Automorphisme exceptionnel du groupe sym trique d'un ensemble 6 l ments. Nous allons donner une construction d'un automorphisme exceptionnel de S 6. D'apr s le th or me de H lder c'est le seul groupe sym trique en admettre (voir [Bo, Pe, Su]). La d monstration r side dans le fait que S 6 a deux classes de conjugaison de sous-groupes d'indice 6 (ils sont cependant tous isomorphes S 5 ). La premi re est faite des stabilisateurs d'un point de f1; 2; 3; 4; 5; 6g alors que la deuxi me agit transitivement sur cet ensemble. Un automorphisme int rieur de S 6 pr servera ces deux classes alors qu'un automorphisme ext rieur (i.e. non int rieur) les changera. Nous expliquons dans les deux premi res parties le moyen de construire un sous-groupe de la seconde classe ainsi qu'un automorphisme ext rieur. En troisi me partie nous donnons la structure du groupe Aut(S 6 ), des automorphismes de S 6. Celui-ci est isomorphe Z=2ZnS 6. La d monstration est inspir e de l'article de Lam et Leep [La-Le] qui donne une description approfondie de la structure de Aut(S 6 ), cependant, ma connaissance ce point pr cis ne se trouve nul part dans la litt rature. La quatri me partie donne une m thode pour construire explicitement un automorphisme ext rieur. Enn la derni re partie regroupe quelques remarques et cons quences sur la construction faite ici. 1 Injection non canonique Tout d'abord nous noterons S n le groupe sym trique de f1; ; ng, A n le sous-groupe altern de S n et pour un groupe G, Aut(G) le groupe des automorphismes de G et Int(G) le groupe des automorphismes int rieur de G (i.e. ' est dans Int(G) s'il existe g dans G tel que pour tout h dans G, '(h) = ghg 1 ). On prend comme convention de d signer par e ou id l' l ment neutre d'un groupe. Nous allons exhiber, par trois m thodes di rentes, un sous-groupe N de S 6 dont l'action sur f1; 2; 3; 4; 5; 6g est transitive, en particulier N ne xera aucun point. Les deux premi res m thodes construisent un morphisme injectif : S 5! S 6 en utilisant le lemme suivant : Lemme Si S n agit sur un ensemble m l ments, M, alors cette action donne un morphisme de S n dans S m par num rotation des l ments de M (le noyau de cette action est gal l'intersection des stabilisateurs (S 5 ) x = f 2 S 5 ; ()(x) = xg). La premi re et la troisi me m thodes sont expliqu es dans le livre de Perrin [Pe]. 1.1 Premi re m thode : en utilisant Sylow Fait Le groupe S 5 a 6 sous-groupes de Sylow d'ordre 5. En eet le th or me de Sylow dit que ce nombre est congru 1 modulo 5 et qu'il divise l'ordre de S 5, donc divise 120=5 = 24. Il est gal 1 ou 6. Or 1 est impossible car les seuls sous-groupes distingu s de S 5 sont feg, A 5 et S 5. Notons S l'ensemble des 5-Sylow de S 5. Par Sylow, le groupe S 5 agit transitivement sur S. Cette action donne un morphisme : S 5! S 6, dont le noyau est l'intersection des normalisateurs des 5-Sylow. En particulier c'est un sous-groupe distingu de S 5 d'ordre inf rieur 5. Il est donc trivial i.e. est injectif. De plus (S 5 ) agit transitivement sur f1; ; 6g en particulier ne stabilise aucun point. 1
1.2 Deuxi me m thode : de mani re l mentaire Fait Le groupe S 5 contient un sous-groupe d'ordre 20 (i.e. d'indice 6). En eet soient c = (1; 2; 3; 4; 5) et s = (2; 3; 5; 4). On remarque que scs 1 = c 2. Donc le groupe H =< c >< s > =< c > o < s > est un sous-groupe de S 5 d'ordre 20. Remarque 1 Dans la preuve pr c dente on aurait pu prendre pour H le normalisateur d'un 5-Sylow de S 5. Remarque 2 Le groupe < c > est isomorphe Z=5Zet l'ensemble des automorphismes de Z=5Zest isomorphe Z=4Z. Il est donc naturel de chercher s parmi les 4-cycles. Posons X = S 5 =H, c'est un espace homog ne qui a 6 l ments et le groupe S 5 agit transitivement par translation gauche sur X (pour tout l ment de S 5 et toute classe H de X on pose :(H) = ()H). D'o un morphisme : S 5! S 6. Le noyau de est un sous-groupe normal de S 5 inclu dans H, il est n cessairement trivial et est injectif. De plus la transitivit de l'action de S 5 sur X implique la transitivit de l'action de (S 5 ), d s lors ce groupe ne stabilise aucun point. 1.3 Troisi me m thode : par les automorphismes exceptionnels Je redonne ici des r sultats classiques sur les groupes lin aires projectifs. C'est un survol rapide dans le cas de PGL 2 (F 5 ). Fait Si nous notons F 5 le corps Z=5Z, le groupe PGL 2 (F 5 ) agit transitivement sur la droite projective P 1 F 5. Le groupe PGL 2 (F 5 ) est le groupe des matrices inversibles GL 2 (F 5 ) quotient par son centre : fi; 2 F 5 g. L'espace projectif P 1 F 5 est l'espace des droites vectorielles de F 2 5, c'est dire l'espace F 2 5 n f0g quotient par la relation X X ( 2 F 5 n f0g). L'action lin aire de GL 2 (F 5 ) sur F 2 5 n f0g donne une action de GL 2 (F 5 ) sur P 1 F 5. Elle passe au quotient en une action de PGL 2 (F 5 ) sur P 1 F 5. Comme l'action de GL 2 (F 5 ) sur F 2 5 n f0g est transitive, celle de PGL 2 (F 5 ) sur P 1 F 5 l'est encore. De plus cette derni re action est d le, i.e. fg 2 PGL 2 (F 5 ); 8x 2 P 1 F 5 ; g:x = xg = feg. En eet si g est dans l'ensemble pr c dent, repr sentons-le par l' l ment G de GL 2 (F 5 ), alors 8X 2 F 2 5 n f0g; 9 X 2 F 5 n f0g, G(X) = X X. Un lemme classique montre alors que G = Id avec 6= 0. i.e. g = e. Fait L'action pr c dente donne une injection :PGL 2 (F 5 )! S 6. Et (PGL 2 (F 5 )) agit transitivement sur f1; ; 6g. Il sut de voir que P 1 F 5 6 l ments. On compte facilement le cardinal de P 1 F 5, c'est le choix d'un vecteur non nul divis par le nombre de vecteurs qui lui sont proportionnels c'est dire (5 2 1)=(5 1) = 6. Fait Le groupe PGL 2 (F 5 ) est isomorphe S 5. Le cardinal de PGL 2 (F 5 ) est (5 2 1)(5 2 5)=4 = 120 (c'est le nombre de bases divis par le cardinal du centre, une base est donn e par le choix d'un vecteur non nul et d'un deuxi me vecteur non colin aire au premier). Donc N = (PGL 2 (F 5 )) est un sous-groupe de S 6 d'indice 6 agissant transitivement sur f1; ; 6g. 2
2 Construction d'un automorphisme non int rieur La premi re partie nous a donn un sous-groupe N de S 6 d'indice 6 dont l'action sur f1; ; 6g est transitive (en particulier N n'est le stabilisateur d'aucun point). Faisons agir S 6 sur X = S 6 =N par translation gauche. Cela donne un morphisme de S 6 dans S X tel que l'image de N est le stabilisateur de la classe triviale (i.e. de la classe N). Ce morphisme est injectif parce que son noyau est un sous-groupe distingu de S 6 contenu dans N, donc d'indice sup rieur 6 et parce que S 6 n'a que 3 sous-groupes distingu s : feg, A 6 et S 6. Par num rotation des l ments de X (qui est de cardinal gal l'indice de N), nous avons un automorphisme ' de S 6 tel que '(N ) xe un point, par exemple 6 (quitte changer la num rotation). Remarque : en particulier ' donne un isomorphisme de N sur le stabilisateur d'un point qui est videmment isomorphe S 5, i.e. N = S 5. Fait L'automorphisme ' est ext rieur (i.e. non int rieur). Si ' est int rieur alors il existe 2 S 6 tel que pour tout 2 S 6, '() = 1. Donc si est dans N, '()(6) = 6 = 1 (6), c'est dire ((6)) = (6) donc le groupe N est le stabilisateur de (6). Ce qui est faux par hypoth se. 3 En savoir plus sur le groupe des automorphismes 3.1 Premi res propri t s Pour montrer dans le cas o n est di rent de 6, que le groupe Aut(S n ) est gal au groupe Int(S n ), la preuve classique fait intervenir les lemmes suivants (les preuves sont laiss es en exercice voir [Pe]) : Lemme Soit ' un automorphisme de S n (n quelconque) alors ' est int rieur si et seulement si l'image de toute transposition est une transposition. Il faut ensuite caract riser une transposition par ses propri t s intrins ques. Il est clair que si ' est un automorphisme de Aut(S n ) et une transposition de S n alors '( ) est d'ordre 2, donc un produit de transpositions supports disjoints. D'o l'id e de calculer P n (r) le cardinal des permutations de S n produits de r transpositions supports disjoints. Lemme On a P n (r) = et r = 3. n! 2 r r!(n 2r)! et P n(r) = P n (1) si et seulement si r = 1 ou n = 6 Remarque : le livre de Perrin fait intervenir le cardinal du centralisateur d'un produit de transpositions supports disjoints (plut t que P n (r)). Or deux permutations et de S n sont conjugu es si et seulement si '() et '() le sont, si et seulement si '() et '() ont des d compositions en produit de cycles supports disjoints de m me forme. Ainsi si pour une transposition, '( ) n'est pas une transposition alors cela est encore vrai pour toutes transpositions de S n. Le lemme pr c dent montre donc que si n est di rent de 6, l'image par ' est une transposition. Et pour n gale 6 il montre la : Proposition Si ' 2 Aut(S 6 ) n Int(S 6 ), alors pour toute transposition, '( ) est un produit de trois transpositions supports disjoints. 3
Remarque : dans le livre de Suzuki [Su] on utilise les l ments d'ordre trois. Dans S 6 il y a 2 classes de conjugaison d' l ments d'ordre trois : les trois cycles, not e C 1 et les compos es de deux trois cycles supports disjoints (i.e. qui commutent), not e C 2. Un automorphisme int rieur xe ces deux classes mais un automorphisme ext rieur (non int rieur) les change. En raisonnant avec les trois cycles on peut montrer que Aut(A 6 ) = Aut(S 6 ) (Ind. montrer de la m me mani re qu'avec les transpositions que si un automorphisme A 6 pr serve les trois cycles il est donn par la conjugaison par un l ment de S 6 ). Proposition Le sous-groupe Int(S 6 ) est d'indice 2 dans Aut(S 6 ). En eet prenons '; deux l ments de Aut(S 6 )nint(s 6 ). Alors si est une transposition de S 6, d'apr s la proposition pr c dente, ( ) est un produit de trois transpositions supports disjoints. En appliquant de nouveau la proposition, ' 1 ( ) est une transposition. D'o ' 1 est int rieur et Int(S 6 ) n'a que deux classes gauche. 3.2 Structure du groupe des automorphismes Tout d'abord Int(S 6 ) est distingu dans Aut(S 6 ), cela vient du fait qu'il est d'indice 2 ou du lemme facile de th orie des groupes suivant : Lemme Soit G un groupe alors le groupe Int(G) est distingu dans le groupe Aut(G). De plus Int(S 6 ) est isomorphe S 6 par l'application conj : S 6! Int(S 6 ) (le noyau de conj est le centre de S 6 qui est trivial). D'o la suite exacte : 1! S 6! Aut(S 6 )! Z=2Z! 1 Question : cette suite est-elle scind e, autrement dit le groupe Aut(S 6 ) est-il isomorphe au produit semi-direct Z=2Zn S 6 ou encore existe-t-il un automorphisme ext rieur de S 6 d'ordre 2? R ponse oui! Proposition Le groupe Aut(S 6 ) est isomorphe au produit semi-direct Z=2Zn S 6. Soit ' 2 Aut(S 6 ) n Int(S 6 ), alors ' 2 est une conjugaison par un l ment de S 6 disons. L'image d'un 5-cycle par ' est un l ment d'ordre 5 de S 6 donc un 5-cycle. Ainsi il existe 2 S 6 tel que conj() '((1; 2; 3; 4; 5)) = (1; 2; 3; 4; 5). Quitte remplacer ' par l'automorphisme conj() ' qui est aussi ext rieur, on peut supposer que ' xe le 5-cycle (1; 2; 3; 4; 5). D'o ' 2 = conj() xe aussi ce 5-cycle, i.e. et (1; 2; 3; 4; 5) commutent. Lemme l'ensemble des l ments de S 6 qui commutent avec un 5-cycle est le groupe engendr par ce 5-cycle. Pour le voir on peut compter les 5-cycles de S 6, il y en a 6432 = 144, comme tous les 5-cycles sont conjugu s entre eux, le commutant d'un 5-cycle est de cardinal 720=144 = 5. Ainsi = (1; 2; 3; 4; 5) k et ' 5 = ' 4 ' = conj() 2 ' est un automorphisme ext rieur de S 6 d'ordre 2. Remarque : la preuve pr c dente est inspir e de l'article de Lam et Leep [La-Le]. ma connaissance, ce r sultat ne se trouve nul part dans la litt rature. Remarque : ce produit semi-direct n'est pas direct, i.e. Aut(S 6 ) 6 = Z=2Z S 6. En eet si tel tait le cas il existerait un automorphisme ext rieur commutant avec tous les automorphismes int rieurs. Soit ' cet automorphisme, pour tout ; dans S 6 on aurait '( 1 ) = '() 1 donc 1 '() dans le centre de S 6 et nalement ' trivial. Cela montre aussi que le centre de Aut(S 6 ) est trivial. On en d duit facilement : 4
Proposition Le groupe A 6 est isomorphe par conj un sous-groupe normal de Aut(S 6 ) et Aut(S 6 )= conj(a 6 ) est isomorphe (Z=2Z) 2. Enn si ' est un automorphisme de S 6 alors ' 2 = conj() pour un certain dans conj(a 6 ). Disons juste que conj(a 6 ) est normal dans Aut(S 6 ) si et seulement si A 6 est caract ristique dans S 6 (i.e. invariant par tout automorphisme de S 6 ). 4 Voir un automorphisme ext rieur Pour construire explicitement un automorphisme ext rieur de S 6 la m thode la plus simple (que je connaisse) est d'utiliser une pr sentation du groupe sym trique (voir [Su]). Si on note i la transposition (i; i + 1) (i < n), les i satisfont les relations suivantes : o i et j sont tels que ji jj > 1. ( j ) 2 = ( i i+1 ) 3 = ( i j ) 2 = 1 (1) Proposition Le groupe S n est le groupe de pr sentation ni engendr par n 1 l ments f i g v riant les relations (1). La d monstration peut se faire par r currence (voir [Su] p. 296). Ainsi pour construire un automorphisme de S n il sut de trouver n 1 permutations f i g engendrant S n et v riant les relations (1). Si on pose '((i; i + 1)) = i, par d nition de la pr sentation, ' va se prolonger en un endomorphisme surjectif de S 6, donc un automorphisme. Par exemple pour n = 6, on peut poser (sauf erreurs): '((1; 2)) = (a; b)(c; d)(e; f ) '((2; 3)) = (a; c)(b; e)(d; f ) '((3; 4)) = (a; b)(c; f )(d; e) '((4; 5)) = (a; c)(b; d)(e; f ) '((5; 6)) = (a; b)(c; e)(d; f ) avec fa; b; c; d; e; fg = f1; 2; 3; 4; 5; 6g et v rier que a marche. 5 Cons quences La construction d'un automorphisme donn e ici et le fait que S 6 soit le seul groupe sym trique admettre des automorphismes non int rieurs donne plusieurs remarques amusantes : Remarque 1 Pour n di rent de 5, le groupe S n n'admet pas de sous-groupe d'indice n + 1. Remarque 2 Si p est un nombre premier di rent de 5, alors le nombre de p-sylow de S p est di rent de p + 1 (on peut le calculer explicitement c'est : (p 1)!=(p 1) = (p 2)!). Remarque 3 Pour p premier et di rent de 5, PGL 2 (F p ) n'est pas isomorphe S p (ce qui se voit plus facilement en calculant son cardinal). Remarque 4 Un sous-groupe de S 6 d'indice 6 soit stabilise un point soit agit transitivement sur f1; 2; 3; 4; 5; 6g. En eet un tel sous-groupe : H est isomorphe S 5. Si H ne stabilise aucun point et a plus de deux orbites O 1 ; ; O r, r > 2, alors il est isomorphe un produit direct sous-groupe de S O1 S Or ce qui contredit l'isomorphisme H = S 5. Remarque 5 Comme cons quence du point pr c dent, pour n di rent de 6, tout sousgroupe d'indice n de S n est le stabilisateur d'un point. En eet sinon on pourrait appliquer la construction du point 2 et trouver un automorphisme non int rieur de S n. 5
Remarque culturelle (que je dois M. Geck) Le groupe S 6 est isomorphe Sp 4 (2) le groupe symplectique de dimension 4 sur le corps 2 l ments. Le groupe Sp 4 (2 n ) (groupe symplectique sur le corps 2 n l ments), pour n impair, a toujours un automorphisme exceptionnel d'ordre deux. Il est d'ailleurs exceptionnel de plusieurs points de vue : par exemple, le groupe des points xes par cet automorphisme est le groupe de Suzuki, un groupe ni simple. Enn parmi ces groupes seul Sp 4 (2) n'est pas simple. R f rences [Bo] N. Bourbaki, l ments de math matiques, Alg bre I chapitre I 5 exercices 23, 24, 25, Hermann, 1971. [La-Le] T.Y. Lam, D.B. Leep, Combinatorial structure on the automorphism group of S6, Expositiones Mathematicae 11 (1993) 289-308. [Pe] D. Perrin, Cours d'alg bre, collection de l' cole Normale Sup rieure de Jeunes Filles, n 18, 1981. [Su] M. Suzuki Group Theory I, Springer-Verlag, 1982 6