pharmacies du territoire a montré le peu de recours aux pharmacies dans les villages et bourgades pour obtenir un traitement de substitution aux opiacés, voire du matériel stérile d injection (Stéribox ). Les demandes semblaient se concentrer autour des pharmacies de Crépy-en-Valois, en particulier d une pharmacie. Certains patients, souvent insérés et ayant une vie de famille, semblent éviter les pharmacies les plus proches. Si ce phénomène s explique pour part par la réticence de certaines officines à fournir «ce genre de traitement» (!), cela n en est certainement pas la seule cause. Il démontre un certain évitement des pharmacies de proximité, tant avoir recours à ces officines risquerait d exposer la pathologie du patient et à jeter, sur lui, le stigmate. 3. Contexte rural : observations générales Ces trois territoires, donc, s ils sont à dominante rurale, n ont rien de similaire si l on s en tient aux indicateurs socio-économiques et de santé. Des points de convergences existent OR2S, Diagnostics territoriaux de santé : le Sud de l Oise, 2010, Amiens

23 cependant. Nous mettons ici l accent sur les difficultés spécifiques au contexte rural et non sur ses atouts, qui n en sont pas moins importants : Défaut de mobilité et enclavement Le réseau de transport en commun est peu développé, forçant l isolement des ménages les plus pauvres : pour eux, les déplacements sont tributaires de l'offre de transports en commun. Le budget consacré au transport des 10 % des ménages aux revenus les plus faibles est de 30 % supérieur à la part consacrée par l'ensemble des ménages 28. Une offre de transport à la demande se développe par Oise Mobilité 29, mais les communes rurales restent très enclavées. Dispersion de l habitat et maillage territorial insuffisant L éclatement de l habitat rend plus complexe le maillage territorial et l accessibilité aux services de base, notamment l accès aux soins. D autant plus que la densité médicale apparaît, sur ces trois territoires, faible et même insuffisante, laissant craindre une désertification avec le départ imminent de praticiens dont on ne sait s ils seront remplacés. De façon plus frappante encore, l accès à des soins spécialisés est affecté par le manque de praticiens. Sur les questions de soins des addictions, pour accéder à des CSAPA médicalisés, d aucun doit parcourir entre 25 et 75km Parfois en stop Aller et retour Médecins généralistes palliant au défaut de spécialistes Les zones rurales souffrent d un manque de professionnels et de dispositifs de soutien aux personnes en addiction. D une manière générale, le manque de professionnels de santé implique que les médecins doivent intervenir fréquemment dans diverses spécialités : gynécologie, psychiatrie, addictions, etc. Peu de ces médecins sont formés sur les problématiques addictives. D autant que le risque de voir disparaître, sans être remplacés, les généralistes proches de la retraite qui couvraient le territoire rural est réel. Nous ne pouvons que nous désoler du fait que ces territoires, qui demeurent à tort trop souvent perçus comme inhospitaliers et peu agréables, peinent à attirer de jeunes médecins. Défaut de relais spécialisé Outre les professionnels de santé, les acteurs des territoires souffrent plus généralement du manque de relais et de partenaires sur lesquels s appuyer quand les difficultés rencontrées par les personnes dépassent leur champ de compétences, au premier chef duquel figurent les addictions 30. Le manque de ressources suffisantes implique que les personnes peinent à gérer les conséquences liées aux consommations abusives de produits psycho-actifs. Pauvreté, mobilité : multiplication des contraintes pour l accès aux soins Dans les villages ruraux, le taux de pauvreté est fréquemment plus élevé qu en zone urbaine. 28 BOUSCASSE M., «Pauvreté et Précarité dans l Oise», INSEE Picardie, Analyses n 29, Ce constat propre au monde rural et dépasse largement nos frontières : de nombreuses études américaines insistent sur cette difficulté : No Place to Hide: Substance Abuse in Mid-Size Cities and Rural America January Commissioned by The United States Conference of Mayors Funded by the Drug Enforcement Administration With support from the National Institute on Drug Abuse 22

24 Or, le coût de l accès aux soins, supposant un déplacement et un temps plus importants, s en trouve plus élevé. Un contexte économique qui pousse bien des individus résidant en zone rurale à repousser le recours aux soins 31, n aboutissant qu à un besoin de soins pour des pathologies plus graves et, donc, plus couteuses par la suite. Les difficultés d'accès aux services spécialisés et de recours aux soins ne peuvent cependant pas se résumer aux seuls temps de trajet. Si des structures de proximité favorisant une plus grande accessibilité s avèrent nécessaires, les observations de terrains démontrent que, pour des raisons diverses que nous aborderons, les patients ne consultent pas toujours dans l'établissement de santé le plus proche 32. Des observations qu il s agit de tenter de comprendre et de prendre en compte dans la mise en place des projets. C. Etat des connaissances sur les consommations de drogues en milieu rural 1. Des usagers de drogues en zone rurale, un phénomène nouveau? Nous l avons souligné, la notion de «drogue» est associée, dans l imaginaire collectif, au monde urbain. Depuis quelques années pourtant, des professionnels nous alertent, des articles de presse généraliste (le Monde, le Parisien 33 ), spécialisée (ASUD, Le Flyer, Le Courrier des Addictions ) et des études (FNARS, OFDT, INSEE ) 34 voient le jour et le constat est partagé : partout, l héroïne aurait «colonisé» les milieux ruraux. Si les drogues sont arrivées dans nos campagnes, il nous faut trouver une explication et un coupable. Dans l article d ASUD dont fait l objet notre introduction, l analyse postule que l arrivée de la drogue à la campagne serait passée, Les études sur les inégalités sociales de santé abondent. Ainsi note-t-on dans une étude de l INSEE portant sur la santé des plus pauvres «Les individus ayant les revenus les plus bas sont ainsi plus nombreux à ne pas avoir consulté de médecin généraliste au cours de l année précédente. ( ) Mais la différence est surtout sensible dans la consultation de médecins spécialistes.» Voir De SAINT PAUL, T., La santé des plus pauvres, INSEE, Une observation qui n est par ailleurs pas propre qu au champ des addictions mais se décline pour tous les champs de la médecine. Voir PREVOT P., JOLLY N., L'accès aux soins hospitaliers n'est pas qu'affaire de distance, Une étude pilotée par l INSEE et l ARS Limousin, juin Disponible sur 33 A titre d exemple, voir : - MATEUS C., «Mamère interpellé sur la drogue en milieu rural», Le Parisien 05/03/2002 sur - MARTIN R., FOREY S., «L héroïne, un fléau qui touche aussi les campagnes», Le Monde.fr, , disponible sur 34 Voir bibliographie.

25 en partie tout au moins, par de nouveaux arrivants venus de la ville, attirés par un mouvement de revalorisation des campagnes d inspiration écologiste et par les prix immobiliers : «Moyens et hauts salaires des villes sont venus s installer, qui dans une métairie abandonnée, qui, dans l ancienne salle des fêtes d un hameau en voie de fantômisation. Au fil des ans, la campagne a donc hérité d une population et d une mentalité où les drogues ont naturellement trouvé leur place. Les bourgs devenant naturellement le reflet des villes, cette jeunesse qui n a plus de rural que le nom aspire désormais au même plaisir que celui des centres urbains. Et là où le shit et la weed 35 avaient mis quelques temps à s implanter, il semble que la CC 36 et parfois l héro 37 n aient eu besoin que de quelques mois pour le faire. 38» En France pourtant, peu voire très peu d études et recherches fines permettent d étayer pour valider ou rejeter la thèse du triptyque «citadins néo-ruraux» «drogues» «campagne». Mais l hypothèse, présentée comme une évidence, mérite d être interrogée. Car elle semble finalement relativement «attrayante» pour tous: pour les citadins qui gardent leur côté subversif et contestataire de la «Loi», la ville comme lieu de modernité qu on se la figure bonne ou mauvaise-, et pour les ruraux qui trouvent dans ces citadins la cause de leur malheur, d une déchéance et de cette nouvelle source de potentiels stigmates. Ainsi dégrossie, l idée nous parait entachée de représentations hâtives et peu satisfaisantes Si le phénomène fait aujourd hui parler de lui et se fait donc plus «visible», il est permis de douter, en accord avec O. Bonnin dans son article «La seringue est dans les prés» et nombre d intervenants en toxicomanie, que «l usage de drogue ait soudainement bondi dans nos campagnes 39». D autant que depuis ces quelques dernières années, le phénomène fait parler de lui, de façon quasi synchronique, sur tous les territoires ou presque! Etrange simultanéité? Notons tout de même que l ouvrage de référence d Anne COPPEL et de Christian BACHMAN 40 tendrait au contraire à invalider cette thèse, en montrant que la prolifération historique des drogues n a pas «miraculeusement épargné» la campagne. Notons également que la question de la drogue en zone à dominante rurale et des modalités d actions sur ces territoires particuliers interroge l association, les intervenants et institutionnels depuis aujourd hui bien des années. Mais les actions entreprises peinent à se développer, à être investies. A titre d exemple, en 1998, un dispositif d unité mobile a été porté par l association, sous le nom du SAAM (Service d Accueil et d Aide Mobile), et s est dispersé dans les villes de l Aisne. Deux ans plus tard, l équipe conclut à la difficulté d agir dans un contexte semi rural. Le projet est suspendu, malgré la reconnaissance du fait que les besoins existent. Nous ne parlons pas encore du village Le village est-il alors épargné des lieux de commerce et de consommations de drogues? 35 Cannabis 36 Cocaïne 37 Héroïne 38 Alain TERMOLLE, «Des traces à la campagne», ASUD Journal, n 49, Mars 2012, pp O.BONNIN, «Usagers de drogues en milieu rural - La seringue est dans le pré», Le journal du Sida, n 217, oct-nov-déc BACHMANN C., COPPEL A., La drogue dans le monde : hier et aujourd hui, Editions Albin Michel, Points actuels, Paris, 1989, p 32. Dans «La drogue dans le monde, hier et aujourd hui», Anne COPPEL et Christian Bachmann retracent l histoire de la diffusion des substances psycho-actives que l on nomme aujourd hui «drogues dangereuses», mais ce ne fut pas toujours le cas. 24

26 M interrogeant sur la question, je décidai de la mettre à l épreuve et tentais de questionner les usagers rencontrés. En cœur avec de nombreuses autres réponses, celle de M. fut catégorique. Nos routes se croisèrent alors que je venais au CSAPA pour voir un jeune consommateur d héroïne issu de Picardie Verte. En attendant que ce dernier arrive, je discute avec M., un usager approchant la cinquantaine, suivi de très longue date au SATO. Il ne me connait pas encore et me demande, donc, quelle est ma fonction dans l association. Je lui explique en quelques mots la teneur du projet et la raison de ma présence. Alors que je laisse entendre que l on pense communément que drogue et campagne serait un phénomène nouveau auquel on s intéresse depuis, finalement, peu de temps, M. se met à rire à gorge déployée, découvrant dans le même temps ses dents noircies de façon si caractéristique par la méthadone. C est le regard amusé et complice qu il me confie que lui-même est enfant du pays, né et élevé dans un petit village de la zone en question. C est bien là-bas, alors qu il avait 16 ans, qu il a commencé l héroïne il y a plus de 30 ans Et de l héroïne, à l époque, il y en avait déjà... «Tant qu y a du produit, y a des consommateurs et tant qu y a des consommateurs, y a des produits. Ca a pas d frontières ça!» ajoute-t-il pour finir. Voilà qui met à mal une idée tenue pour vrai a priori, et finalement, peu interrogée : la drogue serait l ivresse des villes dont la campagne aurait su se préserver jusqu à peu. Ainsi peut-on lire, à titre d explication «La ville dissimule le drogué mieux que la campagne. Il y vit plus anonymement, trouve des cachettes, peut changer de quartier 41». Voilà qui amuserait follement nombres d usagers que j ai rencontrés: la campagne offre bien des lieux d échange et de consommation d autant plus discrets que l on se les représente comme naïfs et on ne peut pas en dire autant des quartiers pauvres des villes, ainsi que l exprime cet usager originaire d une petit village du Nord Est : «Dans les campagnes c est là où justement souvent ça tourne le plus hein! Parce que justement on est bien planqué. C est l idéal quoi. Parce qu on vient pas nous chercher à la campagne. En ville on peut se faire attraper un peu n importe quand. ( ). Tandis qu à la campagne c est déjà plus rare, et puis les policiers c est pas pareil, ils sont moins hargneux, ils vont moins chercher ça. En campagne elle est plus calme qu en ville. Quand ils vous connaissent c est vrai qu ils sont plus cools. Tandis qu en ville ils sont plus méfiants.» Homme, Picardie Verte Les milieux ruraux restent en effet principalement sous responsabilité de la gendarmerie et non de la police nationale. Il est probable que cette différence ville et police / village et gendarmerie impacte l image que les usagers ont des forces de l ordre en campagne. En effet, les gendarmes bénéficient d une image plus positive, sont considérés plus courtois ou moins invasifs, voire agressifs, que les fonctionnaires. Nous ne voulons certes pas insinuer que les contrôles des forces de l ordre devraient se faire plus agressifs en campagne, d une part car la politique nationale menée en ce sens depuis plus de 40 ans a montré son incapacité à induire une quelconque réduction de la consommation, d autre part en ce sens qu elle a certainement contribué à marginaliser les usagers et précipiter certains parcours vers la criminalité ou l exclusion. Nous cherchons plutôt à établir un constat qui vient questionner le sens de ces évidentes réticences à admettre que les drogues aient pu imprégner les campagnes, et donc à nous intéresser aux consommateurs et à leurs éventuels besoins. Car pour interroger les besoins, il faut admettre qu il y en ait. Aujourd hui, la question est plus visible : on en parle. Peut-être cela a t-il eu un impact, car la tendance est, il est vrai, de InJÜNGER E. (1970), Approches, drogues et ivresses, Paris, Gallimard, 1973

27 s intéresser à ces campagnes où viennent s implanter de jeunes «ex-urbains», plus communément appelé «néo-ruraux». Dans l ouvrage collectif La France des invisibles, J. Confavreux, N. Renahy, à propos des classes populaires et du prolétariat dans le milieu rural, avancent un élément éclairant pour notre analyse : «On a assisté, dans les médias comme dans les sciences sociales, à une spatialisation des problèmes sociaux, qui correspond à une réalité, mais qui modifie le point de vue. On s est mis à regarder les territoires d exclus, principalement les banlieues, et on a cessé de raisonner en termes de catégories sociales. La question sociale est devenue synonyme de «banlieue»( ). Il reste pourtant des classes populaires dans le monde rural, notamment des jeunes, qui subissent non seulement la domination sociale mais une forme d oubli culturel. ( )» 42 Oubli Voila qui fait écho : l urbanisation massive de la seconde moitié du XXe siècle a tourné notre regard curieux vers les villes et délaissé les campagnes. La ville devint le symbole de la modernité, du progrès : l avenir Les campagnes, par opposition aux «mouvements urbains», prirent alors une fonction symbolique d «envers de la modernité 43». Les phénomènes sociaux, notamment la propagation des drogues dans les années 1960 à 1980, étaient perçus comme étant «spacialisés» dans les villes. Mais notre œil avait quitté la campagne, que l on se figurait statique, archaïque, immuable isolée des villes et des phénomènes sociaux qui «transformaient» la société. Aujourd hui, le regard se tourne de nouveau vers ces campagnes, que l on regarde avec un intérêt inédit : si elles restent perçues comme «archaïques» (notamment sa population historique!)), elles sont le lieu qui offre un mieux vivre. On aime alors à observer la tendance au «retour à la terre» 44 de ces citadins mus aussi bien par une idéologie d inspiration écologique que par l inflation des prix en ville. La campagne intéresse à nouveau, comme en témoigne la multiplication des études et articles sur le sujet. Les phénomènes sociaux que l on observe alors dans ces campagnes nouvellement découvertes seraient donc imputables à ces nouveaux arrivants, puisque notre regard s est tourné pour l observer au moment où ces néo-ruraux s installent. Le «problème des drogues» dans les campagnes est-il un phénomène nouveau ou est-ce nouveau qu il nous pose problème? Si le phénomène ne serait pas aussi récent que ne l est le débat, nous pouvons nous interroger : pourquoi localement les voix ne se sont-elles pas élevées plus fort? Quels enseignements pourrait-on en tirer? Nous introduisons ici des éléments d hypothèse que nous 42 CONFAVREUX J., RENAHY N., «Gars du coin. Quand l appartenance villageoise ne garantit plus l insertion sociale», in S.BEAUD (dir) La France des invisibles, La découverte, Paris, 2006, pp Ibid 44 Un phénomène dont l ampleur est très souvent nettement surévalué. La campagne n a pas observé les citadins arrivés en «raz de marée» comme présagés, même si, bien sûr, la migration des citadins vers les campagnes est un phénomène qui s observe de façon notable. La lecture des archives municipales est à ce titre amusante : la «colonisation» présagée, tour à tour souhaitée et crainte, n a jamais atteint les seuils attendus et témoigne de l implication des médias dans la fabrication des phénomènes sociaux. Si l INSEE note l existence d un mouvement de croissance démographique dans les campagnes, imputable à de nouveaux venus citadins, les études soulignent que cette tendance n atteint pas les ampleurs que l on se figure. Localement, l ouvrage de M. Bozon, A.-M. Thiesse sur l histoire de ces nouveaux arrivants dans le Valois le commente avec humour : BOZON M., THIESSE A.-M., La terre promue : Gens du pays et nouveaux habitants dans les villages du Valois, Fondation Royaumont,

28 développerons par la suite, en tentant de comprendre les dynamiques rurales. D une part, le milieu rural a été longtemps quelque peu «délaissé» par les politiques publiques. Le départ de sa jeunesse a aussi, à mesure, engendré le départ des services de proximité : ici la poste, là l école, le foyer rural, etc... Alors, les habitants le savent, les demandes formulées de nouveaux services, les protestations restent souvent lettre morte. A quoi sert-il de s époumoner dans le vide, sans espoir réel de se voir satisfaire? Notons aussi d ores et déjà que l investigation menée révèle des réponses locales encore aujourd hui contradictoires, allant du «Il y a pas d ça chez nous!... et si d aventure il y en avait, merci de garder discrétion», à l inquiétude parfois impuissante de certains acteurs dynamiques et impliqués, craignant de voir se «détruire» des jeunes qu ils ont vus grandir ou avec lesquels ils ont partagé les bancs de l école. Il n en demeure pas moins, que, parfois les élus locaux des petites communes craignent de voir arriver ces yeux scrutateurs qui lèvent le voile sur un phénomène socialement «honteux». L étude américaine «No place to hide» portant sur l état des savoirs sur les consommations de drogues en milieu rural aux Etats-Unis et tirant ses recommandations au gouvernement sur les actions à mener, apporte également un élément de réponse intéressant : les les populations rurales valoriseraient «L autonomie et la «non dépendance» est une valeur phare dans les petites communautés, et accepter de recevoir un traitement peut être perçu comme un signe de faiblesse» 45. Voilà quelques unes des hypothèses lancées pour expliquer le fait que la campagne aurait «caché» ses usagers Ou qu ils se seraient eux-mêmes cachés. Des questions qu il convient de se poser afin d appréhender les enjeux et les défis du développement de réponses locales concernant la question des addictions, à plus forte raison les usages de drogues. Nous y reviendrons. Si nous supposons que l apparition des drogues et d usagers de drogues dans les campagnes n a de véritablement nouveau que l intérêt qu elle suscite, cela ne signifie pas qu elle ne se transforme pas, n évolue pas. Nous opposons certes des arguments à la théorie du bouleversement soudain attribué aux nouveaux arrivants venant «pervertir» la campagne, mais nous n objectons pas que la propagation des drogues connaisse des évolutions. Sur nos territoires, les professionnels et les usagers convergent sur un point d analyse : la consommation de drogue en milieu rural se fait plus visible, prend de l ampleur et touche douloureusement une partie de la population. 2. Drogues et ruralité Etat de la recherche Si le phénomène intéresse et fait aujourd hui parler de lui, les études portant sur les addictions et, plus particulièrement, les toxicomanies en milieu rural ne sont pas pléthore en France. Les travaux sur la pauvreté et l exclusion en milieu rural, plus fréquents, attestent cependant de l existence de ces consommateurs de produits psycho-actifs parmi les franges les plus pauvres et/ou Traduction réalisée par l auteure. En version originale: Self-reliance is traditionally valued in smaller communities, and receiving treatment may be seen as a sign of weakness. In No Place to Hide: Substance Abuse in Mid-Size Cities and Rural America January 2000 Commissioned by The United States Conference of Mayors Funded by the Drug Enforcement Administration With support from the National Institute on Drug Abuse

29 ayant échoué à trouver place dans le monde du travail 46. Souvent, le phénomène est jugé comme similaire à celui observé en ville : pas de spécificités du «toxicomane des champs»! Ainsi une étude située dans la région bourguignonne : «Les professionnels avancent sur tous les territoires d études des problèmes d addictions liés à l alcool ou à la drogue.( ). S il n y a pas là de réelles spécificités au milieu rural, la question est celle des relais pour traiter ces questions.» Nous observons par contre l explosion ces quelques dernières années du nombre d articles, parfois au ton affolé, sur le sujet. L installation des premiers projets ou encore les polémiques liées à des faits divers (surdoses, arrestations de police, etc.) ont levé le voile sur un phénomène longtemps traité comme secondaire (l urgence était en ville et les dispositifs fonctionnaient plus rapidement en ville qu en campagne), sinon ignoré. Outre-Atlantique, le constat est fort différent: la question des consommations de produits psycho-actifs fait parler d elle et fait couler plus d encre. Les études parues visent à juger de l importance du phénomène et de ses contours et concluent à la nécessité d intervenir de manière réfléchie et efficiente, mais soulignent que la recherche de solutions ne peut se penser dans les mêmes logiques dans un contexte rural qu en ville Efficience : un terme anglo-saxon signifiant la recherche de la maximisation du rapport coût/efficacité. Or, c est bien là où les actions entreprises en milieu rural pêchent : la dispersion territoriale des habitants et le manque de services existants sur lesquels s appuyer localement (relais, administrations, transports, services sociaux, etc.) impliquent que le rapport coût par bénéficiaire des dispositifs apparaît bien plus élevé qu en zone urbaine : le nombre de bénéficiaires à disposition est nettement moins important en zone rurale et les moyens pour atteindre ces usagers supposent, de fait, des dépenses (transport, moyens humains et matériels ). Cependant, sans le développement de ces dispositifs, le cercle est vicieux. En effet, ce rapport au coût aboutit à ce que nombre de services soient contraints de fermer leurs portes (ou de ne pas ouvrir). Or, le manque de ces services engendre une dégradation de la situation des plus démunis et, donc, des coûts sanitaires et sociaux plus élevés pour les atteindre à nouveau et gérer une situation encore plus dégradée, aboutissant à la mise en place de projets plus coûteux, à court terme à tout le moins. De plus, nous ne disposons alors plus d aucun relais pour accéder à ces personnes. A titre d exemple : Formerie, canton rural de Picardie verte, est le plus pauvre de l Oise. Le Centre social rural de Formerie, pour répondre aux besoins des ménages les plus pauvres, avait mis en place dans ses locaux une petite épicerie sociale. Pour permettre aux ménages les plus démunis des alentours d y accéder, un système de transport avait été mis en place. A cause de contraintes budgétaires trop fortes, nous dit-on, le système de transport gratuit fut abandonné. Moins de bénéficiaires donc. Aujourd hui, faisant face à un trop lourd déficit, le centre social rural a fermé ses portes 47. Nous pouvons deviner que la situation des 46 Voir le rapport d étude de l IRTESS et de la FNARS Bourgogne, Etude sur les processus d exclusion et d insertion en milieu rural, Janvier 2009 Mais aussi, PAGES A., La pauvreté en milieu rural, Ed. Presses universitaires du Mirail, 2005 et, RENAHY N., Les Gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale Paris, La Découverte, Voir : Mais aussi : Notons cependant que les centres sociaux ruraux du Nord du Beauvaisis sont aujourd hui en restructuration, pour tenter de faire face aux contraintes budgétaires sans remettre en cause leur présence. 28

30 personnes qui étaient bénéficiaires de ce dispositif, ne disposant que de peu d alternatives pour quérir un soutien, risque fort de se dégrader. Alors, le calcul n est-il pas inexact? Nombre d études le démontrent. Comme le soulignait déjà l adage populaire : «il vaut mieux prévenir que guérir» Dans le domaine de la santé, cela coûte en somme moins cher! Ainsi il est moins couteux d offrir des soins aux personnes avant que leurs situations ne se dégradent, aggravant les pathologies, lesquelles nécessitent des traitements nettement plus onéreux. Une réflexion que ne manquent pas de faire les études américaines portant sur les actions à mettre en œuvre concernant la lutte contre les addictions et l accès aux soins en zone rurale : «La faible densité démographique en milieu rural implique qu il est difficile pour les services agissant dans le domaine des addictions et de la santé mentale de réaliser les économies d échelle nécessaires à la mise en place d un accès au soins effectif. Les coûts engagés ne se répartissent que sur un nombre limité de bénéficiaires. Le coût par habitant des dispositifs qui permettraient de fournir les soins adéquats apparaît prohibitif 48. A cause du manque de financeurs, la responsabilité de la gestion des traitements des addictions incombe le plus souvent aux hôpitaux locaux, non spécialisés et peu formés ( ). 49» et d en conclure que pour répondre efficacement aux besoins «Il faut qu il y ait une augmentation de l implication et des modalités de financements de l Etat et des institutions publiques.» Ces études démontrent que, faute de capacité d action en zone rurale, non seulement les adultes résidant dans les petites villes et les villages sont aussi susceptibles de consommer de la drogue, des cigarettes et de l alcool que ceux vivant dans de grandes agglomérations, mais qu aujourd hui les jeunes ruraux sont davantage susceptibles de consommer de tels produits par rapport à leurs homologues citadins 50. Si l on peut déplorer le manque d études fines sur la situation en France, les professionnels ne sont cependant pas en reste pour tenter de répondre à ces besoins émergeant dans les communautés rurales Le système de financement de ces services n est pas le même aux Etats-Unis et répond à des règles basées sur le système mis en place en milieu urbain, où le contexte est fort différent. Si ces règles ne sont pas remplies, le financement des campagnes de prévention incombe alors aux collectivités territoriales. 49 Traduction par l auteure. The low population density of rural communities often makes it difficult for substance abuse or other mental health services providers to achieve the economies of scale needed to provide effective treatment services.26 Overhead costs cannot be spread out over a large number of clients and the per capita cost of providing medical services becomes prohibitive. Because of this shortage of providers, the responsibility of the delivery of substance abuse treatment in rural areas often falls to local hospitals. Hospitalbased outpatient services are clearly lacking in rural areas.( ) There must be increased coordinated efforts that include the states and the federal government. In No Place to Hide: Substance Abuse in Mid-Size Cities and Rural America January 2000 Commissioned by The United States Conference of Mayors Funded by the Drug Enforcement Administration With support from the National Institute on Drug Abuse, p Adults in small metropolitan and rural areas are just as likely as those in urban America to use and abuse illegal drugs, alcohol and tobacco. Young teens in small metropolitan and rural areas are even more likely to abuse substances than those in large metropolitan areas. Today in River City, drugs are just as easy to obtain as they are in Metropolis in. No Place to Hide, ibid p.1

31 3. Expériences et dispositifs existants Nous déclinerons ici certaines des expériences et des dispositifs ayant été mis en place en milieu rural et qui ont connu un certains succès. Notons cependant que ces exemples n ont pas vocation à dresser une liste exhaustivel. Accès aux soins dans les communes rurales : l exemple des microstructures Nous donnerons comme premier exemple de dispositif s étant décliné en milieu rural celui des microstructures. La naissance du concept de microstructures apparaît dès la fin des années 90, alors que les politiques de réduction des risques et le développement des traitements de substitution aux opiacés commencent à se développer en France, tardivement et non sans conflit, contraints et forcés face aux enjeux sanitaires liés à l épidémie du SIDA. Le principe était simple et visait à répondre à la demande des patients usagers de drogues de pouvoir avoir accès, chez leur médecin généraliste, à un traitement et à un accompagnement de qualité équivalent à celui qu'ils trouvaient dans les CSAPA (anciennement CSST) délivrant des traitements par la méthadone 51. Cette initiative devait également aider et soutenir les médecins dans l accompagnement des personnes en dépendance, ceux-ci faisant parfois connaître leurs réticences mais aussi leurs difficultés à opérer un suivi adéquat de ces patients. Le fonctionnement est simple : l équipe est constituée par le médecin, un psychologue et un travailleur social qui assurent le suivi de ces patients. Le psychologue et le travailleur social reçoivent ces derniers dans le cabinet du médecin à des plages horaires hebdomadaires fixes. Le pharmacien d officine peut, au cas par cas, être sollicité en raison de son travail de délivrance des produits prescrits. Régulièrement, l équipe de la microstructure se réunit en synthèse. Elle analyse les situations des patients suivis et oriente la conduite à tenir avec chacun d eux. Ponctuellement, le patient lui-même peut être invité à ces synthèses. Les microstructures médicales ont été conçues en janvier 2000 à l'initiative de l'association alsacienne Espace Indépendance. Les sources de financement sont multiples : Union Régionale des Caisses d'assurance Maladie (URCAM), Agence Régionale de l'hospitalisation (ARH), collectivités territoriales, Groupement Régional de Santé Publique (GRSP), Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et la Toxicomanie (MILDT). Cette formule qui connût rapidement le succès : après une phase expérimentale de 3 ans, le réseau RMS s'est constitué en Alsace comme entité juridique autonome en juillet En septembre 2006, il comptait 20 microstructures de soins et suivait 625 patients, 921 patients en Rien qu en Alsace. D autres régions ont suivi et une initiative similaire est aujourd hui intentée dans le département voisin (par le Mail dans la Somme). Outre l accompagnement pluridisciplinaire et le travail d équipe et de coordination, la mise en place d'un traitement méthadone est grandement facilitée dans le cadre des microstructures telles que conçues en Alsace. La procédure d'initialisation est simplifiée et le travail pluridisciplinaire 51 Les règles de prescription et de délivrance de la méthadone imposent que la prescription initiale soit réservée aux médecins exerçant en centre spécialisé CSAPA - ou aux médecins exerçant dans un établissement de santé. Le médecin généraliste, de son côté, peut initier un traitement à la buprénorphine haut dosage. 30

32 permet plus facilement d'expérimenter la méthadone, plus adaptée pour certains patients que la buprénorphine Haut Dosage (BHD). Le médecin, formé et accompagné par l équipe, peut procéder à l initialisation. Le lien avec une pharmacie peut permettre, lorsque cela est souhaitable, une prise quotidienne dans l officine. Le dispositif se décline rapidement dans les zones rurales et semble répondre enfin aux difficultés de prise en charge rencontrées par les médecins et aux difficultés d accès aux soins et à un accompagnement satisfaisant pour les usagers. Finalement, sur les 921 patients suivis par RMS Alsace en 2009, 218 sont issus de microstructures situées en milieu rural, soit 24 % du réseau. Une petite étude portant sur les patients consultant des microstructures en milieu rural a été menée par le Réseau des Maison Médicales en Alsace en Elle compare les principales caractéristiques des usagers des microstructures installées en zone rurales à celles de patients consultant ce même type de structures en zone urbaine. L étude conclut que les patients rencontrés en milieu rural sont plus jeunes (55% de moins de 30 ans, 30% de moins de 25 ans), plus nombreux à consommer de l héroïne (85% contre 70%), et qu ils ont commencé leur consommation de façon plus précoce en moyenne (18 ans contre 20 ans) qu en zone urbaine. Les consommations se font principalement par voie nasale (pour 70%). 90 % des patients déclarent avoir eu une conduite de consommation à risques (sniff ou intraveineuse) avec des substances consommées au moins une fois dans la vie (vs 81 % pour l ensemble du réseau). Ils sont cependant plus fréquemment vaccinés contre le VHB (33 % vs 25 %) et présentent moins souvent une contamination VHC (12 % vs 34 %). Plus souvent en emploi, les patients pharmacodépendants apparaissent mieux insérés et mieux entourés que dans les zones urbanisées. Concernant la pertinence du dispositif, une première évaluation 53 a montré que le suivi en microstructure donne de meilleurs résultats que ceux obtenus avec une offre de soins conventionnelle dans les domaines de la consommation de drogues illicites, des relations sociales, de l'état psychiatrique et de la capacité du patient à trouver un emploi. Une seconde évaluation s'est plus particulièrement intéressée au fonctionnement du réseau 54. Elle montrait une augmentation de la part des substitutions par la méthadone et un fonctionnement satisfaisant des suivis psychologiques. Ce bilan plutôt satisfaisant explique le succès de cette initiative, notamment en milieu rural DI NINO F., Caractéristique des patients inclus au réseau RMS Alsace issus des microstructures implantées en milieu rural, Juillet 2010, disponible sur Attention, l étude ne se prétend pas représentative des usagers de drogues en milieu rural, mais des usagers venus consulter les microstructures installées en zone rurale. 53 HEDELIN G., Note de synthèse du rapport sur les microstructures médicales. Evolutions à 24 mois des scores du questionnaire ASI. Technisa report, Laboratoire d'épidémiologie et de santé publique de l'université Louis Pasteur de Strasbourg, Février HEDELIN G, HAMADOUCHE A., Rapport final : le réseau des microstructures. Technical report, 2005.

33 Réduction des risques (RdR) en milieu rural: mobilité, accessibilité et discrétion? Lors des 3emes rencontres de réduction des risques liés aux usages de drogues organisées par l Association Française de Réduction des risques (AFR) en octobre 2010, un forum est dédié au CAARUD Atypik (Pas de Calais) pour exposer leur programme en milieu rural. En 2013, l association Espace organise un colloque intitulé «De l éthique à l étiquette : pratiques et innovations de RdR en milieu rural». La question du développement des actions de RdR dans les milieux ruraux interroge et pose de nouveaux défis que le milieu urbain ignorait. Il nous faut donc inventer, et nous citerons ici quelques unes des «pratiques innovantes» qui s y sont développées. En exposant leurs pratiques, les CAARUD agissant en milieu rural insistent sur la nécessité de jouer de différentes stratégies pour parvenir à rencontrer les usagers et remplir leurs missions de réductions des risques. Aussi, souvent, les CAARUD ont mis en place plusieurs des dispositifs suivants, et d autres encore - Unité mobile : souvent sous la forme d un camion fourgon, l unité mobile permet d assurer l accueil des usagers, l écoute et la transmission de matériel stérile, de l information et de prodiguer des conseils en se déplaçant dans les lieux les plus reculés. Un lieu d accueil donc. Aussi, dans une même journée, l unité mobile peut se rendre dans plusieurs villages à la rencontre des usagers. Se pose alors la question de la visibilisation des usagers de drogues, qui peut s avérer être un frein à l investissement de ce dispositif par certains usagers. Souvent, les usagers choisissent le lieu de la rencontre. - Acteurs relais : Lorsque les intervenants de réduction des risques s inscrivent sur un territoire très majoritairement rural, ils sont contraints de parcourir de nombreux kilomètres pour parvenir à couvrir le plus largement possible ces territoires. Le CAARUD TEMPO, dans la Drôme, explique être contraint à faire plus de 15 heures de trajet par semaine à cet effet. Le service s est donc armé d usagers relais, principaux contacts dans les villages, qui seront à leur tour en charge de redistribuer le matériel, l information et les conseils que l intervenant leur aura prodigué. Une difficulté cependant : le départ d un acteur relais (toujours bénévole) implique la perte des contacts pour toute une communauté et tout un travail à reconstruire. Car les usagers se cachent. De fait, outre ces usagers-relais, le travail partenarial avec les professionnels des territoires est d une importance cruciale. Un travail de longue haleine, où l effort principal, note l intervenant, consiste à briser le silence et se confronter aux tabous et aux peurs. Disponibilité, compréhension et non jugement auprès des usagers comme auprès des professionnels ont été les maitres mots pour initier un programme d échange de seringue dans un CHRS, explique-t-il. - Les programmes d échange de seringue (PES) en pharmacie et les automates : les officines constituent pour les professionnels de l addiction CSAPA comme CAARUD - des partenaires précieux et incontournables. L'accès aux seringues en pharmacie reste le mode de distribution le plus important (environ 70% de la diffusion), même si l'expérience montre qu'il est aussi fonction de la mobilisation des pharmaciens. Ce constat est à l'origine du développement des PES Pharmacie. Un principe simple : - les pharmacies donnent gratuitement un Stéribox en échange d'un Stéribox usagé. Le premier Stéribox peut être donné gratuitement ou non. Le pharmacien récupère dans des containers les Stéribox usagés. 32

34 - le CAARUD assure la logistique d'achat, d'approvisionnement, de récupération et de destruction, organise la formation des pharmaciens et de leurs équipes et gère le suivi de l'opération. - Souvent, l'association met à disposition une assistance téléphonique et opère des visites régulières d échange avec les officines Ce dispositif trouve cependant ses limites puisqu il ne permet que peu ou pas de rencontre directe avec les usagers, lesquels demeurent invisibles : les liens ne se tissent guère. Il s agit là d une approche purement «pragmatique» dont se revendique parfois la RdR, mais qui trouve néanmoins ses limites en ne parvenant pas à «aller vers» des usagers en difficultés sociales et sanitaires. - PES par la poste : Depuis l été 2011, l association SAFE a également mis en place un dispositif national visant à rendre plus accessible les programmes d échange de seringues en milieu rural. Les usagers éloignés des services de RdR sont invités à prendre contact avec l association par téléphone. Le premier entretien permet à l usager et au professionnel d estimer les besoins de la personne en fonction de ses pratiques de consommation et de discuter de celles-ci afin de pouvoir évaluer les risques pris et d apporter des conseils pour les limiter (correcte utilisation des stéribox, risques d abcès ou d infection, pratique de sniff etc.). Le CAARUD le plus proche est ensuite contacté par l association et proposition est faite, sous réserve de l accord de l usager, qu un relais soit pris en fonction d une part des possibilités d intervention du CAARUD et d autre part des besoins des usagers. Si la solution du PES par la poste est actée, les liens téléphoniques avec l usager restent réguliers. Les kits lui sont envoyés à domicile et, à son tour, l usager renvoie un carton de matériel utilisé dans un paquet sécurisé. 33

35 Usagers de produits et pratiques de consommations dans les milieux ruraux de l Oise - Quels constats? Il est utile de commencer cet exposé par une précaution : Aude Lalande le rappelle, les usagers de drogues ne forment pas, loin s en faut, un groupe homogène 55. Il s agit d un usage qui ne connait pas de frontières sociales. Si les consommations de drogues sont aujourd hui hantées par la figure du «toxicomane», symbole de déchéance et d exclusion qui agit par le produit et qui s échappe à lui-même, l ethnologue bouscule notre mémoire et nous rappelle qu il fut un temps où les expérimentations de drogues étaient perçues comme utiles et bonnes, ouvrant «les portes de la perception» 56. Mais si l usage de drogue renvoie à une pratique illégale et plus ou moins stigmatisée par les normes sociales dominantes aujourd hui, les pratiques n en sont pas moins diverses et les groupes de sociabilité ne se rencontrent pas toujours : «Ce milieu est très atomisé, structuré autour de groupes de petite taille et relativement étanches, qui savent mal ce qui se fait à coté. Comme les usagers ont en commun de se rendre invisibles aux yeux du monde social, on les imagine parfois formant un milieu homogène, mais ils sont, tout autant, majoritairement invisibles les uns aux autres.» LALANDE A., «Drogués, usagers aux quotidien», in BEAUD S., CONFAVREUX J., LINDGAARD J. (dir.), La France invisible, Paris, La Découverte, 2007, pp A ce sujet, voir LALANDE A, «Savoir des usagers : de quoi parle-t-on?», Vacarme n 46, hiver 2009, disponible sur ; mais aussi les ouvrages de Anne COPPEL et de christian BACHMAN, op.cit 57 LALANDE A., op.cit. 34

36 A. Caractéristiques sociodémographiques des usagers résidant dans les zones rurales investiguées C est avec cette idée à l esprit que nous vous invitons à lire ces résultats généraux. Il s agit ici de rendre compte des données quantitatives collectées pour cette recherche. Les critères d inclusion pour cette étude impliquaient que les personnes rencontrées aient consommé, au moins une fois dans leur vie, des produits psycho actifs illicites des «drogues». Cela ne fait pas d eux un groupe homogène, soudé et stable il ne s agit pas d établir des critères permettant de reconnaître, cela va de soi, des usagers de drogues Ces données reviennent sur les résultats des 107 questionnaires collectés et dépouillés. L analyse ne s arrêtera sur des différences entre territoires uniquement dans le cas où cela se justifie. Ce fut rarement le cas. 1. Caractéristiques sociodémographiques Conformément à la composition par sexe telle que nous la connaissons parmi les usagers de drogues, les hommes sont largement surreprésentés et constituent près de 80% des personnes ayant répondu au questionnaire. Figure 1: Répartition par sexe, en % 21% 79% Femme Homme A titre de comparaison, la file active des services ambulatoires des structures isariennes du SATO-Picardie se composait à 19% de femmes en Une vision commune amènerait à penser que les femmes usagères de drogues auraient moins tendance à s engager de façon trop excessive dans des carrières de consommation. Il n en ait rien ici tant le sexe ratio est équivalent en fonction des modalités de consommations. Figure 2: Répartition par classes d âge, en % En revanche, avec une moyenne d âge s élevant à 25,6 ans, les usagers rencontrés en milieu rural apparaissent nettement plus jeunes que les tendances observées dans les files actives du SATO. L association note en effet au contraire plutôt une tendance au vieillissement de sa population, notamment dans la file active des pôles soins et des 14,4% 18,3% 26% 41,3% Moins de 20 ans De 20 à 24 ans De 25 à 29 ans 30 ans et plus Ce chiffre intègre l ensemble des files actives des trois pôles soins et des pôles préventions de l Oise, hors incarcération. Voir rapport d activité 2012 disponible sur le site du SATO

37 CAARUD. Si l on considère la file active de l ensemble des structures CSAPA en ambulatoire de l association pour le département, en 2012 la moyenne d âge des usagers dépassait 31 ans 59, soit un âge nettement supérieur à celui recensé ici. Cette tendance se retrouve également pour les personnes les plus engagées dans leur parcours de consommation (n=50). Nous avons en effet établi une typologie des consommateurs 60 en fonction de leurs modalités de consommation en s inspirant de l organisation des services d addictologie pour l accueil des personnes pharmacodépendantes. Nous avons donc appelé «polyconsommateurs dépendants ou problématiques» les usagers qui, au vu de leurs modalités de consommation, auraient été orientés vers un CSAPA Soins s ils étaient en quête de soins, et/ou vers la boutique du CAARUD s ils restaient consommateurs actifs. Figure 3: Comparaison de la répartition par âge des usagers «consommateurs problématiques» installés en zone rurale et des usagers des Pôles soins des CSAPA de l Oise (file active SATO), en % Moins de 25 ans 13% 34% 25 à 29 ans 30 ans et plus 23% 28% 38% 65% 0% 20% 40% 60% 80% Polyconsommateurs dépendants rencontrés en zones rurales* (n=50) Usagers des CSAPA Soins du SATO (file active 2012) Si la comparaison comporte des biais de lecture, il n en est pas moins intéressant de noter que la structure par âge des deux échantillons est sensiblement différente : alors que les moins de 30 ans parmi les poly-consommateurs problématiques (largement consommateurs d héroïne) rencontrés en milieu rural représentent 72% des usagers, ils ne constituent que 36% dans la file active générale des CSAPA Pôles soins du SATO. Notons de surcroît que cette spécificité rejoint celle relevée par l étude des patients des microstructures établies en zone rurale, qui observe la même tendance en comparant les files actives avec celles des microstructures installées en zone urbaine. Enfin, soulignons que la moyenne d âge ne diffère guère entre homme et femme. La dispersion par âge demeure relativement faible, allant de 17 à 49 ans (σ= 5,9, médiane = 24 ; un mineur). La classe d âge modale se retrouve chez les 20 à 24 ans. 59 En effet, les services du SATO constatent un vieillissement de la population des usagers, affectant la moyenne d âge, que ce soit dans ces pôles prévention (Moyenne de 24 ans) que dans les CSAPA pôle soins (moyenne de 34,6 ans). 60 Voir ci-dessous, pp

38 Les consommations de drogues ne s opèrent Figure 4: Lieu d'habitation, en % pas exclusivement dans les petites villes et les 100% bourgs de campagne, mais également dans les 80% 20% Itinérant villages et les hameaux, et près de la moitié des interrogés vit dans ces petites communes 60% 40% 29% Hameau, petit village Village (moins de 2000 habitants 61 ). Ce résultat met en 49% 20% Petite ou moyenne ville lumière l existence de consommateurs dans les 0% plus petites zones d habitation isolées et dresse le défi pour les professionnels de rendre également accessible les dispositifs pour les personnes vivant dans ces communes parfois reculées. 2. Indicateurs socioprofessionnels Nous savons aujourd hui que les consommations de produits illicites et l addiction aux produits licites et illicites concernent toutes les catégories sociales. On ne peut toutefois ignorer que des différences existent : elles tiennent certes parfois aux modes et conditions de consommations, mais surtout au fait que pour les usagers les plus précaires, ces consommations sont souvent plus exposées (visibles donc) et imposent un «stigmate visible». Une catégorie sociale pour qui les consommations «abusives» peuvent entraîner plus de difficultés en raison de la dégradation des conditions sanitaires et sociales, du peu de ressources économiques, sociales et symboliques et des difficultés d accès aux soins. Figure 5: Situation socioprofessionnelle, en % 50% 40% 30% 20% 10% 0% 40% 43% 12% 5% Chômage En emploi Etudiant/élève/f ormation Inactif Ici, la répartition est presque égale entre les répondants qui avaient un emploi au moment de l entretien et les répondants qui n en avaient pas, sans différence significative entre les classes d âge si l on exclut les étudiants : chômeurs et inactifs représentent 45% pour 43% de personnes en emploi. Nuançons cependant cette remarque qui ne prend en considération que la situation des interrogés à un moment T. Lorsque les répondants ont décliné quelle(s) étai(en)t leur(s) principale(s) source(s) de revenu dans les 6 mois précédant l entretien, 55% déclarent avoir perçus des revenus liés à l exercice d un emploi (hors ASSEDIC). Parmi les 43% des interrogés ayant un emploi, les 2/3 ont une activité stable. La part des sans emplois est plus marquée en Picardie Verte (60%), au détriment des étudiants, mais ne peut être considérée comme représentative. Inactifs et chômeurs sont en moyenne plus âgés que les personnes en emploi (respectivement 27 et 32 ans en moyenne, contre 25 ans), et font bien souvent état d un plus long engagement dans les carrières de consommation, lesquelles commencent sans doute à impacter leur vie sociale et Selon la définition de l INSEE

39 professionnelle. Cet impact se manifeste soit de façon directe alors que, par exemple, la recherche et la consommation de produits prend de plus en plus de place dans la vie de l usager et le pousse à se désengager ou se désintéresser de sa vie professionnelle, soit de façon indirecte dans le cas où, par exemple, la découverte des consommations entraine un licenciement ou une incarcération et donc aboutit à la dégradation de la situation sociale. Naturellement, nous retrouvons les plus jeunes parmi les étudiants. Ceux-là déclarent le plus souvent des consommations exclusives de cannabis (hors tabac et alcool) ou des polyconsommations occasionnelles de psychostimulants et hallucinogènes lors de rassemblements festifs. Il est intéressant de noter que la situation sociale des répondants, quelque soit le «modèle» de consommation dans lequel les personnes s inscrivent, apparait d une manière générale moins dégradée que celle des usagers rencontrés dans nos centres de soins pour la file active générale Cependant, en raison de l importance des personnes sans emploi parmi les usagers interrogés, les revenus restent faibles : plus de 6 sur 10 perçoivent un revenu inférieur à 1000 (proche et inférieur au seuil de pauvreté) - soit 55% des individus si l on exclut les étudiants - et 1/3 ont des ressources inférieures à soit près de 30% si l on exclut les étudiants et élèves. Figure 6: Revenus nets mensuels moyens au cours des six mois précédents l'entretien De même, parmi les répondants exerçant un emploi, les revenus demeurent relativement bas puisque 77% ont un revenu net mensuel inférieur à % 7% 17% 2% 33% 12% Moins de 500 De 500 à 700 De 701 à 1000 De 1001 à 1500 De 1501 à 2000 Plus de 2000 Un élément fort qui caractérise la population des usagers de drogues rencontrés en milieu rural est le faible niveau de décohabitation observé, notamment chez les plus âgés. Souvent célibataires, plus de 60% des interrogés vivaient temporairement ou durablement chez des proches, principalement des parents. Figure 7: Situation par rapport au logement, en fonction de la situation socioprofessionnelle, en % TOTAL (n=100) 8% 18% 43% 31% Chômeurs/inactifs (n=45) 16% 18% 40% 27% En emploi (n=43) 2% 21% 44% 33% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Logement précaire Provisoire chez des proches Durable chez des proches Durable autonome Cet état de fait est certainement à imputer à la relative précarité de la situation sociale qui retarde la décohabitation. Dans bien des cas, parmi les plus de 25 ans, il s agit d un retour chez les 38

40 parents suite à la dégradation de la situation sociale et/ou de la perte du revenu. Un phénomène déjà observé par les observateurs qui décryptent les dynamiques spécifiques au monde rural. Aussi nous explique-t-on : «Alors que la désagrégation des cadres sociaux intégrateurs se présente d ordinaire comme un facteur d exclusion sociale, les observations effectuées tendent à prouver qu en milieu rural, le groupe domestique conserverait une fonction sociale destinée à atténuer bien des chocs ou à prévenir des ruptures en période d instabilité économique. Des recompositions familiales ont lieu, mais elles s opèrent le plus souvent au sein de la parentèle. On héberge autant que possible les enfants adultes et les membres de la fratrie qui se trouvent sans emploi ou qui, à cause d une maladie invalidante, ne sont plus en mesure d exercer une activité professionnelle.» 62 Lorsque les pratiques de consommations de produits risquent de jeter «la honte» sur la famille, le service n est pas sans heurt, et se négocie parfois durement : «( ) Généralement, la prise de connaissance dans la famille des pratiques liées aux drogues suscite des crises importantes pouvant conduire à un rejet complet. Les situations de compromis (avec en particulier la manière dont les mères ou les sœurs servent de médiateurs et de tampons pour intégrer la situation) ne contribuent que rarement à rétablir des valeurs ou une autorité familiale.» 63 A noter enfin que 8% des personnes interrogées vivent dans des situations extrêmement précaires notamment en termes de logement : squat, voiture, abris, rue, camping, caravanes Ces individus bien souvent en conflits familiaux (quand ils ont une famille), ne peuvent compter sur aucun soutien extérieur. Nous reprendrons pour conclure les paroles avisées de Vincent Croizé, coordinateur du CAARUD atypik sur le Nord-Pas-de-Calais : «Y-a-t il une différence entre rural et urbain? Dans un premier temps, nous pouvons dire non. ( ). Sur la sociologie de la population, c est pareil : on retrouvera des personnes précaires, des personnes marginales mais aussi, comme en ville, des personnes insérées, des jeunes, des vieux Finalement, la population est identique. Identiques aussi sont les dommages engendrés par l usage de drogues.» 64. Nous faisons la même observation localement : vieux consommateurs, personnes insérées, personnes précaires, nous observons que la population des usagers de drogues ne forme pas un groupe à la structure démographiquement et socialement définie et circonscrite, de même qu en ville. Comment faire alors pour les reconnaître, objectera-t-on! L intervenant continue son exposé «Pas de différence [non plus] sur les produits : à la campagne, vous trouvez de l héroïne, de la coke, du crack Bien sûr l accessibilité n est pas la même, donc les prix ne sont pas les mêmes, mais nous retrouvons les mêmes produits. Sur les modes de consommations, mêmes constats.». Nous arrivons, dans les zones rurales investiguées, aux mêmes observations PAGES A, «Pauvreté et exclusion en milieu rural français», Etudes rurales, 2201/3, n , p , disponible en ligne sur 63 BOUHNIK P.. «Système de vie et trajectoires des consommateurs d'héroïne en milieu urbain défavorisé», Communications, 62, 1996, pp , 64 Tiré de l intervention de Vincent Croizé lors du forum dédié à la réduction des risques en milieu rural, lors des 3èmes rencontres nationales de la réduction des risques liés aux usages de drogues organisées par l'afr à Montreuil les 14 et 15 octobre La vidéo de ce forum est visible sur

41 B. Pratiques de consommations Photographie générale Nous l avons déjà signalé, il serait bien inopérant de rassembler les consommateurs de produits psycho-actifs en un groupe homogène, partageant des codes, des pratiques et se reconnaissant une appartenance commune en un groupe fédéré. Voilà qui serait, en ville comme en milieu rural, bien éloigné de la réalité. Donc, après avoir effectué une photographie générale des pratiques des personnes rencontrées lors de cette étude, nous en ferons une analyse plus fine en tentant d élaborer une typologie. 1. Des consommations similaires à celles que l on constate en ville L étude visait les consommateurs ou anciens consommateurs de produits psycho actifs résidant dans les zones à dominante rurale choisies : tous les interrogés ont donc consommé au moins un produit illicite au moins une fois dans leur vie. En milieu rural comme en milieu urbain, le cannabis, le tabac et l alcool demeurent les produits les plus largement consommés de manière régulière. Ces consommations ne sont pas circonscrites aux espaces de sociabilités : près de 90% fument du tabac quotidiennement, 53% du cannabis, et près d un quart de l alcool. Figure 8: Produits expérimentés et produits consommés dans le mois, en % Tabac Alcool Cannabis Ecsta/MDMA 53% 17% Speed 60% 24% Cocaïne 58% 28% Crack/ Cocaïne basée 31% 16% Champi 45% 8% LSD 47% 20% Kétamine 45% 18% Ballons 33% 17% Méthamphétamine 10% 88% 83% 98% 96% 95% Opiacés 46% 31% Subutex 23% 15% Méthadone 25% 15% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Consommé dans la vie Consommé dans le mois 98% * Hors prescription médicale 40

42 Les psychostimulants (cocaïne, amphétamine, ecstasy/mdma) - testés par 65% des interrogés - et les hallucinogènes constituent le second et troisième groupe de produits les plus expérimentés. Ils bénéficient d une image positive de drogues festives et se trouvent largement associés à l univers festif, notamment aux fêtes alternatives «techno», «rave et free parties», dont les manifestations se multiplient dans les champs et les bois tant les zones rurales offrent une scène idéale pour l organisation des événements 65. S ils ne sont que très exceptionnellement consommés de manière quotidienne ou hebdomadaire leur consommation se limitant aux espaces festifs et de sociabilité, les hallucinogènes n en sont pas moins très souvent mis en cause comme étant responsables de «bad trip» ou intoxication aïgue. La kétamine, un anesthésiant humain et vétérinaire consommé en sniff, est une drogue aux effets apaisants et hallucinogènes souvent présente en milieu festif : 45% des interrogés déclarent l avoir déjà expérimentée. Elle est généralement testée plus tard que les psychostimulants, avec une moyenne de près de 21 ans pour la première expérience, et privilégiée par les usagers avec de plus longs parcours de consommations. Affublée d une mauvaise réputation au début du mouvement festif techno, elle est aujourd hui fréquemment présente et donne souvent lieu à de mauvaises expériences malaise, angoisse, dépression en fonction de la qualité et du dosage du produit. Figure 9: Fréquence de consommation des produits consommés dans le mois, en % 100% 5% 80% 4% 13% 12% 60% 18% 40% 87% 52% 20% 0% 24% 53% 21% 16% 20% 5% 4% 5% 10% 18% 13% 1% 7% 3% 2% 1% 2% 1% 2% 10% 8% 13% 3% 1% 3% 5% 8% 8% Usage Quotidien Usage régulier Usage occasionnel * Hors prescription médicale Deux études ont été menées localement pour évaluer les consommations de produits dans ces milieux festifs alternatifs, à dix ans d intervalle ( ). Voir rapport d activité 2012 du SATO-Picardie. disponibles sur le site

43 Les opiacés et, dans une moindre mesure, la cocaïne basée renvoient là à un autre type de consommations, mal perçu cette fois dans le milieu festif. Près de 50% de notre échantillon ont expérimenté ces produits ; certains d entre eux ayant aujourd hui renoncé à leurs consommations pour entamer un parcours de soins. Il s agit de consommations plus souvent régulières ou quotidiennes, se pratiquant aussi et surtout hors milieu festif, et les personnes interrogées consommant ou ayant consommé ce genre de produits sont plus nombreuses à se considérer en difficultés dans leur rapport aux produits : 61% d entre elles déclarent un rapport problématique et/ou de dépendance aux opiacés et/ou à la cocaïne. 2. Intervenant de façon précoce Tableau 2: Moyenne d'âge à laquelle intervient la première consommation, en fonction du produit Age Age moyen des 1 ères Extrémités Ecart Type Produits consommations Tabac 14,3 8 ; 27 3 Alcool 14,7 8 ; 22 2,3 Cannabis 15,4 11 ; 41 3,3 Ecstasy/MDMA 18,8 13 ; 30 3 Speed 19,2 13 ; 35 3,5 Cocaïne 19,4 13 ; 30 3,2 LSD 18,9 14 ; 27 2,5 Champignons 18,8 14 ; 30 2,7 Ballons ; 28 2,6 Kétamine 20,8 16 ; 35 4,4 Crack 20,5 15 ; 30 3,6 Opiacés 18,8 14 ; 24 2,6 L étude de la dispersion par âge des époques auxquelles interviennent les premières consommations en fonction des produits laisse clairement apparaître trois phases de consommations : - Entre 14 et 16 ans : C est en moyenne la période de la vie à laquelle sont intervenues les premières consommations de tabac, d alcool et de cannabis pour les usagers de drogues interrogés. Les premières consommations sont précoces si on les compare, dans l Oise, à l âge des premières consommations moyennes en population générale parmi les ans 66. On constate que les premières consommations ont lieu autour de 16 ans pour le tabac et de 19 ans pour le cannabis. Cependant, dans notre échantillon, nous observons que les personnes les plus engagées dans leur parcours de consommations de drogues (consommateurs dépendants) ont en moyenne expérimenté les drogues de façon plus précoce que les usagers peu engagés, les premiers rajeunissant considérablement la moyenne d âge des premières consommations de notre échantillon. 66 OR2S, «Les conduites addictives dans l Oise, les ans en 2010», Baromètre santé 2010, INPES, OR2S,

44 - Entre 18 et 21 ans : Deuxième phase d expérimentation. Elle intervient principalement en milieu festif et implique de nouveaux modes de consommation, au premier rang desquels les consommations par voie nasale (sniff). Tous, bien sûr, ne sont pas concernés par cette seconde phase d expérience elle ne concerne que 2 à 5% en population générale - mais 70% des personnes interrogées dans le cadre de cette enquête ont expérimenté d autres produits illicites. - Les premières consommations d opiacés et de cocaïne basée interviennent également dans les mêmes classes d âge (18-21ans), pour un nombre plus restreint de consommateurs (ici, n=50). De plus, le contexte d expérimentation diffère : les consommations s opèrent en cercle plus restreint, de manière souterraine. Les consommations ne s exposent qu aux «initiés» tant elles restent fortement stigmatisées et notamment auprès des publics consommateurs festifs. Pour les opiacés, si l usage de l injection a très largement cédé le pas au sniff, 1 répondant sur 4 déclare l avoir déjà expérimentée. Elle a même été expérimentée au moins une fois par près de la moitié des consommateurs d opiacés (n=24). Il apparaît donc, selon les données ici recensées, que les expérimentations de drogues se sont réalisées pour les personnes rencontrées de façon relativement précoce. Nous observons ici le même phénomène que celui souligné dans l étude alsacienne que nous avons citée. 3. Modalités de consommations - Prévalence des consommations par voie nasale pour les consommateurs de psychostimulants et d opiacés mais existence d injecteurs Les modalités de consommations ne diffèrent guère en milieu rural et en zone urbaine. Elles dépendent d une part des produits consommés, d autres part des contextes de consommation : en milieu festif «alternatif», les produits sont principalement consommés par voie nasale la voie intraveineuse étant bien souvent sinon proscrite, très mal perçue. Tableau 3: Modalités de consommations lors des 30 derniers jours des produits consommés pendant cette période, en fonction des produits, en nombre et % indicatif (en ligne) Age Fumé/inhalé Mangé/oral Sniffé Injécté Produits nb % nb % nb % nb % Cannabis (n=86) % 2 2% Ecstasy/MDMA (n=20) 1 5% 17 85% 13 65% - - Speed (n=23) % % - - Cocaïne/crack (n=29) 15 52% % 2 7% Hallucinogènes (n=19) % 2 11% - - Kétamine (n=17) 1 6% 2 12% 16 90% - - Opiacés (n=29) 6 21% 2 7% 27 93% 8 28% Subutex/BHD (n=13)* % 3 23% 4 31% Méthadone (n=8)* % Les personnes n ayant pas répondu à cette question ont été exclues * Hors precription médicale BHD = Buprénorphine Haut Dosage 43

45 La cocaïne est sniffée par 90% de ces consommateurs. Lorsqu elle est basée (le free base, le crack), elle est fumée (52% des consommateurs de cocaïne soit 15 répondants). Souvent, les consommateurs de crack sont également consommateurs d héroïne (14 sur 15). La cocaïne est généralement «cuisinée» par les consommateurs eux-mêmes. L héroïne a été injectée par huit répondants dans le mois, soit 28% des consommateurs de ce produit (n=29). La Buprénorphine Haut dosage (BHD souvent du Subutex ), lorsqu elle est consommée hors prescription médicale, est injectée par 4 consommateurs, soit 31% des usagers de BHD hors prescription. A titre comparatif, en 2003, une enquête réalisée auprès d usagers de structures spécialisées faisait apparaître que l injection était encore le mode de consommation le plus répandu (53% des consommateurs ayant participé à cette enquête, pendant le mois écoulé), devant le sniff (48%) et l inhalation (27 %). Cependant, cette étude précède de 9 ans celle-ci et nous savons que l injection connait un certain recul. Déjà, cette investigation soulignait un phénomène générationnel : plus les usagers sont jeunes, plus ils ont tendance à avoir plutôt recours au sniff 67. Notons ici que l injection de Subutex est une pratique à risques, entrainant et accélérant la dégradation du système veineux, et qui peut s avérer toxique pour le foie et entraîner une hépatite médicamenteuse. Ce risque est d autant plus important pour les personnes contaminées par une hépatite virale. Figure 10: Prévalence des consommations par voie nasale et intraveineuse, en % 80% 60% 40% 20% 0% 41% 11% 6% 7% 12% 10% Consommation en sniff Consommation intraveineuse Ce mois-ci Cette année mais pas ce moi-ci Oui, mais pas cette année Pour les produits illicites autres que le cannabis, la consommation par voie nasale est le mode de consommation le plus répandu : près de 2/3 des interrogés l ont expérimentée, et 41% ont consommé des drogues de cette façon dans les 30 jours précédant à l entretien. La voie intraveineuse a été expérimentée par près d un quart des interrogés, dont 6% durant le mois écoulé (héroïne, cocaïne et Subutex). 67 BELLO P.-Y., TOUFIK A., GANDILHON M., GIRAUDON I. Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003 Cinquième rapport national du dispositif TREND, OFDT. 44

46 C. Profils d usagers Quelles pratiques, quels besoins? Si nous observons que les pratiques sont diverses et s étendent sur tout le champ des possibles, les différents usages ne renvoient pas aux mêmes contextes de consommations : les usagers de drogues ne se reconnaissent pas même en campagne! - une identité commune. Ils ne forment pas, en campagne comme en ville, un groupe aux contours bien dessinés. Afin de clarifier, tout en vulgarisant le phénomène et de pouvoir ériger une certaine typologie, nous distinguons trois grands types de «consommateurs» parmi les personnes rencontrées : - Les consommateurs de cannabis et d alcool exclusivement - Les polyconsommateurs festifs - Les polyconsommateurs problématiques ou dépendants ces idéaux-types nous serviront, et c est là leur seule utilité, à dégager des pratiques plus ou moins à risques dont il nous faut penser les réponses en termes de prévention primaire, secondaire et tertiaire qui conviennent. 1. Consommateurs de cannabis (n=33) Dans notre échantillon, trois interrogés sur dix font état de consommations de produits psycho-actifs qui se limitent au cannabis, à l alcool et au tabac. Ce «groupe» représente certainement en réalité l occurrence la plus fréquente : il s agit de la modalité de consommation de produits stupéfiants la plus commune, en milieu urbain comme en milieu rural. Les résultats tirés du Baromètre Santé portant sur les addictions dans l Oise fournissent les chiffres suivants : en 2010, deux Isariens âgés de 15 à 34 ans sur cinq déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie et un sur huit en a pris au cours de la dernière année. Cette proportion s élève à 50% lorsque l on ne considère que les ans 68. Interrogés sur la différence qui avait pu être observée entre zone urbaine et zone rurale, les responsables de l étude nous l assurent : aucune différence significative ne semble ressortir. Aucune différence si ce n est les structures et les dispositifs susceptibles d accueillir ces jeunes consommateurs quand ils se trouvent en difficulté (cela est bien sûr loin d être nécessairement le cas). Et les intervenants des territoires rencontrés nous rappellent qu ils sont bien désarmés devant les difficultés, la détresse parfois, que rencontrent certains jeunes dont la situation risque de se dégrader (déscolarisation, conflits familiaux, poursuite en justice, perte d un emploi, dépression, etc.) Avec 22,7 ans en moyenne dans notre échantillon, il s agit de consommateurs relativement jeunes (par rapport aux autres groupes que nous déclinons ci-dessous), majoritairement étudiants ou élèves résidant chez leurs parents. En zone rurale, beaucoup d entre eux poursuivent leurs études soit en internat, soit parcourent de nombreux kilomètres pour se rendre dans leur école ; en particulier lorsqu il s agit de cursus spécifiques. Alors, pour se rendre à l école, le départ est à 6h OR2S, Les conduites addictives dans l Oise, les ans en 2010, op.cit.

47 et le retour à 18h, sinon plus tard Ses contraintes mettent certains élèves sinon en échec, parfois en difficulté scolaire. Nous rencontrons également des personnes plus âgées (plus de trente ans) qui, plus fréquemment que les plus jeunes, déclarent ressentir des difficultés de «dépendance» au cannabis, avec des conséquences sur leur vie familiale et affective, leur vie professionnelle ou entraînant des poursuites judiciaires (lesquelles ne sont pas sans répercussions sur les items précédents). Pour la majorité des usagers, les consommations de cannabis sont quotidiennes (n=16), sinon très régulières, et l usage n est pas circonscrit aux lieux de sociabilité (n=17) mais se pratique également seul. Pour tous les sujets de notre échantillon, des consommations de tabac sont associées : tous fument et 80% de manière quotidienne. Il est cependant très rare que d autres produits aient été expérimentés. L alcool est généralement consommé le week-end entre pairs et vise l ivresse. Pour eux, les consommations ont commencé plus tardivement que pour les autres : autour de 16 ans pour le tabac, le cannabis et l alcool. 45% se considèrent en difficultés avec le cannabis et 1/3 expriment qu ils ont déjà ressenti un besoin d aide et de soutien par rapport à leur consommation. Faute d autres structures spécialisées, l aide est recherchée auprès d amis et de parents. 2. Poly-consommateurs festifs (n=24) Avec une moyenne d âge de 23 ans, il s agit là d usagers dont les modes de consommation de produits sont bien souvent associés aux rassemblements technos alternatifs 69. La campagne isarienne est en effet le théâtre de rassemblements festifs alternatifs, lesquels offrent une possibilité de divertissement qui fait souvent cruellement défaut à la jeunesse (plus ou moins jeune aujourd hui!) résidant en zone rurale. D autant que l adhésion à un mouvement (contreculturel) comme celui-ci peut permettre à certains d intégrer un groupe socialement constitué et, donc, de se forger une identité sociale. Les rassemblements aujourd hui se multiplient et prennent de l ampleur. Un des acteurs du développement de ces rassemblements nous a raconté en entretien la genèse, telle qu il l a vécu, et l essor de ce mouvement dans les campagnes du Nord du Beauvaisis : «Moi, mes premières expérience c était en teuf. Bon à part la fumette, ça c était à l école. Mais après c était en teuf. Au début, de l ecsta. Mais toutes les drogues c était en teuf. Toujours en milieu festif, le week-end avec des amis. A l époque on faisait de la route! Après, on a monté nos sons, on organisait. Ca c est fait tout seul : Nous on est allés en teuf, et à l époque il y avait très peu de gens qui y allait quoi! Et de fil en aiguille on allait dans les villages environnants... Les gens ont su qu on allait en rave party, ils ont voulu venir. Et ça a fait un bel effet boule de neige quoi en fait.» Homme, 33 ans 69 La littérature abonde sur le mouvement «techno» et plus spécifiquement sur les «rave et les free parties» auxquelles nous faisons référence. Pour renseigner les modes et les prévalences de consommation dans les milieux festifs, l OFDT et le dispositif TREND représentent une source d information. 46

48 Ainsi, si les consommations ne se limitent pas ici au cannabis, les contextes de consommation d autres produits sont généralement limités aux rencontres festives. Les produits consommés sont principalement des psychostimulants - MDMA, amphétamines, cocaïne- et des hallucinogènes - LSD, champignon, et de façon croîssante Salvia Divinarium et hallucinogènes de synthèse. Element préoccupant, nous notons en effet aujourd hui l arrivée grandissante de produits de synthèse principalement des hallucinogènes sur la scène des événements festifs : au moins 1/3 des répondants ont testé un de ces nombreux nouveaux produits. Achetés sur internet et revendus lors des rassemblements, le 2C-B, 2C-I, 2C-E, DMT, et autres synthétiques élargissent sensiblement la palette de produits disponibles et rendent difficilement lisibles les effets produits et les risques encourus par leur prise, et cela même pour les équipes. Il est à craindre que l offre de produits «nouveaux», sur lesquels nous disposons de peu d éléments, vienne à se multiplier et entraîne des consommations dont nous méconnaissons les effets et les risques, augmentant dès lors les risques d accidents et d intoxications 70. Les opiacés sont en revanche proscrits et pâtissent d une mauvaise réputation. Figure 11: Fréquence d usage en fonction des produits des polyconsommateurs festifs, en chiffre (n=24) Tabac Alcool Cannabis Ecsta/MDMA Speed Cocaïne Hallucinogènes Ballons Kétamine Opiacés Consommé dans la vie Consommé dans le mois Entrés dans une deuxième phase de consommation de produits illicites autour de 18 ou 19 ans -, le mode de consommation change également : c est le «sniff» qui est le plus couramment utilisé pour consommer les drogues, en particulier les psycho-stimulants. Les consommations sont occasionnelles et ne répondent pas à une addiction (aboutissant à une recherche quotidienne du produit pour éviter le manque). Là, les drogues gardent tout leur attrait festif et leur connotation contestataire. Si les produits sont bien omniprésents au cours des Voir l étude du SATO-Picardie, SOLER A., «RdR en festif : quelles évolutions après dix ans d interventions?», SATO-Picardie, 2012, bientôt disponible sur le site

49 soirées festives, les modalités de consommation n en sont pas moins fortement normées et tous les produits et modes de consommation ne sont pas «validés». Les usagers véhiculent un discours en faveur du droit à un usage des drogues dans un but récréatif. L excès est permis (par les mélanges notamment) mais des frontières à ne pas dépasser perdurent. Aussi, certains produits et pratiques s avèrent «mal-venus» lors des rassemblements festifs et sont jugés non conformes à l esprit du mouvement de même que la notion de dépendance : «Je sais pas comment l expliquer mais Pour moi la dépendance c est déjà le vouloir de la personne c est quelqu un qui est pas fort mentalement, quelqu un qui se respecte pas. Mais moi c est plus par curiosité et surtout le délire festif en fait.» Femme, 24 ans, Noyonnais Ainsi en est-il des consommations d opiacés et de «crack» qui, dans les discours tout au moins, sont des drogues qui patissent d une mauvaise réputation et dont les effets dépresseurs et/ou addictifs sont jugés peu compatibles avec la fête. L injection est également exclue et demeure une pratique que l on se représente frappée d infamie. Il convient de noter que nous observons fortement l introduction de pratiques de consommation similaires lors de plus petits rassemblements entre amis (anniversaire, fin d année, etc.) notamment dans les milieux sociaux plus aisés. Les consommations ne semblent pas limitées aux seuls grands rassemblements. Ainsi l explique un jeune consommateur : «Beaucoup de speed. Ben depuis là je vois, j ai fais un anniversaire, c était quand? ( ). Plusieurs anniversaires que j ai fait et à chaque fois il y avait du speed. A chaque fois, à chaque fois, quoi! C est vraiment constant hein De ce que je vois par rapport au cannabis Moi j ai les oreilles et les yeux un peu partout. Mais ce que je vois c est que par rapport au cannabis, ça arrive et ça arrive fort! Ca fait très peu de temps hein. L année dernière euh, y avait que du cannabis. C est ça.» Homme, Valois Poly-consommateurs donc, il s agit également d un groupe que l on sait aujourd hui de plus en plus féminisé et pour qui les consommations de produits associés aux milieux festifs ne disposent plus d une connotation genrée. Jeunes femmes et hommes tendent à consommer de la même manière, suivant le même mouvement que le tabac et, plus récemment, le cannabis 71. Nous retrouvons ici principalement des personnes en emploi, insérées socialement et d un niveau de vie plutôt confortable. Cependant, la population se rajeunit et attire parfois de très jeunes consommateurs venus, notamment, des campagnes. Comme pour le reste, il s agit d un phénomène que nous observons sur les trois territoires d investigation. Lors de ces rencontres festives, les produits psychoactifs sont très souvent mélangés, consommés les uns après les autres ou en même temps dans une perspective de multiplier les effets. Il est fréquent que plus de trois produits soient consommés au cours de la même soirée. Cette pratique est, bien entendu, à haut risque. L attention porte également sur les consommations d alcool, ayant fréquemment lieu plusieurs fois par semaine (n=21). L ivresse est souvent recherchée :15 des 24 interrogés (63%) déclarent attendre 71 Pour le tabac la tendance tend même à s inverser, faisant des jeunes femmes le sexe le plus susceptible d être fumeur. Voir OR2S, Les conduites addictives dans l Oise, op.cit 48

50 l ivresse au moins une fois par semaine (soit au moins quatre épisodes de consommations dans le mois) dans le mois précédent l entretien. Pour eux, les consommations de produits illicites autres que le cannabis ne sont que très rarement jugées problématiques en ce sens où elles demeurent circonscrites aux seules circonstances festives. Par opposition, nombreux sont ceux à se plaindre de l emprise que commence à prendre, pour eux, le cannabis et/ou le tabac, dont ils se sentent souvent dépendants. Pour cette population, les enjeux de prévention et de RdR se font particulièrement prégnants: les risques pris sont importants, nous y reviendrons, et les dispositifs de prévention et de réduction des risques font très largement défaut. Un constat qu il ne s agit pas de mal interpréter : pour la plupart des usagers «festifs» les consommations resteront occasionnelles et n entraineront pas de dépendance, mais elles engendrent des conduites pouvant être à risques : conduite automobile, intoxication, mélange Les enjeux sont, plus fortement que celui de l accès aux soins, ceux de la prévention, de la réduction des risques et de l éducation pour la santé. 3. Les poly-consommateurs problématiques ou dépendants (n=50) Cœur de cible des Pôles Soins des Centres de Soins et d Accompagnement et de Prévention en Addictologie, il s agit du groupe qui a été le plus ciblé par l étude, notamment pour les rencontres en entretiens semi directifs. 24% (n=12) sont des femmes. Avec une moyenne d âge frôlant les 29 ans, ces interrogés sont en moyenne plus âgés et font état d un plus long parcours de consommation. Cependant, 1/3 des répondants ont moins de 25 ans, et 2/3 moins de 30 ans : les consommations de produits addictifs tels que l héroïne concernent fortement les jeunes en milieu rural. Pour ces usagers, l addiction développée est plurielle et se limite rarement à un produit. La situation sociale de ces usagers se trouve plus fréquemment dégradée par rapport aux autres consommateurs : 60% d entre eux sont sans emploi et les 2/3 disposent d un revenu net mensuel inférieur à 1000 et disposent donc de faibles ressources. Ces ressources sont largement grévées par les consommations : ces usagers déclarent dépenser en moyenne près de 500 mensuellement pour la drogue. Leurs consommations sont très fréquemment quotidiennes, sinon très régulières (plusieurs fois par semaine) et mêlent différents produits : il s agit presque toujours de poly-consommations. Les consommations importantes d alcool sont fréquentes et viennent parfois pallier l absence d un autre produit : près de la moitié des répondants consomme quotidiennement de l alcool, souvent en grande quantité. 49

51 Figure 12: Fréquence d usage en fonction des produits, pour les poly-consommateurs dépendants en % (n=50) 100% 80% 60% 40% 20% 0% 92% 2% 39% 49% 4% 8% 16% 68% 16% 16% 8% 20% 16% 27% 20% 10% 27% 4% 11% 16% 14% 2% 2% 4% 4% 8% 12% 35% Quotidien Régulier Occasionnel De même, la consommation de TSO (Buprénorphine Haut Dosage- BHD- comme méthadone) hors prescription médicale concerne 55% de ces interrogés et s explique par deux phénomènes : - Il est fréquent que les personnes rencontrées aient entrepris une démarche de soins auprès d un médecin, un praticien choisi sur la recommandation d autres consommateurs et connu pour «donner facilement du Subutex». Il n est néanmoins pas rare que les posologies attribuées apparaissent inadéquates au nouveau patient, qui pallie au manque en achetant au marché noir les quelques mg manquants. - Les TSO pallient à un approvisionnement défectueux en héroïne : s il n y a pas d héroïne, il y a du Subutex ou de la méthadone (en fonction des fournisseurs). Pour compenser le manque, les frontières entre traitement et héroïne se brouillent, phénomène qui contribue à dénaturer, par la suite, la procédure de soins. Cette stratégie intervient souvent alors qu une première tentative de recours aux soins a échoué et s est soldée par la reprise des consommations. Seul 10% déclarent que leur consommation ne leur paraît pas problématique : les ¾ s estiment dépendants à au moins un, et plus souvent plusieurs produits (Héroïne et/ou TSO pour les 2/3 d entre eux, alcool pour la moitié) et se déclarent en quête de soins. Très largement, ceux-là ont relayé l importance des besoins pour faciliter l accès aux soins et à une prise en charge plus adaptée (et non exclusivement médicale). Pour eux, les premières expériences se sont largement produites de façon précoce, même s il ne s agit que d une tendance et non d une règle : les premières consommations de tabac sont intervenues en moyenne vers 13 ans, avant 14 ans pour l alcool et avant 15 ans pour le cannabis. Comme nous l avons évoqué, les consommations d opiacés se font principalement par voie nasale. Cependant, près de la moitié (n=24) a au moins fait l expérimentation de l injection. La prévalence des conduites à hauts risques est alarmante, à plusieurs titres, nous y arrivons. Les enjeux sont clairement ceux de l accès aux soins adéquats ainsi que de la réduction des risques. La circulation et la consommation d héroïne semblant prendre de l ampleur dans certains villages, la mise en place de stratégies de prévention adaptées constitue une urgence. 50

52 D. Pratiques à risques, dépendance - un défaut de prévention criant La fréquence et l importance des conduites à risques est un élément frappant de cette étude ; ici les résultats doivent être considérés avec gravité et sérieux. Les dommages pouvant découler des consommations de drogues n ont pas de frontières. L accessibilité aux services et les actions en faveur des populations, elles, en ont : les pratiques ici déclinées renvoient au manque de moyens d actions et d informations disponibles dès lors que l on quitte la ville. 1. Partage de matériel et manque de dispositifs de RdR Il s agit là d une question bien difficile à poser lors des entretiens : «Avez-vous déjà partagé du matériel d injection ou du matériel de sniff?» Déjà, les questions ayant trait aux modalités d usages demandent d avoir créé une relation avec la personne que l on interroge avant de pouvoir les aborder sans risquer de bousculer ou de contraindre notre interlocuteur et le pousser à clore la discussion tout net ; en particulier lorsqu il est question de l utilisation ou non de l injection. Pour beaucoup, parler de l injection, pratique largement condamnée et cela y compris par nombre d usagers de drogues (le SIDA est passé par là), c est toucher à l intime et, peut-être surtout, se voir exposé au jugement, à la réprobation compatissante ou accusatrice et, au mieux, à une bonne leçon de morale. «Ouai, ouai, je sais, c est pas bon.» Tous les fumeurs de tabac en auront dans une bien moindre mesure! fait un jour l expérience. Il nous faut donc forger une relation d alliance, se poser en «initié» selon la terminologie d E. Goffman 72. C est un lieu commun pour l ethnographe 73 et une évidence pour les intervenants en toxicomanie : travailler auprès d un public en proie au stigmate et à la répression, chassé et puni, surveillé aussi comme nous le rappelait ce sociologue, suppose que l on accepte de se donner un peu Cette notion est développée dans l œuvre de référence d E. Goffman. La notion d initié renvoie à une personne qui, ne portant cependant pas le même stigmate que son interlocuteur (qu il soit handicapé, homosexuel, toxicomane, etc ) peut néanmoins pénétrer dans une certaine mesure dans la vie des personnes portant un stigmate (visible ou invisible) : «L initié est un marginal devant qui l individu stigmatisé n a ni à rougir ni à se contrôler, car il sait qu en dépit de sa déficience il est perçu comme quelqu'un d ordinaire.» in GOFFMAN E. (1963), Stigmate, les usagers sociaux des handicaps, Les éditions de Minuit, Lonrai, Sur cette question, quelques travaux abordent cette question selon la méthode du «sensitive research» sur des sujets sensibles auprès de publics stigmatisés : sur les pratiques de prostituées par exemple. Voir à ce titre : Cambridge University Press Undertaking Sensitive Research in the Health and Social Sciences: Managing Boundaries, Emotions and Risks Virginia Dickson-Swift, Erica Lyn James and Pranee Liamputtong 74 Sur l intimité, voir l article introductif du volume 32 d Ethnologie française (2002) : «Avec le droit d intrusion ou de réserve, nous sommes loin d une définition rabougrie de l intimité (pensons, par exemple, à la seule sexualité), puisqu il s agit d une forme d action qui offre la possibilité «d un autre monde» à côté du monde visible, une propriété privée de faire, de dire et d agir sans être menacé d une sanction sociale ; un dispositif d engagement qui s abstient du jugement, de l épreuve, du soupçon, de la méfiance.», LAE J-F et PROTH B., «Les territoires de l'intimité, protection et sanction», Ethnologie française, 2002/1 Vol. 32, p DOI : /ethn

53 Un court détour (encore!) pour annoncer une limite : nous serions tenté de penser que ces résultats, bien que peu optimistes, soient de surcroit sous-évalués. Il en est de même, mais de façon moins prégnante, pour la question de l échange de matériel de sniff. Figure 13: Prévalence de la pratique du partage de paille, en fonction de la régularité de la pratique, en % 50% 40% 30% 20% 10% 0% 23% 21% 16% 19% EXPERIENCE SNIFF (n=64) SNIFF ACTIF (n=56) A partagé son matériel de manière régulière A déjà partagé son matériel mais non régulier Ici, 64 enquêtés ayant déjà fait l expérience d une consommation par voie nasale ont répondu à la question concernant l utilisation partagée de paille de sniff (5 n ont pas répondu à cette question). 25 d entre eux, soit près de 40% des répondants ayant expérimenté la voie nasale pour consommer des drogues, affirmaient avoir déjà échangé leur paille avec d autres consommateurs. 15, soit près d une personne sur quatre, ajoutaient avoir pratiqué le partage de matériel de manière régulière. Si l on isole les consommateurs par voie nasale actifs (ayant consommé ainsi dans l année), soit 56 répondants, nous arrivons à des chiffres similaires : 22 - soit 40% - affirment avoir partagé leur matériel dans l année et 12 - soit 21% - le font de façon régulière. Notons que nous observons cette pratique aussi bien chez les usagers que nous avons qualifiés de poly-consommateurs festifs que chez les usagers dépendants. Rappelons au détour les risques auxquels expose cette pratique de consommation. Lors d une consommation en sniff, les risques d altération des parois nasales sont importants, générant de légers saignements. Le partage d une même paille peut donc être un facteur de transmission de l hépatite C entre consommateurs. Plus les dommages à l'intérieur du nez sont importants, plus le risque de transmission augmente. L'ampleur du risque dépend également de la fréquence de consommation. Plus elle est fréquente, plus elle est susceptible de causer des saignements de nez, une production excessive de mucus et la destruction de la cloison nasale (barrière de cartilage séparant les deux narines). Dans ce genre de situation, la transmission de l'hépatite C est facilitée. Pour expliquer ces pratiques, la première raison invoquée est la question du rituel, de l habitude et d une pratique instaurée au sein du groupe de consommation (cité 11 fois). Les usagers insistent sur la notion de convivialité, d habitude, et d une minimisation voire d une méconnaissance des risques. «Ouai, c est vrai que ça nous arrive de partager, pourtant suffirait de couper un bout d papier - Ouai, mais c est pas tout l temps! - Ouai mais regarde, C. on sait maintenant qu il a l hépatite, et on s passe la paille quand même, sans trop y réfléchir. On fait pas trop attention. Non? - Ouai, mais on si on l fait pas tout l temps, alors - Faudrait qu on fasse plus attention quand même» Lors d un Focus group Valois 52

54 Force est de constater que les pratiques visant à réduire des risques restent encore très peu inscrites dans les codes d usages des consommateurs de drogues que nous avons rencontrés, faute de normalisation de la pratique. Normalisation, mais également une certaine méconnaissance, une sous estimation des risques et/ou une connaissance erronée des «bons gestes». La méconnaissance des risques a d ailleurs été citée 10 fois et se place en deuxième position comme argument explicatif à ces pratiques. La confiance, citée 9 fois, est souvent invoquée lorsque les consommations se font en groupe restreint (le meilleur ami, le frère, le conjoint par exemple), où le partage détient une portée symbolique et scelle la relation entre pairs. Pour autant, il suffit que les pratiques de consommation à moindre risque (chacun son matériel par exemple) deviennent la norme, qu elles sont «apprises» comme la «bonne façon de consommer», pour qu elles soient largement adoptées. Ainsi, dans certains villages, la présence d un usager de «référence» au sein du groupe de pairs et qui inculque ces «bonnes pratiques» impactera largement les modes de consommations de la communauté. Ainsi dans un groupe de consommateurs d héroïne de Picardie Verte, la présence d un usager regardé comme le plus initié dans le groupe et qui se fait porte parole de bonnes pratiques (ici reçues au contact d un professionnel de réduction des risques) influence beaucoup les comportements. «AS : Il vous est arrivé de partager du matériel, la paille? N : Non! De toute façon c était une paille on la faisait tout le temps en papier et après on la jetait. On savait que si on se refaisait une trace, deux minutes après on refaisait un bout de papier, on trouvait toujours un bout de papier. AS : Tu connaissais les risques? Comment as-tu su? N : Oui, je savais! S. il disait : tu prêtes jamais ta paille et tu prends jamais une paille de quelqu un d autre. Lui il savait parce que son frère il était dedans et il connaissait un centre. Parce qu il arrivait qu on saigne quand on tapait beaucoup!» Pour huit personnes interrogées, il s agissait d un manque de paille à disposition (bout de papier) lors de la consommation et quatre ont souligné qu il s agissait là d une manière d aller plus vite (!). Pour ceux-là, les conditions de vie sont très précaires (rue, squat, camion). Concernant la consommation par injection de drogue, le constat est tout aussi sinon plus préoccupant. Sur les 21 personnes usagères de drogues par voie intraveineuse (UDI) ayant accepté de répondre à la question du partage de matériel, 7 expliquaient avoir déjà partagé leur matériel d injection soit un usager sur trois. La proportion est plus importante encore si l on s intéresse aux consommateurs actifs : 5 sur les 13 (soit 38%) ayant répondu au questionnaire expliquaient avoir eu recours à cette pratique au moins une fois dans l année. L échantillon est faible mais la fréquence de cet usage nous a été souvent rapportée dans les témoignages des usagers. «Oui, les gens ils réutilisent beaucoup le matériel ici! J ai beau leur dire, ils s en foutent. Ils grattent les seringues contre les murs quand elles piquent plus, et ils se réinjectent avec. Ya beaucoup de chose à faire là j crois.quand y a plus de seringues, ils utilisent tous la même, c est clair.» Homme, Noyonnais, 40 ans 53

55 «Oui, j ai déjà partagé avec d autres consommateurs ( ) et réutilisé ouai, tout. En fait à un moment je les planquais dans le mur de la cage d escalier de là où je squattais. Mais un mec a grillé et je me suis fait virer. On me disait «tu fais pas tes conneries ici, on va s faire dégager!». Bon donc j allais dehors, planqué tu vois, pour m injecter et je gardais le matos planqué. ( ) Surtout pour économiser les seringues. Comme ça on en utilise moins, et quand t es en chien le soir, quand tout est fermé, tu fais comment? Hein? Quand on a besoin du produit, là maintenant, on se fiche des conséquences, on les oublies. ( ) Ici, c est acceptable de partager, parce qu on n a pas trop l choix parfois.» Homme, Valois, 23 ans Un constat fort inquiétant si l on considère les risques sanitaires que de telles pratiques impliquent. De même, la réutilisation du matériel (une seringue pour plusieurs injections) est fréquente et 40% des injecteurs déclarent l avoir déjà pratiquer. Les usagers expliquent cette conduite par deux arguments : le premier est le soucis d économie limitant le nombre de seringues à acheter cité 6 fois -, soucis économique certes, mais également de discrétion par crainte (réelle ou imaginée) de se trouver confronté à des réactions de réprobation silencieuse de la part du pharmacien cité 6 fois. Réactions qui, si elles proviennent souvent d une bonne volonté, rendent en réalité mal aisé l achat de suffisamment de matériel pour répondre à la règle une seringue = une injection. Le second élément explicatif apporté en découle : le manque d accès aux seringues. Finalement, nous parlons ici d un manque d accès à des programmes de réduction des risques et d échange de seringues. Un constat d autant plus préoccupant que l on note, parmi ces consommateurs faisant connaître des pratiques à plus hauts risques, que peu d entre eux ont eu recours à des tests de dépistage du VHC et du VIH leur permettant de connaître leur sérologie, pour d une part entreprendre un traitement le cas échéant, d autre part cesser ces pratiques risquant de causer la transmission du ou des virus. 2. Prévalence des poly-consommations et mélanges de produits Le mélange de produits est une pratique que l on observe aussi bien chez les «polyconsommateurs dépendants» que chez les «poly-consommateurs festifs». Mais les modalités de mélanges renvoient à des contextes et des pratiques différentes. Pallier au manque de produits, pallier au défaut de soins : stratégies d adaptation et pratiques dangereuses. Nous parlerons ici d une réalité observée dans les villages et dans les bourgs plutôt que dans les villes, même de moyenne taille, des territoires que nous avons investigués. Nous l avons souligné et l étude le montre, tous les produits sont disponibles dans les campagnes, comme dans les villes. Cependant, ils ne le sont pas tout le temps Ou suffisamment 54

56 Pour éclairer cette question, nous nous référerons à l étude de Jean-Michel Costes sur les nouvelles tendances quant aux usages de produits illicites en France depuis 1999 : «Une tendance lourde en matière de petits trafics se dessine en France depuis dix ans, celle qui voit la diffusion des micro-réseaux sur l ensemble du territoire, urbain, périurbain et rural. Elle est soutenue par le dynamisme des trafics internationaux d héroïne et de cocaïne en direction de l Europe et par une sorte de démocratisation de l accès au deal du fait de la grande disponibilité des produits, notamment aux frontières du territoire national (Espagne, Belgique, Pays-Bas) et du caractère de plus en plus modique des prix de gros pratiqués pour ces deux substances. Ce phénomène favorise une extrême hétérogénéité du paysage français du trafic où, à côté des réseaux classiques liés au grand banditisme et aux dealers semi-professionnalisés, autrefois spécialisés dans le cannabis, existe une multitude de petits réseaux d usagers-revendeurs, qui contribuent à l essor de l usage de cocaïne et au nouveau dynamisme de celui d héroïne. ( ). Ce phénomène s appuie, outre la hausse de la disponibilité, sur une demande, elle aussi en augmentation, fondée sur une perception modifiée et plus favorable du produit.» 75 Voilà qui résume fort bien les observations réalisées en milieu rural : dans les petites villes et les villages, les usagers se font souvent petits revendeurs et, en ce sens, chacun peut être amené à «fournir son voisin». Ainsi, lorsque l un va en ville ou à l étranger quérir un produit, il en ramène pour le groupe de pairs et en fait commerce pour soutenir sa propre consommation. De même, les soins étant difficilement accessibles, un usager bénéficiant d un traitement de substitution va pouvoir être sollicité pour dépanner d autres usagers quand l héroïne manque. Ne nous y trompons pas : les pratiques d usages-reventes sont loin d être l apanage exclusif des milieux moins urbanisés, mais, concernant l héroïne dans les villages, les «dealers» ayant main mise sur tout le «marché» et non consommateurs, même s ils ne sont pas exclus, semblent rares. Rien d étonnant finalement : il est peu judicieux pour faire un tel commerce de s installer en campagne! Plus souvent, se fournir en produit est un rôle partagé par les consommateurs. Aussi s étonne cet usager alors qu est intervenu, quelques temps plus tôt, l arrestation d une de ses connaissances : «Tu connais F? On sait qu elle est tombée en prison pour trafic d héroïne quoi. Elle a pas mal pris parce que tous les mecs qui allaient péchot avec elle ils l ont tous balancée. Donc c est elle qui a tout pris et eux ils ont rien pris. Mais tous traficotent en vrai! De toute façon ça se passe souvent comme ça, hein! Que ce soit pour le cannabis ou pour l héroïne, du moment qu ils tiennent quelqu un, pour eux c est le noyau du trafic. Après les autres ils s en foutent. Pour eux c est juste des consommateurs. Tandis que elle, pour elle, ils l ont fait passer vraiment pour la trafiquante. Pour celle qui faisait du business avec tout ça et qui s en mettait plein les poches. Alors que je pense pas qu elle en ait profité tant que ça, elle payait juste sa conso quoi, et elle survivait. Moi je trouve ça plus dégueulasse qu autre chose parce qu ils ont pas hésité à la charger comme des fous quoi.» Homme, Picardie Verte, 29 ans Les pratiques d «usage-revente» sont des phénomènes à présent plus documentés 76, même si là encore la littérature reste rare. Dans le cas des campagnes que nous avons investiguées, l usage-revente permet à chacun, une fois que la consommation s installe et devient nécessaire COSTES J-M. (Dir.), Les usages de drogues illicites en France depuis Vus au travers du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 192 p., p Les intervenants en réduction des risques travaillent notamment sur ce sujet qui a donné lieu à une publication (Techno +) et à une formation spécifique dispensé par l AFR.

57 pour les opiacés tout au moins et lorsque la situation sociale se complique, de financer sa propre consommation. Et ceci afin d être, simplement, «bien» - cela s entend «pas malade» en raison du manque. En milieu rural, contrairement au milieu urbain, il arrive que les produits, quels qu ils soient, viennent à manquer : les usagers-revendeurs ne cherchant pas à enraciner leurs commerce sur un territoire mais à soutenir leur consommation peuvent quitter (de leur plein gré ou non pour un emploi ou pour un séjour en prison par exemple) le village sans se soucier de «la clientèle». Alors, pour les autres consommateurs qui dépendaient de cet apport en produit, il faudra gérer l épisode durant lequel le fournisseur d un produit et, donc, le produit viendront à manquer. Il est alors fréquent qu un autre produit vienne pallier au manque du premier. Les jeux d interdépendances entre consommateurs sont ici forts en ce sens où chaque consommateur peut se trouver tributaire de l apport d un autre usager et que le passage d un produit à un autre est fréquent ; d où l observation d importantes polyconsommations. Et l absence de réponse accessible pour accéder aux soins implique, comme pour les consommations de produits, que l on mette en place des stratégies, parfois dangereuses, pour pallier au risque de manque : «Bon à ce moment le Sub je le prenais que quand j avais pas d héroïne. Pour gérer le manque et pour pas être trop malade. Parce que le mec qui nous fournissait l héro était parti pour les saisons. ( ) Parce qu à ce moment là j en avais besoin, juste pour ne pas être mal, pour être normal quoi ( ). En fait voilà, ça c est passé comme ça : j ai connu la métha avant le Subu parce que c est V qui nous en donnais [de la méthadone]. Mais comme après il est parti, c est là qu on a pris le Sub. Et quand il est revenu, on a arrêté le Sub! Parce que la méthadone c était beaucoup mieux, pour pas être malade. Et avec le Subutex, j ai jamais réussi à arrêter mes consos, fallait toujours que je consomme. La métha non, j y arrive, je me soigne.» Face au manque de solution disponible, voilà qui dénote d une stratégie d adaptation aux contraintes du contexte Et qui marque l urgence d intervenir face à de telles consommations à risques : le mélange de Subutex (ou BHD) et de méthadone étant à proscrire, l automédication de TSO aussi. Ces stratégies exposent les usagers à des situations qui, selon eux, dénaturent la procédure de soins autant qu elles la mettent en péril à chaque «rupture de stock», impliquant une reprise accrue des consommations. Le passage de la méthadone à Subutex pour pallier au manque d héroïne et le mélange de ces produits sont fortement déconseillés tant l un diminue les effets de l autre, entrainant pour l usager un sentiment de manque qu il pourrait compenser par une prise accrue de produits et augmenter les risques de surdose. Le mélange de plus de trois produits dans une même journée (hors tabac) est donc une pratique commune que 62% de ce groupe avoue avoir expérimenté au moins une fois (plus souvent plusieurs fois) le mois précédent l entretien. L héroïne est souvent mélangée à l alcool, au cannabis, ainsi qu à la cocaïne qui est fréquemment basée «à domicile». Plus rarement, lorsque des événement festifs ont eu cours, des psychostimulants sont associés à ces quatres produits. 56

58 L alcool : la «drogue» associée Nous ne pouvons ignorer que nos campagnes pâtissent d une image entâchée par le spectre de l alcool : il est fréquent d entendre que les campagne seraient mouilléees, sinon imbibées d alcool et que le liquide ferait des ravages parmi les classes ouvrières et paysannes. Images archaïques? La Picardie, au même titre que le Nord, reste cependant particulièrement soumise à cette représentation. Notons tout d abord que l étude sur les addictions réalisée localement en population générale ne tend pas à appuyer cette idée : les pourcentages de jeunes Isariens (15-34 ans) ayant fait l expérience de l alcool sont globalement du même ordre que ceux observés aux niveaux national, ils sont inférieurs concernant la proportion de jeunes déclarant une consommation d alcool au moins hebdomadaire (30,5 % dans l Oise versus 35,5 % en France hors Picardie/ 1% pour la consommation quotidienne) 77. Il est par ailleurs à noter que les jeunes de ans dont le groupe socioprofessionnel du chef de famille est ouvrier sont moins nombreux à déclarer avoir une consommation d alcool quotidienne ou hebdomadaire que ceux dont le chef de famille est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure (26,6 % contre 44,1 %) Car s il est dangereux d ignorer qu il y ait des usagers de produits en campagne tant cet aveuglement empêche de développer les actions adéquates pour accueillir les personnes et tend à exacerber les inégalités territoiriales de santé et d accès aux soins, le stigmate que portent les campagnes et les classes laborieuses, notamment concernant l alcool, est tout aussi nocif. Si le silence est lourd et destructeur, la parole portant un stigmate sur une population l est tout autant, sinon plus. Il n en demeure pas moins que parmi les consommateurs de produits, l alcool est un produit largement associé : si en population générale 30,5% de la population des ans consomment de l alcool de manière régulière (au moins hebdomadaire) et 1% de manière quotidienne dans l Oise, parmi la population investiguée pour cette étude (usagers de drogues) la proportion s élève à plus de 65% pour les usages réguliers et près de 24% pour les consommations quotidiennes. En campagne comme en ville, nous notons fréquemment que la prise excessive d alcool est un comportement souvent associé aux consommations abusives de produits illicites. L ivresse est atteinte plus d une fois par semaine par 44% des répondants et plus de 10 fois par mois pour 15%. Dans notre cas, les consommations quotidiennes d alcool concernent près de la moitié des consommateurs dits dépendants (presque tous consommateurs ou anciens consommateurs d opiacés), qui associent cette consommation à d autres produits. Si l on note cette tendance en zone urbaine de façon certainement aussi pregnante, en zone rurale les usagers rapportent parfois en faire usage pour pallier au manque de (suffisamment) de produit (héroïne ou substitution) : «Avec la seringue j ai quand même eu des p tits effets de manque quand même. Un jour, j avais rien : le mec avec qui je consommais normalement bon là il était parti. Sentiment de panique Je pense que c était à cause de ça. Ouai, c était à cause du manque j pense. Mais pour contre carrer tout ça j ai été vite fait boire un coup. Beaucoup! Et après ça OR2S, Les conduites addictives dans l Oise, les ans en 2010, op.cit. L étude ne met pas en lumière de différence entre les agglomérations urbaines et les zones à dominantes rurales.

59 allait mieux. Ca avait carrément marché. C est ce que je faisais quand il était pas là, tu vois? Ca marchait pas mal» Homme, 31 ans, Pour les consommateurs de drogues, en ville comme en campagne, la question de l alcool ne peut être ignorée. Et les difficultés d accès aux soins et à un accompagnement n arrangent rien Pratiques festives, mélanges à risques Lors des soirées festives alternatives, les produits sont très fréquemment associés et il est fréquent que plus de trois produits soient consommés au cours de la même soirée Plus de 40% des répondants ont ainsi déclaré avoir consommé plus de trois produits (hors tabac) au cours de la même soirée dans les 30 jours ayant précédé l entretien. Pour 42% d entre eux, cette occurrence est arrivée à plusieurs reprises durant le mois. Quand les répondants déclinent le dernier mélange réalisé, il apparaît qu il existe autant de modalités de mélange que d expériences. Or, peu de données diffusables et validées scientifiquement permettent d établir et de diffuser des informations sur les risques encourus en fonction de l association de produits 78. Il n en reste pas moins que nombre d usagers témoignent de mauvaises expériences en cas de mélange 79. Les mélanges réalisés montrent que lors de ces événements festifs, les trois «familles» de drogues (en fonction des effets 80 ) sont souvent associées lors d une même nuit. - dépresseurs ou sédatifs associés à des stimulants et des hallucinogènes : souvent alcool + stimulants (parfois plusieurs) + hallucinogènes (souvent cannabis ou LSD) ; - association de plusieurs stimulants (notamment esctasy et de cocaïne, or l association des deux annihile les effets des produits et entraine une tendance à augmenter les doses) et de plusieurs hallucinogènes. Les importants mélanges de produits se font souvent sans connaissance des risques encourus. 78 Techno+ a réalisé un document (flyer) en milieu festif concernant les mélanges de produit (drugmix) à risques, diffusé par les équipes du SATO, mais en l absence de données validées le document reste loin d être exhaustif et complet. Les associations déplorent également le manque de connaissance à ce sujet. 79 Les équipes se basent donc sur les témoignages des personnes prises en charge en milieu festif pour diffuser ces informations. 80 A noter qu il n existe aujourd hui aucune classification partagée des produits psycho-actifs. La classification à laquelle nous faisons ici référence est qu une des hypothèses existantes proposée par Yves Pelicier (un médecin français) et Jean Thuillier (un psychiatre et pharmacologue français) en

60 Intoxications aigüe liée à une prise de produit Les «bad trips» Figure 14: Expérience d une intoxication aigüe (bad trip) liée à une prise de produits, en fonction des modes de consommations, en % 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 56% 38% 54% 69% Occurrence d'un bad trip TOTAL Consommateurs cannabis/alcool Polyconsommateurs festifs Polyconsommateurs dépendants Les «bad trips» ou mauvaises expériences (intoxications) sont fréquents, particulièrement lorsque les produits sont mélangés. 56% des interrogés lors de cette étude ont déclaré avoir fait des mauvaises expériences liées à une prise de produits psycho-actifs : accès de «parano», intoxications aigües, angoisses, panique, vomissements, tremblements, coma ethylique Les produits les plus souvent cités comme ayant engendré des «bad trips» sont les drogues hallucinogènes (27 fois) : le LSD est le plus souvent incriminé (cité 16 fois), soit par plus d un usager sur trois ayant déjà consommé ce produit (n=47). La kétamine arrive en seconde position comme ayant occasionné le plus d intoxication avec une victime sur quatre usagers ayant fait l expérience de ce produit - si l on mesure l occurrence des «bad trips» par rapport à la population ayant fait l expérience du produit incriminé (donc en excluant les non consommateurs de ce produit). Le cannabis a été cité 15 fois, mais représente Figure 15: Produits cités comme ayant été l objet de mauvaises expériences, en nombre proportionnellement moins d occurrence (moins de 11% des usagers de cannabis) Rapport aux produits et dépendance Parmi les consommateurs de produits rencontrés, la large majorité (63%) se sentait en difficulté avec un ou, plus souvent, plusieurs produits. Le tabac (27%), l alcool (27%) et les opiacés - dont les traitements de substitutions aux opiacés (TSO) auto-administrés (32%) sont les produits occasionnant le plus souvent le sentiment de dépendance. 59

61 Figure 16: Rapport au produit en fonction des produits, en % 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 25% 9% 15% 2% 9% 12% 22% 6% 1% 4% 4% 4% 5% 48% 15% Dépendance Problématique Parmi les usagers se sentant en difficulté avec un ou plusieurs produits, près de 60% déclarent avoir déjà parlé de leurs consommations avec un médecin et près de 40% étaient suivis par un médecin au moment de l entretien. Un biais cependant tient au mode de recrutement d une partie de la population investiguée, rencontrée par l intermédiaire du CSAPA Pôle Soins et suivie, de fait, par un médecin. Toutefois, parmi les personnes interrogées, 70% ont tenté d entreprendre un parcours de soins, souvent soldé par un échec. Nous analyserons bientôt les difficultés rencontrées. Nous conclurons ce chapitre par une question : peut-on observer des différences dans les usages de drogues entre les différents territoires? Nous avons remarqué dans le chapitre précédent que les trois territoires choisis pour cette étude disposent de caractéristiques fort différentes ; une analyse comparative serait donc intéressante 81. S il ne s agit pas de tirer des conclusions par trop hâtives, nous avancerons cependant qu il ne nous semble pas, en aucune façon, que les pratiques et les contextes en termes de disponibilités des produits et modalités de consommations connaissent des différences significatives : ni en campagne par rapport à la ville, ni en comparant les campagnes entre elles. La taille du bourg ou du village et la présence ou non d usagers de drogues pourra impacter quelque peu la disponibilité des produits et les usages (et inversement), pour un temps à tout le moins. Mais les différences ville/campagne tendent ici à se résorber. 81 Voir pp

62 L expérience vécue : être toxicomane à la campagne - Parcours et réponses sociales A. Parcours de consommations 1. De l expérimentation à l addiction, quelques cadres théoriques Quelles sont les logiques d entrée en consommation de drogues, lorsque l on sait qu il s agit là d un acte réprouvé par la loi et la société, potentiellement dangereux pour la santé et pouvant mener à la dégradation de ses conditions d existence une fois la dépendance installée? Lorsque l on demande à un usager de drogues de décrire sa première expérience avec l héroïne par exemple, il est assez fréquent d entendre : «J ai été malade comme un chien»! Puis à la personne de continuer «Mais on m a dit que c était normal. Alors j ai continué. La deuxième fois, malade, et la troisième ou la quatrième c était bien». Pourquoi diable alors poursuivre l expérience? Faudrait-il mettre à mal l idée générale qui suggère que l humain fait des choix raisonnés? Ou comme dans les temps anciens, penser que la règle de la raison exclut quelques-uns d entre nous : les fous, les prostituées, les drogués (!) Non, le choix de consommer des drogues n a rien d irraisonné. Que chacun se souvienne (s il le peut!) de sa première gorgée de vin ou de sa première bouffée de cigarette. Un moment souvent fort désagréable où la mimique visant à prouver que le goût était apprécié fut généralement (mal) feinte. Et puis 61

63 L analyse d Howard Becker 82 reste utile encore aujourd hui. Le sociologue le montre bien : les consommations de drogues, comme tout comportement social, résultent d'un processus d'apprentissage 83, qui passe par une redéfinition de son identité sociale. Pour autant, la consommation de drogues a cela de singulier qu elle est réprouvée socialement par la norme dominante, qu elle fait de l usager un délinquant. Elle est en cela un comportement déviant. Pourquoi vouloir définir ainsi son identité? Pour répondre à cela, l auteur montre que l idée selon laquelle un acte est déviant est toute relative : un comportement n est pas déviant par nature mais le devient à l instant où il est défini comme tel par le groupe social dominant. La norme sociale dominante définit comme déviante c'est-à-dire non conforme à la norme dominante et, donc, socialement construite comme «mauvaise» - un comportement spécifique : notamment le fait de consommer des drogues 84. Cependant, l auteur souligne que la norme n est pas définie de façon uniforme et unanime dans toute une «société». Il objecte qu une société forme des sous-groupes qui définissent eux-mêmes des normes de façon non homogène : si la norme sociale dominante (imposée par les groupes disposant de pouvoir légal et extra légal) définit tel acte la consommation de drogues comme déviant, un autre groupe en revanche le définira comme socialement acceptable, voire valorisant, en contre avec le groupe qui domine. Adopter un tel comportement marquera alors l appartenance au groupe. Aussi écrit-il «Nous devons donc d abord reconnaître que la déviance est créée par les réactions des gens à des types particuliers de comportements et par la désignation de ces comportements comme déviants. Mais nous devons aussi garder à l esprit que les normes créées et conservées par cette désignation, loin d être unanimement acceptées, font l objet de désaccords et de conflits parce qu elles relèvent de processus de type politique à l intérieur de la société. 85». Alors ce qui sera considéré comme déviant par les «normes officielles», selon la sociologie interactionniste de Becker, est considéré comme une activité normale du point de vue des déviants et peut donc être appréhendée comme une conduite conventionnelle bien que stigmatisée comme «anormale» par le groupe dominant (ce qui fait son caractère déviant). Becker montre enfin que la «délinquance» - comme adoption d un comportement socialement admis comme déviant par la norme dominante - se construit à travers une carrière. Elle est le résultat d'un processus social par lequel l individu apprend à la fois à pratiquer une activité délinquante et à reconstruire sa représentation de cette activité pour préserver une image acceptable de lui-même (c'est ce que Becker nomme la «carrière déviante»). Le délinquant passe ainsi par plusieurs étapes avant de devenir pleinement délinquant et le passage d'une étape à l'autre n'a rien d obligatoire. La consommation de drogue, comme toute chose, s apprend donc socialement («on ne naît pas femme, on le devient»!) et se pratique dans les cercles de sociabilité où la prise de 82 Elle date pourtant des années 1960! BECKER H. (1963), Outsiders, Métailié, Mais déjà en en 1947, une étude de Lindesmith développe une théorie alors révolutionnaire : la théorie de l apprentissage. On ne devient pas drogué pour des raisons de simple pathologie individuelle ; on apprend socialement à le devenir. Ce qui explique pourquoi les malades brisent leur dépendance lorsqu ils n ont pas apprit à la reconnaitre. Ils ne sentent pas le manque, ils se sentent simplement malades. LINDESMITH A., (1947), Opiate addiction, Bloomington, inc. Principia press 84 Rappelons-nous ici que ce ne fut pas toujours le cas, les normes changent dans le temps et marquent les relations de pouvoir dans la structure sociale. Les drogues ne furent considérées comme un fléau qu à partir du moment où elles touchèrent de plein fouet les populations pauvres au sein desquelles les drogues se propagèrent et qui, pour supporter la faim et le désespoir, abusait des drogues créant mort et désolation. Voir BACHMANN C. et COPPEL A, op.cit 85 BECKER H. (1963), Outsiders, op.cit., p41 62

64 ce produit est acceptable. Ainsi Becker montre que pour consommer des drogues il faut y être confronté et initié. L apprentissage n est pas seulement «technique» (comment faire) mais l on apprend également à 1. Associer les effets perçus à la prise de produit ; 2. Apprécier ses effets. L individu devra, dans le même temps, reconsidérer l'image négative du drogué (par exemple celle d un être ne sachant pas se contrôler) pour préserver son estime de soi. L addiction comprise en ce sens où l essentiel du temps est consacré à la recherche et à la consommation du produit - se révèle alors que l individu fait carrière, c est à dire alors qu il adopte ce comportement comme participant à sa définition sociale et qu il en a appris les codes. R. Castel nous invite cependant à rompre avec les conceptions «totalitaires» de la toxicomanie construites autour de l idée que toute la vie du toxicomane est tournée vers la recherche du produit et de sa consommation. Il préfère l idée de ligne biographique dominante (la toxicomanie prenant l essentiel du temps) à laquelle viendraient s adjoindre des lignes annexes représentant les activités sociales accessoires et traditionnelles menées par le toxicomane. Dans cette perspective, ces lignes biographiques ne sont ni séparées ni autonomes, mais opèrent des chevauchements que l usager de drogue s évertue à gérer tant bien que mal 86. Mais on ne peut ignorer que la drogue ait un effet sur le corps, même si cet effet prendra telle ou telle définition en fonction des cadres normatifs dans lesquels s inscrivent les individus. Nous reprendrons ici l analyse d Aude Lalande : «On parle de façon générique de psychotropes (produits qui manifestent un tropisme, une attraction pour la psyché), mais les drogues ont également des effets sur le corps c est même pour ça que les usagers en prennent. Toute drogue produit un ensemble complexe de changements cellulaires, physiologiques et psychologiques chez les usagers. Ces effets font l objet d un travail de mise en forme culturelle, depuis la fabrication de leur cahier des charges jusqu à l apprentissage social de leur réception, qui explique sans doute la disparité des effets d un même produit selon qu il est prescrit par un guerrier viking ou par un shaman sibérien, qu il est prescrit par un médecin ou utilisé à des fins récréatives. Mais cette mise en forme ne prive pas les produits de ses effets, loin de là. 87» Une usagère reçue en entretien nous le rappelle avec les paroles qui suivent, que d aucuns trouveront troublantes, voire choquantes. Elle les sait «non acceptables», et c est donc avec défi et en me regardant droit dans les yeux pour y lire ma réaction qu elle me dit : «Moi je regrette rien. Je me suis bien marrée. C est des bons moments. La seule chose que je regrette c est que maintenant faut qu je prenne un médicament tous les jours. Mais si c était à refaire, je referai pareil» Femme, 29 ans, Valois Et lorsque le corps et l esprit se sont accoutumés et que le manque de produits induit de la douleur physique et psychologique, nous obtenons ce que l on a à présent coutume d appeler l addiction. Notons cependant que le produit n est pas utilisé exclusivement à des fins hédonistes : certains ont sans doute trouvé dans l héroïne le médicament permettant d apaiser souffrances psychiques et physiques. La sortie de la toxicomanie engendre alors pour eux une grave détérioration 86 CASTEL R. et al, Les sorties de la toxicomanie, types, trajectoire, tonalité, Paris, MIRE, LALANDE A, op.cit.

65 de leur état de santé, physique et/ou mentale. Les autres médicaments, légaux, pallient parfois mal au manque de celui jugé «illégal et dangereux». Notons que l idée développée ici selon laquelle la consommation de drogues résulte d un choix raisonné de l individu et, donc, que le toxicomane est doué de raison et capable d infléchir ses comportements de façon raisonnée eux aussi - a transformé les modes d intervention en toxicomanie. Ainsi que le rappelle Saïd Megherbi dans un article qui retrace l histoire des stratégies de soins en toxicomanie 88 : «À une période née au début des années 1970, et se bâtissant progressivement sur des concepts et des notions liées à la psychanalyse, a succédé une seconde période dominée par la «réduction des risques»( ) À une conception de la toxicomanie rattachant cette dernière à une perturbation de l économie psychique de la personne s est substituée une conception plus «pragmatique» 89 de l intervention sans la neutraliser toutefois basée sur la rationalité effective de l individu 90 ( ). Au toxicomane succède progressivement l usager de drogue.» La politique de réduction des risques et son succès ont fortement influencé sur la façon d appréhender l intervention en toxicomanie tant elle postule de la rationalité et la responsabilité des usagers de drogues dont les pratiques reposent sur des choix personnels de consommation. Ces choix ne sont pas toujours exempts de risques (de «dommages», dit-on dans les pays anglo-saxons) que les usagers eux-mêmes intègrent selon leur propre perception. Comme le souligne Robert Castel dans son essai sur les sorties de la toxicomanie, le processus ayant engagé la personne dans une addiction n en est pas moins réversible à partir des moyens et des ressources que mobilise le toxicomane à partir de son expérience, qu'il s'agisse de recours institutionnels, de supports sociaux (milieu familial, professionnel, amical, de voisinage) ou de moyens et capacités individuels Premières consommations et parcours de consommations Il existe autant de modalités d entrée en consommation que d usagers et de parcours. Le dénominateur commun est l inscription dans un groupe de sociabilité - n est-elle que la rencontre avec un usager- au sein duquel la pratique est établie, ayant permis la rencontre avec le produit et la volonté d en faire l expérience. L entrée en consommation et l apprentissage des modalités de consommations signent alors l appartenance au groupe MEGHERBI S., «Les stratégies de soins des toxicomanes», Psychotropes, 2006/3 Vol. 12, p DOI : /psyt ; Article disponible en ligne à l'adresse: page-141.htm 89 «Il n est pas sûr que cette notion très utilisée dans certains milieux professionnels fasse référence à un courant sociologique précis. Mais c est peut-être dans le sens que lui donnent les professionnels qu elle est la plus intéressante pour saisir certaines constantes dans les interprétations. Être favorable à la substitution, considérer les toxicomanes comme des usagers citoyens en acceptant leurs propres perceptions des risques n influe pas forcément sur ce que l on pourrait appeler les représentations communes de la toxicomanie» 90 COPPEL A., «De la guerre à la drogue à la réduction des risques», Le Courrier des addictions, pp CASTEL R. et al., op.cit. 92 Ce processus, nous l avons vu, a été décrit par Becker et, plus largement, l école de Chicago dont les études prennent cependant largement place en milieu urbain. Voir BECKER H.(1963), Outsiders, op.cit. 64

66 Il ne faut pas oublier qu il s agit là, en particulier pour les consommations d opiacés, d autant plus quand elles sont pratiquées en injection, de pratiques qui sont aujourd hui largement condamnées non seulement par la société «dominante» et mais aussi par la plus grande partie des usagers de drogues. Les logiques d entrée en toxicomanie, dans des pratiques déviantes par rapport à une norme socialement établie par le groupe socialement dominant ou dans un groupe social frappé de stigmate ont été commentées. Mais, phénomène entendu comme urbain, les cadres explicatifs se sont concentrés sur les villes. L entrée en consommation suppose bien entendu la disponibilité du produit dans les villages, mais aussi la présence d un groupe qui se représente l usage de drogue comme un comportement acceptable. Comment les drogues ont-elles fait leur entrée dans les campagnes? Il nous faut ici considérer la campagne comme un territoire non sans connexion constante avec les villes. Entre villes et campagnes les liens sont ténus et les drogues circulent à travers ces usagers-revendeurs selon la logique dont nous avons parlé plus haut 93. Si certains des plus anciens ont été «initiés» hors des villages (dans des internats, en prison, dans une entreprise), aujourd hui les villages disposent de leurs propres dynamiques de circulation de drogues et l expérimentation des plus jeunes s y fait le plus souvent in situ. Or, dans les villages et les bourgs, les liens de sociabilité sont ténus, soutenus entre «déclassés» (issus d une famille déjà socialement déclassée dans le village) qui, retournant chez leurs parents après avoir échoué à grimper l échelle sociale, partagent un destin offrant peu de reconnaissance sociale et de perspectives. Ils disposent de temps libre et de peu de divertissements. La drogue est là, offrant à ceux-là (notamment!) le plaisir qu elle procure. La prise de drogue a aussi une «vertu» sociale tant elle permet à l usager en quête d identité de s inscrire dans un groupe (alors qu il semble rejeté du groupe dominant) qui se retrouve autour de pratiques de sociabilité partagées : on se réunit pour prendre de la drogue. L entrée réelle dans le groupe passe d ailleurs souvent par cette initiation ; les rites de consommations donnent un sens, voire une identité (en contre) au groupe et, donc, à ses membres. Les individus transforment alors une situation subie (l exclusion, la précarité) en situation choisie (je «choisis» de me mettre en «marge» par la prise de drogue). On fait alors «partie de» Cela ne signifie pas que les consommations de drogues ne concernent que les «déclassés» : cela serait une interprétation erroné dans le milieu urbain comme rural. Les consommations de drogues concernent toutes les catégories sociales. Dans sa monographie sur la jeunesse rurale ouvrière d un village, Nicolas Renahy fait l observation de ces dynamiques entraînant à l usage de drogues parmi les jeunes adultes qui retournent ou restent chez leurs parents. Il met en évidence un plus fort esprit de communauté, qu on ne rencontre pas en ville, une affirmation de l individu qui passerait par le collectif. Entre autre pratiques d adaptation de ces «jeunes» qui se confrontent au chômage, au célibat, aux difficultés à quitter la famille et à la recherche de temps d évasion et de bien-être, l auteur parle des usages de drogues qui s expérimentent entre amis et, enfin, de la recherche d une identité qui n a pas été transmise comme pour les générations d avant. «Entre les liens familiaux, ici synonyme de dépendance prolongée vis-à-vis des parents, et une position marginalisée sur le marché du travail, l amitié relève de ce «troisième lieu» décrit par Olivier Schwartz 94 : une tentative de faire «craquer le verrouillages social» de ces enfants d ouvriers guettés par la reprolétarisation, la volonté de reconquérir «une faculté de contester les frontière du territoire 93 Voir p O.SCHWARTZ(1989), Le Monde privé des ouvriers, Puf, coll. "Quadrige", Paris, 2002, p.376

67 qui leur est imparti, et de faire reculer les effets de la domination sur leur vie, au profit d un secteur où ils peuvent s autoriser à désirer. 95» En effet, dans les villages, les jeux d interdépendances forcent durablement les liens, par opposition au milieu urbain où l individu peut plus aisément vagabonder d un groupe de sociabilités à l autre. La consommation de drogue est également un enjeu de la constitution du lien social, où se construisent et se cristallisent souvent des gestes et des cadres (Goffman) qui ritualisent les consommations. Quand les produits arrivent dans certains villages, alors, ils se propagent parfois de façon accentuée. Aussi, comme l expose H. : Ou encore : «Parmi les jeunes que je connaisse : tout le monde [consomme de l héroïne et/ou du crack]. Ah ouais, tous les jeunes ouais! Bah jusque 35, après c est plus ma tranche d âge. Disons entre 19 et 35 quoi. Après ils sont trop jeunes, je traine pas avec eux. ( ) Ca fait une cinquantaine quoi! ( ) Mais tu viens habiter ici, même si tu consommes pas de toute façon, t es obligé de consommer un jour ou l autre. Parce qu il y en a toujours un qui va te dire tiens goutes ça tu vas voir. On est toujours ensemble, alors Moi c est comme ça aussi que j ai commencé.» Homme, 34 ans, Nord du Beauvaisis «La coke, j ai pris la première fois vers 13 ou 14 ans. C était dans les soirées à G. On faisait des petits trucs entre nous quoi. On était quoi Il y avait tout le village, on se regroupait, on faisait une soirée et on acheté ce qu il fallait et puis voilà quoi. ( ) Je prenais de tout déjà! (rire). Mais j ai commencé jeune parce que je trainais qu avec des vieux. Enfin qu avec des vieux, les ¾ ils étaient majeurs et moi j étais encore mineur. C était moi le plus petit de la bande [se redressant fièrement, rire]. J étais fier! Carrément! Fallait pas qu on me touche, il y avait les grands. C était bien! Enfin c était bien dans un sens mais pas dans l autre hein. J ai vraiment goûté à tous les produits hein» Homme, Noyonnais, 40 ans Il ne s agit pas d être catastrophiste et d insinuer que la drogue se propage telle une traînée de poudre, mais de montrer que dans certains villages la présence des produits et les pratiques de consommations sont installées, faisant même parfois la réputation du village : «C est un village de rablateux 96! Ca a toujours été le cas!» nous dit D., 31 ans (Nord du Beauvaisis). Souvent, les consommations de drogues sont alors associées pour les usagers eux-mêmes aux villages où le groupe de consommateurs est constitué. Lorsqu un usager le quitte (et s éloigne de ses pairs), les consommations, si elles ne s arrêtent pas, deviennent souvent moins régulières. En témoigne l expérience de M, jeune femme de 27 ans du nord de l Oise. Elle raconte avoir commencé ses consommations alors qu elle fréquentait, pour se divertir, les teufs avec un groupe du bourg où elle réside. Avec le groupe constitué de quelques-uns de ses amis d enfance, elle s initie petit à petit à l héroïne par le biais d un ainé. Elle quitte l école et travaille en tant que saisonnière dans le sud de la France. Elle explique : «Tu vois quand je suis là-bas je ne consomme pas. Parfois pendant des mois! Les premiers jours c est dur, j ai une semaine de subu pour gérer la transition, et puis après 95 RENAHY N., Les gars du coin, enquête sur une jeunesse rurale, La découverte, Paris, 2005, p Rabla est un autre mot pour désigner de l héroïne. 66

68 j ai pas besoin du reste du traitement. ( ) Par contre, dans le train du retour pour C., je pense déjà à ce que je vais taper. Alors que j y avais presque pas pensé quand j étais là bas, c est ouf. Dès que je rentre, je replonge. Mais ils sont tous là. Ca nous lie ensemble quand même.» Nous avons noté que les expérimentations des produits psycho-actifs légaux et illégaux se sont en moyenne produites, selon notre échantillon, de façon plus précoce que ce que l on peut observer en ville. Or, parfois, nous notions que l information sur les risques pris faisait cruellement défaut. Le témoignage de quelques jeunes consommateurs est à ce titre éclairant : ainsi N, 21 ans, d un petit bourg : «Oui, j ai pris pour la première fois de l héro je devais avoir 15 ans. Tous mes potes le faisaient. On m a dit «tiens ça, ça fait planer». ( ) Je savais ce que c était mais c est vrai que je savais pas que ça allait me faire des crises de manque! C est juste un jour que j en avais pas, je me suis réveillé malade. Je dégueulais, j avais mal, des sueurs et tout. J appelle un pote et il m a dit que c était à cause que j avais pas d héro. Du coup il m en a amené.» Ici, l essor du mouvement festif alternatif des free et rave parties a certainement joué un rôle dans ce que nous supposons être une accentuation de l acceptabilité des drogues au sein des groupes de jeunes ruraux. Souvent, les premières consommations de drogues (autre que le cannabis qui s expérimente souvent dès le lycée plus rarement le collège) ont eu lieu lors de free ou rave parties, lesquelles proposent une offre de divertissement qui draine une partie des jeunes villageois. Mais ne nous y trompons pas, le mouvement festif proscrit les drogues dites non festives. L entrée en consommation d héroïne s inscrit dans une autre dynamique. Il ne s agit pas ici de valider ce qu il est coutume d appeler «la théorie de l escalade» qui considère que la consommation d une drogue risque fort d induire une «escalade» et la continuité des consommations. Cette théorie est largement invalidée lorsqu on la confronte à l examen empirique. 3. Prévention et modalités de circulation de l information : connaissances, représentations, écueils Dans les milieux plus isolés, nous ne pouvons que déplorer, en cœur avec les acteurs de territoire et les usagers eux-mêmes, le manque de dispositifs de prévention. Où orienter des jeunes en difficultés? Comment ouvrir la parole? Lorsque les usagers déclinaient les programmes de prévention dont ils avaient été témoins - lorsqu ils avaient eu lieu ou tout du moins qu ils en gardaient souvenir (souvent l école) - ceux-ci avaient été opérés par les forces de l ordre et avaient induit des effets contreproductifs selon les usagers. 67 «De la prévention? Non jamais. Enfin, y a eu une fois une réunion mais alors c était une réunion : deux gendarmes qui étaient venus, pendant quoi une heure, une heure et demi, et pendant la réunion, tout le monde rigolait. Y avait rien de pris au sérieux. Et puis pour

69 eux tout était mélangé hein. Pour eux c était tu fumes un joint tu passeras à la seringue! Donc c était très stigmatisé, beaucoup de préjugés, donc ça en devenait pas sérieux. Donc aucune crédibilité. Et c était dommage, parce qu il y avait déjà des consommations à cette époque là. Et que ce soit des fils d ouvrier, des fils d agriculteur ou quoi hein. Quand on se retrouve à l internat tout le monde est pareil. Donc euh, voilà. Mais ça fume partout, partout.» Homme, Valois, 28 ans «Ouai, y a eu les flics qui sont passés à l école. Ils nous parlaient de l ecstasy, comme quoi c était hyper dangereux, que tu deviens accro et tout. Puis après t en fais l expérience, ou tu vois d autres le faire. Et tu te rends compte que c était que des conneries! Alors après, c est sûr, tu crois plus les conneries qui t racontent! C est pour le plaisir les drogues, pas pour l autodestruction!» Femme, 25 ans Nous ne pouvons ignorer que, lorsqu il est transmis exclusivement par les représentants des forces de l ordre, le message de prévention reste pour certains à tout le moins - entaché d une image perçue comme abusivement autoritaire et relevant de plus d une autorité qui n est pas toujours reconnue comme légitime. Aussi, la prévention ne devrait plus aujourd hui, selon la MILDT, être dispensée (uniquement) par les forces de l ordre, ces programmes de prévention ayant montré leurs limites et les conséquences de leurs effets parfois contreproductifs. De plus, concernant la prévention, la loi, encore héritière de 1970, limite les possibilités d intervention tant elle interdit de se représenter les drogues sous un jour autre que négatif. Il faudrait, pour bien faire, ne concéder aux drogues que leurs effets désastreux et taire leurs effets agréables qui sont pourtant (en partie) la raison de leur pouvoir addictogène. Or, sans cette possibilité d expression sur les drogues, la prévention ne prévient pas Et n arme pas. Nous reprenons ici l appel d Aude Lalande qui, ayant travaillé longtemps auprès de toxicomanes et étudié leurs parcours, nous interpelle sur l urgence à ouvrir les possibilités d expression sur les drogues et à lever l interdiction de les présenter sous un autre jour que négatif, tant cela nuit gravement à la crédibilité de la prévention et aboutit à en limiter considérablement les effets, notamment en prévention secondaire et tertiaire, alors que les consommations existent 97. En milieu rural, la possibilité d expression est d autant plus nécessaire que la parole sur les drogues ne circule alors qu au sein du groupe de sociabilité, faute d autres sources d information qu il est possible de mobiliser localement. Lorsque les connaissances sont erronées ou incomplètes, notamment en termes de transmissions virales, risques routiers, infections et abcès, mais aussi du risque d accoutumance, de dépendance, de manque, etc., les usages de drogues tendent à se faire particulièrement à risques, comme en témoignent les résultats exposés précédemment. Les actions de réductions des risques entreprises lors des rassemblements festifs constituent bien souvent le seul accès à l information dont disposent les usagers (hors internet mais dont les messages peuvent être contradictoires). Non que la mise en place d actions de prévention et d accueil des personnes en addictions n aient pas été tentées. Prenons l exemple de la mise en place d un espace dédié à l accueil des personnes en difficulté avec un ou plusieurs produits (des consommations d héroïne et d alcool se faisaient connaître dans la commune) : cet espace a servi, malgré les besoins criants, à tout sauf à l accueil des personnes auxquelles la permanence était 97 LALANDE A, op.cit. 68

70 destinée. Le silence restait de mise lorsque l on se confrontait à l entre soi. Pour tout ce qui n était pas médical à tout le moins. B. Implication sociales des consommations de drogues 1. La honte en héritage Place dans la structure sociale En menant le travail de terrain, je fus très vite frappée par le nombre d usagers que je rencontrais qui m annonçaient avoir été élevés par leur grand-mère : au moins une personne sur trois que je vis en entretien était concernée par cette situation. Etrangeté fortuite? A moins que cette particularité n eut un sens? J interrogeai autour de moi mais tous restaient perplexes. Puis, la constance avec laquelle les personnes que je rencontrais, usagères ou non, évoquaient les noms de famille (comme si je devais en tirer une quelconque conclusion) me mit sur la voie : les personnes que je rencontrais plus fréquemment concernant des questions de consommations de drogues étaient celles qui risquaient le moins si elles étaient «découvertes» : elles appartenaient à une famille socialement «déclassée» dans la structure sociale du village ou du bourg. Le fait d avoir été élevé par les grands-parents était un signe, ou plutôt une conséquence, de ce déclassement : les parents, frappés de honte ou de stigmate (marqués par l alcool ou la maltraitance), avaient été jugés inaptes ou avaient déserté à élever leur enfant. La honte pesait déjà sur la famille. Les autres, ceux qui ne portaient pas déjà ce déclassement, demeurait largement cachés. Dans les villages où une partie de la population est implantée depuis plusieurs générations, l entité sociale de base reconnue et qui structure l organisation (et l identité) sociale est, bien souvent, la famille. Il est alors fréquent que tel ou tel individu soit désigné par son nom de famille, disons «Dupont», associé à un superlatif qui permet à chacun de désigner un membre particulier de la famille : le «gros» Dupont, La «p tiote» Dupont, le «père» Dupont, etc. En fonction de l histoire de la famille (longue ou courte) et de sa place dans la structure sociale (ouvrier, patron, notable, élu, etc.), un ensemble de caractéristiques peut-être associé et l appartenance à telle ou telle famille encadre le jeu des alliances et des mésalliances 98 entre groupes. «Oui, on se connait tous... Enfin, non, je ne connais pas tout le monde, mais je connais au moins la famille. Lui je sais que c est un M.», nous dit la coiffeuse lorsque nous l interrogeons sur ces connaissances dans le village. Ce «jeu» s inscrit dans le temps car, aujourd hui plus qu en ville, le village a une mémoire. La place de l individu dans la structuration sociale du village est plus fortement déterminée par la place de la famille (en ce qui concerne les familles implantées depuis au moins une génération) dans le village. La réponse sociale qui sera faite, dès lors, à un individu consommateur dont la famille jouit d une «bonne» position sociale dans le village ne sera pas la même que celle offerte à l individu dont la famille est déjà socialement déclassée. Le nom de famille a son importance! La référence au nom de famille d untel engendrera des hochements de têtes entendus et sera prise comme un élément explicatif de telle ou telle attitude. Un contexte où le prestige, le pouvoir ou la honte de la 98 Un élément dont l ouvrage de Lawrence WYLIE rend compte avec humour, voir WILIE L. (1968), Un village du Vaucluse, Gallimard, Paris,

71 famille se reçoivent en héritage et jouent plus fortement encore de leur déterminisme social que ce que l on peut l observer en ville. Aussi est-il attendu, pour les familles socialement «déclassées», que ses membres aient des comportements, réels ou imaginés, à la hauteur du déclassement qui pèse sur eux. Pour les individus concernés, l intériorisation du stigmate comme «essence» de son clan - joue son rôle. Les pratiques toxicomaniaques ou alcooliques sont alors plus largement exposées pour abonder la légitimité de la place de tel individu dans l organisation sociale. C est la place du «fou du village» : être honteux, certes admis, mais caché. Aussi, le contrôle social ne s exerce pas de la même façon en fonction de la place de l individu dans le village et n aura pas les mêmes implications : des pratiques déviantes exposées risquent d engendrer le déclassement d une famille jouissant de prestige, alors qu elle n aura pas cette conséquence pour une famille a priori déclassée. «Ben ici c est pas la même chose en fonction de ta famille tu comprends? Par exemple, ici, si t es le fils du médecin, tu te fais jamais arrêter, jamais emmerder par les gendarmes, tu peux avoir tout ce que tu veux sur toi. Si on t arrête avec 2g, on te relâche direct, tu vois? Par contre, si ta mère est folle et alcoolique, comme moi, et que ton père est parti en laissant tout le monde dans la merde, là t es affiché, surveillé. On te prend pour un fou, même si t as de grandes possibilités. Moi j étais très bon à l école, très intelligent. Mais j ai tout arrêté, parce que Parce que de toute façon» Pour les premieres, familles d importance et de prestige social, lorsque des pratiques toxicomaniaques sont découvertes et les modalités de circulation des informations font qu elles le sont plus rapidement et largement qu en ville - la réponse sociale a plus tendance à «couvrir d un voile» ces pratiques afin que la place privilégiée dont dispose la famille soit finalement préservée A moins que l individu en faute ne disparaisse jusqu à ce que le «scandale» s apaise. Ainsi l histoire de cette famille dont le fils toxicomane avait jeté «la honte sur la famille», une histoire qui me fut contée par une autre habitante du village, mère d un jeune homme également toxicomane. Les deux fils étaient des amis proches depuis l enfance au village et commencèrent ensemble leurs consommations. Dans son récit, notre interlocutrice fit toujours référence au nom de famille de ce compagnon jugé nocif, mais issu d une famille de prestige. Elle mit l emphase sur ce prestigieux nom. «Vincent B.» était donc le fils d une famille jugée importante dans le village : le père était le chef d une entreprise importante de la région, la mère travaillait dans une maison médicale des environs. Lorsque que j ai demandé à mon interlocutrice si elle s était ouverte à quelqu un du village des difficultés qu elle rencontrait avec son fils, elle me répondit : «Oui, parce que Vincent B. il avait le même problème. Donc j ai pu en parler. (baissant largement le ton). Un jour je vais voir le père de Vincent B. pour lui dire que j ai vu son fils dans l appartement de mon fils, et il lui a proposé de la poudre. Donc je lui dis «moi je veux plus que Vincent B., le fils, vienne voir mon fils». C est là qu il a dit «V. va au SATO, c est cette adresse, allez-y aussi.» Voilà. AS : Avez-vous reparlé à cet homme par la suite? H : Non. Je ne suis pas retournée le voir car il a une entreprise importante à (village)... Euh (très bas) Sa femme, la maman de Vincent B., travaillait aussi à la maison de santé dont je vous parle. Très gentille. En grande souffrance aussi de voir son fils comme ça. Et euh ( ) On ne la voit plus jamais, plus jamais, elle est en grande dépression. On ne la 70

72 voit plus jamais. Et puis Vincent B., j ai pensé que c était pour ne pas faire d ombre à sa famille qui a une entreprise connue ici, il vit à l autre bout de la France et il ne revient plus. Ils ont trouvé une structure à l autre bout de la France. Il a déjà dit plusieurs fois à mon fils, il l a eu plusieurs fois «Ooh, il va très bien Vincent B., il va très bien. Il travaille, il a une copine. Tout va très bien.» Si il va bien tant mieux, mais il n a plus de contact avec la famille? Parce que mon fils, en achetant des cigarettes, a demandé au père de Vincent B. des nouvelles. «Tout va très bien». Et c est tout. La maman je l ai revue une fois dans (le village) depuis qu elle est à la retraite. Je la reconnaissais à peine tellement qu elle est Elle doit être sous antidépresseurs» Pour ceux, en revanche, a priori «étiquetés comme déviants» (ou appartenant à une famille frappée de stigmate), la dynamique est double. H. Becker 99 attirait déjà notre attention sur «les conséquences qu impliquent, pour un individu, le fait d être étiqueté comme déviant : il lui devient plus difficile d accomplir les activités ordinaires de sa vie quotidienne et ces difficultés même l incitent à des actions «anormales»». La «déviance» n effraie pas et devient évidente, marquée comme «naturelle». La consommation de drogues est d autant plus possible qu elles ouvrent des «paradis artificiels», pour reprendre l expression du poète, qui leur sont par ailleurs interdits tant leur place dans l organisation sociale ouvre décidément peu de perspectives. Les «nouveaux arrivants» ne sont pas, ici, marqués par les mêmes contraintes. D une part, leur histoire au sein du village ne s inscrit pas dans le temps long et ils sont donc, en quelque sorte «vierges» de passé, bon ou mauvais. D autre part, beaucoup ne se sont guère impliqués, de façon majeure, dans la vie locale. Car ne l oublions pas, nous n y sommes pas contraints! Pour les primoarrivants, les cercles de sociabilités demeurent en grande partie en dehors du village ; la vie professionnelle aussi. Pour autant, lorsque les enfants ont été scolarisés dans le village, l appartenance au groupe s est observée par le biais des enfants. Mais eux non plus ne portent pas leur histoire sur le dos! Et la réponse sociale aux comportements a certainement bien moins d importance tant la construction de l identité ne se définit pas ou peu dans les jeux d interactions dans le village, mais en dehors de celui-ci. De même, le contrôle social est-il sans doute moins ténu, car l entrée dans les cercles de sociabilités n est pas ou moins entamée. 2. Consommation de drogues et «insertion» professionnelle : cercle vicieux et multiplication des contraintes Une fois la toxicomanie installée, et encore plus si elle est affichée, le lien entre consommations et insertion professionnelle relève d une dynamique double se répondant en un cercle qui, bien souvent, se révèle vicieux : d une part, les consommations viennent souvent, à terme, mettre en péril la pérennité de l emploi que l usager exerce que ce soit en lien indirect ou direct, comme par exemple suite à des problèmes de justice ou encore des épisodes de manque survenus lors de l exercice de son emploi et, d autre part, la faible inscription dans le monde du travail précipite l usager vers une «carrière de consommation» (au sens où sa vie se structure pour BECKER H., Op.cit

73 part autour du soutien de son addiction), laquelle complexifie les démarches pour trouver un emploi. Ainsi conte cette jeune femme : «Oui, je travaillais, mais je me suis fait licencier ( ). Je me suis fait griller à cause de l alcool en fait. Euh, ben en fait je me suis fait griller avec des bouteilles d alcool. On le faisait beaucoup avec mes demi-chefs en plus, fin voilà. Et euh y a eu une fois où je me suis fait griller, et j ai carrément dit «ben ouai je les ai volées», et bon ben du coup euh Je devais avoir une mise à pied je crois le lendemain, et je suis pas venue. Je voulais pas venir, j avais un peu les boules, et bon ben du coup euh, j ai reçu une lettre comme quoi j étais licenciée quoi. Donc après j ai touché le chômage pendant, euh, 1 an et demi, deux ans je crois. Et puis après plus rien. ( ) Je faisais plus que consommer de toute la journée ( ) Et puis j ai plus eu rien, parce que j ai pas encore le droit au RSA vu que j ai pas 25 ans( ) et puis la rue.» Femme, Noyonnais, 25 ans L histoire de V. est également éclairante : «J ai tout perdu de toute façon à cause de c te merde. J étais embauché et tout, j ai perdu mon boulot et tout. (..) Un bon boulot. Je gagnais bien ma vie. Bon, j avais décidé d arrêter tu vois, de me soigner. Mais vu que j avais pas de traitement, y a des moments pas bien et je pouvais pas aller bosser. Donc comme ça une fois, deux fois, trois fois. Et puis après y a ton patron qui te dit «ben si t arrives encore une fois à la bourre ou si tu viens pas ben t es virée!». Parce que j étais responsable. ( )Alors j ai parlé avec lui et je lui ai dit «parce que tu vois voilà J étais toxico, je me fais soigner, y a des moments je peux pas venir». Alors il me dit «Ben ouai mais moi je travaille sur Paris, je peux pas laisser des chantiers comme ça sans personne quoi.» Et puis voilà quoi. Et là, ça va faire deux ans que je l ai perdu. ( ) Ben après j avais plus de boulot et ma copine elle continuait à consommer, j ai retapé pour lui montrer ce qu elle me faisait faire. Et vu qu j avais plus rien à faire, ben j ai rechuté sévère. Je consommais vraiment beaucoup» Homme, Nord du Beauvaisis, 34 ans En effet, la perte ou l incapacité à trouver un travail précisent l entrée et la montée en fréquence des consommations et précipitent l addiction au(x) produit(s) jusqu à compromettre souvent la capacité ou la possibilité de travailler à nouveau (avant d engager des soins à tout le moins). Cette précarisation de la situation s accompagne alors fréquemment d un retour chez les parents et d une perte de mobilité. Or, en milieu rural, emploi suppose mobilité et, en leur absence, les portes se referment de façon endémique. La boucle est bouclée. Beaucoup tentent alors d adapter leur parcours à une offre d emploi de toute façon structurellement faible. De même, en l absence de toute mobilité, l accès aux services CSAPA se trouve trop fréquemment compromis ou mis en péril. Or, l accès aux soins est généralement perçu comme une étape préliminaire à une possible réinscription dans le monde du travail. Alors, l isolement se fait lourd et fait de ces usagers, parfois, des «captifs». Un enclavement dont fait également référence Yannick Sencébé dans son analyse sur le «pays Diois» : il note que l enclavement de la région (géographique aussi dans ce cas) est certes perçu comme une richesse par certains des plus «armés», mais il dresse pour d autres les barreaux plus ou moins dorés d une 72

74 prison 100. Ici aussi, si la vie à la campagne est vantée pour sa qualité pour ceux qui peuvent en sortir quand ils le souhaitent pour travailler, se divertir, etc., pour les plus démunis, au contraire, le village est le lieu d un repli et d une marginalisation qui semblent se refermer sur eux et alimenter les difficultés et de fait les comportements visant l oubli. Les consommations de produits permettent de «s échapper». La visibilisation des comportements marquant le sujet de son stigmate dans le temps et impactant les possibilités d emploi, nous comprenons alors pourquoi, dans le Valois, nous observons que les patients insérés socialement et ayant conjoint(e) et enfants préfèrent faire de nombreux kilomètres pour rejoindre une pharmacie dont ils connaissent la discrétion que de se faire suivre par une pharmacie trop proche et s exposer au risque d être découvert Et de porter le stigmate sur sa famille. Pour autant, la question de la honte ne se pose que lorsque les pratiques sont rendues visibles et sont invalidées par la communauté. Pour les consommateurs festifs, il convient de noter que les pratiques restent au contraire généralement inconnues des non initiés et clandestines. Les consommateurs de cannabis, eux, sont plus facilement acceptés. C. Stigmate : la contrainte du silence et circulation souterraine de la parole 1. L étiquette «V : Tu vois, quand les gens le savent que t es un toxico, ils te regardent plus de la même manière Tes parents ils le savent, et après les autres le savent. Après, t es toujours le même : mais les gens te regardent plus de la même manière. Pour eux t es un renégat, un cas soc ils te parlent plus de la même manière.» AS : Ils te parlent comment? V : Comme si t étais un bon à rien. Comme à un chien Ils te connaissent depuis que t es p tiot, et d un coup, tu vaux plus rien. Parce qu ils savent. C est une étiquette tu vois, et une fois que tu l as, elle te colle à la peau. Ca fait dix ans que je l ai cette étiquette. Le truc c est que dans les petits bleds, tu as plus vite l étiquette, et tu peux plus t en débarrasser AS : Comment ça? SENCÉBÉ Y. (2002), «Des bons usages de l enclavement : une analyse sociologique du «pays du Diois»», in BLETON-RUGET A., BODINEAU P. et SYLVESTRE J.-P. (dir.), «Pays et territoires. De Vidal de la Blache aux lois d aménagement et de développement du territoire, Dijon, : EUD, pp «Les jeunes les mieux armés en partent [du pays diois] pour faire leurs études et ne reviennent pas, tandis que les plus démunis - les plus «attachés» - s y accrochent, s y réfugient et s y marginalisent, adaptant leur parcours à l offre locale (de formation et d emploi) structurellement faible».

75 V : Ben dès que ça se sait. Par exemple moi j étais suivi par un éducateur, il le sait parce que je me suis fait arrêter, injonction thérapeutique. Du cannabis à l époque hein, pas de l héroïne ou de la coke. Bon après ta mère le sait, et puis ça passe par les commères du village. Les petites vieilles, là qui te regardent. Ils t observent, et pis ils savent que tu vas en teuf, que tu reviens fracass. Et après t es un cas soc. Déjà, tu vois, mon père c était un alcoolique, j ai grandi à la dure. Il me flanquait d ces beignes quand je faisais des bêtises. Ca m a C était dur. On pouvait pas parler avec lui, il me traitait de bon à rien, il m accusait de mettre la honte sur la famille. Alors que bon, lui déjà J en peux plus de l étiquette. J en veux plus. Alors quitte à l avoir, autant en profiter un peu. J en ai marre qu on me traite comme un gamin, qu on me dise c est pas bien.» Homme, 31 ans, Valois L étiquette Ou le stigmate Erving Goffman demeure un théoricien de référence concernant les dynamiques inhérentes à la «stigmatisation». Dans ses travaux 101, l exemple du «toxicomane» est souvent repris pour étayer d exemples les processus aboutissant à imposer des stigmates sur les «anormaux», ou, comme dirait V., des étiquettes. Le toxicomane est, finalement, une des figures de proue de ceux qui sont socialement «frappés de stigmate». En milieu rural, les éléments explicatifs qu apporte le sociologue apparaissent peut-être même exacerbés. L individu est stigmatisé, explique Goffman, dès lors qu il présente une variante relative par rapport aux modèles offerts par son proche environnement, un attribut singulier qui modifie ses relations avec autrui et en vient à le disqualifier en situation d'interaction. Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes normatives des autres à propos de son identité qu il dévie somme toute. Les paroles de V. sont à cet égard frappantes. Selon la catégorisation du sociologue, la toxicomanie est d abord un stigmate «invisible», en ce sens qu elle est difficilement décelable «à l œil nu», a priori. Une fois découvert, le stigmate trouble la relation entre individus et celui portant un stigmate se voit assigner un ensemble de caractéristiques, de stigmates associés, qui lui étaient auparavant épargnés : le «p tiot» devient «cas soc». Or, la circulation de la parole est rapide en milieu rural. Comme en ville pourrait-on rétorquer à juste titre! Rien de bien singulier Certes, si ce n est que lorsque la commune est petite, les membres de la communauté sont moins nombreux, tout comme les lieux d interactions (la pharmacie, l épicerie ) : une information délivrée est naturellement plus rapide à faire le tour de la communauté (dès lors que ses membres sont impliqués dans la vie du village) que dans les agglomérations. Et ce d autant plus qu en ville, souvent, le flux d informations est plus soutenu : une «information» en chasse une autre et fait oublier la précédente. Un stigmate révélé est plus vite oublié lorsque l œil se porte sur un autre objet. En campagne au contraire, une information est naturellement plus rapide à atteindre tous les membres de la communauté - dès lors que le groupe contient moins de membres - avant qu elle ne soit oubliée au profit d une autre. Les jeux des interactions se font selon un maillage plus serré et les comportements de chacun risquent d être plus aisément visibilisés notamment lors d une volonté d accès aux soins. De plus, les possibilités d être découvert sont plus importantes : à la pharmacie en demandant des Stéribox ou un traitement lorsque votre voisine est derrière dans la file par exemple. 101 GOFFMAN E., Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, 1963 ; traduit de l'anglais par Alain Kihm, Éditions de Minuit, coll. «Le Sens Commun»,

76 Lorsqu il s agit de révéler un stigmate, la circulation de la parole reste clandestine, latente, souterraine et ne s affirme pas fortement C est la rumeur, les commérages. «Parce que ce qu il faut que tu comprennes c est qu ici vraiment tout le monde se connaît et il peut y avoir des embrouilles. Enfin, pas vraiment ouvertement Mais ça circule! Si tu veux, comme tout le monde se connait, mais vraiment tout le monde sait Et puis ça va vite en fait, ça marche vraiment au téléphone arabe, c est un truc de dingue. Et puis même les rumeurs ici elles vont bon train. Le commérage c est le sport officiel du village. ( ) C est qu est ce qu il fait machin? Qu est ce qu il fait l autre? C est ça la mentalité générale d un patelin, c est que tout le monde se connaît un petit peu. Plutôt tout le monde connaît un petit peu tout le monde : tu connais la famille, la réputation. En fait c est plutôt ça. Tout le monde connait un petit peu tout le monde. On sait. Y a eux qui pensent ça d eux, eux qui pensent ça d eux. Y a le faux cul qui aime bien la personne là mais qui, pour être bien avec cette personne là va faire le faux cul et va descendre la personne Tu vois le délire un peu?» Homme, 24 ans, Nord du Beauvaisis La parole sur ces pratiques socialement réprouvées circule de manière souterraine (tout reste alors silencieux en apparence) mais intensive (en fonction des alliances et mésalliances). Les pratiques, qui ne tarderont parfois pas à être connues, frapperont donc durement l usager de son stigmate. Il ne s agit pas d insinuer que le contrôle social s exerce nécessairement pour punir l usager de sa déviance. Le regard porté sur l usager est souvent bienveillant et inquiet et les membres du village pourront se structurer et s organiser pour «protéger» l usager et le cacher. Il n en demeure pas moins que le silence car on ne parle pas ouvertement de ces choses-là en campagne comme en ville se fait Fort bruyant. Il frappe durement l usager de réprobation - même lorsque celle-ci est au fond bienveillante. Les usagers seront alors eux-mêmes tenus au silence. En effet, explique E. Goffman, l'acteur met tout en œuvre pour cacher ce stigmate ou, en tout cas, éviter qu'il ne constitue un malaise chez son public. Alors, pour les usagers de drogues, le silence est symboliquement contraint et la parole proscrite. Ou, à tout le moins, est-ce ressenti comme tel : la parole doit être limitée de peur que le contrôle de l information n échappe à l usager. Dans un contexte où la densité démographique est faible, le contrôle social s exerce d autant plus fortement que les individus, non protégés par l anonymat que permet la ville, se voient plus exposés. Aussi, «la conformité aux modèles comportementaux imposés plus que négociés étant encore de règle, tout écart peut dès lors être perçu comme un signe de marginalité. Dans le même sens, les phénomènes d interconnaissance et leur horizon limité dans un espace de faible densité enlèvent aux populations en situation d échec la relative protection qu assure en milieu urbain l anonymat. La stigmatisation en est donc renforcée et les personnes concernées risquent ainsi d entrer dans un processus de désaffiliation en chaîne. 102» Si d aventure les consommations venaient à être révélées, les conséquences du contrôle social et de la réprobation qu exerce la collectivité sur l individu même lorsque celle-ci voudrait en cela aider l individu - se font fort pesants. D autant plus que, là, tous les membres de la famille pourraient craindre d en pâtir. Or, nous avons vu que la situation économique et sociale de nombre de PERRIER-CORNET p., SENCEBE Y, SYLVESTRE J-P, «Rapport à l emploi et processus d exclusion dans les espaces ruraux : un cadre d analyse», Économie rurale 242 : p.33, 1997

77 consommateurs oblige à rallonger la cohabitation, non sans heurts. Pour beaucoup, l expérience avec cet entourage les encourage à garder bouche close, car les liens, même lorsque les consommations s arrêtent, restent entachés de suspicions et de craintes. De plus, quand la communauté est petite et que le stigmate est découvert, il marque sans doute plus profondément l identité (souillée donc) de l individu, qui aura moins la possibilité de se réinventer, d apparaître en «être neutre» chez lui qu il ne pourra le faire en ville, où il reste inconnu pour partie de la population (en allant à la boulangerie, au médecin, au bar, en se promenant dans la rue ). En ville peut-on sans doute trouver plus aisément des «zones de repli». Quand le stigmate est rendu visible dans une petite commune, point d échappatoire si ce n est d en partir. Or, la dégradation de la situation ne le permet pas toujours. A noter en ce sens que le contrôle social ne s exercera pas de la même façon pour les habitants peu impliqués et peu inscrits dans la vie villageoise, comme certains de ces «nouveaux venus» dont l activité professionnelle et les cercles de sociabilités restent en dehors du village. Pour eux, le stigmate peut plus aisément demeurer invisible et, s il venait à être révélé, les conséquences de la réprobation collective ne pèseraient certainement pas aussi fortement sur l individu qui ne définit pas son identité, ou partie de son identité, en fonction de ses interactions avec les villageois. Pour les autres, le stigmate forge l expérience de l usager et la crainte que l objet du «délit» ne soit découvert engage l usager à développer de véritables stratégies pour cacher tout ou partie de ses usages. Il s agit donc de limiter les situations «à risques» (d être découvert) afin de systématiquement contrôler l information qu il donne, en dehors des espaces considérés comme protégés (médecin par exemple, tenu au secret - en théorie à tout le moins initiés, etc.). Ces stratégies les obligent donc à un travail continuel de gestion de cette «identité souillée». Aussi, face au risque d un si «bruyant silence», les voilà contraints au silence Car toute «fuite» de l information aurait de fortes conséquences sur la construction de l identité, d autant plus que celleci, une fois souillée, est difficilement manipulable. Ainsi, le «toxico» est-il toujours un être perdu pour le village : «Moi j ai arrêté l héro à un moment. Tout seul, je me suis enfermé chez moi, hein les gars? ( ) J ai souffert quand même. Crises de manque et tout. J ai arrêté plusieurs mois. Mais on me prenait toujours pour le tox, malgré ça. Pourtant c était dur. Bon et du coup, ben j ai replongé. De toute façon ça changeait rien.» Homme, Noyonnais, 27 ans, lors d un focus group Le point d écoute «addictions» du centre social se trouve de fait désespérément vide, en ce sens où il est tenu par «des gens du crus». «Il sait que je connais sa famille, sa grand-mère C est pas facile de venir» nous explique un travailleur social. Si le secret est possible, il demande plus d effort et de stratégie. Et la parole ne peut éclore. Or, les usagers sont nombreux à faire état de leur besoin de sortir la parole et d exprimer les souffrances proscrites. Droit au silence et droit à la parole, tout deux nécessaires, s opposent vivement. Les entretiens furent parfois éclairants : les usagers trouvaient ici, enfin, la possibilité de parler. Nous terminerons à ce sujet avec quelques phrases qui éclairent le dilemme entre droit au silence et droit à la parole et qui expose la place que prend, parfois, le sociologue : 76

78 «À chaque fois que nous enquêtons sur ces lieux-frontières, sur le théâtre des vies précaires, quelque chose se dit de l intimité blessée et du lien social, quelque chose de très privé dans des affaires publiques, du travail, des sociabilités ou de la famille. Si leur publicité totale est une catastrophe, le silence absolu ne l est pas moins. Intimité, contrôle et ordre social sont de ce fait fortement arrimés.» Réponse locale la résistance au stigmate? «Y a pas d ça chez nous!» L homme répudié, l homme caché Nous nous interrogions dès le début sur les raisons ayant pu aboutir à ce que la présence de drogues et de toxicomanes en milieu rural soit jusque-là restée relativement ignorée. Certainement n ont-ils pas toujours été d importance similaire. Mais nous avancions plus haut l idée selon laquelle certains aient pu plus ou moins sciemment «jeter le voile» sur des pratiques et des réalités que l on regarde comme guère valorisantes. Aussi nous confie une travailleuse sociale au sujet d une tentative avortée d initier des projets pour les plus pauvres : «J ai essayé de faire des choses ici. Pour les pauvres, pour les gens qui ont des problèmes psychiatriques aussi. Des sorties, parce que pour eux ça devient claustrophobique, ils sont complètement isolés parfois. Mais c est tombé à l eau, il n y avait pas de soutien pour ces projets. Les élus te disent : faites des choses pour tout le monde, payant. Parce qu ils ont peur que ça fasse parler du village, comme quoi c est un village de fous Donc y a de la pauvreté, de la détresse, mais surtout, surtout, faut rien faire, ça pourrait faire jaser.» Il n en va pas de même dans toutes les communes, fort heureusement! Nombre d élus et de travailleurs sociaux tentent de réagir et d alerter. Mais la situation est révélatrice : il ne faut pas trop attirer l attention sur ce qui risquerait d alimenter le stigmate, les représentations, qui pèsent déjà lourdement sur «le milieu rural». Alexandre Pagès 104, comme nombre d autres auteurs, le rappelle : jusqu à il y a peu de temps, le milieu rural restait perçu comme une terre d archaïsme, par opposition à la ville qui représentait la «modernité». Aujourd hui encore, il nous arrive d entendre que la campagne serait gravement frappée par les problèmes psychiatriques et/ou le défaut d instruction et de culture (de même que l on reproche les mêmes «délits», souvent, aux pauvres), voire la consanguinité (!), en particulier les populations les plus pauvres. Elle serait, comble de l horreur, une terre où l on accepterait dans le silence, culturellement, l inceste! Ces représentations sont porteuses d une puissante stigmatisation sur le monde rural picard, non sans conséquences. Ces «délits» de stigmatisation restent (malheureusement) «dicibles», acceptés et perçus comme acceptables, contrairement par exemple à certains «délits» de racisme ou de machisme qui par opposition sont aujourd hui socialement réprouvés. Les habitants n en sont pas dupes Il n est pas rare d entendre des discours, parfois portés par les membres rejetés de la communauté rurale même, visant à discréditer les territoires et les frapper du sceau de la honte. Parfois, le stigmate est LAE J-F, PROTH B., «Les territoires de l'intimité, protection et sanction», Ethnologie française, 2002/1 Vol. 32, p DOI : /ethn , p.7 disponible sur PAGES A., Op.cit.

79 relayé par ceux-là même qui sont touchés par le triple stigmate : ceux qui sont non seulement toxicomanes mais, en plus, «ruraux» et déclassés! «D façon c est tous des fous et des consanguins dans l patelin.» Usager, Picardie Verte, 25 ans Une représentation posée à l extrême ici afin de la rendre visible - qui connaît cependant fort heureusement un bouleversement aujourd hui, où les campagnes sont peu à peu redécouvertes! Terre d asile, de refuge, loin du contexte «perverti» des villes 105, la campagne reprend du galon! L'idée est que ce qui est resté à l'écart de l'urbanisation est aussi resté à l'écart de ses «excès», aujourd'hui constatés ou vécus comme tels par certains citadins. Ce qui naguère était un retard représente à présent une avance. Le milieu rural devient alors signe de "préservation" d'un espace où la qualité du cadre de vie n'empêche pas l'ouverture vers l'extérieur de façon moins prégnante cependant dans le Nord que dans le Sud de la France ou de la région parisienne. Il ne s agit plus d atteindre une taille démographique et un niveau de développement économique correspondant à la norme urbaine. L enjeu est plutôt de mieux définir les populations et les activités que l on veut voir s installer en fonction de normes internes (basées sur la qualité) 106. Cela correspond cependant à une représentation de la campagne qui reste trop entachée, que cela soit considéré bon ou mauvais, d une certaine idée d «archaïsme». Nous comprenons alors les résistances de certains à admettre l existence de consommations de drogues en milieu rural. Ce mécanisme de défense viserait à couvrir d un voile un phénomène dont on croit les villages épargnés - tout de même une chose que l on ne nous reproche pas! - et qui, s il était découvert, pourrait faire scandale et renforcer la stigmatisation ; stigmatisation dont il faut se préserver : «Y a pas d ça chez nous!» De plus, face à la désertification des campagnes au profit des villes, les campagnes ont du tenter de «réattirer» une population nouvelle dans les communes : se montrer, donc, sous son jour le plus beau! Le toxicomane risque donc de se trouver, s il ne peut être répudié, au moins caché. Il faut endiguer les problèmes sociaux et sociétaux, mais dans les villages cela se règle dans la communauté, explique-t-on parfois L enclavement certain de ces villages touche en particulier les personnes les plus pauvres : à charge alors de la communauté de «gérer» ses problèmes internes. Et le secret demeure Faute de pouvoir développer les projets adéquats. Mais on ne peut ignorer que le contexte évolue : sans doute, le voile se levant sur l existence d une toxicomanie change-t-il la donne et bouleverse-t-il les stratégies de protection de la communauté. 105 Cette représentation n est pas sans rappeler le mythe Rousseauiste «du bon sauvage», sauvage qui aurait su rester pur et non perverti par la civilisation! Nous pourrions faire le parallèle ville (modernité mais débordement/ civilisation pervertie) versus campagne (archaïsme rédempteur/ retour aux sources mais envers de la modernité) : le rapprochement avec ce mythe apparait souvent en fond des représentations. Nous ne somme toujours pas loin d une représentation emprunte d un certain mépris, fer de lance des théories évolutionnistes (aujourd hui abandonnées) ayant cadré la pensée en sciences sociales pendant trop longtemps sous couvert d humanisme - mais ayant causé bien des torts. 106 Y. Sencebe qui en explique les mécanismes, voir SENCEBE Y., op.cit. 78

80 3. Implication des acteurs locaux, des parents et ressources en milieu rural Le contexte n est cependant pas linéaire : si certains s inquiètent de l image que risquerait d amener le recours à une aide extérieure pour gérer un problème que la communauté devrait, pense-t-on parfois, être en mesure de gérer seule, d autres acteurs - plus nombreux! - se révélent en revanche particulièrement investis et prompts à rechercher des solutions pour s armer et aider «nos jeunes». Mais, nous l avons vu, les ressources manquent et les relais qu il est possible de mobiliser brillent par leur absence A quoi sert de tirer la sonnette d alarme si l on risque de se confronter à l absence de l arrivée de secours?! Et donc, à un certain mépris?... En milieu rural, les travailleurs sociaux et autres acteurs du territoire sont confrontés aux mêmes problèmes que les médecins : en l absence de ressources de «spécialistes» (addictions, psychiatrie, vieillesse, jeunesse, etc.), il faut être spécialiste de tout. Voilà chose compliquée... Bien souvent, les acteurs des territoires confient se sentir fort démunis quand, pour aider quelqu un, aucune orientation n est possible. Là se trouve la différence entre existence des soins/services possibles et accessibilité aux soins/services : l existence d un accueil en ville ne le rend pas accessible pour tous. L investissement des travailleurs se fait d autant plus prégnant que, dans certaines petites communes, il ne relève pas exclusivement d une implication professionnelle et/ou morale mais également personnelle, voire émotionnelle. Car certains de ces jeunes sont les enfants de tel ou tel ami, allié, ou peut-être a-t-on même partagé les bancs de l école avec celui-ci. Et pour l accompagnement que l on peut proposer par rapport à des consommations de drogues, pratiques stigmatisées et porteuses de beaucoup de représentations apocalyptiques, c est peut-être bien là le problème. Pour autant, en milieu rural, la capacité de mobilisation des acteurs d une communauté, une fois le tabou dépassé, peut s avérer importante. La coordination, compte tenu du faible nombre d acteurs, se fait alors plus lisible. Une richesse et un inconvénient tout à la fois - dont il faut tirer profit. La place des parents est également un élément fort important de cette étude. En effet, le faible niveau de décohabitation place les parents et, par extension, la famille au cœur des enjeux. Or, une fois les risques de stigmatisation rejetés ou consommés, ces personnes peuvent se révéler pleins de ressources, qu il nous faut considérer. Car les parents pâtissent souvent du même isolement et des mêmes contraintes que leur progéniture : la contrainte au silence. Comme les usagers euxmêmes, ils sont autant de relais que de personnes qui, parfois, bénéficieraient d un accueil et d un accompagnement. 79

81 D. Femmes et consommations multiplication des contraintes Lorsqu il s agit de la consommation de produits, la question du genre 107, longtemps ignorée et tue, est aussi cruciale à considérer. L alcool, comme les drogues, est une histoire d hommes... De la même façon que le milieu rural a été considéré comme «non concerné» par les drogues mais fortement par des «problèmes» d alcool -, les femmes restaient en marge des questionnements, des débats et des politiques de lutte contre l alcool et les drogues : «Sur le plan des représentations, le lien entre consommation d alcool et misère sociale et morale, plutôt masculine, est devenu dominant. ( ) Toutes les représentations de l alcoolisme ouvrier masculin se mettent en place alors (voir les romans de Zola), et en même temps frappent d invisibilité d autres formes d alcoolisme plus difficile à dénoncer «politiquement» : celui des bourgeois aux caves bien remplies, et celui de la femme, perçu comme plus honteux que celui de l homme, à la fois par la buveuse et par son médecin. L alcoolisme féminin est comme oblitéré par la figure majeure de l ouvrier masculin dominante : la femme ouvrière est sensée aller chercher son mari ivre à la taverne, se faire battre, pleurer, mais pas boire. La figure du buveur alcoolique est devenue masculine dans les réalités statistiques comme dans les représentations. L alcoolisme féminin a donc été oublié par l alcoologie pendant des décennies. 108» Mais la révolution sexuelle, les mouvements féministes et queer sont passés par là et ont semé, pour reprendre l expression de Judith Butler, le «trouble dans le genre» 109. Et la définition de ce que peut être, ou ne peut pas être, une femme ou un homme (et l évolution se fait plus lentement sans doute pour ces derniers, car la révolution a d abord été féministe, donc portée sur les femmes), a évolué : les jeunes femmes fument à présent plus que les hommes, par exemple. En matière de consommations de produits stupéfiants, les femmes n apparaissent dans les statistiques que depuis peu de temps. Mais elles restent bien souvent invisibles. Comme pour l alcool, les femmes, pense-ton encore, sont peu concernées par les drogues. Mais elles se cachent. Car celles qui se révèlent se confrontent à l exacerbation de l expression de la réprobation sociale tant elles créent le trouble. Parce qu une femme qui boit ou qui se drogue, «c est sale». «Parce qu on m a souvent dit, ouai une fille avec une bière à la main, c est pas beau. On m a dit aussi que je m enlaidissais» Femme, 25 ans, Nord Est de l Oise 107 Le notion de genre, de l anglais «gender», se distingue de la notion de «sexe» - qui se réfère à la distinction biologique et physiologique entre hommes et femmes. Le genre renvoie en revanche à la dimension culturelle de la sexuation du monde à laquelle correspondent les termes français de masculin et féminin. La notion de genre permet de mettre en évidence la dimension culturelle et sociale qui constitue les attributs associés au sexe (femme émotion, maternité, tendresse ; homme raison, autorité, manuel et querelleur, par exemple). Ainsi, le fait d être femme (ou homme) ne revêt pas la même signification et ne renvoie pas aux mêmes attributs associés en fonction de l espace (la culture) et du temps (l histoire, le contexte). Etre femme dans les années 1950 n impliquait pas la même chose qu être femme aujourd hui ; comme être femme en France ne renvoie pas aux mêmes codes et rôles sociaux que chez les Nah de Chine. 108 INSERM, Rapport : "Dimensions historiques, culturelles et sociales du boire", in Alcool. Expertise collective, dommages sociaux, abus et dépendance, 2003, p BUTLER J., (1990), Trouble dans le genre, le féminisme et la subversion de l identité, La Découverte/Poche, Paris,

82 La souillure expression puissante du rejet social. La femme qui boit ou qui se drogue est donc souillée voire perd jusqu à son statut de femme. Car selon le champ des représentations auquel renvoie encore aujourd hui la notion de «féminin» ou de «féminité» - maternité, douceur, émotion, sensibilité, beauté, moralité, respect, loi, les femmes seraient plus sages et ne contesteraient ni la règle ni la vie, dont elles sont même les garantes. N attendons-nous pas des femmes que, de même que la musique, elles adoucissent les mœurs, soient les gardiennes de la vie qui investit leur corps (par la maternité) et qu elles se doivent donc de respecter? Cette construction culturelle et sociale du sexe féminin (ce que l on nomme le genre) s oppose à celle à laquelle renvoie les drogues licites et illicites, qui représentent par opposition le désordre, la désobéissance, la rudesse, le corps désinvesti et soumis à l épreuve, le crime et le mépris de la loi. Femme et drogues s opposent, ne sont pas compatibles. L association des deux trouble et déconstruit alors la notion de genre. Et c est gênant Les femmes n en sont pas dupes. La proportion de femmes dans les centres de soins et de prévention est étrangement faible. Celles qui parviennent jusqu à ces structures font état de parcours marqués par les ruptures et les expériences traumatiques (violences physiques, sexuelles, symboliques, etc.). Les femmes ne rencontrent-elles les produits que dans le cas où elles seraient violentées et humiliées? Ou serait-ce parce que celles qui nous apparaissent sont celles qui, déjà déclassées, risquent moins à se montrer? Car pour que le fait de se droguer ou de boire excessivement pour une femme soit entendable, il faut qu elle ait des circonstances atténuantes, des facteurs d explication, qui rassurent et rendent acceptable l équation, sinon fort gênante, entre femme et drogue. Les femmes consommatrices l ont bien compris : elles se cachent, s isolent. Le stigmate est là exponentiel tant, sans traumatisme qui ferait figure de cadre explicatif, ces femmes remettent en cause notre construction du genre. Mais non! Car ce sont des femmes souillées, des femmes ratées. 110 Dès lors que le «spectre» de la maternité apparait, la levée de bouclier est immédiate! N exagérons pas! Le droit à la maternité est bien souvent nié à ces femmes, et dans le cas où cette règle serait enfreinte, l insulte suprême tombe : «Mauvaise mère!». Car si un homme peut être séparé de ses enfants sans qu il en devienne outre mesure suspect, une femme séparée de ses enfants, au contraire, l est. Une fois mère, si la toxicomanie est dévoilée, les gardiens de la morale tournent de l œil et s insurgent. Et il faut protéger les enfants, au moins jusqu à ce que, par amour pour ses enfants et par respect pour son sexe (dans le sens de genre), elle rentre dans les rangs, se soigne et fasse montre de repentance. Qu elle devienne mère. Qu elle devienne femme. Lorsque l on parle de consommation des femmes en milieu rural, les barrières qui se dressent devant l acceptabilité de l idée d une telle possibilité se multiplient. Ainsi cette femme, insérée, travaillant, mère de trois enfants dont deux grands, qui dit ne pas pouvoir solliciter le SATO car elle travaille et qu elle a peur d être découverte, peur qu alors elle perde son emploi et son jeune fils. Elle est donc contrainte de passer par le biais de son grand fil, lui-même non consommateur, pour avoir accès à un traitement de substitution. Une situation qui dure depuis 10 ans Nous pourrions dire de même des femmes se prostituant : il faut pour comprendre la prostitution d une femme supposer un traumatisme explicatif sans lequel la prostitution n est pas entendable (non sans admettre que cela puisse être le cas, bien entendu mais l inverse ne l est-il pas aussi?) alors que pour un homme une telle activité n engendre pas les mêmes soupirs compassionnels.

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84 Dynamiques rurales, accès aux soins et recours aux institutions A. Précarité et accès aux droits : une situation préoccupante Nombre d études le démontrent : le coût des soins est un frein déterminant dans le recours ou non aux soins. Aussi, l accès aux droits à une couverture maladie, c est-à-dire l obligation ou non de prendre en charge tout ou partie des coûts engendrés par le recours aux soins, est un vecteur important, primordial même, à considérer lorsque l on étudie les freins à l accès aux soins des populations. L étude de P. Bourguignon en fait la démonstration : l absence de complémentaire santé impacte fortement le recours aux soins, induit le renoncement aux soins pour raisons financières et, corrélativement, les barrières financières à l accès aux soins ont un impact négatif significatif sur l état de santé de la population 111. La santé, nous le savons, connaît une profonde fracture sociale, dont un facteur est l accès aux droits et à la couverture médicale. Outre la nécessité ou non de supporter le coût d un recours aux soins, c est la question de la part du budget qui se trouve grevé pour payer le ticket modérateur en l absence de mutuelle, la mutuelle, les déplacements, etc. - qu il nous faut considérer. Ainsi, il n est pas équivalent de devoir supporter les frais engendrés par le recours à un médecin pour une personne qui vit en dessous du seuil de pauvreté que pour une personne qui perçoit un revenu important. En théorie, notre système de santé prend en compte ce décalage, dans le cas où la pauvreté serait trop flagrante. Pour autant, on constate que les plus démunis restent les plus éloignés du droit commun. Notons également que les traitements de substitution aux opiacés sont des médicaments fort onéreux et pour lesquels les réglementations obligent à un suivi médical très régulier (tous les quinze jours) et donc coûteux si le suivi médical n est pas (ou plus) réalisé dans un CSAPA (gratuité des soins) et si la couverture sociale n est pas intégrale. A titre d exemple, pour un patient qui reçoit BOURGUIGNON P., et al., «Payer peut nuire à votre santé : une étude de l impact du renoncement financier aux soins sur l état de santé», Irdes, 2012, Document de travail n 47.

85 une prescription de 80mg de méthadone à prendre quotidiennement, les frais engagés pour le traitement avoisine 100 par mois, avec un reste payer de 35% en l absence de complémentaire. A cela s ajoutent deux consultations médicales par mois, minimum. Or, lorsque les revenus sont faibles, ces frais représentent de grosses sommes. Pour certains, la sortie de la toxicomanie suppose également la sortie des cercles de sociabilité des usagers de drogues et de l économie souterraine (notamment l usage-revente) autour desquels la vie et la situation économique des usagers s étaient articulées. L entrée en soins implique dans ce cas une dégradation significative de la situation économique et sociale. Or les contraintes et freins dans l accès aux droits s imbriquent : nous observons dans notre échantillon que plus d un quart des répondants supportent tout (9% sans couverture ou ne sachant pas, donc renonçant aux soins) ou partie (18% au régime général sans complémentaire) des coûts. Pour les personnes sans emploi ou inactifs (à l exclusion des étudiants), cette proportion s élève à plus d un répondant sur trois. Figure 17: Couverture médicale en fonction de la situation socioprofessionnelle, en% TOTAL (n=103) 54% 8% 11% 18% 4% 5% Régime général avec complémentaire Affilié aux parents En emploi (n=44) Chômage ou inactif (n=44) 43% 73% 5% 18% 5% 5% 21% 2% 16% 7% 7% 0% 20% 40% 60% 80% 100% CMU-C Régime général sans complémentaire Aucune Figure 18: Couverture médicale échantillon total et en fonction des revenus nets mensuel, en % 1001 et plus (n=40) Entre 500 et 1000 (n=29) Moins de 500 (n=31) 48% 42% 70% 6% 7% 16% 21% 10% 16% 17% 20% 3% 10% 10% 3% Régime général avec complémentaire Affilié aux parents CMU-C Régime général sans complémentaire Aucune 0% 20% 40% 60% 80% 100% Ne sais pas Le constat est le même si l on considère les revenus : plus les revenus sont faibles, plus la part des individus ne disposant pas d une couverture médicale satisfaisante apparaît importante: parmi les personnes qui déclarent des revenus de 500 et moins, 36% doivent supporter tout ou partie des soins : 10% n ont aucune couverture médicale, 10% ne savent pas si leurs droits sont ouverts et renoncent aux soins et 16% n ont pas de complémentaire santé. Ce constat est fort préoccupant et dresse un obstacle sérieux et inquiétant dans l accès aux soins. Le parcours de soins, et, particulièrement, la continuité du parcours de soins, sont alors souvent mis en échec. 84

86 B. Accéder aux soins : un parcours semé d embuches Ruptures et renoncement aux soins 1. Le recours aux soins Lors de la mise en place de cette recherche-action, nous avions émis l hypothèse que, forcés de garder discrétion, beaucoup de consommateurs devaient renoncer aux soins afin de tenir leurs pratiques clandestines. S il est vrai que l on note un certain évitement de certains interlocuteurs lorsqu il s agit de tenter de recourir aux soins, cet aspect ne s est pas révélé à la hauteur de ce qui avait été estimé. Certes, nous ne pouvons ignorer un biais existant à cette analyse : une partie des usagers que nous avons interrogés a été rencontrée alors qu ils avaient recours à l association et, donc, alors qu ils entamaient ou poursuivaient un parcours de soins. En proportion, cela concerne un peu moins de 19% des usagers interrogés (n=20), et 38% des personnes ayant signifié avoir eu recours aux soins (sur 52). Soulignons néanmoins d une part qu une partie d entre eux avait déjà entrepris un parcours de soins avec d autres médecins, d autre part que les personnes que nous avons rencontrées par «boule de neige» avaient généralement consulté au moins une fois un médecin. Figure 19: Tentative de recours à un médecin en fonction des modalités de consommation, en nombre 100% 80% 60% 40% 20% 0% 51% 23% 26% TOTAL 70% 71% 24% 29% 6% Cannabis (n=33) 30% 18% 52% Festif* (n=24) Dépendants (n=50) Jamais A déjà eu recours aux soins mais pas actuellement A recours aux soins actuellement Si l on considère tout l échantillon, près de la moitié des consommateurs rencontrés ont parlé de leurs consommations à un médecin. Cette proportion diverge naturellement entre les «idéaux-types» de consommateurs, dans le sens où ces idéaux types sont certes construits en référence à des pratiques de consommations distinctes, mais aussi et surtout en fonction de façons bien distinctes d envisager et d interpréter sa consommation et, par extension, de juger de la pertinence d un recours médical. Les consommateurs festifs qui considèrent largement leur consommation comme ayant une visée hédoniste et non problématique - ont rarement parlé de leur consommation à un médecin (29%). Quand ils l ont fait, ce fut le plus souvent suite à un problème ponctuel, par exemple à un médecin anesthésiste avant une intervention chirurgicale. La proportion est équivalente si l on considère les consommateurs de cannabis (exclusifs), mais il est notable 85

87 qu aujourd hui le recours à un médecin pour une question de dépendance au cannabis semble être jugé comme une démarche pertinente 112. Cette proportion atteint 70% lorsque l on isole les poly-consommateurs dépendants (principalement des consommateurs ou anciens consommateurs d opiacés, n=50). Aussi, lorsque la dépendance est reconnue, en particulier pour les opiacés, les tentatives de recours aux soins ne sont pas exclues en zone rurale. Cependant, seuls 52% étaient encore suivis par un médecin au moment de la rencontre. Cela concerne principalement les usagers sous traitement de substitution (22 usagers sur 26), avec une répartition égale entre ceux recevant un traitement de Buprénorphine Haut Dosage, et ceux sous traitement méthadone. 2. L interconnaissance comme élément perturbateur Figure 20: Médecins sollicités par les usagers ayant consulté un médecin (n=50), en % * ** Médecin de famille/de proximité 48% SATO/CSAPA Médecin d'une ville proche/médecin des "toxicos" 40% 38% médecin hospitalier 10% Psychiatre 6% * Les patient n ayant pas répondu ont été exclus, soit deux personnes ** Le résultat est supérieur à 100 car beaucoup ont consulté plusieurs médecins. 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% Pour plus de la moitié, le médecin généraliste de famille et/ou de proximité n est pas consulté, et les usagers font état de stratégies d évitement. Beaucoup soulignent avoir fait état d une première expérience de refus de soins ou d expérience malheureuse lorsque le praticien interpellé est le médecin de famille. «Ben d abord j avais été voir mon médecin de famille. Il me connaît depuis que je suis tout petit. Il a suivi ma mère pour l alcool. Mais là il m a dit que lui il voulait pas s occuper de ça. On est des indésirables.» Homme, Nord du Beauvaisis, 31 ans Or, la réponse fournie s avère fréquemment décisive dans le parcours de soins qu entreprend ou non le patient. : 112 Voir à ce sujet l étude menée par Pascal Hachet sur la cohorte d usagers dépendants au cannabis rencontrés au pôle prévention Le Tamarin, HACHET P., «Bilan d une année de partenariat entre le Pôle prévention et le Pôle Soins de Creil au sujet des patients «addicts» au cannabis», in Rapport d activité du SATO-Picardie 2012, pp , disponible sur 86

88 «Oui, au départ ça c est très mal passé. Non en fait, la consultation s est bien passée. J ai vu le médecin de famille, il connaît ma mère, ma grand-mère. Je crois qu il a accouché ma grand-mère! Et ça a été ça le problème : à peine j étais sortie de son cabinet qu il a appelé ma mère pour la prévenir. Le drame quand je suis rentrée! Moi il m avait pas dit qu il allait appeler ma mère! J étais majeure hein! Bref, du coup je suis plus retournée le voir, et je me suis cassée de chez moi. ( ) et je suis retournée voir un autre médecin que deux ans après» Femme, Picardie Verte, 28 ans Le refus de soins est un renvoi patent du stigmate, exacerbe souvent la honte, le repli, la colère parfois et appuie la contrainte du silence. Ainsi nous dit cette mère qui, elle, ressent durement la honte imposée à sa famille : «Les médecins généralistes que je connais, enfin du Nord de l Oise, ne souhaitent pas du tout garder leurs clients leurs patients [baissant la voix] drogués par exemple. Ils les envoient au SATO Et ils ne veulent pas s occuper d eux. Et puis en plus ce qu ils nous disent les médecins, c est qu il n y a pas de surveillance. Par exemple, quand on va au SATO on a des examens d urine Alors que le médecin généraliste il prescrit de la méthadone ou du Subutex, mais il ne fait pas de contrôle. Il dit «c est pas à nous de Ce n est pas notre travail» De faire du contrôle A l arrivée du nouveau médecin au SATO, il l a vu deux ou trois fois, et il lui a dit «comme vous habitez loin et que vous avez des problèmes pour venir, je vais faire le nécessaire pour que vous puissiez prendre vos médicaments avec votre médecin généraliste». Mais le médecin de famille trouve qu il n est pas là pour euh pour prescrire ce genre de médicament Ce n est pas son rôle. Sinon, on ne connaît pas On ne fait pas d examen de surveillance comme je vous ai dit, on ne fait pas d examens d urine, ou de sang, on n est pas spécialisé pour prescrire des substituts. ( ) AS : C est un problème de formation des professionnels de santé alors? H : Euh Les professionnels de santé, quand ils sont bien installés, ils choisissent leur clientèle et puis euh Ils voient leur intérêt personnel avant tout. Ils ne voient pas la détresse de la jeunesse.» C est donc un parcours semé d embûches et de désillusions, qui, parfois, compromettent la continuité de soins et altèrent les représentations que les usagers se font de la proposition de soins et, le cas échéant, du traitement 113. Témoin en est le nombre de médecins consultés : plus d une personne sur trois a tenté de consulter plusieurs médecins et près d un usager sur deux si l on ne considère que les usagers dépendants, fréquemment en raison d un premier refus de soins, plus rarement d une proposition de soins jugée insatisfaisante Souvent, le jeu d interconnaissance patient-médecin est ici un élément perturbateur dans la relation thérapeutique qui doit s installer lors de la mise en cohérence d un parcours de soins, tant la démarche revêt un sens particulier lorsqu il s agit de problématiques addictives, Voir sur les représentations des traitements de substitutions aux opiacés LANGLOIS E., Les traitements de substitution vus par les patients - Quels sont les enseignements de leurs expériences?, OFDT, 2011, Saint-Denis et SOLER A., «Méthadone gélule : qu en pensent les usagers», rapport d activité 2012 du SATO-Picardie.

89 Pour certains, la dynamique résulte d un évitement du médecin de famille, comme pour L. : «AS : Et pourquoi tu n allais pas voir ton médecin de famille? L : Ben il prescrivait pas! En même temps j ai pas essayé, mais je crois que j aurais pas pu. Parce que avant je faisais du foot, il était là, tout ça avant! Et puis il connaissait ma grand-mère! J aurais pas pu lui en parler Parce que c est vrai qu après j ai su que X allait le voir. Mais bon lui, c est pas pareil, son père était alcoolique alors» Homme, 24 ans, Nord du Beauvaisis Mais cela n a rien d automatique. La démarche d évitement est moins notable lorsque la famille est déjà «déclassée» et que la honte pèse déjà sur le clan. Ainsi pour E., élevée par sa grandmère, dont le père était alcoolique et la mère avait déserté. Elle, en revanche, ne voit aucun problème à consulter le médecin de famille. 3. Formation des professionnels et pluridisciplinarité L addictologie est une discipline nouvelle pour laquelle les médecins généralistes sont encore peu formés. Cela marque clairement une contrainte importante, en milieu rural comme en milieu urbain, pour la prise en charge des personnes en addiction. A cette contrainte s ajoute celle, en milieu rural, des difficultés liées au contexte de désertification médicale, lequel touche en particulier les médecins spécialistes, plus marqué encore en milieu rural que dans les villes de l Oise. Souvent, les médecins généralistes de proximité remplacent dans leur pratique la défaillance du maillage territorial en matière de prise en charge spécialisée : gynécologie, gastroentérologue, gériatrie, etc. et addictologie Du côté des usagers, le médecin est souvent épinglé, non sans ironie, car le décalage entre leurs demandes et la réalité représente une contradiction supplémentaire à gérer. Les usagers, par opposition au médecin, ne se situent pas toujours dans une vision dichotomique identitaire toxicomane/normal dont le but serait la substitution d une identité par une autre pour devenir «normal» - par intériorisation mais, comme pour le reste, semblent bien composer sur plusieurs plans et par ajustements 114. Souvent, donc, les usagers ont recours à un même médecin dont ils se passent l adresse comme celle d un des rares médecins à accepter les toxicomanes sans trop rechigner ; il devient «le doc des tox» Mais le manque de formation se fait parfois lourdement ressentir. Aussi L continue-t-il : «Parce que je suis allé voir un médecin à (village à proximité). C est là, à 5 ou 10 km. C est un médecin que tous les copains ils y allaient. Ils disaient «ouais, il donne du Subutex facile». Mais il est parti à la retraite. Et depuis j y suis pas retourné parce que le sub ça allait pas. A chaque fois je repartais dans les consos ( ). Mais le médecin, non non ça allait pas. Je pouvais y aller même 15 jours après et il m avait fait une ordonnance d un mois, ben il m en redonnait une! AS : Mais il ne te posait même pas de question? B : Ben non! Je venais, je disais «c est pour du sub». Il me prenait pas la tension, rien du tout Il me faisait mon ordonnance. Il me donnait 4 boites de 8. Et pis c est tout. Il s en rappelait pas, j pense, pour l autre ordonnance. 114 MEGHERBI S., op.cit. 88

90 AS : Et il te posait aucune question, sur tes modes de consos, et tout? B : Ben non Juste au début, il me demandait combien je consommais. Je lui ai dit 5 ou 6g par jour. Et à un moment il m a demandé si j avais déjà pris des sub. Alors j ai dit oui, je veux du sub. Je prenais 4 de 8 par jour à ce moment là, deux fois 3 et après 2 le soir. J ai compté ça fait 38mg, alors qu on m a dit que c était 16 le maximum! ( ) Et puis le problème c est que le médecin il dit rien, il te donne ta prescription et voilà : mais ils peuvent te parler quand même! Ca aide!» Un autre élément récurrent fut également la recherche d une écoute, niée aux usagers «contraints au silence», qu ils venaient chercher dans le cabinet du médecin et qu ils se sont vus finalement, sinon refusée, non proposée. Cela n est certainement pas le travail d un médecin - détenteur de l autorité sur le traitement qui risquerait de toute façon de se heurter à la crainte de l usager de se voir refuser un traitement. Mais ce constat marque pour autant l intérêt d un accompagnement, pour certains à tout le moins, pluridisciplinaire. 4. Obstacles perçus à l accès et la continuité des soins Figure 21: Barrières perçues dans l accès aux soins, en % (n=32) Crainte de la rumeur Suivis trop contraignant/pas accessible 38% 38% Honte/réaction du médecin 31% Trop loin Expérience de refus de soin 28% 28% Peur des conséquences sur ma famille Trop cher 19% 19% 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% Finalement, 32 personnes soit près d un usager sur 3 - déclarent qu ils ont renoncé à recourir aux soins liés aux addictions, parfois après que certaines tentatives aient été mises en échec : la crainte (réelle ou fictive) de la rumeur, la honte et les expériences de refus de soins constituent les éléments expliquant le non recours ou l abandon d un parcours de soins dans un cabinet médical de soins généralistes tandis que l aspect contraignant et le manque de mobilité expliquent le défaut de recours aux centres spécialisés. La distance, bien entendu, complexifie l accès aux soins spécialisés d un CSAPA, notamment au programme méthadone. Pour se rendre dans un centre de soins, à la barrière du temps nécessaire s ajoute la barrière financière, et le défaut, bien sûr, de mobilité : 89 «Compiègne c est une barrière. C est vraiment, un autre département. Par le train, c est 5 aller, 5 le retour. Moi j ai un abonnement à la semaine. Je prend un abonnement à la semaine, et ça me coute 1,2 aller, 1,2 retour. C est 12 à la semaine, et pour certaines familles c est déjà beaucoup. C est une somme. Tu vas me dire, 12, ils

91 mettent bien 20 dans un gr de teuf, mais c est voilà, il faut voir les choses dans le bon ordre aussi. Pour eux Compiègne c est un autre département. ( ) La barrière elle est dans le fait que y a beaucoup de va et vient à faire. Et si il y avait un médecin sur Noyon et que ces va et vients pouvaient être plus courts, y a beaucoup de personnes qui franchiraient cette barrière là.» Femme, 25 ans, Noyonnais C. L impact de la «géographie» des territoires Il est notable que parler de l impact de la géographie en Sciences Humaines et Sociales comporte des dangers fortement connotés en lien avec les mouvements déterministes qu ont connu nos disciplines. Nous nous garderons de penser que l impact que nous avions qualifié par simplicité et lisibilité de «géographique» - dans le sens de l organisation de l espace peuplé des hommes dans un territoire donné est nécessaire, mais nous tenterons de révéler quelques-unes des dynamiques territoriales qui distinguent, en fonction de leur organisation, les trois territoires investigués entre eux. Le lien de causalité n est pas nécessaire. 1. Le Nord du Beauvaisis et l absence de «ville phare» Nous l avons souligné en introduction : la Picardie Verte et, plus largement, le haut Nord du Beauvaisis se caractérisent par l absence d agglomération ou de ville «phare». Figure 22: Organisation sociale autour de la Picardie Verte Le territoire est plutôt organisé autour de multiples bourgs, relativement éloignés les uns des autres et dont chacun dispose d un certain rayonnement : Grandvilliers, Crèvecœur-le-Grand, Formerie, Feuquières et Breteuil plus à l Est. Les modalités de recours aux soins et à des professionnels (pharmaciens notamment) pour les usagers de drogues rencontrés se concentrent autour de ces différents bourgs ou villes de moyenne importance. La demande est donc assez éclatée sur le territoire. Aucune ville ne «draîne» les usagers et se distinguerait de façon notable pour développer des projets. Il s agit là d un élément qu il faut prendre en compte à l heure de penser des modalités d intervention. Là, pour couvrir l ensemble des besoins sans 90

92 discrimination arbitraire, il faudra penser des modalités de mobilité des interventions. Même s il faut, à n en pas douter, s implanter en un lieu de «base» pour marquer la stabilité et faire connaitre l existence d un point ressource. 2. Le Pays du Valois Crépy-en-Valois comme pôle ressource Même si le Valois se compose de trois cantons, Crépy-en-Valois est incontestablement la «ville à la campagne» (son slogan!) qui, contrairement au territoire précédent, attire le plus d usagers en quête de soins ou de services. La présence d une maison médicale, de lieux d accueil et de services (même s ils sont peu nombreux, ils sont indisponibles par ailleurs), d un Centre Médico- Psychologique (CMP), de cinq pharmacies dont une reconnue pour son ouverture à l accueil des toxicomanes sont autant d éléments explicatifs, certainement pas exclusifs. Il est remarquable de noter que les pharmacies des autres communes sont, pour les traitements des addictions ou le matériel de consommation, sinon désertées, au moins très peu sollicitées. Parfois le rayonnement de Crépy-en-Valois dépasse les frontières administratives du Valois : nombre d usagers en provenance de l Aisne voisine déclarent préférer s adresser à la pharmacie crépynoise. Cet élément pourrait de fait faciliter l implantation et l adhésion des usagers aux dispositifs qu il s agirait de mettre en place sur la commune. D autant que l appui du Réseau Ado du Valois, réunissant nombres d acteurs intervenant sur le territoire, et la présence d une maison médicale «ressource» pourraient être des leviers de partenariats pour faciliter cette mise en place et l identification des services par les professionnels et, par extension, les usagers. 3. Le Pays des sources et Vallées Noyon comme zone d influence mais éclatement sur le territoire Le Pays des Sources et Vallées constitue certainement un intermédiaire entre les deux situations déclinées plus haut. La ville de Noyon représente pareillement un territoire d influence dans la périphérie proche et au Nord. Compiègne garde cependant une base de rayonnement plus importante. Mais la barrière des distances reste majeure pour les plus démunis. Sur Noyon, il existe une forte ségrégation sociale ; l organisation de l espace s en ressent - de façon plus similaire sans doute à celle que l on constate dans les grandes agglomérations, tant elle se manifeste par la différenciation entre des quartiers populaires aux marges de la ville et les quartiers plus aisés du centre. La mise en place d un système de bus gratuit fluidifie et facilite la circulation des habitants, mais force est de constater que l information circule mal et que les usagers sont rares à investir les lieux d accueil lorsqu ils sont trop différenciés d un accueil médicalisée (l arrivée des traitements de substitutions l a démontré dans les années 1990). 91 Ici, le Réseau Santé du Noyonnais, fortement investi par les professionnels du territoire au cours des années précédentes mais qui ne dispose malheureusement plus de porteur aujourd hui, pourrait, s il venait à être redynamisé, constituer un pôle ressource important. Il s agirait alors de ne pas le laisser s étioler et de consolider, voire de tenter d élargir son influence. Pour autant, ce Réseau

93 reste aujourd hui fortement arrimé à la ville, malgré des tentatives d y associer les villages environnants. D. Prévention et dépistage, le rôle des professionnels de santé 1. Recours au dépistage, prévention et réduction des risques Les médecins, nous l avons vu, sont les professionnels les plus souvent sollicités concernant les problématiques addictives dans les zones investiguées. Leur rôle dans le cadre de la prévention et de la réduction des risques liées aux addictions est donc de première importance au même titre que leur rôle dans le domaine du soin. Certaines pratiques liées à l usage de drogue exposent la personne à la transmission de certaines pathologies virales : le VIH dans le cas de partage de matériel d injection, le VHC (Virus de l hépatite C) dans le cas de partage de matériel d injections et/ou de sniff. Rappelons ici que l intérêt pour la protection de la santé des usagers de drogues (alors qu ils sont encore usagers de drogues) dans les politiques de santé publique découle principalement de la mobilisation affolée et soudaine qui a répondu au risque épidémique du VIH à la fin des années 80 et au début des années Auparavant (l époque n est pas si lointaine, en témoigne l existence des «vieux usagers»), l usager de drogue devait être repentant pour bénéficier de soins. Tout acte contraire, pensait-on et pense-ton encore largement aujourd hui, serait de l incitation à la consommation Au vice. (!) L arrivée du SIDA a considérablement changé la donne : contraints et forcés face aux résultats probants qu apportent quelques acteurs dissidents en France et à ceux constatés hors de nos frontières, les pouvoirs publics acceptèrent la mise en place, en France, des programmes de réductions des risques en direction non pas pour les punir ou les «ramener dans le droit chemin de la moralité» - des usagers de drogues par voie intraveineuse (les pires!) non (encore!) repentants. Les résultats d une telle politique furent rapides et son efficacité ne fit pas l ombre d un doute : l infection du virus du SIDA recula considérablement parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse 115. Résultats satisfaisants mais tout aussi déroutants et inconfortables tant ils tordaient le cou à une idée tenue pour vrai a priori : les «toxicomanes», à la fois criminels et victimes et ayant «abandonné» leurs corps à la drogue, seraient incapables de répondre à la raison en protégeant leur propre santé. Et bien si! Un paradoxe évident pour nombre de décideurs, de professionnels de santé et de citoyens qui détournèrent le regard pour ne pas voir ou qui, inversement, apprirent fortement de l expérience. Tant mieux. Mais si la mise en place de ces dispositifs fit débat dans l opinion publique et couler de l encre, cela est moins vrai quand il s agit d en faire connaître les résultats au public en dehors des circuits d initiés. Des résultats importants que l on ne peut défaire de la mobilisation intensive et de tous pour contrecarrer l «épidémie» du SIDA (dès lors qu il ne touchait plus exclusivement les populations 115 Chez les usagers de drogues, l enquête Coquelicot a mis en évidence la modification majeure des comportements et pratiques à risque en lien avec la mise en place d actions de prévention et d information. Voir Institut de veille sanitaire, JAUFFRET-ROUSTIDE M., COUTURIER E, LE STRAT Y, Barin F, EMMANUELLI J, et al. Estimation de la séroprévalence du VIH et du VHC et profils des usagers de drogues en France, étude InVS- ANRS Coquelicot, BEH 2006;33:

94 stigmatisées : les hommes homosexuels, les usagers de drogues par voie intraveineuse, les travailleurs du sexe, etc ). Mais on ne peut malheureusement pas se réjouir des mêmes résultats en matière de prévention de la contamination à l hépatite C. Cette dernière ne restant cantonnée qu à ces populations stigmatisées, la prévention ne donne pas lieu au même déploiement de moyens. La politique de réduction des risques avance craintivement en ce domaine en France. Les acteurs de l addiction sont certes fortement mobilisés, mais force est de constater que les cadres légaux et la mobilisation des pouvoirs publics restent insuffisants et contraignants : trop marqué comme une pathologie touchant les populations stigmatisées, l accès au dépistage et au traitement reste difficile tant il risque de visibiliser les pratiques d usages de drogue. De plus, la connaissance qu ont les usagers sniffeurs et injecteurs des risques liés à certaines pratiques reste a priori insatisfaisante: en 2004, on estime que 42 % de ces usagers ne connaissaient pas en totalité les pratiques impliquant un risque de contamination du VHC, surtout les risques liés au partage du petit matériel et de la réutilisation de matériel 116. Procédons à un détour d histoire pour rappeler l importance et la pertinence de s intéresser à la question de l accès aux soins des personnes usagères de drogues et de l intérêt d intégrer la prévention et la réduction des risques dans les lieux de soins. Ce détour nous permet de rappeler que ces dispositifs se mirent en place principalement dans les villes et de façon souvent souterraine face à la tendance à la réprobation de l opinion publique. Qu en est-il en campagne? Figure 24: Recours au dépistage VIH et VHC tout usagers de drogues, en % 100% 80% 60% 40% 20% 0% 39% 48% 27% 19% 34% 33% Dépistag VIH tout UD* Dépistage VHC tout UD* 100% 80% 60% 40% 20% 0% Figure 23: Recours au dépistage VIH et VHC des usagers injecteurs** (UDVI) et sniffeurs***(udvn), en% 33% 17% 25% 50% 50% Dépistage VIH des UDVI** (n=24) 25% Dépistage VHC des UDVI** (n=24) 31% 42% 29% 19% 40% 39% Dépistage VIH UDVN*** (N=65) Dépistage VHC des UDVN*** (n=65) Réalisé il y a moins de deux ans Réalisé il y a plus de deux ans Jamais - les personnes n ayant pas répondu à cette question sont exclues de l échantillon (4 non répondants) Dans notre échantillon, seul un tiers des usagers rencontrés ont réalisé un test de dépistage du VIH au cours de deux années précédant l étude, et seulement un peu plus de 3 individus sur 5 au cours de leur vie. La proportion est moins importante encore si l on regarde les taux de recours au dépistage des hépatites : si la même proportion de personnes s est faite dépister dans les deux ans précédent l entretien, la proportion d usagers n ayant jamais eu recours au dépistage de leur vie est la plus importante ; elle concerne près de la moitié des usagers Issu de l enquête coquelicot, Op. cit. Un support de sensibilisation et de restitution des résultats destinés aux usagers de drogues par voie intraveineuse et nasale a été développé suite à cette enquête, disponible sur internet au :

95 Concernant les usagers de drogues par voie intraveineuse et par voie nasale, potentiellement plus exposés aux risques de transmission du VIH et du VHC, les taux de recours au dépistage sont inquiétants et très largement inférieurs aux taux recensés parmi la population des usagers de drogues sniffeurs et injecteurs dans les villes dans le cadre de l enquête Coquelicot 117 : dans nos zones rurales seuls 67% des UDVI (Usagers de drogues par voie intraveineuse) et 69% des UDVN (Usagers de drogues par voix Nasale) ont réalisé un test de dépistage au moins une fois dans leur vie, contre 95% 118 selon l enquête nationale réalisée en zone urbaine 119. Finalement, moins de la moitié de ces usagers déclarent avoir réalisé ce test dépistage dans les deux années précédentes. Le constat alarmant doit être fait concernant le dépistage du VHC : ¼ des UDVI et 31% des UDVN n ont jamais eu recours au dépistage, contre 9% des mêmes usagers dans l étude réalisée en ville, et moins de la moitié des usagers ayant eu recours à ce test dans les deux années précédentes. Ce résultat est d autant plus troublant que parmi les usagers injecteurs et/ou sniffeurs n ayant pas réalisé de test de dépistage (VIH ou VHC) dans les deux dernières années (n=42), près de 3 sur 10 ont pris des risques dans l année précédente (partage et réutilisation de matériel). Dixneuf sujets soit plus de 45% - s étaient pourtant ouverts de leurs consommations à un médecin. L âge reste un déterminant important pour expliquer ce phénomène : plus les usagers sont jeunes, moins le recours au dépistage a été important. Mais l étude comparée entre les modalités d usages et le recours au dépistage est éclairant : les usagers «festifs» de psychostimulants et d hallucinogènes, s ils font état de pratiques tout aussi à risques que les usagers «problématiques» d héroïne, sont bien moins enclins à avoir recours au dépistage et font état d une plus grande méconnaissance des risques. Une population qui, en dehors du milieu festif, n est pas envisagée et ne s envisage pas comme «toxicomane» (et donc courant les mêmes risques) et qui de fait se voit moins proposer de recourir à ces dépistages 120. Il est certain que notre échantillon ne permet pas de conclure catégoriquement sur ces résultats, mais elle permet d attirer l attention sur un aspect inquiétant des conditions d accès aux soins et à la prévention en zone rurale pour les usagers de drogues. 117 Enquête nationale pilotée par l INVS 118 Avec une stratégie d échantillonnage similaire. 119 INVS, JAUFFRET-ROUSTIDE M., COUTURIER E, LE STRAT Y, BARIN F., EMMANUELLI J, et al., op.cit. Un résumé de cette étude est disponible sur : Une étude a été réalisée par le SATO-Picardie en milieu festif techno et fait état des mêmes résultats : seul 25% des UD interrogés à cette occasion avait réalisé un test de dépistage dans les deux ans précédents. Voir SOLER A., «Réductions des risques en milieu festif : quelles évolutions après 10 ans d intervention», Le SATO- Picardie, Bientôt disponible sur le rapport d activité 2012 du SATO-Picardie 94

96 2. Accessibilité du produit vs. inaccessibilité des soins A présent, en milieu rural, l accessibilité au produit s oppose durement à l inaccessibilité aux soins. Or, si la parole circule rapidement, nous pouvons supposer qu il peut en être de même des pratiques : une fois implantées dans un groupe de pairs et les normes de consommation définies (règle d inclusion ou d exclusion notamment), les pratiques pourraient- en fonction de ces normes - se propager et entraîner, si rien n est fait, une augmentation relative des taux expérimentations. De plus, si les pratiques de consommations existent dès lors que la disponibilité du produit se fait plus importante, que ne peut-on pas dire de même de l accessibilité aux soins? L un n a recours aux soins que dès lors que son accessibilité est assurée, qu il exerce ce faisant un droit. Inversement, outre les barrières pratiques et géographiques, le recours aux soins est compromis s il n apparaît pas comme une option relevant d un droit applicable Il s agit là d un droit que Simmel définit comme humanitaire : rendre plus facile le fait de demander et d accepter une aide dès lors que, ce faisant, les personnes nécessiteuses ne feraient qu exercer un droit acquis 121. Ce droit, en s exerçant, fait alors reconnaître son poids symbolique et participe à déconstruire le stigmate dont les conséquences sociales alimentent les conséquences sanitaires et précipitent l addiction. La réponse à l expansion probable des pratiques passe donc sine qua non par l accessibilité aux soins. Nous devons cependant souligner l existence de partenaires (professionnels de santé ou du psycho-social), souvent impliqués et volontaires pour initier des projets et répondre le plus justement aux besoins: pharmaciens et travailleurs sociaux souvent, médecins parfois. D. Repérage, pudeur et recours aux institutions : soutien vs. stigmate Certaines études avancent que la difficulté supposée plus grande à avoir recours aux soins en milieu rural serait liée à ce qui tiendrait d une «culture rurale». Aussi, il est supposé que certaines valeurs des petites communautés pourraient venir enfreindre le recours au traitement des addictions. L autonomie et l endurance seraient traditionnellement valorisées dans les petites communautés et recevoir un traitement pourrait alors être interprété comme un signe de faiblesse. Ces études rapportent le manque de connaissance sur les services psychiatriques et d addictologie existants. De plus, assurer la confidentialité est aussi crucial que difficile dans les petites communautés où «tout le monde» se connait 122. Si le recours aux soins semble ici être au moins intenté même si l on perçoit de grandes difficultés - il n en va pas de même pour le recours aux institutions de proximité quand le soin ne suffit ou ne convient pas. Malgré l implication et souvent l envie des travailleurs sociaux de proximité, les barrières pour assurer un accompagnement sont nombreuses. Ce n est pourtant pas faute d implication. Ainsi, si 43% de l échantillon soulignent qu ils auraient eu besoin de conseils, de soutien et d un accompagnement approprié, aucun n'a souhaité solliciter une institution de SIMMEL G (1908), Les pauvres. Paris, PUF, p No Place to Hide, op.cit.

97 proximité. Et les bancs de la permanence addictions du village, si elle est tenue par des «locaux», restent vides Dans les milieux ruraux comme dans les milieux urbains, de nombreux acteurs de territoires soulignent les difficultés qu ils rencontrent pour repérer les personnes en situation d addiction. Si le repérage est possible, la parole sur des pratiques que l on sait stigmatisantes est souvent impossible. De leur côté, les usagers - comme les pauvres souligne Alexandre Pagès - auraient tendance à se cacher des institutions, considérées comme menaçantes. Uneloi du silence règne, amenant dans son sac celle du déni d existence. La honte et la pudeur se répondent en miroir. Or, si le silence doit être permis, nous devons réaffirmer que par opposition la parole doit être possible. 96

98 CONCLUSION De l urgence à agir Sans empressement Cette étude menée en 2012 sur des territoires ruraux de l Oise ne laisse guère de place aux doutes et à l hésitation : il est urgent d adresser sérieusement la double question qui nous concerne : d une part, la nécessité d agir aux trois niveaux de prévention la prévention primaire, les soins et la réduction des risques liés aux addictions - là où les besoins existent ; d autre part les inégalités de santé qui touchent de façon criante les milieux ruraux. Les usages de drogues ne sont pas une affaire de territoire et les zones à dominante rurale investiguées nous soufflent l urgence d agir. Les produits psycho-actifs semblent s expérimenter de façon relativement précoce en milieu rural et les pratiques de consommation s étendre à une population grandissante et plus jeune, alors qu elle semble plutôt vieillir en ville. Plus inquiétant encore, les usagers font état de pratiques à hauts risques imputables à un accès limité, sinon inexistant, à l information, à la prévention et aux dispositifs adéquats. Qu on en juge : - Près de 40% des sniffeurs rencontrés ont déjà partagé leur paille de sniff, 40% des injecteurs réutilisent leur matériel et 1/3 ont déjà partagé leur matériel d injection ; - Les produits se mélangent parfois à merci sans connaissance des risques ; - Le taux de recours aux soins et aux dépistages (moins de la moitié des usagers à risques seulement pour chacun des items) est bien trop faible. 97 Au niveau sanitaire, les produits psycho-actifs, consommés avec excès ou selon des pratiques à hauts risques, créent les mêmes dommages en ville qu en campagne. Les barrières dans l accès aux soins, en revanche, se multiplient : pour atteindre un CSAPA, un usager non véhiculé doit parfois parcourir 50km, en stop Et revenir Tous les jours. Entre 9h et 18h. Les ressources en professionnels de santé manquent localement et la crainte d une désertification médicale tend à se confirmer. Face au manque généralisé de spécialistes pour recevoir les usagers, les médecins généralistes et les services d accueil sont souvent contraints d exercer maintes disciplines. L addictologie est l une de celles qui entraîne rarement, nous le déplorons, l enthousiasme. La patientèle est souvent jugée indésirable ou devant profiter d un accompagnement que le seul médecin ne suffit pas à satisfaire. Le suivi est alors compromis, faute de formation, de pluridisciplinarité et de possibilité de répondre au plus juste aux demandes. Nous observons ainsi, parmi les usagers de drogues rencontrés, un faible taux de recours au dépistage du VIH et VHC.

99 De plus, les risques sociaux liés à l usage de produits semblent exacerbés en milieu rural. Le stigmate et le contrôle social même lorsque celui-ci s opère dans un but bienveillant - pèsent d autant plus lourdement sur les usagers que la communauté est restreinte : les infractions à la règle, si elles sont dévoilées, risquent d impacter plus durement la définition de l identité de l usager (ou le craint-il) qui ne pourra pas se protéger sous le voile de l anonymat. Parfois, le dévoilement du stigmate a des conséquences sur l ensemble du lignage et jette la honte (ou le craint-on) sur la famille. Car le village a certainement une meilleure mémoire que la ville. Alors, à l instant où l accompagnement proposé n est pas exclusivement médical (et, donc, protégé par le serment du secret qui lie le patient à son médecin), il est remarquable de constater un certain évitement des structures de proximité de la part des usagers. Le silence s impose alors au sein de ces structures perçues comme non spécialisées («non initiées») et vécues comme répondant aux mêmes dynamiques, normes et codes que ceux qui prévalent dans la communauté. On ne peut donc y révéler des pratiques supposées réprouvées. Il nous faut agir vite, donc, mais sans l empressement du résultat, sans brusquer trop vivement les dynamiques à l œuvre. Car la campagne n offre pas la couverture de l anonymat de la ville, et ne répond pas aux mêmes contraintes. Soyons-en certains, les efforts devront être démultipliés pour toucher, certainement, un nombre moins important de bénéficiaires qu en ville. Les règles de financement ne peuvent donc être pensées de la même manière. Sans doute nous faut-il alors accepter les règles du terrain sur lequel nous souhaitons agir pour parvenir, par la suite, à les tordre un peu : les usagers qui ne voudront pas se révéler devraient en garder la possibilité, autant que celle de se confier. Ce n est qu en décloisonnant la parole et en offrant une possibilité d accès aux soins, à l éducation pour la santé et à la prévention (via la réduction des risques notamment) que nous pourrons-nous finalement infléchir les comportements. A ne pas agir, ne serions-nous pas finalement coupables? Si nous mettons en évidence les contraintes d une action en milieu rural, il s agit aussi un territoire aux ressources singulières, capable de mobiliser, quand l élan est donné, toute une communauté. La connaissance du contexte, des histoires et du territoire des acteurs de terrain constitue à ce titre un préalable indispensable pour concevoir et actionner des leviers efficaces. 98

100 PRECONISATIONS 1. Favoriser la mise en place d un dispositif complet, alliant prévention, soins et réduction des risques. L articulation de ces trois niveaux d actions est primordiale et indispensable pour pouvoir impacter les prévalences de consommations et risques sanitaires et sociaux liés aux addictions Enjeux de prévention primaire auprès des jeunes publics : Ouvrir la parole sur les drogues (légales et illégales) comme enjeu de prévention : En France, la loi de 1970 qui encadre notamment la politique de prévention des addictions stipule qu il est interdit de présenter les drogues sous un jour favorable 123. En théorie alors, un intervenant ne pourra pas dire du «bien» des drogues et sera par exemple tenu de garder sous le sceau du silence les effets de «plaisir» qui, pourtant, est bel et bien l effet attendu de la consommation de celle-ci. Une «omission» que ne manqueront pas de noter bon nombre de jeunes (et moins jeunes) ayant fait l expérience de certaines drogues et qui verront alors les limites et les incohérences de l exposé proposé et de son parti pris «moral». Adhère-t-on à une morale que l on considère peu légitime et ignorante? Notons qu aujourd hui la loi ne change pas quand l effet contre-productif d une telle approche a été reconnu et prouvé 124, d une part en se révélant inopérante et incapable de limiter les expérimentations (prévention primaire), d autre part en prévention secondaire : au moment où l addiction risque de s installer, les discours de prévention secondaire souffrent du discrédit hérité du précédent. L autre risque que comporte l idée selon laquelle pour bien prévenir il faudrait dissuader et, donc, faire peur est celui de stigmatiser les populations usagères de drogues de les présenter comme faibles, simples ou souffreteuses (victimes) ou comme délinquantes (coupables) - et de jouer le jeu de la dualité victimisation/diabolisation afin que les plus jeunes n aient guère envie de s y identifier et qu ils tournent le dos aux funestes tentations de s agréger à ce groupe. L effet risque alors d être la stigmatisation des personnes toxicomanes. Or, nous avons vu les effets désastreux d une telle entreprise pour ceux-là. Lutter contre les addictions, c est aussi lutter contre la stigmatisation des personnes en addiction. Non que nous entendions ici que les professionnels de la prévention ne se soumettent à de telles pratiques : tous ont non seulement conscience mais sont également fort vigilants à ne pas induire de stigmatisation, mais les discours restent contraints par la loi. La question est primordiale : pour faire de la prévention (secondaire et Selon l'article L.630 de la loi du 31 décembre 1970 : "Le fait de provoquer à l'usage de stupéfiants alors même que cette provocation n'a pas été suivie d'effet, ou de présenter ces infractions sous un jour favorable est puni de cinq ans d'emprisonnement et de F d'amende. Lorsque le délit prévu par le présent article est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables." 124 A ce sujet, notons que nombre de compagnies de tabac - pour redorer leur image entamée par les enjeux de santé et d éthique de leur commerce - ont pendant longtemps financer des campagnes de prévention du tabagisme en flirtant avec cet effet contre-productif dont ils connaissaient les failles. Un bon indicateur pour juger de la faible pertinence de ce type de prévention.

101 tertiaire mais également primaire) il est nécessaire de s intéresser aux modalités d une ouverture de la parole au sujet des drogues. Partout, la prévention des addictions et des conduites à risques doit constituer un enjeu majeur, intervenant aux moments adéquats (c est-à-dire où les occurrences de consommations sont plus fortes), de façon continue et cohérente et d autant plus en milieu rural que l expérimentation semble intervenir de façon relativement précoce. Si le débat porte généralement sur la nécessité de faire de la prévention de façon très précoce, nous insistons également sur les groupes plus âgés (18-20 ans), une classe d âge trop souvent oubliée de la prévention. L association avec les partenaires et la formation des intervenants est de fait un élément primordial à une prévention efficace tant elles permettent de renforcer la cohérence des missions de prévention et de contribuer à favoriser la coordination et la collaboration des acteurs. En milieu rural, l absence de lieu d accueil et d activités de divertissement constitue un frein important à la prévention et à la baisse des conduites à risques. L implication des parents, parfois forcée par des cohabitations longues, doit être prise en considération : d une part, car les proches peuvent être des appuis forts pour consolider des procédures de soins et l accompagnement des usagers (comme le contraire), d autre part car ils sont souvent eux-mêmes également en souffrance et font état de besoins d accompagnement, d aide et de soutien à la parentalité. La mise en place d un lieu d accueil pour les jeunes en difficulté et leurs proches sur les questions des addictions, les problématiques adolescentes et le mal-être, selon des modalités adaptées, apparaît nécessaire pour favoriser une baisse des consommations à risques et de la dégradation de la situation sociale et psychologique des jeunes : plus réduit que celui existant dans les villes, tenu par des professionnels qui ne seraient pas trop impliqués dans la vie du bourg de la ville ou du village et situé dans un lieu de soins protégé (dans le cadre d une maison médicale ou d un hôpital par exemple) semblent de bonnes orientations Accès aux soins, coordination des professionnels et appui - Limiter les inégalités sociales et territoriales de santé L accès aux soins des addictions notamment aux traitements de substitution aux opiacés et, plus spécifiquement, à la méthadone et à un accompagnement pluridisciplinaire doit être facilité, tant leur absence engage les usagers à mettre en place des stratégies d adaptation parfois dangereuses et participant à dénaturer la procédure de soins (automédication, mélange des traitements, ruptures dans le parcours de soins, expériences malheureuses renforçant l isolement, etc). La mise en place d un «micro-csapa» de soins - selon des modalités nouvelles - permettrait de redonner, pour nombre d usagers, du sens à une procédure de soins grâce à une prise en charge pluridisciplinaire médico-psycho-sociale et à un accompagnement plus affiné de façon à permettre l ouverture de la parole. Les contraintes territoriales (éclatement de l habitat, nombre plus limité de «demandeurs» qu en ville, le besoin de favoriser la discrétion, coût, etc.) entraînent à concevoir un dispositif «allégé» (micro-csapa), inscrit dans une institution de santé (maison médicale, hôpital) pour plus de discrétion et participer à la notion de «secret professionnel», tout en rendant l accès 100

102 aux soins possibles pour les usagers. Un accueil une fois par semaine par exemple avec une équipe pluridisciplinaire : médecin, infirmier, travailleur social et psychologue - permettrait un accès aux soins spécialisés. L initialisation à la méthadone et la mise en place d un accompagnement seraient ainsi rendues possibles sans se risquer trop lourd pour être adapté aux besoins. Ici, les liens partenariaux devront se construire de façon ténue afin que les relais soient facilités et couvrent le territoire le plus large possible : relais et délivrance en pharmacie de ville et relais rapide en médecine de ville lorsque l éloignement reste un frein (en Picardie Verte notamment, où un micro CSAPA ne pourra certainement pas se décliner dans tous les petits bourgs). La mise en place d un tel dispositif supposerait une négociation préliminaire avec les professionnels de santé, afin que les modalités de collaboration soient définies, facilitées et établies dans un cadre rassurant pour les professionnels. En effet, si les professionnels de santé montrent parfois quelques réticences à adresser le champ des addictions dans leur cabinet, c est que le suivi médical proposé leur semble inapproprié ou insatisfaisant (pour y proposer des tests urinaires, un suivi psychologique et social) et qu ils reconnaissent un manque de compétences spécifiques et spécialisées dans ce domaine (nouveau) de la médecine (évaluation de la posologie et construction du parcours de soins). Dès lors que les équipes du dispositif «allégé» se posent en soutien, en appui, en ressources et en partenaires de proximité, les relais en médecine de ville et, éventuellement, les possibilités de délivrance en officine seront, sans nul doute, possibles et se réaliseront dans un climat apaisé. La formation des professionnels doit alors être rendue possible localement et les liens de travail plus construits (retour et échanges sur le déroulement des procédures avec équipes CSAPA, acteurs pivot en cas de difficultés, coordinateur de projet, etc.) Réduire les risques et les dommages : penser l accessibilité, l éducation à la santé et assurer la discrétion En milieu rural, l intervention en milieu festif alternatif demeure un bon vecteur pour s adresser aux usagers de drogues et promouvoir des pratiques visant à limiter les risques. L accueil des usagers, la promotion de programme d échange de seringues et de pratiques visant à limiter les risques ne sont aujourd hui pas assurés et la mise en place d un accueil minimum doit être pensée. L intégration d une petite structure d accueil des usagers actifs dans l enceinte du micro-csapa - une autre journée - permettrait de visibiliser la démarche pour les usagers tout en gardant une certaine discrétion vis-à-vis de l entourage. La formation à l éducation aux moindres risques d usagers relais semble cruciale pour limiter les pratiques à risques (aujourd hui encore instituées) et se faire les porteurs de matériel stérile et de messages pour ceux qui, ne souhaitant ou ne pouvant pas se dévoiler, resteraient éloignés des structures et contraints, en quelque sorte, d observer des pratiques à hauts risques. La mobilité doit être pensée selon des modalités innovantes, à décliner en fonction du contexte, de la possibilité de le faire et de l adhésion des usagers : passage à domicile, réunion «promotion des pratiques à moindre risques et éducation à la santé», unité mobile d accueil, PES en pharmacie, PES dans les lieux d hébergement sociaux, forum internet, etc 101

103 Formation des partenaires relais parties prenantes dans les projets et rôle d appui pour favoriser l adhésion des partenaires. 2. Internet, échanges et transmission: un outil qui ne connaît pas de frontière géographique Mais reste marqué de fracture sociale Il ne fait aucun doute qu internet est un outil inestimable, tant il permet de dépasser bien des difficultés et bien des frontières que nous avons relevées en milieu rural : les frontières géographiques d abord, mais aussi les contraintes liées au «rendre visible», à la nécessité, parfois, de l anonymat. Il s agit d un espace, certes virtuel mais réel, qui offre la possibilité de s exprimer sans être nécessairement identifié, de lire simplement et de se reconnaître, un média qui permet la parole, le «dire», l échange, la transmission de savoirs et la promotion de «bonnes pratiques». Internet souffre, cela va de soi, d un défaut de lisibilité quant à la validité des sources : quel que soit le sujet, on peut trouver sur la toile des sites qui postuleront, non sans danger, tout et son contraire. Pour les usagers, la première contrainte est donc de trouver des données fiables, dans une toile peu lisible et souvent anarchique. Pour l association, se saisir de cet outil permettrait de créer et promouvoir un espace d échange (forum) animé et géré par un modérateur aguerri à la thématique, une base de données virtuelle proposant plusieurs supports (vidéos, articles, images, flyers, etc.) à partager avec les usagers (et pourquoi pas également alimentée par eux), un espace de débat, d organisation favorisant l autosupport. Cet espace pourrait offrir, en outre, la possibilité aux usagers d interpeller l association. Une telle proposition de service aurait alors l avantage de faire reconnaître l association comme acteur implanté sur le territoire, accessible, digne de confiance (sur le fond la validité de l information et la forme le gage de la discrétion), source de soutien pour les usagers comme pour les professionnels partenaires. L anonymat que permet Internet pourrait peu à peu permettre de faire tomber les barrières liées au genre. Pour favoriser la promotion et l appropriation d un tel outil par les usagers, il nous faut en premier lieu en permettre la «publicité» : les usagers doivent pour s en saisir en connaître l existence, en accepter la validité et s approprier cet espace comme le leur. Il faut pour cela qu ils reconnaissent que la gestion en est assurée par des initiés (professionnels et/ou usagers). Un effort graphique est nécessaire et l animation doit être appropriée à son public. Un effort de relais (affiche dans la salle d attente du cabinet du médecin par exemple, proposition de prendre contact via ce média lors d une initialisation, etc.) est également nécessaire. Un lieu, alors, qui pourrait également servir aux professionnels à approfondir la réflexion sur les modalités de travail, pour faire coexister prévention, promotion de la santé, réductions des risques et accès aux soins et favoriser leur articulation et leur complémentarité. Cependant, un tel dispositif ne peut se penser sans une action de terrain. D une part car un de ses objectifs est de permettre aux usagers de se saisir des possibilités de soins. S ils ne sont pas disponibles en réalité, un tel outil sera vite jugé inopérant, et cela serait bien légitime. D autre part, il nous faut souligner que s il ne connait pas de frontière géographique, ce média connait bel et bien encore une frontière sociale. Parmi les usagers rencontrés et bien qu ils soient assez jeunes pour - a priori savoir utiliser sans difficulté ce support, certains auraient été bien en peine de se saisir de cet outil en l absence d accès à internet. Pour eux en particulier, le travail de terrain reste bien nécessaire et primordial. 102

104 3. Axes de travail Mettre en place de micro-structures «allégées» pluridisciplinaires et globales dans chacun des territoires : un accueil prévention jeunes et parents, un accueil micro-csapa et un accueil CAARUD. Travailler en coordination avec les partenaires de terrain pour s apporter aide mutuelle et favoriser la formation des acteurs visant d une part à briser le tabou, les incompréhensions et les dynamiques de stigmatisation, d autre part à assurer une orientation, voire développer des projets collaboratifs : des programmes d échanges de seringues en pharmacies par exemple, étoffer les liens de travail avec les médecins relais, développer une prévention adaptée auprès des jeunes et dans les entreprises Travailler avec des usagers-relais vers d autres usagers restant invisibles et favoriser la formation de ces acteurs clés pour promouvoir des pratiques visant à limiter les risques. Les efforts de communication devront être constants pour convaincre tous les acteurs de l utilité et la pertinence d une telle intervention. Créer d un espace virtuel animé et modéré à destination des usagers d une part et, d autre part, des professionnels, visant à promouvoir l échange, le débat, les bonnes pratiques et être un vecteur de transmission d informations dynamique et interactif. Se fixer des objectifs permettant une implantation graduelle et travailler à l évaluation du dispositif. 103

105 BIBLIOGRAPHIE AMSELLE, J-L. Branchements. Anthropologie de l universalité des cultures, Paris, Flammarion, BACHMANN C., COPPEL A., La drogue dans le monde : hier et aujourd hui, Editions Albin Michel, Points actuels, Paris, BEAUD S. (dir) La France des invisibles, La découverte, Paris, 2006 BECK F., GUILBERT P., GAUTIER A. (dir), Baromètres santé Jeunes 2005, Attitudes et comportements de santé, INPES, 2007, disponible sur BECKER H. (1963), Outsiders, Métailié, BELLO P.-Y., TOUFIK A., GANDILHON M., GIRAUDON I. Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003 Cinquième rapport national du dispositif TREND. BONNIN O., «Usagers de drogues en milieu rural - La seringue est dans le pré», Le journal du Sida n 217, oct-nov-déc BOZON M., THIESSE A.-M., La terre promue : Gens du pays et nouveaux habitants dans les villages du Valois, Fondation Royaumont, BOUHNIK P.. «Système de vie et trajectoires des consommateurs d'héroïne en milieu urbain défavorisé». In Communications n 62, pp BOURGUIGNON P., et al., «Payer peut nuire à votre santé : une étude de l impact du renoncement financier aux soins sur l état de santé», Irdes, 2012, Document de travail n 47. BOUSCASSE M., «Pauvreté et Précarité dans l Oise», INSEE Picardie, Analyses n 29, 2008, disponible sur BRAUN B., FOST MARIN E., Drug, Alcohol and Tobacco Use in Rural, Low-Income Families: An Ecological Risk and Resilience Perspective, Department of Family Studies, University of Maryland, College Park, BUTLER J., (1990), Trouble dans le genre, le féminisme et la subversion de l identité, La Découverte/Poche, Paris, CASTEL R. et al, Les sorties de la toxicomanie, types, trajectoire, tonalité Paris, MIRE, CLAY A., Rural substance abuse : Overcoming barriers to prevention and treatment, SAMHSA, Volume 15, n 4, July, August CONFAVREUX J., RENAHY N., «Gars du coin. Quand l appartenance villageoise ne garantit plus l insertion sociale», in BEAUD S. (dir) La France des invisibles, La découverte, Paris, 2006, pp

106 COPPEL A., «De la guerre à la drogue à la réduction des risques» In Le Courrier des addictions, 2 : 49-53, COSTES J-M. (Dir.), Les usages de drogues illicites en France depuis Vus au travers du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, DI NINO F., «Caractéristique des patients inclus au réseau RMS Alsace issus des microstructures implantées en milieu rural», Juillet 2010, disponible sur pdf. GOFFMAN E. (1963), Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, coll. «Le Sens Commun», HACHET P, CASU Y., «Bilan d une année de partenariat entre le pôle prévention et le centre de soins du CSAPA de Creil au sujet des patients «addicts» au cannabis», SATO-Picardie, Rapport d activité 2012, pp HAMADOUCHE A., HEDELIN G, Rapport final : le réseau des microstructures. Technical report, HEDELIN G., Note de synthèse du rapport sur les microstructures médicales. Evolutions à 24 mois des scores du questionnaire ASI. Technisa report, Laboratoire d'épidémiologie et de santé publique de l'université Louis Pasteur de Strasbourg, Février HUTCHISON L., BLAKELY C. Substance Abuse Trends in Rural Areas. Rural Healthy People 2010: A companion document to Healthy People, Volume 1. College Station, TX: The Texas A&M University System Health Science Center, School of Rural Public Health, Southwest Rural Health Research Center. INSERM, Rapport : "Dimensions historiques, culturelles et sociales du boire ", in Alcool. Expertise collective, dommages sociaux, abus et dépendance, 2003, pp INVS, «Enquête Coquelicot : Résultats d une enquête sur l Hépatite C, le VIH et les pratiques à risque chez les consommateurs de drogues», 2008, disponible sur IRTESS, FNARS Bourgogne, Etude sur les processus d exclusion et d insertion en milieu rural, Janvier JAUFFRET-ROUSTIDE M., COUTURIER E., LE STRAT Y., BARIN F., EMMANUELLI J., et al., Estimation de la séroprévalence du VIH et du VHC et profils des usagers de drogues en France, étude InVS-ANRS Coquelicot, JÜNGER E. (1970), Approches, drogues et ivresses, Paris, Gallimard, LAE J-F, PROTH B., «Les territoires de l'intimité, protection et sanction», Ethnologie française, Vol. 32, 2002, pp. 5-10, disponible sur 5.htm. LALANDE A, «Savoir des usagers : de quoi parle-t-on?», Vacarme n 46, hiver 2009, disponible sur LALANDE A., «Drogués, usagers aux quotidien», in BEAUD S., CONFAVREUX J., LINDGAARD J. (dir.), La France invisible, Paris, La Découverte, 2007, pp

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108 RENAHY N., Les Gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, SAINT PAUL, T., La santé des plus pauvres, INSEE, SATO-Picardie, Rapport d activité 2012, disponible sur SENCÉBÉ Y., LÉPICIER D. (2007), «Migrations résidentielles de l urbain vers le rural en France : différenciation sociales des profils et ségrégation spatiale», Espace-Temps.net, Textuel, , SENCÉBÉ Y., «Des bons usages de l enclavement : une analyse sociologique du «pays du Diois»», in BLETON-RUGET A., BODINEAU P. et SYVESTRE J.-P. (dir.), «Pays et territoires. De Vidal de la Blache aux lois d aménagement et de développement du territoire», Dijon, 2002, pp SCHWARTZ O. (1989), Le Monde privé des ouvriers, Puf, coll. "Quadrige", Paris, SIMMEL G. (1908), Les pauvres. Paris, PUF, SOLER A., «RdR en festif : quelles évolutions après dix ans d interventions?», SATO-Picardie, Rapport d activité 2012, pp.30 à 41, disponible sur le site SOLER A., «Méthadone gélule : qu en pensent les usagers?», SATO-Picardie, rapport d activité 2012, pp. 114 à 124, disponible sur le site TERMOLLE A., «Des traces à la campagne», ASUD Journal, n 49, Mars 2012, pp WILIE L. (1968), Un village du Vaucluse, Gallimard, Paris,

109 ANNEXES ANNEXE 1. Liste des tableaux et graphiques Tableau 1. Questionnaires renseignés en fonction des territoires Figure 1: Répartition par sexe Figure 2: Répartition par classes d âge Figure 3: Comparaison de la répartition par âge des usagers «consommateurs problématiques» installés en zone rurale et des usagers des Pôles soins du CSAPA Figure 4: Lieu d'habitation Figure 5: Situation socioprofessionnelle Figure 7: Situation par rapport au logement, en fonction de la situation socioprofessionnelle Figure 6: Revenus nets mensuels moyens au cours des six mois précédant l'entretien Figure 8: Produits expérimentés et produits consommés dans le mois Figure 9: Fréquence de consommation des produits consommés dans le mois Figure 10: Prévalence des consommations par voie nasale et intraveineuse Figure 11: Fréquence d usage en fonction des produits des polyconsommateurs festifs Figure 12: Fréquence d usage en fonction des produits, pour les polyconsommateurs dépendants.. 50 Figure 13: Prévalence de la pratique du partage de paille, en fonction de la régularité de la pratique Figure 14: Expérience d une intoxication aigüe (bad trip) liée à une prise de produits, en fonction des modes de consommation Figure 16: Rapport au produit en fonction des produits Figure 15: Produits cités comme ayant été l objetdemauvaises expériences Figure 17: Couverture médicale en fonction de la situation socioprofessionnelle Figure 18: Couverture médicale échantillon total et en fonction des revenus nets mensuel, Figure 19: Tentative de recours à un médecin en fonction des modalités de consommation Figure 20: Médecins consultés par les usagers ayant consulté un médecin Figure 21: Barrières perçues dans l accès aux soins Figure 22: Organisation sociale autour de la Picardie Verte Figure 24: Recours au dépistage VIH et VHC Figure 23: Recours au dépistage VIH et VHC des usagers

110 ANNEXE 2. Sigles et abréviations utilisées AFR : Association Française pour la Réduction des risques liés à l usage de drogues ARH : Agence Régionale de l Hospitalisation ARS : Agence Régionale de Santé BHD : Buprénorphine Haut Dosage CAARUD : Centre d Accueil et d Accompagnement à la Réduction des Risques des Usagers de Drogues CSAPA : Centre de Soins d Accompagnement et de Prévention en Addictologie CMP : Centre Médico-Psychologique GRSP : Groupement Régional de Santé Publique INPES : Institut National de Prévention et d Education pour la Santé INVS : Institut National de Veille Sanitaire IREPS : Instance Régionale d Education et de Promotion de la Santé MILDT : Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies OR2S : Observatoire Régional de la Santé et du Social de Picardie PES : Programme d Echange de Seringues RdR : Réduction des Risques liés aux usages de drogues TSO : Traitement de Substitution aux Opiacés UD : Usager(s) de drogues UDVI ou UDI : Usager(s) de drogues par voie intraveineuse UDVN : Usager(s) de drogues par voie nasale URCAM : Union Régionale des Caisses Primaires d Assurance Maladie 109

111 ANNEXE 3. Questionnaire usagers de drogues Enquête sur les usages de produits en Milieu Rural et périurbains Bonjour Ce questionnaire vous est proposé par l association le SATO-Picardie. Il concerne les usages de produits psychoactifs et les besoins éventuels des usagers de produits résidant en zone rurale et dans des petites villes. Il est anonyme, strictement confidentiel, et les réponses sont protégées par le secret statistique (loi n du 7 juin 1951). Vous êtes libre de choisir de répondre ou non. Votre participation ou non à l enquête n influencera en rien l attention que nous vous porterons si vous faites appel à nous. Si vous choisissez de répondre, faites-le le plus sincèrement possible. Vous pouvez répondre seul à ce questionnaire, mais la personne qui vous l a proposé se tient à votre disposition pour vous aider en cas de besoins. Faites-le lui savoir. MERCI! CONSOMMATION DE PRODUITS PSYCHOACTIFS Au cours des trente derniers jours 1. Au cours des 30 derniers jours, à quelle fréquence avez-vous consommé les produits suivants? Pour les produits que vous n avez pas consommés, cochez «jamais». Jamais Au -1 fois ce mois Au -1 fois par semaine Tous les jours => Si tous les jours, précisez combien de prise par jour : Cannabis => Préciser /jours :... joints bangs Tabac => Préciser combien/jours. Alcool => Préciser combien de verres /j.... Ecsta./MDMA Speed Cocaïne Champi LSD& hallu Crack Kétamine Ballons Opiacés Subutex* Méthadone* * Hors prescription médicale 2. Si vous avez consommé de l alcool, combien de fois avez-vous été ivre dans les 30 derniers jours? Jamais 1 ou 2 fois 3 à 9 fois (par ex : tous les week-ends) 10 à 19 fois 20 à 29 fois (presque tous les jours) Tous les jours 3. Dans les 30 derniers jours, avez-vous pris au moins 3 produits différents au cours d une même soirée? Oui, une fois Oui, plusieurs fois Non -> allez à la question 5 4. Si oui, citez la dernière association de produits que vous avez effectuée (= ou + de 3 produits).. 110

112 5. Pour certains produits, pensez-vous que vos consos sont Problématiques (sans dépendance), pour quels produits Je suis dépendant, de quels produits :..... Non problématique Je ne sais pas 6. Au cours des 30 derniers jours, dans quels contextes avez-vous pris les produits suivants? Plusieurs réponses possibles En festif Seul Entre amis, conjoint En famille Au travail Cannabis Tabac Alcool Ecsta. / MDMA Speed Cocaïne Champi LSD&hallu Crack Kétamine Ballons Opiacés Subutex* Métha.* * Hors prescription médicale 7. Lors des 30 derniers jours, comment avez-vous consommé les produits suivants? Pour ceux non consommés ne cochez rien. Plusieurs rép. possibles. Voix Fumé Orale* Inhalé Sniffé Injecté Cannabis Ecstasy / MDMA Speed Cocaïne Champi LSD&hallu Crack Kétamine Ballons Opiacés Subutex** Métha.** * voix orale= bu, mangé, sous la langue ** Hors prescription médicale Au cours de la VIE 8. Cochez les produits que vous avez déjà consommés au moins une fois dans votre vie, et précisez votre âge au début de vos consommations: Tabac début :. ans Cannabis/beuh début :. ans Alcool début :. ans Ecstasy/MDMA début :. ans Speed, début :. ans Cocaïne début :. ans LSD début :. ans Champi début :. ans Autres hallu. début :. ans Crack/free base début :. ans Kétamine début :. ans Ballons début :. ans Ice/cristal début :. ans Opiacés&dérivés début :. ans (rachacha, opium, codéïne, héroïne) Méthadone * début :. ans Subutex * début :. ans Autres médicaments détournées, préciser Autres,préciser.. * Hors prescription médicale 9. Avez-vous déjà eu une mauvaise expérience suite à la prise d un produit (bad trip)? Non Oui, pour quel(s) produit(s) Avez-vous sniffé pour consommer des drogues au cours de votre vie? Oui mais pas cette année Oui, cette année mais pas ce mois-ci Oui, ce mois-ci Non -> allez à la question Si vous avez sniffé cette année, avezvous déjà partagé votre matériel? Une fois Plus d une fois Jamais -> allez à la question Si oui pourquoi? (plusieurs rép. pos.) Par manque de paille Par convivialité ou rituel Je ne connais pas les risques On penserait que je n ai pas confiance Autre, précisez. 111

113 9. Avez-vous déjà eu une mauvaise expérience suite à la prise d un produit (bad trip)? Non Oui, pour quel(s) produit(s) 10. Avez-vous sniffé pour consommer des drogues au cours de votre vie? Oui mais pas cette année Oui, cette année mais pas ce mois-ci Oui, ce mois-ci Non -> allez à la question Si vous avez sniffé cette année, avezvous déjà partagé votre matériel? Une fois Plus d une fois Jamais -> allez à la question Si oui pourquoi? (plusieurs rép. pos.) Par manque de paille Par convivialité ou rituel Je ne connais pas les risques On penserait que je n ai pas confiance Autre, précisez. 13. Avez-vous déjà utilisé l injection pour consommer des drogues dans votre vie? Oui mais pas cette année-> allez à 18 Oui cette année mais pas ce mois-ci Oui ce mois ci Non -> allez à la question Si vous avez utilisé l injection cette année, avez-vous déjà partagé votre matériel (seringue, cuillère, coton )? Jamais -> allez à la question 16 Une fois Plus d une fois 18. Pensez-vous être suffisamment informé sur les produits et leurs effets? Oui Non, sur quels sujet ou produits voudriez-vous des infos. 19. Si oui, comment avez-vous eu ces informations? Plusieurs répons. possib. Flyers, documents Famille Amis, conjoint Intervention collective en milieu scolaire Médecins, infirmier, psy Au Sato Site internet, préciser. Autre, préciser. 20. Avez-vous éprouvé au moins 1 fois le besoin d un soutien ou d un conseil lié à votre consommation de produit(s)? Oui Non -> allez à la question Si oui, avez-vous pu obtenir de l aide? Non Oui auprès d amis, d un(e) conjoint(e) Oui par ma famille Oui au Sato Oui par un médecin ou infirmier Oui auprès d une structure de quartier Oui, préciser par qui 22.Si non pourquoi?(plusieurs rép. pos.) Je ne sais pas à qui m adresser Pas de structure accessible Crainte d être vu comme un toxico, des commérages Je ne souhaite pas en parler Autre, préciser. 15.Si oui pourquoi? (plusieurs rép. pos.) Par manque de kits Par convivialité ou rituel Je ne connais pas les risques On penserait que je n ai pas confiance Autre, précisez. 16. Avez-vous déjà réutilisé votre matériel cette année (seringue, cuillère, coton )? Non -> allez à la question 18 Oui 17.Si oui pourquoi? (plusieurs rép. pos.) Par manque de kits Je n ose pas acheter/prendre des kits Par économie Je ne connais pas les risques Je ne sais pas Autre, précisez. SANTE 23. Avez-vous déjà parlé de vos consommations avec un médecin? Jamais Oui, mais pas actuellement Oui, suivi actuellement -> allez à la Si vous ne consultez pas actuellement, pourquoi? (plusieurs réponses possibles) Pas de consommation Je n en ressens pas le besoin Peur de la réaction du médecin Crainte des ouï-dire, de la rumeur Mauvaise expérience/ refus de soins Peur des conséquences sur ma famille Trop cher Trop loin, pas de mode de transport Suivi trop contraignant Autre, préciser

114 25. Si vous avez déjà consulté un ou plusieurs médecin(s), s agissait-il (plusieurs réponses possibles) Médecin de famille, de proximité Médecin d une ville proche Médecin d un service hospitalier Médecin du Sato Médecin psychiatre Médecin du travail Autre, préciser. 26. Actuellement, prenez-vous un traitement de substitution aux opiacés prescrit par un médecin? Non -> allez à la question 28 Oui, méthadone Oui, subutex /buprénorphine Autre, précisez Si oui, rencontrez-vous des problèmes avec votre traitement? Non Oui, préciser. 28. Avez-vous déjà pratiqué ces tests de dépistage au cours de votre vie? VIH :Oui, dernier dépistage (année) Non Hépatites : Oui, dernier dépistage Non 29. Si oui, êtes-vous allé chercher les résultats? VIH : Oui Hépatites : Oui Non Non 30. Quelle est votre couverture de santé? Sécu + mutuelle complémentaire Sécu sans mutuelle complémentaire Mutuelle des parents/tuteurs CMU-C ou AME Aucune Je ne sais pas 32. Actuellement, vivez-vous Dans un hameau ou un petit village (sans médecin ni pharmacie) Dans un village (avec médecin et pharmacie) Dans une petite ville ou ville moyenne Dans une grande ville ou en banlieue d une grande ville Je suis itinérant (moins de 2 mois au même endroit) 33. Quelle est votre situation actuelle? Salarié Etudiant Indépendant Collégien Au chômage Lycéen Inactif 34. Quelle est l'origine principale de vos ressources sur les 6 derniers mois? Activité rémunérée continue Activité rémunérée intermittente Stage, jobs, chantier d insertion ASSEDIC RSA AAH (Allocation adulte handicapé) Ressources provenant d'un tiers Autre ressources (y compris sans revenus) préciser En moyenne sur les 6 derniers mois, à combien estimez-vous vos ressources par mois? Moins de 500 euros Entre 500 et 700 euros Entre 701 et 1000 euros Entre 1001 et 1500 euros Entre 1501 et 2000 euros Plus de 2000 euros 36. A combien estimez-vous votre budget par mois pour vos consommations de produit(s)?... /mois LOGEMENT ET RESSOURCES 31. Dans quelles conditions êtes-vous logé actuellement? Logement durable autonome Logement durable, chez des proches Provisoirement chez des proches Provisoirement en institution (foyers, appartement thérapeutiques, etc.) Dans un squat, dans un camion, une voiture A la rue, une tente, sans logement Autre, précisez GENERAL 37. Sexe : Homme Femme 38. Age : ans 39. Code postal (5 chiffres) : _ 113

115 ET LE MOT DE LA FIN EST POUR VOUS SI VOUS VOULEZ AJOUTER QUELQUE CHOSE : MERCI! Ce projet est coordonné par Anne SOLER du SATO. N hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez nous parler de votre situation et de vos difficultés ou si vous souhaitez plus d informations sur notre démarche et notre association. Il vous suffit d appeler au: ou au Ou de nous laisser un sato.soler.a@orange.fr Je vous rappelle que cette étude a pour objet de favoriser l accès à nos services de soins, de réductions des risques et de prévention aux personnes résidant en zones rurales de l Oise. Nous pensons que pour faire au mieux, nous avons besoin de vos idées et de vos témoignages. Nous sommes à votre écoute et pouvons éventuellement nous déplacer. Le CAARUD Le Tamarin Le fusain Ailé A remplir par l enquêteur Pour plus d info sur le SATO : N de l entretien : Jour de l entretien / / Nom (ou code) de la personne proposant l entretien Modalité de rencontre avec l entretenu : Amis/connaissances Usagers consultant un CSAPA Usagers CAARUD Espace festif Rencontre boule de neige Autre, précisez Lieu de passation de l entretien Rue/squat Logement CSAPA, préciser CAARUD Maraude Milieu festif Autre, précisez 114

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