question du jour Faut-il autoriser les pharmaciens à «prescrire» des médicaments?

Transcription

1 Débats question du jour Faut-il autoriser les pharmaciens à «prescrire» des médicaments? Recueilli par Pierre Bienvault 1/5

2 Philippe Besset. - Miguel Medina Le député (LREM) Thomas Mesnier, rapporteur du projet de loi santé, va déposer un amendement qui, comme l a révélé Franceinfo, vise à permettre aux pharmaciens de délivrer certains médicaments normalement prescrits sur ordonnance. Le but est d apporter une réponse rapide aux patients dans les 2/5

3 zones dépourvues de médecins ou quand leurs cabinets sont fermés. Cet amendement sera discuté lors de l examen du texte, en mars. Notre but n est pas de remplacer les médecins Philippe Besset Vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) Il faut d abord être attentif aux mots qui sont utilisés dans ce débat. Nous ne souhaitons pas prescrire des médicaments. Ce terme de prescription suppose qu un diagnostic a été fait, et les pharmaciens ne sont pas habilités à faire de diagnostics. Nous souhaitons juste faire de la dispensation de médicaments dans le cadre d un protocole qui, à notre sens, devra être établi par la Haute Autorité de santé (HAS). Notre rôle en tant que professionnels de santé est d aider les patients. Nous le faisons au quotidien en délivrant des médicaments contre la toux, le mal de gorge ou en donnant du paracétamol pour des douleurs pas trop fortes. Mais il s agit là de produits délivrés sans ordonnance. Et l enjeu est, dans certains cas, de pouvoir dispenser des médicaments pour lesquels l ordonnance est indispensable. Le but n est pas de délivrer ces produits en semaine, durant la journée, à un moment où les cabinets médicaux sont ouverts. Mais le soir ou le week-end, durant nos gardes. Car dans ces moments-là, nous sommes très souvent sollicités pour des problèmes que nous pourrions facilement résoudre. Le premier est celui de la migraine ou de la rage de dents qui ne peuvent pas être soulagées avec du paracétamol. Il faudrait, pour cette douleur dentaire, qu on puisse délivrer un antalgique de niveau 2. L autre cas, assez fréquent, est celui de femmes qui viennent nous voir pour une cystite. Elles ont besoin d un antibiotique unique à monodose. Mais comme elles n ont pas d ordonnance, on les envoie «emboliser» les urgences où elles patientent parfois durant des heures. Juste pour revenir avec leur ordonnance. Ce sont des situations difficiles à gérer car ces femmes ne comprennent pas qu on leur refuse un médicament qu elles ont souvent déjà pris pour ce type de problème. Les médecins nous opposent le fait que nous ne sommes pas habilités à faire un examen clinique. Mais dans le cas d une cystite, il n y a pas d examen clinique à faire. Il faut juste écouter la patiente qui décrit ses symptômes. Et dans ce cas précis, je pense qu un pharmacien a toute compétence pour délivrer ce produit à un 3/5

4 moment, je le répète, où le médecin n est pas disponible. Cette délivrance de médicaments pourrait aussi se faire dans des zones du territoire où il n y a pas de médecins. Il faut éviter la polémique : notre but n est pas de remplacer les médecins, ni même d éviter de leur envoyer des patients. Car à chaque fois qu un médecin est disponible, le pharmacien lui adresse le patient. Dernier point : si nous voulons délivrer des médicaments pour une cystite, une rage de dents ou une migraine, ce n est pas pour gagner plus d argent. Si c était vraiment notre motivation, alors notre intérêt serait que la personne aille d abord chez le médecin. Car dans la grande majorité des cas, elle reviendrait avec deux ou trois produits supplémentaires sur l ordonnance Cela doit rester de la seule compétence du médecin Jacques Battistoni Président du syndicat MG France Nous ne sommes pas opposés à ce que, dans certains cas, un pharmacien puisse dépanner un patient. Cela arrive régulièrement quand la date d une ordonnance arrive à expiration et que le patient n a pas pu passer chez son médecin pour la renouveler. Dans ce cas, si la personne vient avec son ordonnance, le pharmacien peut lui délivrer le traitement pour un mois supplémentaire. Mais ces pratiques doivent rester exceptionnelles. Nous sommes opposés à ce qu on autorise les pharmaciens à prescrire eux-mêmes des médicaments sur ordonnance. Cela impliquerait qu ils puissent faire un examen clinique de la personne. Ce qui ne relève pas de leurs compétences. Même pour des pathologies a priori banales, comme les cystites ou les angines, il faut que le patient, dans son intérêt, continue de voir un médecin. Car derrière ce qui semble être une cystite, il peut y avoir une infection urinaire potentiellement grave. En examinant la gorge d un patient qui vient pour une angine, on peut aussi trouver des ganglions. Et le traitement, alors, ne sera pas le même. C est pareil pour une grippe qui, parfois, peut cacher une pneumonie. Nous sommes conscients que le modèle économique des pharmaciens a changé. Aujourd hui, ils ont des marges moins importantes sur les médicaments, ce qui explique qu ils cherchent à se voir confier de nouvelles missions. Mais pour aider 4/5

5 les pharmaciens, on ne peut pas toucher à ce qui relève de notre seule compétence. Nous en avons également assez de ce discours selon lequel les pharmaciens seraient immédiatement disponibles pour les patients, et pas les médecins. Même si beaucoup de généralistes reçoivent désormais uniquement sur rendez-vous, ils savent réserver des créneaux pour gérer les demandes urgentes ou non programmées. Et les études montrent qu il est tout à fait possible de voir un généraliste dans la journée ou, au moins, le lendemain matin. Nous sommes également agacés d entendre dire que donner plus de missions aux pharmaciens est un moyen de décharger les médecins de tâches qu ils n ont plus le temps de faire. La tâche principale d un médecin, c est de recevoir les patients, les écouter, les examiner, poser un diagnostic et proposer un traitement. Nous n avons pas besoin d être déchargés de ce qui est notre cœur de métier. Ce dont les généralistes ont besoin, c est d être aidés pour d autres tâches : par exemple organiser le parcours de soins du patient, en lui trouvant, à l issue de la consultation, un rendez-vous rapide pour faire un examen complémentaire ou consulter un spécialiste. C est pour réaliser ces tâches que nous avons proposé et obtenu la création prochaine de postes d assistants médicaux (1). Jacques Battistoni. - MG France 5/5