Photo 1 : vue générale de la basse vallée de la rivière Blanco

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1 Prospection archéologique au sud de la province de Manabí, Equateur. Projet «Río Chico», campagne 2007 (10 juillet au 1 er septembre 2007) La vallée de la rivière Blanco a révélé, au fil des campagnes de prospection, une intense occupation préhispanique démontrant l important rôle de l arrière-pays dans le développement des sociétés précolombiennes régionales et sa position favorable sur l une des deux principales voies de communication en direction du bassin du Guayas. De López Viejo vers l ouest, deux routes s ouvrent pour atteindre l intérieur de la côte équatorienne et traverser la cordillère dite de Chongón-Colonche ; celle du Pital Blanco jusqu au fleuve Ayampe pour rejoindre la région de l actuelle ville de Pedro Pablo Gómez ou celle du Buenavista qui passe par les importants sites d Agua Blanca et de Julcuy pour aboutir vers Jipijapa. La confluence du Blanco et de l Ayampe (ou basse vallée de la rivière Blanco : photo1), non encore prospectée, s avérait donc indispensable à notre interprétation régionale. D une superficie d environ 25 km 2, cette zone s intégrait de manière idéale dans le programme de cette campagne, la recherche de terrain ne devant pas dépasser trois semaines, et nous permettre d élaborer le matériel céramique en attente. À chaque retour, nous devons compter sur un certain nombre d imprévus qui influenceront le déroulement de la prospection. Cette année, ce sont essentiellement les conditions climatiques et l accès qui ont joué un rôle déterminant. Photo 1 : vue générale de la basse vallée de la rivière Blanco Guale n est pas une entité administrative similaire à celles de Salango, Las Tunas et Río Blanco. Jusqu à présent, des contacts avec les responsables communaux, voire notre participation aux assemblées, nous ouvraient l accès à la majorité des parcelles puisque même les propriétés dites privées sont louées par les villageois à la commune. Or, le sud de la vallée du río Blanco est actuellement aux mains de propriétaires privés vivant en dehors de la province de Manabí (à Guayaquil surtout). Les intendants ne nous ont, en général, pas octroyé la permission de prospecter ces petites plantations (ou finca), la petite vallée du Cuchucho étant restées, de ce fait, inaccessible. Ces difficultés ont été palliées en prospectant le long des

2 cours d eau et de la «route» Río Blanco - Guale, qui correspondent à des zones inaliénables. L exploration du fleuve Ayampe, entre le village du même nom sur la côte et Guale, ainsi que quelques observations ponctuelles (île de Salango, communes de Las Tunas et de Río Blanco) entraient aussi dans le programme de prospection Le second objectif de cette dernière campagne consistait en l élaboration du matériel céramique prélevé entre 2005 et 2007, ainsi qu en l étude des lots provenant de la prospection de J. Damp en 1979 dont, malheureusement, les résultats n ont été que très partiellement publiés dessins (95 % de bords) ont été effectués : 709 fragments issus du projet et 408 provenant de l ensemble «J. Damp». Avec un corpus conséquent de 2157 dessins (bords et fragments diagnostiques : fig. 1) et la détermination d un nombre équivalent de pièces non diagnostiques par l observation des pâtes et finition, nous pouvons désormais élaborer une chronologie régionale du Valdivia IV ( av. J.-C.) à la conquête espagnole (durant la première moitié du 16 ème siècle de notre ère), soit près de quatre millénaires. fig. 1 : vase zoomorphe représentant un opossum, culture Manteño (dessin Y. Graber) Dans la basse vallée de la rivière Blanco, 12 sites ont été répertoriés, auxquels s ajoutent 7 nouveaux gisements disséminés sur l ensemble de la zone d étude (4 le long du fleuve Ayampe et l un de ses affluents ; 1 sur l île de Salango, 1 sur le cours de la rivière Encantada et 1 entre Río Blanco et El Triunfo). Dans toute prospection archéologique, le rôle des informateurs locaux est, à juste titre, mis en exergue. Dès notre arrivée, nous avons été informés de la découverte fortuite d une tombe remontant à l époque Manteño (7 ème / 16 ème siècles de notre ère) qui, selon la description de son inventeur (M. Quimis de la commune de Río Blanco) s apparentait aux

3 exemples - sépultures, collectives ou non, en fosse - décrits sur le site d Agua Blanca 1. En fait, un site complexe, non découvert durant les campagnes précédentes, s est révélé, constitué par un aménagement de terrasses artificielles au nombre de trois - s étageant à flanc de colline et, aux abords immédiats du cours d eau, par la présence d alignement de pierres composant les fondations d un bâtiment de forme rectangulaire. Ces constructions, amplement répertoriées dans les grands sites d époque Manteño que sont López Viejo et Agua Blanca, n avaient jamais été décrites dans l arrière-pays. Or, à l heure actuelle, nous en avons dénombré 12 ce qui atteste la généralisation de ce mode d édification durant cette période, non restreint aux seuls centres préhispaniques mentionnés, et l importance régionale de Río Blanco pendant les derniers siècles précédents la conquête espagnole. La structure funéraire, quant à elle, a été creusée sous l espace domestique. Une grande jarre était placée au fond de la fosse renfermant à la fois les restes osseux du ou des défunts et les offrandes (photo 2). Il s agit d une découverte importante qui nous permet à la fois d établir des comparaisons hors de notre zone d étude et d appréhender la diversité des modes d ensevelissement à une même période 2. Photo 2 : urne funéraire et couvercle, tombe Manteño La révision du matériel mis au jour par J. Damp et son équipe en 1979 remis dans son contexte géographique grâce à la carte de répartition élaborée lors de ce projet nous a permis de situer, vérification faite sur le terrain, un nouveau site localisé aux abords immédiats de la route reliant Río Blanco et El Triunfo. L étude des lots prélevés il y a une trentaine d année complète judicieusement nos propres échantillons par l apport de nouvelles formes, selon les périodes, à notre propre catalogue. Elle permet aussi de discerner certaines phases d occupation, passées peut-être inaperçues, sur des sites que les deux projets ont mis en évidence (le matériel prélevé étant souvent incomplet chronologiquement). Notre carte de 1 PIANA BRUNO, L.; MAROTZKE, H Unidad cultural en el litoral meridional ecuatoriano. Guayaquil, ESPOL. 2 La tombe collective mis au jour en 2002 à Salango se révèle d un type radicalement différent comportant un puit d accès et une chambre latérale située à un mètre environ sous la surface actuelle.

4 répartition s étoffe aussi d un petit nombre de sites passés inaperçus lors de notre prospection, mais que J. Damp avait réussi (par quels moyens?) à mettre en évidence. La prospection de l île Salango n avait pas été entreprise dans le cadre de notre projet. Cette année a permis de pallier cette lacune et de vérifier les assertions d une recherche menée au début des années 1990 dans le cadre du PAE (Programa de Arqueología para el Ecuador dirigé par le défunt Presley Norton) concernant l existence de 28 sites préhispaniques insulaires. Très proche du continent, dont elle fût sans doute le prolongement immergé jusqu au Quaternaire, et présentant un relief prononcé, cette île n a jamais, selon nos observations, soutenu une dense occupation. Nous rapprochons plutôt les vestiges rencontrés aux pratiques, délaissées depuis peu dans la région, d une «pêche à l observateur», posté sur les pentes qui indiquait l arrivée des bans de poissons aux barques disposées en éventail dans le détroit séparant l île de la côte 3. D autres pratiques se sont sans doute déroulées à cet endroit poste d observation pour la navigation, acquisition de ressources marines ou terrestres (les pélicans, récurrents dans l iconographie Manteño, nichent sur ces falaises : photo 2) mais l absence d eau potable et la proximité attestée de villages préhispaniques côtiers ne coïncident pas avec une occupation de longue durée. En résumé, la campagne 2007 a marqué l aboutissement de cinq années de recherche sur le terrain permettant de recenser 320 codes-sites dont l amalgame 4 nous indiquera les grandes tendances de l occupation territoriale diachronique de cette région (fig. 2). Nous pouvons d ores et déjà discerner deux variantes complémentaires. Les grands sites littoraux, dont dépendaient les petits établissements situés dans les vallées débouchant sur l océan, dont l économie se fondait essentiellement sur les produits de l agriculture et de la pêche, ces derniers devenant même, au cours du temps, une ressource fondamentale dans les échanges à longue distance. L exploitation de certaines espèces de coquillage, les spondyles (Spondylus princeps et calcifer) notamment, très recherchées par les sociétés andines pour leurs cultes, influenceront, dès le Formatif tardif ( av. J.-C.), le développement des entités côtières de l Equateur préhispanique jusqu à la constitution des chefferies décrites par les premiers conquistadores. En parallèle, tout un pan de l économie préhispanique se constitue sur l exploitation de l arrière-pays ce qui est particulièrement discernable dans la vallée de la rivière Blanco où les riches terrasses alluviales ont, très tôt, pu subvenir aux besoins d une population conséquente. La présence de restes d origine marine (arêtes et vertèbres de poissons ou coquillages) témoignent de contacts, sans doute fréquents, entre ces deux zones. Si la prospection s est achevée cette année, les recherches archéologiques continuent. La fouille d un site - mis en évidence durant la campagne au débouché de la vallée du Salango se déroule actuellement sous les auspices de la Florida Atlantic University (FAU), avec laquelle nous collaborons. Yann Graber Assistant-doctorant Université de Neuchâtel Chaire d archéologie pré- et protohistorique Responsable du projet «Río Chico» 3 SOUTHON, M.H Competencias y conflictos en una pesquería de red de arrastre en Salango, Ecuador. Miscelánea Antropológica Ecuatoriana, n 6, Banque Centrale de l Equateur, Du regroupement des lieux de trouvaille proches présentant un matériel céramique contemporain résultera notre carte de répartition des sites préhispaniques régionaux définitive.

5 Fig. 2 : répartition des codes-sites découverts lors des campagnes