Il est 4h du Matin. Humanitarian lane

Transcription

1 Il est 4h du Matin Il est 4h du matin, le réveil sonne : «It is 4 O clock in the Morning, time to get up» j éteins cette fichue sonnerie qui me rappelle que c est l heure. Je m habille en vitesse, j enfile ma veste EAPPI, j'avale un bout d e pain.et c est parti! Il fait nuit noire dehors, j observe la lune et les collines sombres devant moi, tout est calme et silencieux. Je marche lentement les pensées encore à moitié en vrac je ralentis lorsque je monte la colline, je réalise que je devrais réellement me mettre au sport. A peine le temps de reprendre mon souffle que j entends déjà et vois la foule de Palestiniens qui au CP. Humanitarian lane.

2 Tous attendent que les soldats daignent ouvrir les grilles. Un peu plus de 2000 travailleurs quittent leur domicile à Bethléem vers 3 h du matin pour traverser le Check point et travailler en Israël (Jérusalem pour la plupart). Jérusalem est à 7 kilomètres de Bethléem, la plupart d entre eux commencent leur travail à 7h ou 8h. Deux files, chacune d entre elles séparée par des grillages et barrières métalliques. Main lane (photo Florence Métraillier) Appelées aussi «cages», ces files d attentes sont pour : Les travailleurs palestiniens ('Main lane '«la plus grand ligne») Les femmes, les hommes âgés de plus de 50 ans, les malades et les personnes détenant des autorisations provisoires ('Humanitarian lane' «la ligne Humanitaire».) Pendant que mon collègue compte les gens de la «main lane» (entre 700 et 900 travailleurs attendent déjà depuis quelques heures), Je me faufile dans la «humanitarian lane» avec les autres femmes et les quelques hommes qui attendent. Il fait chaud, on est serrés les uns contre les autres. Il est 4h45 du matin,certains attendent déjà depuis une heure et demi. J ai très chaud, j espère qu ils vont bientôt ouvrir, avant que je ne m évanouisse. Manque de chance! Apparemment, aujourd hui ils ne comptent pas ouvrir tout de suite. Certains Palestiniens s énervent, commencent à perdre patience. J ai la même sensation au fond de moi. MERDE OUVREZ!!! On est serrés, on étouffe et il est largement l heure d ouvrir maintenant!! Je retiens mes larmes, j essaie d être forte. La devise du check point «chaque jour est différent». On ne sait jamais ce qui va se passer. Vont-ils ouvrir? A quelle heure? Comment vont-ils se comporter avec les Palestiniens? Ou même avec nous? Les palestiniens voyant ma veste se disent que je peux changer le cours des choses, et me répètent plusieurs fois «fais quelque chose, il faut qu ils ouvrent, on attend depuis des heures, on va être en retard!». Je suis là, impuissante, à me demander ce que je peux faire de plus. J appelle la ligne humanitaire (association de volontaires Israéliens essayant de faire pression sur l armée au Check point lorsque ceux-ci ne respectent pas les règles).mon interlocuteur me répond: «I will try to do my best» (je vais essayer de faire de mon mieux). Je ne peux rien faire de plus, je suis aussi impuissante qu eux! Je ravale mon orgueil d internationale qui pense que le fait d avoir un passeport européen peut faire une différence aux yeux de l armée.

3 Humanitarian lane (Photo de Martin Alm ) Personnes escaladant les barrières pour aller d une ligne à l autre La ligne des travailleurs n ouvre pas non plus, les gens escaladent les barrières, essaient d aller d une ligne à l autre pensant que cela les fera passer plus rapidement. La tension est vive. J entends une vieille dame devant moi crier «SOLDAT, SOLDAT, SOLDAT, SOLDAT. Ouvre!». Les soldats sont nouveaux parfois et ne comprennent pas bien ce qu ils doivent faire. Ils obéissent aux ordres de leurs supérieurs et ne peuvent donc pas ouvrir. Mon collègue qui doit compter se trouve juste à coté de la cabine du soldat et tente de lui parler, celui-ci répond «je ne peux pas ouvrir maintenant» sans donner plus d explications. Il arrive qu ils nous ignorent totalement, ou nous demande de partir.

4 Ah! enfin! le petit clic du tourniquet métallique annonce que nous pouvons passer, le soldat sur-armé, dans sa cabine, laisse passer les palestiniens au compte goutte. Je le regarde dans les yeux, je me retiens, j essaie d être polie, parfois je n y arrive plus. Je montre mon passeport et passe sans montrer la moindre émotion sur mon visage. Ouf! j ai passé le premier point de contrôle, je respire. Je traverse une petite cour, de là, j'aperçois ce mur, gris, sinistre, odieux qui serpente les collines de Bethléhem. Dans cette petite cour, deux ou trois agents de sécurité, habillés en noir, surveillent. Je les ignore. Le mur qui sépare Israel de la Palestine (750 Km de long). (photo Florence Métraillier) Terminal après la cour qui mène au deuxième point Deuxième queue pour les détecteurs de métal. de contrôle : les détecteurs de métal. Je passe à nouveau à travers deux terminaux en fer pour arriver au «métal detector»(détecteurs de métal). Les gens attendent leur tour en file indienne. Certains commencent déjà à enlever leurs ceintures, leurs chaussures. C est comme à l aéroport, sauf que c est tous les jours, avec une heure ou deux d attente en plus et des agents de sécurité un peu moins souriants! Aujourd hui, alors que la machine vérifie nos sacs, chaussures, vestes.. le soldat, derrière sa vitre, se met a chanter dans le micro, il joue du tam-tam sur le micro, il imite le cri d un animal, je ne pourrais pas décrire lequel. Au moins, aujourd hui, ce n est pas la soldate qui hurle à tue tête, nos tympans ont un peu de répit!

5 File d attente aux détecteurs de métal J enlève ma veste. la sonnerie se déclenche malgré tout, mais ce n est pas grave, je suis internationale, ils me laissent passer aujourd hui. Je passe un deuxième portique. Et devinez quoi?? Ce n est pas fini. Une autre file d attente avec encore de nouvelles cabines. Palestiniens faisant la queue et soldats à l intérieur des cabines par balle (interdiction de prendre des photos), Vérification des empreintes digitales, carte électronique, et permis de travail en Israel. (NB : au milieu belle photo publicitaire pour passer des vacances en Israel) Les soldats vérifient à nouveaux les papiers des palestiniens, leur empreintes digitales, et leurs cartes électroniques. Ils sont derrière leurs cages de verre. Certains soldats sont affalés sur leurs sièges, les pieds sur leurs bureaux, mâchant un chewing-gum,ils font signe de la main aux palestiniens de passer, sans même leur adresser la parole; d autres s énervent, sans raison, ou si peu, d autres s endorment et nous devons taper sur la vitre pour qu ils se réveillent et fassent leur travail. Le soldat prend mon passeport, regarde mon nom, me regarde, regarde mon tampon sur le passeport, et me laisse passer.

6 Je mets entre 30 minutes et 45 minutes pour traverser le check point, ce qui devrait en fait mettre 10 minutes. Traverser un check-point pour aller en Israel signifie la plupart du temps qu en l espace de quelques heures, les palestiniens doivent faire face à l humeur des soldats, à l humiliation et à la perte de toute dignité, et cela chaque jour de leur vie. (voici l exemple d une journée type au check point). HANNAH BENKEMOUN