CHAPITRE 9 DÉVELOPPEMENTS LIMITÉS Dans ce chapitre, I désignera systématiquement un intervalle de R non réduit à un point. 1 Développement limité d une fonction au voisinage d un point Définition 9.1 Soient f : I R et 0 I. On dit que f admet un développement limité à l ordre n en 0 ou DL n 0 )) si a 0, a 1,..., a n R, f ) = a 0 + a 1 0 ) + + a n 0 ) n + o 0 0 ) n ), ou, de manière équivalente, si P R n [X], f ) = P 0 ) + o 0 0 ) n ). Remarques Dans le cas 0 = 0, on obtient f ) = a 0 + a 1 + + a n n + o 0 n ) = P) + o 0 n ). On peut toujours se ramener à ce cas et on le fera presque systématiquement) en posant h = 0. On obtient alors : f 0 + h) = a 0 + a 1 h + + a n h n + o h 0 h n ) = Ph) + o h 0 h n ). f a un DL 0 en 0 ssi a 0 R, f ) = a 0 + o 0 1), c est-à-dire ssi f a une limite finie en 0. Autrement dit, f a un DL 0 en 0 ssi elle est continue en 0. f a un DL 1 en 0 ssi a 0, a 1 R, f ) = a 0 + a 1 0 ) + o 0 0 ). Comme vu au chapitre précédent, cette condition est équivalent à la dérivabilité de f en 0. Attention, on ne peut pas continuer ainsi : f peut avoir un DL 2 en 0 sans être deu fois dérivable en 0. Proposition 9.2 Soient f : I R, 0 I et n N. Si f admet un DL n en 0, alors f admet un DL p en 0 pour tout p n p N). Théorème 9.3 Soient f : I R, 0 I et n N. Si f admet un DL n en 0, alors ce DL n est unique. Autrement dit, s il eiste P, Q R n [X] tels que f ) = P 0 ) + o 0 0 ) n ) et f ) = Q 0 ) + o 0 0 ) n ), alors P = Q. Lycée du Parc 851 1
Remarques On parlera donc du développement limité à l ordre n de f en 0 s il eiste, bien sûr). Le polynôme P est alors appelé partie régulière du DL n 0 ) de f. Si a m est le premier coefficient non nul de P, i.e. si f 0 +h) = a m h m + +a n h n +o h 0 h n ), on a f +h) h 0 a m h m et a m h m est appelée partie principale du développement limité. Notons que, au voisinage de 0, f est du même signe que la partie principale de son DL. Proposition 9.4 Soient a > 0, f : ] a, a[ R et n N. On suppose que f admet un DL n 0) : f ) = a 0 + a 1 + + a n n + o 0 n ) = P) + o 0 n ). Si f est paire, alors tous les coefficients d indice impair de P sont nuls. Si f est impaire, alors tous les coefficients d indice pair de P sont nuls. 2 Calcul de développements limités 2.1 Intégration d un développement limité Théorème 9.5 Soient f, F : I R et 0 I. On suppose que F est une primitive de f, c est-à-dire que F est dérivable de dérivée F = f. Si f a un DL n en 0 donné par : alors F a un DL n+1 en 0 donné par : f 0 + h) = a 0 + a 1 h + + a n h n + o h 0 h n ), F 0 + h) = F 0 ) + a 0 h + a 1 2 h2 + + a n n + 1 hn+1 + o h 0 h n+1 ). Remarque Attention, cela ne marche pas dans l autre sens : f peut être dérivable et avoir un DL n+1 en 0 sans que f n ait de DL n en 0. 2.2 Formule de Taylor-Young Théorème 9.6 Formule de Taylor-Young Soient n N, f : I R et 0 I. Si f est de classe C n sur I, alors elle admet un DL n en 0 : f ) = n k=0 f k) 0 ) 0 ) k + o 0 0 ) n ). k! Si f est de classe C sur I, elle admet donc un développement limité à tout ordre en 0. Lycée du Parc 851 2
2.3 Développements limités usuels Théorème 9.7 Pour tout n N et α R, on a : e = 1 + + 2 2! + + n n! + o 0 n ) ln1 + ) = 2 2 + 3 3 + 1)n+1 n 1 + ) α = 1 + α + αα 1) 2 + + 2! 1 1 + = 1 + 2 + 1) n n + o 0 n ) n + o 0 n ) sin = 3 3! + + 1)n 2n + 1)! 2n+1 + o 0 2n+2 ) cos = 1 2 2! + + 1)n 2n)! 2n + o 0 2n+1 ). αα 1)... α n + 1) n + o 0 n ) n! 2.4 Méthodes de calcul L énoncé des résultats formels étant etrêmement lourd, on procédera ici en donnant sous forme algorithmique les méthodes et règles à appliquer. Pour commencer, deu principes fondamentau : On se ramène systématiquement en 0 pour simplifier les calculs et les notations). Dans tout ce qui suit, il faudra comprendre o n ) comme o 0 n ). Il faut identifier le terme limitant, c est-à-dire l ordre maimal que l on peut espérer obtenir. L eemple d une somme de développements limités permet de comprendre assez facilement cette idée. 2.4.a Somme de développements limités Les développements limités en 0 de deu fonctions permettent d obtenir un développement limité en 0 de leur somme. L ordre obtenu est le plus petit des ordres de départ. Eemple 9.1 Si f ) = 2 + 3 2 + o 2 ) et g) = 2 2 + 4 3 + o 3 ), le terme limitant est o 2 ) : f ) + g) = 2 + 3 2 + o 2 ) + 2 2 + 4 3 + o 3 ) = 2 + } {{ } 2 + o 2 ) termes "trop petis" On retiendra que si les deu DL de départ sont à l ordre n, le DL de la somme est aussi à l ordre n. 2.4.b Produit de développements limités On peut également obtenir le DL d un produit. L ordre est au moins) égal au plus petit des ordres de départ. Eemples Si f ) = 3 2 + o 2 ) et g) = 2 2 + 4 3 + o 3 ), on obtient : f )g) = 3 2 + o 2 ) ) 2 2 + 4 3 + o 3 ) ) = 2 3 + 4 4 + o 4 ) 6 4 12 5 + o 5 ) + o 4 ) + o 5 ) + o 5 ) = 2 3 2 4 + o 4 ) En pratique, on cherche d abord le terme limitant et on évite de calculer les termes inutiles i.e. ceu qui seront de toute façon «absorbés» par le terme limitant). si f ) = 1 + 3 2 + o 2 ) et g) = 3 + + o), on obtient : f )g) = 1 + 3 2 + 3 + o 3 ) ) 3 + 2 + o 2 ) ) = 3 + 2 + o 2 ) + 9 2 +... = 3 + + 8 2 + o 2 ) Lycée du Parc 851 3
On retiendra que si les deu DL de départ sont à l ordre n, le DL obtenu pour le produit est au moins à l ordre n. Eercice 9.2 Donner un DL 4 en 0 de sin)e. 2.4.c Composition de développements limités Si l on dispose d un DL de f et de g en 0, et si f a pour limite 0 en 0, on peut calculer un DL de g f en 0. Par eemple, supposons que, quand 0, on ait f ) = 2 2 + 3 3 + o 3) et g) = 1 + 2 + 2 + o 2) Pour obtenir un développement limité de g f en 0, on peut poser X = 2 2 + 3 3 + o 3) et, comme X 0 quand 0, écrire que g f )) = gx) = 1 + 2X + X 2 + o X 2). On eprime les termes en X en fonction de : X = 2 2 + 3 3 + o 3) X 2 = 2 2 + 3 3 + o 3)) 2 2 + 3 3 + o 3)) = 4 4 + 12 5 + o 5) ox 2 ) = o 4) puisque X 2. On obtient alors g f )) = 1 + 2 2 2 + 3 3 + o 3)) + 4 4 + 12 5 + o 5)) 2 + o 4 ) = 1 + 4 2 + 6 3 + o 3). On aurait pu remarquer dès le début que X contenait un terme limitant en o 3) et effectuer tous les calculs à cet ordre, ce qui aurait simplifié les choses. Eercice 9.3 Donner un DL 4 en 0 de cos. Eercice 9.4 Donner un DL 5 en 0 de tan. 3 Application au études de courbes Les développements limités sont un outil puissant pour l étude locale de courbes, autant au voisinage d un réel qu en + ou on parle alors de développement asymptotique). 3.1 Position relative d une courbe et de sa tangente Supposons que pour une certaine fonction f, on dispose d un DL 2 0 ) : f ) = a 0 + a 1 0 ) + a p 0 ) p + o 0 ) p ) avec p 2 On sait alors que f est dérivable en 0 et que sa tangente en 0 a pour équation y = a 0 + a 1 0 ). Étudier la position relative de C f et de sa tangente revient alors à étudier le signe de f ) a 0 + a 1 0 )) au voisinage de 0. Ce signe est celui de a p 0 ) p. 3.2 Recherche d asymptotes pour des courbes du type y = f ) La recherche d asymptotes verticales ou horizontales ne pose pas de problème. Pour chercher une éventuelle asymptote oblique disons en + ), on peut utiliser l une des techniques suivantes : on étudie la limite de f ) quand +. Si cette limite n eiste pas ou n est pas finie, alors on ne peut pas avoir d asymptote oblique. Si l on trouve un réel a, on étudie alors la limite de f ) a. Si cette limite eiste et vaut b R, alors y = a + b est asymptote à la courbe de f en + si la limite n eiste pas ou n est pas finie, il n y a pas d asymptote mais seulement une direction asymptotique). on cherche un développement asymptotique de f ) quand + : Lycée du Parc 851 4
si l on n a besoin que de l asymptote, un développement du type f ) = a + b + o + 1) suffit si l on veut également la position relative de C f et de son asymptote au voisinage de +, il faut aller plus loin avec par eemple un développement du type f ) = a + b + c + o ) +. Eemple 9.5 Étudier les branches infinies de f : R R 2 2 3 + 3. On déterminera en particulier la position relative de C f et de ses éventuelles asymptotes. Eemple 9.6 Étudier les branche infinies de f : ]1, + [ R 2 1) ln +1 1). 1 Lycée du Parc 851 5
Eercice 9.7 Travau dirigés Calculer les développements limités suivants et interpréter le résultat. 1. DL 5 0) de e 2 sin) Eercice 9.8 2. DL 4 0) de e 3. DL 2 0) de 4. DL 3 0) de 1+ 2 1+ 1 sin) cos) 1+ 5. DL 2 0) de ln 1+ 1 ) 6. DL 3 2) de 1 7. DL 2 1) de e 8. DL 3 π/4) de cos) 2 2 π 4 9. DL 2 1) de ln 1 + ) Déterminer un DL 4 0) de arctan et de arcsin. Eercice 9.9 On considère la fonction f :] π, 0[ ]0, π[ R 1 sin) 1. Montrer que f est prolongeable par continuité en 0 et que que ce prolongement est dérivable en 0. Eercice 9.10 On considère la fonction f :] 1, + [ R arctan ln1 + )). 1. Justifier que f est de classe C. Eercice 9.11 2. Donner un développement limité à l ordre 3 de f en 0. 3. Montrer que f réalise une bijection de ] 1, + [ sur un intervalle J à déterminer. 4. Montrer que f 1 admet un développement limité à l ordre 3 en 0, puis déterminer ce DL. 1. Montrer que pour tout n N, il eiste un unique n ] nπ π 2, nπ + π 2 [ tel que n = tan n. 2. Montrer que n n + nπ. 3. Justifier que n nπ = π 2 arctan 1 n ), et en déduire que n = nπ + π 2 1 nπ + o n + 4. Déterminer un développement asymptotique à l ordre 2 en 1 n de n. 1 n ). Lycée du Parc 851 6