PREVOYANCE OBLIGATOIRE - EXONERATIONS FISCALES ET SOCIALES ENGAGEMENT UNILATERAL La prévoyance fait partie de la protection sociale complémentaire qui est constituée de l'ensemble des garanties collectives dont bénéficient les salariés, les anciens salariés et leurs ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la Sécurité sociale (article. L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale). La loi n 2013-504 du 14 juin 2013, reprenant les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, a posé le principe d'une généralisation de la couverture complémentaire portant sur le remboursement des frais de santé à tous les salariés du secteur privé. A cet égard, le texte prévoit la mise en place de cette couverture complémentaire collective et obligatoire par voie de négociations au niveau de la branche, ou à défaut, au niveau de l'entreprise, au plus tard le 1 er janvier 2016. 1. LA MISE EN PLACE D UN REGIME DE PREVOYANCE A LE SUPPORT JURIDIQUE CHOISI En application de l article L.911-1 du Code de la Sécurité sociale, la mise en place d une couverture de prévoyance dans l entreprise peut se faire selon plusieurs modalités : - soit par voie de convention ou accord collectif ; - soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d un projet d accord proposé par l employeur ; - soit par une décision unilatérale de l employeur constatée dans un écrit remis par celuici remis à chaque intéressé. Ce choix n est d ailleurs pas anodin puisque de la manière dont le dispositif de prévoyance est mis en place dans l'entreprise (convention, accord collectif, référendum ou décision unilatérale de l'employeur) dépend le caractère obligatoire ou facultatif de l adhésion au régime pour le salarié. a) Par accord collectif La mise en place d une couverture complémentaire prévoyance par accord collectif constitue un accord de l entreprise vis-à-vis des salariés. Ni l employeur, ni les salariés ne peuvent s y soustraire. En effet, en pareille hypothèse, le système créé s impose tant en ce qui concerne l adhésion que le paiement de la part salariale. La jurisprudence est sur ce point constante et considère que le salarié ne peut refuser de cotiser ou d être affilié lorsqu a été conclu un accord collectif avec ses représentants en vue de la mise en place d un régime de prévoyance (Cass. Soc., 5 juin 1986, n 83-44.750). 1
b) Par référendum En principe, la ratification à la majorité des intéressés donne un caractère obligatoire au régime de prévoyance qui s impose ainsi aux salariés et engendre pour ces derniers une adhésion et une cotisation obligatoires. La jurisprudence précise à cet égard que l accord du personnel par ratification est opposable à l ensemble des salariés et s impose à chacun d eux dès lors que le projet a été ratifié à la majorité des inscrits (Cass.Soc., 15 novembre 2011, n 10-20.891). Le salarié ne peut donc pas en pareille situation refuser son adhésion, ni refuser le précompte de sa quote-part de cotisations. c) Par décision unilatérale de l employeur Le législateur admet la possibilité pour l employeur d instaurer des couvertures sociales complémentaires par décision unilatérale, comme en l espèce. La décision unilatérale doit être constatée dans «un écrit remis par l employeur à chaque intéressé» (article L.911-1 du Code de la Sécurité sociale). La décision unilatérale n a cependant pas de force obligatoire pour les salariés présents avant la mise en place de la couverture prévoyance. Cela résulte notamment de l article 11 de la loi Evin du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques qui prévoit que : «Aucun salarié employé dans une entreprise avant la mise en place, à la suite d'une décision unilatérale de l'employeur, d'un système de garanties collectives contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ne peut être contraint à cotiser contre son gré à ce système». Il s infère des éléments qui précèdent que seuls les salariés embauchés postérieurement à la mise en place du régime sont tenus d y adhérer et les salariés qui appartenaient à l entreprise au moment de la mise en place par décision unilatérale peuvent refuser le précompte des cotisations et ne pas adhérer au contrat de groupe. La jurisprudence a d ailleurs confirmé l absence de force obligatoire de ce mode opératoire (Cass. Soc., 5 juin 1996, n 93-42.653). En revanche, tous les salariés embauchés postérieurement à la mise en place de la couverture prévoyance devront obligatoirement y adhérer et s acquitter le cas échéant de leur quote-part de cotisation. En l espèce, il s agit ici d une décision unilatérale à durée déterminée d un an ; ce qui implique qu en principe l arrivée du terme met fin à son application, sans que l'employeur soit tenu de procéder à l'information des salariés concernés et des représentants du personnel (Cass.Soc., 18 mai 2011, n 10-10.605). 2
B DETERMINATION DES BENEFICIAIRES Le texte mettant en œuvre le régime doit définir les salariés bénéficiaires. Cette définition doit être objective afin de répondre aux exigences de caractère collectif en matière d exonérations de charges sociales fixées par le décret n 2012-25 du 9 janvier 2012. Ainsi, l article R.241-1-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que seule une ou plusieurs catégories de salariés puisse être couverte par le dispositif sous réserve que ces catégories permettent de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées. Une catégorie est définie à partir des critères objectifs suivants : - «L'appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l'utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l'article 36 de l'annexe I de cette convention ; - Les tranches de rémunérations fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite issus de la convention nationale mentionnée au 1 ou de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 ; -L'appartenance aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au livre deuxième de la deuxième partie du code du travail ; -Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d'autonomie dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords mentionnés au 3 ; - L'appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession ; Ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l'âge ou, sous réserve du dernier alinéa de l'article R. 242-1-2, de l'ancienneté des salariés.» Le Code de la Sécurité sociale prévoit en outre la possibilité de prévoir des garanties plus favorables au bénéfice de certains salariés en fonction des conditions d exercice de leur activité, qui ne remet pas en cause le caractère collectif du régime (article R.241-3 du Code de la Sécurité sociale). En outre, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une série arrêts publiés au bulletin en date du 13 mars 2013 en précisant que l institution de régimes de prévoyance différents selon les catégories professionnelles ne heurte pas le principe de l'égalité de traitement : «Attendu cependant qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en œuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle» (Cass.Soc., 13 mars 2013, n 11-20490. 11-20492). 3
En l espèce, la décision unilatérale instituant un régime de prévoyance au sein d OPEN Services a prévu que les conjoints des assurés sociaux puissent bénéficier à titre facultatif du régime de prévoyance avec une part salariale à hauteur de 1,27%.. Cette disposition ne semble pas contraire à la réglementation en vigueur. Il en est de même des planchers de cotisation minimum et maximum mis en œuvre concernant la part salariale des assurés. Enfin, les délais de réponse fixés quant à l envoi du courrier d adhésion semblent raisonnables. 2. LE STATUT FISCAL ET SOCIAL DES COTISATIONS LIEES AU REGIME DE PREVOYANCE a) Le statut fiscal 1. Le statut actuel Les cotisations et primes versées pour financer des prestations complémentaires de prévoyance constituent pour l employeur une charge déductible au regard de l impôt sur les sociétés. S agissant de l impôt sur le revenu, sous certaines conditions et limites, les cotisations du salarié sont fiscalement déductibles et les cotisations des employeurs (qui constituent un avantage) ne sont pas considérées comme un revenu supplémentaire. Il est ainsi prévu un plafond annuel global de déductibilité (article 163 du Code général des impôts), et à l intérieur de celui-ci un plafond spécifique est fixé concernant les cotisations au régime de prévoyance complémentaire, auquel le salarié est affilié à titre obligatoire. Ainsi sont déductibles du revenu brut catégoriel (article 83 du Code général des impôts) les cotisations au régime de prévoyance complémentaire auquel le salarié est affilié à titre obligatoire. Il s agit bien ici du revenu brut à prendre en compte. Ce point n a semble-t-il pas été modifié par le projet de loi de finances pour 2014. Le plafond s apprécie en tenant compte des cotisations salariales et patronales. Ce plafond est égal à 7% du plafond annuel de la sécurité sociale (2.592,24 en 2013), plus 3% de la rémunération annuelle. Le total ne peut excéder 3% de 8 fois le plafond de la sécurité sociale (soit 8.888 en 2013) (article 83 du Code général des impôts). Ces règles de déductibilité fiscale ne s appliquent que si le régime est obligatoire pour les salariés et concerne l ensemble des salariés ou tout au moins une catégorie d entre eux. L employeur doit également participer au financement et le contrat de prévoyance doit être un contrat dit «responsable». Il s en infère qu actuellement, le salarié déclare au titre de l'impôt sur le revenu les montants bruts des salaires et avantages en nature ou en argent qu'il perçoit, auxquels il faut déduire notamment les cotisations ou primes versées aux régimes de prévoyance complémentaire et destinées à indemniser le salarié de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident. 4
Cette exonération à l'ir concerne aussi bien la part versée par le salarié, que celle versée par l'employeur. 2. Le statut fiscal à l aune du projet de loi de finances pour 2014 Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit la suppression de l'exonération fiscale de la participation de l'employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. Ainsi, l article 5 du projet de loi de finances pour 2014 prévoit que : «L article 83 du code général des impôts est ainsi modifié : [ ] Les cotisations à la charge de l employeur correspondant à des garanties portant sur le remboursement ou l indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident sont ajoutées à la rémunération prise en compte pour la détermination des bases d imposition». Le projet de loi de finances pour 2014, adopté par l'assemblée nationale, et qui a fait l'objet d'un vote de rejet, par le Sénat, au cours de sa séance du 27 novembre 2013, a été déposé le 28 novembre 2013 et renvoyé à la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Il a de nouveau été adopté par l Assemblée nationale en date du 13 décembre 2013 et a été discussion devant le Sénat le 17 décembre 2013. Le présent article vise à supprimer l exonération d impôt sur le revenu applicable à la participation de l employeur aux contrats de complémentaire «santé» collectifs et obligatoires, cette participation pouvant être assimilée à un avantage en nature (Rapport n 1619, Assemblée nationale, Commission des finances, de l économie générale et du contrôle budgétaire). Les cotisations versées par les salariés dans le cadre de ces contrats resteraient en revanche déductibles du revenu imposable avantage dont ne bénéficient pas les personnes affiliées à un contrat individuel facultatif, avec un plafond de déduction aménagé en conséquence. Il semble que le législateur entende donc intégrer, dans le revenu imposable à l'impôt sur le revenu que le salarié doit déclarer en fin d'année, les sommes qui sont versées par son employeur au titre des régimes de prévoyance mis en place dans les entreprises. En effet, il considère que la participation de l'employeur à la couverture complémentaire santé constitue un complément de rémunération pour le salarié qui en bénéficie et qu'elle est même assimilable à un avantage en nature. b) Le statut social Les contributions de l employeur destinées à financer des prestations de prévoyance constituent pour le salarié un avantage. Toutefois, en matière de cotisations de sécurité sociale, cet avantage obéit à des règles particulières qui ont pour résultat de l exclure, totalement ou partiellement, de l assiette des cotisations. 5
Pour qu il y ait exonération des contributions patronales, il est nécessaire que : le régime de prévoyance soit institué par accord collectif, référendum ou décision unilatérale de l employeur (comme en l espèce), les garanties bénéficient à titre collectif à l ensemble des salariés ou à une partie d entre eux, à condition qu ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret (article L.242-1 du Code la Sécurité sociale décret n 2012625 du 9 janvier 2012) ; les contributions de l employeur soient fixées à un taux ou montant uniforme pour l ensemble des salariés ou pour tous ceux d une même catégorie ; le régime revêt un caractère obligatoire. Les contributions patronales finançant un régime complémentaire de prévoyance échappent à cotisations dans les limites suivantes (article D.242-1 du Code de la Sécurité sociale) : la somme de 6% du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 2.222 pour l année 2013) et de 1,5% de la rémunération soumise à cotisation ; le total obtenu ne doit pas excéder 12% du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 4.444 ). Il convient de préciser que la prise en charge par l employeur de la part salariale consacrée au financement d un régime complémentaire de prévoyance bénéficie de l exonération dans les limites préalablement fixées (Cass.Soc., 31 octobre 2000, n 98-18.307 ; Cass.Soc., 11 avril 2002, n 00-15.730). 6