Finance Islamique : Percée et Risque de dérapage. Colloque ORIANE 2008
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- Rodolphe Leroy
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1 Finance Islamique : Percée et Risque de dérapage Hichem HAMZA Maître Assistant Ecole Supérieure de Commerce de Tunis Université de la Manouba Tunis Tunisie Tél : hichemhamza@yahoo.fr Colloque ORIANE 2008 Organiser les entreprises, les institutions et les associations en présence du risque : innovation, analyse technique et managériale, évaluation et pérennisation sociale Jeudi 13 et 14 novembre 2008 IUT de Bayonne 1
2 Finance Islamique : Percée et Risque de dérapage Résumé En forte croissance, le marché de la finance islamique suscite aujourd hui un vif intérêt, notamment auprès des banques occidentales. En règle générale, la finance islamique respecte des règles économiques et sociales conformes à la charia permettant d'offrir un modèle à la fois éthique et rentable. La crise financière des subprimes, ayant frappé toutes les places financières, n'a pas freiné le développement de la finance islamique qui poursuit une progression à deux chiffres et réalise une percée continentale remarquable. Cette avancée n est pourtant pas à l abri de risques de dérapage par rapport aux principes de la Charia. Mots clés : charia, riba, partage des profits et des pertes, partenariat, banque islamique, éthique islamique. Introduction La finance islamique a pris naissance suite aux crises pétrolières des années 70 avec la masse considérable de liquidités drainée par le recyclage des pétrodollars dans les économies du golfe persique. Durant ces dernières années, ce sont de nouveau les revenus pétroliers qui ont consolidé l expansion de la finance islamique. Cette dernière s affirme comme une réalité incontournable dans le système financier international. Compte tenue de ses spécificités et de ses enjeux, la finance islamique est en voie de redéfinir les pratiques financières et bancaires traditionnelles, dans la mesure où elle propose de nouveaux produits répandant à l éthique islamique, encourage l investissement productif et la prise de risque, enracine la culture de partenariat et accroit les activités sociales. Malgré ce développement spectaculaire, certaines analyses critiquent la véritable moralité de la finance islamique. 1. La réalité du système financier conventionnel L essor du système financier conventionnel au 19 ème siècle s est traduit par une accélération de l accumulation du capital du fait d une rencontre facilitée entre l épargnant et l investisseur par l intermédiation bancaire et les marchés financiers. Le système bancaire classique s articule fondamentalement sur l emprunt de ressources auprès des épargnants moyennant le versement d un intérêt, d une part, et l allocation de ces ressources dans des crédits à l économie sous forme de prêts rémunérés, d autre part. Le système financier et monétaire international trouve ses racines dans ce qu on appelle aujourd hui le capitalisme libéral, qui domine la scène économique internationale depuis deux siècles, sous l influence des écoles libérales et keynésiennes. Le concept du capitalisme s'est précisé lorsque s'est formée l'école capitaliste prônant la liberté économique absolue. Ce système se distingue par l'application du principe de la propriété privée de manière illimitée et se fonde sur l'intérêt individuel et la non-ingérence de l'etat dans la production et la distribution. Le courant socialiste, apparu au 19 ème a combattu vigoureusement les idées des courants libéraux, et donc le système économique libéral. La puissante apparition du socialisme est due aux nombreuses erreurs, crises et inadéquations du système capitaliste. Robert Kuttner, dans 2
3 son livre intitulé La fin du laisser-faire montre que la dérégulation, le désengagement de l État, la liberté ou, plus exactement, la licence donnée au marché financier, ont produit des désastres et ruiné la validité du système capitaliste et libéral. A la fin du vingtième siècle, ce système s est élargi grâce à la globalisation, la déréglementation et la libéralisation financière. L instabilité financière qu a connue ce système a donné lieu à une multitude de crises dont les causes sont multiples. Le survol de l histoire des principales crises financières permet de donner un éclairage sur leurs causes qui portent principalement sur l endettement à travers le système de crédit, la faillite de la régulation prudentielle, le rôle accru des taux d intérêt et le comportement spéculatif. La succession des crises financières, dont la plus récente est celle des subprimes, semblent remettre en cause la stabilité, la transparence et l efficacité du système financier conventionnel. Les difficultés et les faillites bancaires, la volatilité et la fragilité des marchés financiers et l opacité dans le comportement des banques centrales reflètent l état pathologique du système financier international. Aujourd hui, il semble primordial de bâtir un nouveau système financier réglementé et supervisé, qui assure un lien essentiel avec la sphère réelle et capable de maintenir la stabilité financière. Ces critères semblent se trouver dans le système financier islamique. L originalité de ce dernier repose, d une part, sur le rôle majeur du système bancaire comme concepteur d'investissement productif et promoteur des activités sociales. D autre part, le marché financier doit jouer pleinement son véritable rôle de vecteur de croissance et de développement des entreprises. Cette conception se distingue de l approche conventionnelle, dans la mesure où elle dénonce l approche libérale de crédit, interdit la spéculation et exclut les secteurs dits illicites de l ensemble du système financier. Ceci nécessite bien évidement une supervision des Etats qui édictent les règles de fonctionnement propres aux institutions financières. 2. Ethique et progrès de la finance islamique L'Islam s appuie sur les facteurs éthiques, moraux, sociaux et religieux pour défendre l'égalité et l'équité pour le bien de toute la société. La finance islamique est fondamentalement différente de la finance conventionnelle. En effet, le taux d intérêt qui au cœur de la finance de marché est tout simplement interdit en Islam à cause des ses méfaits sur l économie. Dans ce cadre, le système financier islamique cherche à offrir aux sociétés musulmanes des modes alternatifs de mobilisation de l épargne et de financement des besoins des agents économiques, en conformité avec les prescriptions de l islam (Charia). 2.1 Interdiction de l intérêt La prohibition de l intérêt et de l usure ne se limite pas à la religion musulmane, c'est aussi la religion chrétienne et juive qui ont interdis explicitement la pratique du taux d'intérêt. Dans la Grèce antique, Aristote (322 av j. c) qualifie la pratique du prêt à intérêt de détestable dans son ouvrage «la politique» : «Ce qu'on déteste avec le plus de raison, c'est la pratique du prêt à intérêt.» car, le profit qui en résulte est généré par l argent lui-même et ne répond en rien à l objectif pour lequel a été découverte la monnaie. La monnaie a été créée en effet, dans le seul but de permettre les échanges, alors que l intérêt multiplie la quantité même de l argent. C est de là d ailleurs que vient le mot «intérêt» qui est l argent généré par l argent. 3
4 En conséquence cette façon de réaliser des gains est la méthode la plus opposée qui soit à la vraie nature des choses» (Mohammed Boudjellal, 1998) Certains théoriciens considèrent que l'intérêt injuste puisqu'il offre aux prêteurs des revenus sans fournir aucun travail, alors que les entrepreneurs assument seuls le risque de perte. D après Adam Smith (1723) : «Le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de celui qui prête.». Selon Friedman (1969), les monétaristes insistent sur le fait qu'un taux d'intérêt nominal égal à zéro est une condition nécessaire pour une affectation optimale des ressources. Mirakhor (1995) est contre la rémunération de l'épargne par les taux d'intérêts puisqu'il considère que le fait de différer la consommation de l'épargne ne donne pas le droit à recevoir un revenu. Une rémunération n'est acceptable que lorsqu'elle fait l'objet d'une création des capitaux et des richesses supplémentaires. 2.2 Principes Fondamentaux de la finance islamique La finance islamique est structurée autour de grands principes fondamentaux. Le cœur du système se base sur d interdiction de l intérêt (Riba) où aucune transaction financière n autorise le paiement ou la réception d intérêts. Le terme Riba signifie à la fois usure et intérêt qui se traduit par une rémunération fixe et prédéterminée. En effet, selon la loi islamique, l argent doit être généré uniquement par le travail. Toutes les transactions financières doivent se fonder sur une activité économique réelle. Selon le Coran, l'argent n'est qu'un instrument d'échange, et non une réserve de valeur. L'islam rejette donc le profit passif, réalisé sans travail ni prise de risque, en d autres termes «l'argent qui dort». Il y a aussi interdiction de l incertitude, ce qui écarte la spéculation (Gharar, Maysir) et les instruments qui en dérivent. De même il y a interdiction des actifs illicites, c'est-à-dire, aucune transaction financière ne doit être dirigée vers des secteurs non conformes à la Charia, comme l armement, l alcool, le tabac, les jeux d argents. Les entreprises considérées conformes à la charia sont celles qui sont socialement responsables, c est-à-dire qu elles représentent un bénéfice pour la société et non un coût. Pour maintenir une relation étroite avec l économie réelle, la finance islamique exige que toute transaction financière doit être sous-tendue par un actif sous-jacent tangible et identifiable. Enfin, le principe de partage des profits et des pertes selon lequel, les parties d une transaction financière doivent partager les risques et les rendements y afférents (bénéfice ou perte). Le système est basé sur le partenariat et la participation avec une exigence éthique et religieuse de partage des rendements. Le finance islamique dénonce aussi, pour des raisons religieuses, la thésaurisation et encourage les agents économiques à intégrer les circuits économiques productifs. L Islam rajoute aussi une dimension caritative grâce à la gestion de fonds de Zakat ainsi qu à leurs propres donations. Les banques doivent ainsi lutter contre la pauvreté et l exclusion. 2.3 Expansion géographique La finance islamique moderne née dans les années 1960 en Egypte est apparue au milieu des années 1970, avec la création des premières grandes banques islamiques. C est en 1975, face à la montée des «pétrodollars», qu'a été créé le premier grand établissement financier musulman, la Banque Islamique de Développement en Arabie Saoudite, à l'initiative de 4
5 l'organisation de la Conférence Islamique. D autres institutions ont été ensuite créées comme Albaraka Banking Group par Cheikh Saleh Al Kamel, considéré comme l une des références incontournables du développement de la finance islamique. Le marché de la finance islamique a connu une croissance exceptionnelle durant ces dernières années. Cette expansion a été alimentée par la conjonction de divers facteurs comme l'afflux de «pétrodollars» où l augmentation de la manne pétrolière a fait exploser la demande de financement et d investissements islamiques dans la région du Golfe. On trouve aussi le rapatriement des fonds moyen-orientaux vers leurs pays d origine suite aux événements du 11 septembre 2001, l essor économique et la croissance boursière qu a connue la région du golfe persique et le rétablissement des pays de l Asie du Sud-Est après la crise de D autres facteurs ont contribué à cette expansion comme le développement des communautés musulmanes dans les métropoles occidentales, cherchant des services financiers conformes à la Charia, le caractère compétitif de certains produits islamiques, comme les sukuks, qui attirent les investisseurs (musulmans ou non) et la progression du marché de microcrédits dans certains pays. En effet, aujourd hui le nombre d institutions financières islamiques dans le monde est de l ordre de 300 dans plus de 75 pays. Leurs actifs sont évalués à près de 600 milliards de dollars avec une croissance de plus de 15 % depuis les dix dernières années. Elles sont concentrées dans le Moyen-Orient et l Asie du Sud-Est (Bahreïn et la Malaisie étant les principaux centres). Dans le cas de la Malaisie, les principales composantes du système financier islamique, tels que- les opérations bancaires islamiques, l assurance islamique (Takaful), les marchés de devises et les marchés financiers, sont fortement intégrées de manière à créer un système complet ayant une dimension internationale. L intérêt pour la finance islamique s est manifesté aussi pour les banques conventionnelles qui ont lancé des "fenêtres islamiques" et ont créé des filiales spécialisées. Des pays aussi importants sur le plan économique que le Japon, le Royaume-Uni et la Chine pensent sérieusement à renforcer la place de la finance islamique sur leur marché domestique, renforçant d'autant la crédibilité de ce phénomène, constate le rapport de Moody's Investors Services (2008). C est le cas de la place londonienne qui se veut le centre international de la finance islamique. D autres banques ont mis en place des structures répondant aux principes de la Charia comme HSBC, BNP Paribas, Deutsche Bank, City Bank. En Afrique, les pays du 5
6 Maghreb ont été la cible des IDE des pays du golf. Ces projets d envergure sont financés en grande partie par des banques islamiques, comme la Banque NOOR qui vient d ouvrir un bureau de représentation à Tunis. Selon le même rapport de Moody s Investors Services, le marché potentiel de la finance islamique sur le continent africain pourrait s'élever à plus de 235 milliards de dollars américains. A titre d exemple, le Soudan compte 22 banques islamiques et près de 10 milliards d actifs conformes à la Charia. Parallèlement, des organisations internationales comme l'organisation des comptables et vérificateurs des institutions financières islamiques (AAOIFI), le Conseil des services financiers islamiques (IFSB), le Marché financier islamique international (IIFM), et l'agence de notation islamique internationale (IIRA) ont été créées pour harmoniser les pratiques financières et bancaires islamiques. En une trentaine d années la finance islamique, est devenue une industrie prospérant sur toute la planète. «Pourtant, il n'est pas certain que les marchés islamiques les plus prometteurs soient réellement dans le monde arabe, analyse Anouar Hassoune (2004), analyste crédit chez Standard & Poor's. L'Europe représente un marché bancaire islamique potentiel plus important que l'iran ou la Turquie.» 3. Difficultés majeurs et impératif de développement La finance islamique connaît actuellement une croissance exponentielle qu il faut relativiser considérablement par rapport aux volumes et aux actifs de la finance conventionnelle. Alors que les banques s efforcent de proposer des produits rentables sous une étiquette "conforme à la Charia", certaines analyses critiquent la véritable moralité de la finance islamique. Tariq Ramadan (2006) a mis en garde contre «l hypocrisie» qui règne sur ce marché «les promoteurs de la finance islamique ne font en réalité que remplacer le langage financier classique par une terminologie spécifique, en gros, on change les noms, mais on fait la même chose pour viser à réaliser le même rendement que la finance traditionnelle...». Les banques islamiques se sont vues contraintes de s aligner sur les pratiques bancaires classiques tout en essayant, avec plus ou moins de succès, d inscrire leurs interventions dans le cadre des conditions de conformité à la Charia. Cet effort de conciliation entre les usages bancaires traditionnels et les règles religieuses régissant les transactions commerciales et financières a été confronté, dès le début, à des difficultés majeures (Hideur Nasser, 2007). Ces difficultés, conjuguées à une activité limitée de la finance islamique dans la plupart des pays, appellent les différents décideurs à agir pour mettre en place un dispositif de réévaluation et faire avancer cette activité pour le bien de toute la société. Le premier élément concerne le cadre juridique et réglementaire propre aux banques islamiques. Comment appliquer les normes réglementaires internationales aux banques islamiques dont les produits et l activité sont différents de ceux des banques conventionnelles? Les banques islamiques opèrent dans un environnement mixte où la cohabitation avec les banques conventionnelles exige de définir des règles de jeu adéquates et nécessite la revue de l accord de Bâle II. En effet, le Fonds Monétaire International a émis, à plusieurs reprises, des recommandations aux banques islamiques en vue d'une mise en conformité de leurs normes comptables et prudentielles aux référentiels de Bâle et du Comité IAS/IFRS. Anouar Hassoune et Mohamed Damak (Standard & Poor's 2007), déplorent le 6
7 manque de transparence de l information financière, les problèmes de gouvernance et l hétérogénéité des normes comptables utilisées. Au niveau de la gestion des risques, certains risques inhérents aux banques islamiques sont spécifiques et nécessitent une approche différente. Dans le même ordre d idées, pour s assurer de la parfaite adéquation des produits qu elles proposent avec les préceptes islamiques, les banques islamiques se sont dotées de comités religieux indépendants, les "Shariah boards", ou conseils de Charia, qui sont composés de théologiens spécialisés en droit financier. Ces comités certifient que chaque produit est strictement conforme aux principes de la Charia et participent activement au développement et à la surveillance des produits financiers. Ces instances religieuses sont limitées ou sous pression des donneurs d ordre, et présentent souvent des avis divergents quant à la conformité du produit aux prescriptions de la Charia. Pour le même produit, ces divergences sont constatées entre les banques ou les zones géographique plus au moins libérales. Il est impératif d exiger l indépendance et la compétence des comités religieux. Ces derniers peuvent être rattachés directement à l institut d émission ou au ministère concerné. La présence d un seul comité pour l ensemble des banques est, en effet, une garantie pour l ensemble des acteurs. Une autre difficulté concerne le fonctionnement des marchés monétaires et financiers. L interdiction de Riba et de la spéculation fait que la liberté sur les marchés des capitaux soit restreinte. La liquidité est sans doute la faiblesse la plus importante et les instruments de gestion de la liquidité sont souvent des instruments de taux ou des produits dérivés, interdits par la Charia. A titre d exemple, les banques islamiques ne peuvent pas bénéficier du refinancement auprès de la banque centrale. L absence d un marché monétaire islamique accentue les problèmes de cohabitation entre les banques conventionnelles et islamiques. En effet, certaines banques islamiques sont contraintes de réaliser des transactions bancaires sur les marchés internationaux des capitaux basées, naturellement, sur le taux d intérêt (Hacène Benmansour, 1994). Dans le même ordre d idée, la mobilisation de l épargne, dans une conception islamique, n est pas conçue comme de l argent qui apporte un revenu certain, mais comme une réelle prise de risque. En effet, l épargnant ne peut rémunérer son épargne qu en devenant investisseur, autrement dit, en plaçant son épargne non sur un compte classique mais sur un compte d investissement qui prévoit des pertes et des profits. Cette épargne peut être aussi utilisée pour l acquisition d actions en bourse en vue de réaliser une rentabilité à moyen et long terme. Ainsi, pour mieux contrôler les mouvements spéculatifs et la formation des bulles, il paraît raisonnable d imposer une durée minimale de détention de titres financiers et inciter les épargnants à opter pour les comptes épargne-actions. Ceci ne peut que renforcer l esprit de participation et d investissement productif. Au niveau des instruments de financement, les banques islamiques proposent deux catégories d opérations. D une part, les opérations d investissement, qui se spécifient par l application du principe de partage des pertes et des profits (Profit and Losing Sharing PLS), la rémunération n est pas fixée d avance, elle dépende du résultat réalisé. Pour ces opérations, il existe deux techniques de base pour les prises de participation : La Moucharaka dans laquelle la banque et son client participent ensemble au financement d un projet et la Moudharaba où une partie fournit le capital pour un projet, et l autre, le travail (Pascal Grangereau et Mehdi Haroun, 2004). 7
8 Sources : Rapport moral sur l argent dans le monde (2005), Association d'economie Financière D autre part, les opérations commerciales qui ne sont pas basées sur le principe de PLS. Elles comprennent essentiellement la Mourabaha et ses variantes (Bay Mouajel, Salam ). L institution financière joue le rôle d un intermédiaire commercial, achetant des marchandises nécessaires à ses clients et les leur revendant en différé moyennant profit. En pratique, la majeure partie des financements bancaires se fait par Mourabaha, résultat qui se vérifie au niveau de l ensemble des banques islamiques. En fait, cette technique ne fait pas l unanimité quant à sa légitimité (Hacène Benmansour, 1994), dans la mesure où il y a deux ventes dans une seule et même opération, ce qui rend la structure plus chère, avec des coûts plus élevés de mise en place des garanties demandées par les banques. Dans ce cadre et afin d avoir plus de légitimité, la suppression de l intermédiation commerciale que joue la banque est nécessaire. La création de sociétés chargées de la commercialisation de tels produits donnera à la banque islamique un rôle plus déterminant en matière d investissement, ce qui implique un partenariat durable entre le banquier, l investisseur et le promoteur du projet. Un tel choix représente mieux la nouvelle alternative islamique que le modèle conventionnel et ce en matière de prise de risque et de développement économique. De plus, la banque doit mettre l accent sur le développement des prêts sociaux (gratuits). En effet, avec les liquidités des dépôts courants, les banques islamiques peuvent financer le cycle d exploitation des petites entreprises à travers les prêts à taux zéro (Kardh Hassan). 5. Conclusion Nous pouvons dire que l alternative islamique en finance avec sa dimension éthique est dépendante de l application des principes de la Charia et la multiplication des efforts en matière d innovation financière et de création d entreprise. L accroissement du rôle de l Etat est déterminant pour la supervision et la régulation de l activité financière. La réussite du système financier islamique ne peut se mesurer qu en se démarquant de l approche 8
9 conventionnelle. Sinon, elle serait marginale, car elle ne fait que reproduire des instruments et des mécanismes financiers traditionnels, prônant une rentabilité maximale et à court terme, sous un label «islamique». Avec l interdiction du taux d intérêt certains concepts et mécanismes financiers traditionnels n ont plus de place dans le cadre de la finance islamique, tels que la gestion du risque de taux, la courbe des taux, l endettement et l effet de levier. Étant donné les divergences entre la finance islamique et la finance conventionnelle, il est nécessaire que la réflexion porte sur l importance des capitaux propres et la structure financière, la gouvernance d entreprise et la gestion des risques financiers. Bibliographie BENMANSOUR Hacène (1994), «Politique Economique en Islam», Paris, Editions AL QALAM, ISBN BOUDJELLAL M. (1998), «Le système bancaire islamique : Aspects théoriques et pratiques», Institut International de la Pensée Islamique, éditions Bordas. FRIEDMAN M. (1969), «The optimum quantity of money», in the optimum quantity of money and other essays, Chicago: Aldine, pp GRANGEREAU P. et HAROUN M. (2004), «Banques Islamiques : la problématique de la mise en place de cofinancements», Banque Magazine n 657. HASSOUNE A. et DAMAK M. (2007), " Finance islamique". Université de Dauphine, 16 mai Séminaire Master "Gestion d'actifs". HASSOUNE A. (2008), La finance islamique explore de nouveaux horizons en Afrique. Rapport publié le 26 mars dernier par Moody"s Investors Services MIRAKHOR A. (1995), «The theory of islamic financial system», In Encyclopedia of Islamic Banking, London, Institute of Islamic Banking and Insurance. NASSER H. (2007), «Le banking islamique entre les principes fondateurs et les contraintes systémiques». Revue Échanges n 241. RAMADAN T. (2006), «Tariq Ramadan dénonce l hypocrisie de la finance islamique», Salon Investissima 9e édition à Genève. Le Temps Suisse- le 22 mai 2006). 9
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