REVUE DE JURISPRUDENCE RESTRUCTURATION SOCIALE
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- Amélie St-Louis
- il y a 6 ans
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1 REVUE DE JURISPRUDENCE RESTRUCTURATION SOCIALE
2 REVUE DE JURISPRUDENCE SOCIALE JEANTET Avril 2017 Périmètre de reclassement des salariés : la Cour de cassation confirme Cour de Cassation, 21 avril p. 3 A quelles conditions un PSE peut-il prévoir des mesures spécifiques à certaines catégories de salariés? Cour de Cassation, 20 avril p. 4 L octroi de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche n est pas automatique Cour de Cassation, 22 mars p. 5 L absence ou l insuffisance du PSE doit être examinée en priorité par le juge administratif Conseil d Etat, 15 mars p. 6 L absence de délégation de pouvoir du président du CE ne rend pas irrégulière la procédure d information-consultation Cour administrative d appel de Paris, 31 mars p. 7
3 PERIMETRE DE RECLASSEMENT DES SALARIES : LA COUR DE CASSATION CONFIRME La Cour de cassation revient, dans un arrêt du Le 21 avril , sur l étendue de l obligation de l employeur en matière de reclassement. Les faits de l affaire dont elle a eu à connaître se présentait de la façon suivante. 22 salariés d une société en liquidation judiciaire, faisant partie d un groupe de sociétés, avaient été licenciés pour motif économique. Contestant la rupture de leur contrat de travail, ils avaient saisi la juridiction prud homale en prétendant que le liquidateur judiciaire avait violé son obligation de reclassement dans la mesure où il avait omis de rechercher des postes de reclassement au sein de la société propriétaire de 50% des actions de la société holding de tête du groupe. Le liquidateur se défendait en faisait valoir que cette société n entrait pas dans le périmètre du groupe. La Cour d appel a statué en faveur des salariés, après avoir constaté que le secteur d activité de la société actionnaire de la holding de tête n empêchait pas la permutabilité des salariés d une société vers l autre. Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation. Il est reproché aux juges d appel de s être déterminés en prenant en compte un critère impropre à caractériser la permutabilité du personnel. Dans son arrêt du 21 avril 2017, la Cour de cassation prend soin de rappeler que «le périmètre à prendre en considération pour l exécution de l obligation de reclassement comprend l ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l organisation ou le lieu d exploitation leur permettent d effectuer la permutation de tout ou partie du personnel». Dès lors, le point de savoir si les deux sociétés appartenaient ou non au même secteur d activité importait peu. Dans le cadre de son obligation de reclassement, l employeur doit agir avec pragmatisme en faisant porter son examen sur l ensemble des entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent aux salariés susceptibles d être licenciés la possibilité d'exercer des «fonctions comparables» ou des «emplois équivalents». Par cet arrêt, la Cour de cassation persiste et signe en confirmant sa jurisprudence récente 2 qui est elle-même en totale cohérence avec celle du Conseil d Etat 3. 1 Cass, Soc, 21 avril 2017, n ; n Cass. Soc, 16 novembre 2016 n à ; Cass. soc, 7 mars 2017 n
4 A noter qu ici le groupe n'est pas celui défini par le code de commerce. Le critère qui importe à la chambre sociale de la Cour de cassation est celui tiré de la «permutabilité de l'emploi». En droit commercial, le groupe est essentiellement appréhendé du point de son organisation (filiales, participations et sociétés contrôlées), ainsi qu il ressort des articles L et suivants du code de commerce, ou dans le cercle du droit comptable avec les articles L et suivant du code de commerce consacrés aux comptes consolidés. A QUELLES CONDITIONS UN PSE PEUT-IL PREVOIR DES MESURES SPECIFIQUES POUR CERTAINES CATEGORIES DE SALARIES? Après avoir refusé une mesure de cessation anticipée d activité, un salarié de la société Shell est licencié pour motif économique dans le cadre d un PSE. Double peine pour lui puisqu outre le fait d être licencié, il se voit priver du bénéfice des dispositions du PSE relatives aux indemnités pécuniaires plus favorables et aux aides à la recherche d emploi, mesures exclusivement réservées aux salariés de moins de 55 ans selon le PSE. Se prétendant discriminer, le salarié saisit le conseil de prud hommes d une demande de dommages en raison de l inégalité de traitement dont il a été victime par rapport à ses collègues âgés de moins de 55 ans. La cour d appel lui a donné gain de cause. L employeur décide de se pourvoir en cassation. L employeur fait valoir que son PSE a été édicté dans le respect du code du travail dans la mesure où un PSE peut valablement contenir des mesures réservées à certaines catégories de salariés, dès lors que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique sont traités de la même façon. Or, tel était le cas, prétendait-il, de tous les salariés de 55 ans et plus dont les postes étaient supprimés en application du PSE. Dans son arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi. La Cour de cassation ne conteste pas qu un PSE puisse prévoir des mesures réservées à certains salariés mais c est à la condition que «tous les salariés de l entreprise placés dans une situation identique au regard de l avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables» 4. Quels enseignements de cet arrêt? Appliquer aux salariés relevant d une même catégorie professionnelle les mêmes règles ne suffit pas pour échapper à la violation du principe de l égalité de traitement. Encore faut-il 3 Cons. d Etat, 9 mars 2016, n Cass, Soc, 20 avril 2017, n
5 démontrer que le fait de placer ces salariés dans une situation plus désavantageuse que celle applicable à leurs collègues est justifiée par des raisons objectives. En l espèce, l employeur était incapable de faire cette démonstration. La Cour de cassation a alors pu en déduire que la privation des avantages prévus dans le PSE au détriment des salariés de 55 ans et plus ne tendait en fait qu à un objectif, les inciter à accepter la mesure de cessation anticipée d activité. L OCTROI DE DOMMAGES-INTERETS POUR VIOLATION DE LA PRIORITE DE REEMBAUCHE N EST PAS AUTOMATIQUE Un salarié est licencié pour motif économique. Devant le juge, il conteste le bien-fondé de son licenciement ainsi que la violation par l employeur de la priorité de réembauche dont il bénéficiait. La Cour d appel statue en sa faveur et lui alloue euros de dommages-intérêts. Pour la juridiction d appel, l employeur aurait dû proposer tout poste vacant dans la meure où la priorité de réembauche n est pas liée à une demande de la part du salarié. Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 mars La Cour de cassation s appuie sur l article L du code du travail qui indique que «le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai». Le salarié ne peut donc bénéficier d une priorité de réembauche que s il en fait préalablement la demande. Pour la Cour de cassation, dès lors que le salarié avait été informé, dans sa lettre de licenciement, du fonctionnement de la priorité de réembauche et notamment du fait qu il était nécessaire d en faire la demande afin d en bénéficier, il ne pouvant prétendre au paiement de dommages et intérêts pour violation de l obligation de réembauche de la part de son employeur, alors que lui-même n avait pas demandé à en bénéficier. Du côté de l employeur, il convient de rappeler dans la lettre de licenciement que le salarié licencié pour motif économique a la possibilité de bénéficier d une priorité de réembauche. L employeur n a, et c est le sens de l arrêt du 22 mars 2017, d obligation de proposer les emplois disponibles et compatibles avec la qualification du salarié que si celui-ci a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche. S il ne le fait pas dans les 12 mois qui suivent la date de rupture du contrat de travail, l employeur n a aucune obligation. 5 Cass, Soc, 22 mars 2017, n
6 L ABSENCE OU L INSUFFISANCE DU PSE DOIT ETRE EXAMINEE EN PRIORITE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF Des salariés licenciés ainsi que la CGT ont saisi le tribunal administratif aux fins de voir annulée pour excès de pouvoir la décision de la Direccte ayant homologué le PSE. Les salariés et le syndicat prétendaient que la procédure de consultation du comité d entreprise était irrégulière et que le PSE était insuffisant. Le tribunal administratif a annulé la décision d homologation du PSE rendue par la Direccte. La Cour administrative d appel a confirmé en se fondant notamment sur l insuffisance du PSE. Dans son arrêt du 15 mars , le Conseil d Etat approuve la position des juges du fond. L intérêt de cet arrêt tient au fait qu il précise le rôle du juge administratif lorsque celui-ci est saisi d une requête en annulation d une décision d homologation d un PSE fondée sur plusieurs motifs. Lorsque l entreprise n est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, le juge administratif doit «toujours se prononcer, s il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l absence ou de l insuffisance du plan, même lorsqu un autre moyen est de nature à fonder l annulation de la décision administrative», rappelle le Conseil d Etat. Cette règle, précise le Conseil d Etat, s applique également à lui. En revanche, lorsque l entreprise a été placée en redressement ou en liquidation judiciaire, le juge «n est pas tenu de se prononcer, s il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l insuffisance du plan, si cette requête soulève un autre moyen de nature à justifier la décision d annulation de la décision attaquée». Comment expliquer que la règle soit différente selon que l entreprise soit ou non en procédure collective? Lorsque l entreprise n est pas sous le coup d une procédure collective, l annulation en raison de l absence ou de l insuffisance des mesures du plan entraine un régime de réintégration et d indemnisation plus favorable pour le salarié que lorsque l annulation est prononcée pour un autre motif 7. Ainsi, lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration ou lorsque celle-ci est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l employeur qui ne peut être inférieur aux salaries des 12 derniers mois. Cette règle ne s applique pas lorsque l entreprise est placée en redressement ou en liquidation judiciaire dans la mesure où le législateur n a pas prévu de règles d indemnisation particulières selon le motif d annulation. 6 Conseil d Etat, 15 mars 2017, n Articles L et L du code du travail
7 L ABSENCE DE DELEGATION DE POUVOIR DU PRESIDENT DU COMITE D ENTREPRISE NE REND PAS NECESSAIREMENT IRREGULIERE LA PROCEDURE D INFORMATION-CONSULTATION Le comité d entreprise d une société a saisi le tribunal administratif de Paris afin d obtenir l annulation de la décision par laquelle la Direccte a homologué le document unilatéral fixant le PSE de la société. Le tribunal administratif a, une décision du 16 novembre 2016, rejeté la demande du comité d entreprise. Ce dernier a alors décidé d en interjeter appel en se fondant sur l irrégularité de la procédure d information-consultation dans la mesure où la responsable des ressources humaines de l entreprise ne disposait pas de délégation de pouvoir pour présider le comité d entreprise. Dès lors, pour le comité d entreprise, la responsable des ressources humaines ne disposait ni de l autorité, ni de l autonomie suffisante par rapport à sa hiérarchie pour mener à bien la procédure d information consultation. Le comité d entreprise en déduisait que cela avait nui à sa bonne information. De façon quelque peu attendue, la Cour administrative d appel de Paris a, par arrêt du 31 mars , a débouté le comité d entreprise. Les juges ont considéré que l absence de délégation de pouvoir pendant la période d information consultation du comité d entreprise n est pas «en elle-même, de nature à porter une atteinte à la régularité de la procédure d une gravité telle qu elle vicie cette procédure et la décision d homologation subséquente». Dans les faits, la responsable ressources humaines, exerçait ses fonctions et présidait le comité d entreprise depuis 3 ans, sans que les membres du comité n aient remis en cause sa qualité pendant la procédure. Dès lors, en l absence de contestation, la Cour administrative d appel a valablement retenu que «l administration, à laquelle il n appartient au demeurant pas de se prononcer sur la validité de l habilitation délivrée par l employeur» a pu considérer que la responsable ressources humaines «était régulièrement habilitée à exercer la présidence du comité d entreprise». La procédure d information-consultation des IRP est au cœur de la majorité des contentieux portés devant les juges administratifs mais ceux-ci sont assez réticents à faire droit aux demandes d annulation des décisions des Direcctes en application de l adage «pas de nullité sans grief». Le régime des nullités en droit administratif est, en effet, assez restrictif 8 Cour administrative d appel de Paris, 31 mars 2017 n 17PA00210
8 car il tend à sauvegarder l acte administratif, en l occurrence la décision de la Direccte homologuant ou validant l accord collectif ou le document unilatéral fixant le PSE. Le pragmatisme est donc de rigueur parmi les juges administratifs. L arrêt de la Cour administrative d appel de Paris en est une nouvelle illustration.
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