Dette publique élevée : quels effets?
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- Anne-Claire Gagnon
- il y a 7 ans
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1 1 er octobre - N élevée : quels effets? Le plan de sauvetage des banques présenté aux Etats-Unis conduit à s'interroger sur les effets d'une dette publique élevée. En théorie, on s'attend, si la dette publique devient forte : du côté de l'économie réelle, un effet d'éviction de la dette privée, donc une diminution de l'investissement privé et de la croissance potentielle ; du côté des marchés financiers, l'exigence d'un taux d'intérêt plus élevé sur la dette publique. Mais cette analyse "normale" peut présenter de graves inexactitudes : la hausse de la dette publique peut être précisément une réaction à la baisse de la dépense privée, et ne pas la provoquer, ce qui est l'opposé de l'effet normal d'éviction ; si la hausse de la dette publique compense la baisse de la dette privée, il n'y a pas de hausse de la dette totale, donc normalement pas de difficulté de financement (ou de déficit extérieur, ceci est le cas avec le plan de sauvetage des banques. si la demande de titres publics est forte, par exemple parce que l'aversion pour le risque est forte, il n'y a pas d'excès d'offre ex ante pour ces titres, même si la dette publique est élevée, donc pas de nécessité d'accroître les taux d'intérêt. Cependant, même dans ces cas favorables, une dette publique élevée génère des fragilités économiques et financières : RECHERCHE ECONOMIQUE Rédacteur : Patrick ARTUS une baisse de l'épargne domestique (ou des achats des non résidents) peut faire apparaître une difficulté de financement, des effets d'éviction, la nécessité de réduire des investissements publics utiles. une hausse non anticipée des taux d'intérêt réels peut provoquer une crise de solvabilité sur la dette publique avec la hausse des paiements d'intérêt sur la dette. Le plan de sauvetage des banques de septembre aux Etats-Unis : contraint donc à conserver durablement des taux d'intérêt bas ; met les Etats-Unis "dans les mains" des banques centrales (Asie, exportateurs de pétrole) acheteurs de titres publics en dollars.
2 Les effets, en théorie, d'une dette publique élevée Le plan de sauvetage des banques présenté par l'administration américaine va, au total, accroître la dette publique de plus de 1 milliards de dollars, s'il est mis en place. Qu'attend-on normalement comme effets d'une dette publique élevée : un effet d'éviction sur la capacité du secteur privé à se financer, donc une réduction de l'investissement privé et de la croissance de long terme (s'il y a réduction des investissements productifs) ; un taux d'intérêt d'équilibre plus élevé sur la dette publique, puisqu'il y a ex ante, normalement, excès d'offre de dette publique. Mais, nous allons le voir, cette analyse peut se révéler très erronée, et les effets de la hausse de la dette publique dépendent fortement des conditions dans lesquelles cette hausse a lieu. Pourquoi les effets d'une dette publique élevée peuvent être très différents des effets "théoriques" cités ci-dessus Mécanisme # 1 : la hausse de la dette publique peut être une réaction de la politique économique à la baisse de la demande privée de biens et services. On a ici l'opposé de l'effet d'éviction : la dépense privée ne diminue pas parce que la dette publique évince la dette privée, mais c'est la baisse de la demande privée qui provoque une hausse des dépenses publiques pour stabiliser la demande totale de biens et services. Cette situation est par exemple celle du Japon depuis le début des années 199 (graphiques 1 a/b) Graphique 1 a Japon : Demande des ménages et investissement public (volume, GA en %) (*)investissement de logement+consommation des ménages Demande des ménages* Investissement public Graphique 1 b Japon : déficit et dette publics (en % du PIB) (G) Deficit public (D) Sources : OCDE, Eurostat, Prévisions NATIXIS La demande chutant, à partir du début des années 199, avec la crise patrimoniale (baisse des prix de l'immobilier et des cours boursiers), le gouvernement a mis en place un programme de soutien de la demande intérieure par les déficits publics (essentiellement par les investissements publics). La dette publique en forte hausse n'évince pas la dette privée puisque c'est au contraire la chute de la demande privée qui provoque la hausse de la dette publique. Flash -
3 Mécanisme # : Substitution de dette publique à la dette privée Le mécanisme est ici voisin du précédent, mais vu du côté des financements. Si la dette publique plus élevée ne s'ajoute pas à la dette privée, mais se substitue à elle, alors la dette totale du pays n'est pas accrue. Dit autrement, une substitution de dette publique à la dette privée ne modifie pas le taux d'épargne ou le taux d'investissement du pays, donc ne modifie pas son effet extérieur. Il faut donc, quand on analyse les effets d'une dette publique plus élevée, distinguer : entre les cas où il s'agit d'un déficit public supplémentaire qui ne compense pas une baisse de la dépense privée. C'est par exemple le cas, dans la période récente, au Royaume-Uni, en France, en Italie (graphiques a/b ; 3 a/3 b ; a/ b). On peut alors craindre des difficultés de financement, des effets d'éviction, un déficit extérieur accru (graphique 5). Graphique a Royaume Uni : Dette Graphique b Royaume Uni : Dette (en % du PIB) 1 1 Dette des ménages (en % RDB) Dette des entreprises (en % du PIB) Dette privée* Sources : BOE, Datastream, NATIXIS (*) ménage + entreprise 5 5 Sources: OCDE, Datastream, NATIXIS Graphique 3 a France : Dette Dette des ménages (en % RDB) Dette des entreprises (en % du PIB) 13 1 Graphique 3 b France : Dette (en % du PIB) Dette privée * (*) ménage + entreprise 7 7 Sources : OCDE, Datastream, NATIXIS Flash - - 3
4 Graphique a Italie : Dette Graphique b Italie : Dette (en % du PIB) 1 9 Dette des ménages (en % RDB) Dette des entreprises (en % du PIB) Dette privée * (*) ménage + entreprise et les cas où la dette publique supplémentaire se substitue à une dette privée en réduction. Ceci s'est observé au Japon depuis les années 199, où la hausse de la dette publique est liée au désendettement continuel du secteur privé et ne fait apparaître aucun déficit extérieur, aucune tension sur les taux d'intérêt (graphiques a/b/c). Graphique 5 Balance commerciale (Mds de $ par an) Graphique a Japon : dette (en % du PIB) 1 5 Royaume Uni France Italie Dette privée (entreprises + ménages) Sources : Datastream, OCDE, NATIXIS Graphique b Japon : balance courante et crédit Balance courante (en % du PIB) Crédit au secteur privé (GA en %) Graphique c Japon : taux d'intérêt Taux à 1 ans Taux à 3 mois Flash -
5 Ceci est le cas aujourd'hui avec le plan de sauvetage des banques du gouvernement américain, qui consiste à transférer de la dette privée (bancaire) vers la dette publique, sans effet sur la dette totale ou sur le déficit extérieur des Etats-Unis. Mécanisme # 3 : Prendre en compte la demande de titres publics. L'idée est ici la suivante : on ne peut pas analyser les effets d'une dette publique élevée sur l'économie et les marchés financiers, sans prendre en compte la demande de cette publique. Même si l'offre de dette publique est très élevée, il n'y aura pas de difficultés de financement ou de hausse des taux d'intérêt si la demande dette publique par les investisseurs est également élevée. Ceci a aussi été clairement le cas au Japon où, malgré la forte hausse du taux d'endettement public (graphique a) il n'y a pas eu de hausse des taux d'intérêt (graphique c) grâce à la forte demande de titres publics par les investisseurs (graphique 7). La situation pourrait être similaire aux Etats-Unis aujourd'hui avec la très forte demande de titres publics par les investisseurs institutionnels domestiques et par les non résidents (graphique ). 7 Graphique 7 Japon : encours d'obligations détenues (à l'actif, en % du PIB) Investisseurs institutionnels M énages Institutions financières 7 Graphique Etats-Unis : achats nets d'obligations publiques (en % du PIB) Investisseur institutionnels Non Résidents Sources : FoF Of Japan , FoF Synthèse : être prudents dans l'analyse des effets d'une forte hausse de la dette publique Nous avons vu qu'il existe plusieurs configurations où une forte hausse de la dette publique ne conduit pas à une éviction de la demande privée ou à une hausse des taux d'intérêt : hausse des déficits publics en raison du recul de la dépense privée ; hausse de la dette publique se substituant à une baisse de la dette privée ; hausse de la dette publique (offerte) équilibrée par une hausse de la demande de dette publique par les investisseurs (si le taux d'épargne est élevé, si l'aversion pour le risque est forte, comme aujourd'hui, graphique 9). Il est intéressant d'observer (voir plus haut) que le plan de sauvetage des banques, par l'administration américaine, de septembre, rentre dans ces catégories, substitution de dette publique à la dette privée dans une situation où la demande de dette publique est forte. Ceci ne veut pas dire qu'une dette publique forte ne créé pas des fragilités : Flash - - 5
6 une remontée des taux d'intérêt réels aurait des effets catastrophiques sur la solvabilité budgétaire. C'est le très bas niveau des taux d'intérêt au Japon qui rend supportable la dette publique (graphique 1) ; une baisse de l'épargne domestique ou des achats de titres publics par les non résidents (par exemple, arrêt de l'accumulation de réserves de change par les banques centrales), ferait réapparaître les effets d'éviction et les difficultés de financement. Graphique 9 Indice NATIXIS de perception du risque Graphique 1 Japon : taux d'intérêt et intérêts payés 1,, 1,, 7 Taux nominal 1 ans Taux réel 1 ans (déflaté par le CPI) Intérêts payés sur la dette publique (en % du PIB) 7,, 5 5,, 3 3, Sources : NATIXIS, ,, Ceci veut dire que la politique actuellement menée aux Etats-Unis : va contraindre au maintien de taux d'intérêt bas ; met le Trésor des Etats-Unis "dans les mains" des banques centrales (Asie, exportateurs de pétrole) acheteuses de titres en dollars. Flash -
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