Les points d appui des prêts-levier Déductibilité des frais d intérêt et diversification rapide du portefeuille sont les deux grands piliers sur lesquels s appuie le prêt-levier. Étendant le concept de compte sur marge aux courtiers à exercice restreint, le Groupe financier BMO, MRS Trust (Mackenzie) et B2B Trust ont articulé la mécanique du levier autour des fonds communs. Une mécanique particulière, à usage ciblé, que l on invite à relier, prudemment, aux fonds à structure de capital de manière à ne pas en atténuer l incidence fiscale. GÉRARD BÉRUBÉ Àl instar du compte sur marge, le prêt-levier consiste «à utiliser l actif afin d acquérir plus d actif», résume Gilles Sinclair, vice-président adjoint Ventes, Groupe Conseillers Financiers, Québec et provinces de l Atlantique de B2B Trust. La filiale «virtuelle» de la Banque Laurentienne exerce le leadership dans ce créneau avec une offre de services étendue rejoignant 12 000 conseillers indépendants. De leur côté, MRS Trust utilise une approche similaire à B@B Trust, FÉVRIER 2003 21
Les points d appui de prêts-levier L emprunt octroyé peut l être avec ou sans rappel de marge et peut atteindre une ou deux fois le capital engagé. alors que le Groupe financier BMO le fait en empruntant la formule du prêt personnel. Le courtier de plein exercice peut proposer à ses clients le comptemarge, reposant sur une politique de prêt supervisé partant d un taux de 50 %, dans le cas des fonds communs, et de 90 % pour certains titres obligataires, en passant par un taux marginal pouvant atteindre les 70 % dans le cas des actions. Le courtier à exercice restreint se voit offrir l outil du prêt-levier, s appuyant sur l achat de parts de fonds d investissement et de fonds distincts servant de nantissement, mais proposant un plus grand éventail de modalités d emprunt et de remboursement. L emprunt octroyé peut l être avec ou sans rappel de marge et peut atteindre une ou deux fois le capital engagé. Il est remboursable en tout temps, sans pénalité, et ses modalités de remboursement périodique peuvent n inclure que l intérêt dû. Enfin, l amortissement s étend de 1 à 20 ans et les intérêts sont calculés à taux variable, selon le taux de base auquel une prime est ajoutée. La marche à suivre est simple : le conseiller remplit le formulaire et donne les instructions d achat à l institution prêteuse. Une fois l étude de crédit complétée et le prêt approuvé, cette dernière procède à l achat de l actif, qui sera retenu en fidéicommis et servira de garantie du prêt. Par la suite, en tout temps et sous certaines conditions, «le cabinet du représentant peut être transactionnel», ajoute Gilles Sinclair. B2B Trust ne réclame aucuns frais aux conseillers. Quant à la formation requise, «on parle, ici, d un permis en OBJECTIF CONSEILLER 22
Les points d appui de prêts-levier Le prêt-levier, comme toute démarche recourant à l emprunt, est destiné à des épargnants et investisseurs capables «de composer avec le risque». épargne collective qui demande 30 heures de formation par année. Nous allons donner, en tant que prêteurs, de la formation sur les différents principes ou aspects du crédit. On peut penser aux «5C», qui font référence à la capacité du client, au capital, au collatéral (nantissement), au crédit et aux caractéristiques du client», résume le spécialiste de B2B Trust. Comme le compte-marge, le recours au prêt-levier consiste à miser sur l effet de levier inhérent à l emprunt afin d amplifier le rendement ou d obtenir plus rapidement une plus grande diversification de son portefeuille. Sur le plan fiscal, l intérêt conséquemment versé sur l emprunt qui a servi à engendrer des revenus est déductible du revenu imposable. On s en doute, l emploi du levier s inscrit dans une stratégie d investissement hors REER, quoique le roulement dans le REER, après remboursement, devienne la suite logique. Le prêt-levier, comme toute démarche recourant à l emprunt, est destiné à des épargnants et investisseurs capables «de composer avec le risque, puisque l effet de levier peut jouer dans les deux sens», insiste M. Sinclair. «Il s adresse à des personnes disposant d une bonne connaissance des marchés et ayant des placements s activant autour d objectifs de long terme. À des personnes financièrement à l aise, pouvant maximiser la déduction fiscale de la dépense d intérêt en raison d un taux d imposition élevé. On peut aussi penser à des personnes qui se disent incapables d épargner si elles ne sont pas contraintes à des remboursements.» Le prêt-levier devient, ainsi, une façon de diversifier ou d équilibrer rapidement un portefeuille trop souvent limité à une résidence principale et à un REER. Il peut également s inscrire dans le cadre d un décaissement de REER pour contrebalancer ou annuler l imposition sur les sommes ainsi retirées. Ou encore transformer des intérêts non déductibles en une dépense admissible. On peut s inspirer en cela de la décision sur les intérêts débiteurs rendue en septembre 2001 par la Cour suprême dans l «affaire Singleton», du nom de cet avocat qui a obtenu gain de cause contre le fisc en transformant les intérêts sur l hypothèque de sa résidence principale en dépenses déductibles. Comme il en a été fait mention dans la chronique «Franchise d impôt» du mois de décembre 2001 dans les pages d Objectif Conseiller, M. Singleton avait retiré 300 000 $ du capital de la société dont il était asso- OBJECTIF CONSEILLER 24
cié. Il a ensuite utilisé cet argent pour acheter une maison et a emprunté le même montant pour rembourser son compte en capital et déduire ainsi la dépense d intérêt puisque l emprunt contracté servait ultimement à engendrer un revenu d entreprise. Cette interprétation a été rejetée par le fisc, un rejet maintenu par la Cour canadienne de l impôt, mais contredit par la Cour d appel fédérale, qui considérait que les différentes transactions de M. Singleton étaient des opérations distinctes. Ce dernier raisonnement a été retenu par la Cour suprême. «Les faits de l affaire Singleton se rapprochent grandement des conseils que des planificateurs financiers donnent à leurs clients sur le point d acheter une maison. Les conseillers recommandent souvent comme stratégie de liquider les placements non enregistrés et d utiliser l argent tiré de la disposition pour acquitter le prix d achat de leur maison ou, à tout le moins, réduire le montant de l hypothèque. Le nouveau propriétaire contracte par la suite un prêt aux fins de placement et rachète les titres dont il a disposé précédemment, ce qui comporte l avantage que les intérêts non déductibles à l égard d un prêt hypothécaire sont remplacés par des intérêts déductibles d impôt», peut-on lire dans une note d interprétation soumise par Gestion de fonds AIM. Mais avant d engager ainsi le capital de notre résidence, pensons aux fonds de placements sectoriels, à structure de capital, a réagi immédiatement Lilly Marcotte. La directrice des opérations et marketing au sein d AXA Services financiers n est pas très entichée du recours au levier en matière d investissement. «Je crois que, pour la très grande majorité des cas, la déductibilité de l intérêt ne vaut pas le risque encouru. Au demeurant, on parle ici de cas d exception, qui s adressent à des personnes très tolérantes au FÉVRIER 2003 25
Les points d appui de prêts-levier «Au demeurant, on parle ici de s adressent à des personnes très et qui disposent d une certaine risque, qui disposent d une certaine aisance financière. On parle d une stratégie que l on peut utiliser uniquement après avoir fait tout le reste.» Quant aux personnes ayant le profil pour utiliser l effet de levier, Mme Marcotte croit que les fonds sectoriels ou incorporés peuvent devenir des produits appropriés. Ils sont offerts par les grandes familles de gestionnaires et structurés de manière à permettre le transfert d une catégorie à une autre sans incidence fiscale et sans qu il y ait disposition présumée. «Ce faisant, on n an- OBJECTIF CONSEILLER 26
cas d exeption, qui tolérantes au risque aisance financière.» nule pas la portée fiscale de la déduction des intérêts», spécifie-t-elle. Encore ici, cette catégorie de fonds, offerte pour la première fois par Fonds CI il y a quatre ou cinq ans mais proposée depuis par les AGF, Mackenzie, Trimark et Templeton de ce monde, a vu sa légitimité être reconnue ou renforcée par la décision rendue dans l affaire Singleton. L élargissement de cette pratique, acceptée auparavant seulement dans le cas de grandes fiducies privées, a été reconnue légalement. Elle échappe donc à la règle anti-évitement. FÉVRIER 2003 27