CHAPITRE 2 SUITES NUMÉRIQUES
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- Fabien Chabot
- il y a 6 ans
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1 CHAPITRE 2 SUITES NUMÉRIQUES Définition 2.0. Une suite réelle est une application u : N R qui à tout n de N associe un élément u n de R, appelé terme général de la suite. On notera donc la suite (u n ), ou (u n ) n N. Remarque :. Dans certains cas on ne prend qu une partie de N. 2. Si l ensemble d arrivée est C, (u n ) sera dite suite complexe. 3. Tous les résultats donnés feront référence à des suites réelles. Les résultats cependant valables pour les suites complexes, et dont les démonstrations ne subissent aucunes modifications suite aux différences entre la valeur absolue et le module, seront indiqués par une astérisque. 2. Suites monotones Définition 2.. Soit (u n ) une suite de nombres réels. On dit que (u n ) est croissante (resp. décroissante) si n N, u n+ u n (resp. u n+ u n ). De plus, (u n ) est dite monotone si elle est croissante ou décroissante. Enfin, l adverbe strictement s applique si ce sont les inégalités strictes qui sont vérifiées. Remarques : On peut définir la monotonie à partir d un certain rang, ce qui peut s avérer très pratique par exemple dans l étude des limites ; Pour étudier la monotonie d une suite (u n ), on peut :. étudier le signe de u n+ u n pour tout n, 2. comparer le quotient u n+ pas de termes nuls, u n à (pour tout n), à condition que la suite (u n ) ne comporte 3. étudier les variations de la fonction f s il existe f telle que f(n) = u n. Exemples :
2 2 CHAPITRE 2. SUITES NUMÉRIQUES. Soit (u n ) n N la suite de terme général u n = n 2. Pour tout n N, u n+ u n = (n + ) 2 n 2 = (n + n)(n + + n) = 2n + > 0 u n+ > u n. La suite (u n ) est donc strictement croissante. Pour tout n N, ( ) 2 ( u n+ (n + )2 n + = = = + 2 > u n n 2 n n) u n+ > u n. 2. Soit (u n ) n N la suite de terme général u n = ln n n 2. Soit f la fonction définie sur R + par f(x) = ln x ln x, sa dérivée vaut (2 ln x) x2 x. Cette 2 fonction est strictement décroissante ( ) sur l intervalle ] e 2, + [, (e 2 7, ). Par ln n conséquent, la suite (u n ) = est strictement décroissante pour n 8. n 2 (Remarque : la suite est strictement décroissante pour n 7 ). 2.2 Suites bornées. Une suite (u n ) est dite majorée, s il existe M R tel que n N, u n M. 2. Une suite (u n ) est dite minorée, s il existe m R tel que n N, u n m. n Exemple Soit la suite (u n ) définie par u n = p(p + ), on a : u n = = p= n p(p + ) = n(n + ) ( p= ) ( ) ( n ) n + = n + Finallement, n N, 2 u n, notre suite est minorée par et c est un minimum 2 puisque u = 2 et elle est croissante, car u n+ u n = (n + )(n + 2) > 0. La suite est majorée par et ce n est pas un maximum, car u n = n + = Définition 2.2. * Soit (u n ) une suite de nombres réels. On dit que (u n ) est bornée si n N, M > 0 / u n < M.. n n +. La suite (u n ) définie par u n = sin n + cos n est bornée, en effet on a n N, u n 2. Montrer que l ensemble A = {u n, n N}, a pour bornes supérieure et inférieure ± 2 mais n a ni maximum ni minimum.
3 2.3. SUITES PÉRIODIQUES Suites périodiques Définition 2.3. * Une suite (u n ) est dite périodique, s il existe un nombre p N tel que n N, u n+p = u n. Exemples :. Soit (u n ) la suite de terme général u n = ( ) n, on a n N, u n+2 = ( ) n+2 = ( ) n ( ) 2 = u n. La suite u n est périodique de période égale à La suite u n de terme général u n = sin n, n a pas de période, car dans R la fonction sin x a pour période p = 2π; or 2π n est pas un entier. Remarques : Une suite de période p, ne prend qu un nombre fini de valeurs à savoir u 0, u,..., u p. La réciproque est fausse, par exemple u 0 = 3, u =, u 2 = 4, u 3 =, u 4 = 5,..., u 32 = 0,... où u n est le n ème chiffre après la virgule dans l écriture décimale du nombre π. (π 3, ) La suite ne prend évidemment que les nombres {0,, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9}. Pour les nombres rationnels, à partir d un certain rang la suite est périodique. Elle sera considérée comme suite périodique. Pour les décimales du nombre , la suite est périodique de période 8 qu à partir de la quatrième décimale, on a n 4, u n = u n = 0, = 0, Convergence des suites numériques Définition * existe l R tel que Une suite (u n ) est dite convergente, et admettant pour limite l R s il ε > 0, N N / n N, u n l < ε. On dit alors que «(u n ) tend (ou converge) vers l», et l on note lim n u n = l ou u n n l. Une suite non convergente est dite divergente. Proposition 2.3. * Si une telle limite existe, alors elle est unique. Supposons qu une suite (u n ) converge vers deux éléments l, l 2 R distincts. On se donne ε > 0. Par hypothèse, on a alors l existence de deux entiers N, N 2 de N tels que n N, u n l < ε/2 et n N 2, u n l 2 < ε/2. Alors, pour tout entier n max(n, N 2 ), on aura l l 2 = l u n + u n l 2 l u n + u n l 2 < ε. Avec ε = l l 2 > 0, on aboutit à la contradiction l l 2 < l l 2, donc l = l 2. Remarque 2 : (u n ) l u n l 0. n n Exemples :
4 4 CHAPITRE 2. SUITES NUMÉRIQUES. Les suites de termes généraux u n = /n et v n = / n (n N ) convergent vers La suite de terme général u n = sin(n π ) (n N) est divergente. 2 Supposons que (u n ) admette pour limite l R. Soit ε = /4. On aurait alors l existence d un entier N N tel que tout n N vérifie u n l < /4. Or tout n N vérifie aussi u n+ u n = (n + )π sin sin n 2 2 π = u n+ l + l u n = /2, ce qui est absurde. Donc (u n ) est bien divergente. Proposition : (i) Toute suite convergente est bornée ; (ii) Toute suite croissante et majorée (resp. décroissante et minorée) est convergente ; (iii) (*) Si (u n ) converge vers l K, alors ( u n ) converge vers l R. (i) Soit ε > 0. Supposons que (u n ) converge vers l R. Alors par définition, il existe N N tel que n N, u n l < ε, c est-à-dire l ε < u n < l + ε. Ainsi, la suite (u n ) prend les valeurs u 0, u,..., u N et des valeurs dans l intervalle ]l ε, l + ε[. Or, puisque l ε et l + ε sont deux réels inférieurs à l + ε (inégalité triangulaire), il vient que pour tout n N, u n sup{ u 0, u,..., u N, l + ε}, et (u n ) est bornée. (ii) Notons M un majorant de (u n ). Soient ε > 0, K = {u n, n N} et l R tel que l = sup(k). K étant non vide et majoré par M, l existe par l axiome de la borne supérieure dans R. Il vient qu il existe un entier n N tel que l ε < u n l < l + ε, soit u n l < ε, et la suite (u n ) converge. (iii) Découle immédiatement de la relation a b a b. Ou encore, découle du théorème 3 vu plus loin, étant donné que l application x x définie sur R y est continue, en particulier au point l. Remarque 2 : La réciproque de la proposition précédente est fausse. En effet, la suite de terme général u n = ( ) n (n N) contredit les trois points : elle n est pas convergente (raisonner par l absurde), mais est bornée (par ), sa valeur absolue converge vers et la sous-suite (u 2n ) converge vers. pour les suites divergentes, nous en distinguerons Définition Une suite (u n ) tend vers + (resp. )si, A > 0, N N / n N, u n > A (resp. u n < A). On dit alors que «(u n ) tend vers +», et l on note lim u n = + ou u n + (resp. n n lim u n = ou u n.) n n
5 2.4. PREMIERS RÉSULTATS IMPORTANTS Premiers résultats importants 2.4. Opérations algébriques Théorème 2.4. (*) : Soient (u n ) et (v n ) deux suites qui convergent respectivement dans R vers l et l, et λ R. Alors : (i) (u n + v n ) converge vers l + l ; (ii) (λu n ) converge vers λl ; (iii) (u n v n ) converge vers ll ; (iv) Si l 0 et s il existe N N tel que n N, v n 0, alors (u n /v n ) converge vers l/l. Il suffit pour chacun des cas de revenir à la définition. Explicitions par exemple (iii). On se donne ε > 0. Notons que la proposition 2 (i) implique en particulier qu il existe un réel M tel que v n M pour tout n N. Par hypothèse, il existe aussi N, N N tels que n N, u n l < ε M + l On a ainsi que pour tout n max(n, N ) et n N, v n l < ε M + l. u n v n ll = u n v n lv n + lv n ll v n u n l + l v n l ε < ( M + l ) M + l = ε, et la suite (u n v n ) converge bien vers la produit ll. Remarque 3 : Les assertions (i) et (ii) traduisent la fait que l ensemble des suites numériques convergentes est un espace vectoriel sur R, et l application qui à toute suite (u n ) associe sa limite est linéaire. 2.5 Limites et relation d ordre Théorème 2.5. (d encadrement) : Soient (u n ), (v n ) et (w n ) trois suites telles que u n v n w n à partir d un certain rang. Si (u n ) et (w n ) convergent vers une limite commune l R, alors (v n ) converge aussi vers l. Soit ε > 0. Il existe trois entiers N, N, N N tels que n N, u n l < ε, n N, w n l < ε et n N, u n v n w n. Alors pour tout n max(n, N, N ), on a que ε u n l v n l w n l < ε, d où la convergence de (v n ) vers l. Proposition 2.5. Soient (u n ) et (v n ) deux suites qui convergent respectivement vers deux réels l et l.. Si u n v n à partir d un certain rang, alors l l. 2. Si l < l alors, à partir d un certain rang u n < v n.
6 6 CHAPITRE 2. SUITES NUMÉRIQUES. Supposons que l > l. Alors à partir d un certain rang, on aurait l > l v n l < v n l u n l v n l < v n l. Les membres de gauche et de droite tendent vers 0, donc par le théorème précédent, (v n ) converge vers l, ce qui est absurde par unicité de la limite, donc l l. 2. Si l < l, alors en prenant ε = 2 (l l) > 0, les intervalles ]l ε, l + ε[ et ]l ε, l + ε[ sont disjoints, et tout élément du premier est strictement inférieur à tout élément du second. Par définition, u n ]l ε, l + ε[ et v n ]l ε, l + ε[ à partir d un certain rang, soit u n < v n. 2.6 Suites adjacentes Définition 2.6. Deux suites réelles (u n ) et (v n ) sont dites adjacentes si l une est croissante, l autre décroissante et si leur différence converge vers 0. Lemme 2.6. : Supposons que (u n ) soit une suite croissante adjacente à (v n ), une suite décroissante. Alors n N, u n v n. Par hypothèse, on a pour tout n que u n u n+ et v n v n+. Alors, toujours pour tout n, (v n+ u n+ ) (v n u n ) (v n u n ) (v n u n ) = 0 v n+ u n+ v n u n, donc la suite (v n u n ) est décroissante et tend vers 0, donc elle est à termes positifs (conséquence de la démonstration précédente), ce qui signifie que pour tout n, v n u n. Théorème 2.6. : Deux suites adjacentes sont convergentes et convergent vers la même limite. Supposons, quitte à échanger les rôles de (u n ) et (v n ), que (u n ) est croissante et (v n ) décroissante. Puisque ces suites sont adjacentes, (u n ) est majorée par v 0 et (v n ) par u 0, ce qui rend ces deux suites convergentes. Notons l et l leurs limites respectives, que l on suppose différentes, de sorte que ε > 0, N N n N u n l < ε ; ε > 0, N N n N v n l < ε. On remarque alors que pour tout n max(n, N ), on a (u n v n ) (l l ) u n l v n l < ε + ε. En posant alors N = max(n, N ) et ε = ε + ε, on a la convergence de (u n v n ) vers l l. Or lim n u n v n = 0 = l l l = l.
7 2.6. SUITES ADJACENTES 7 Remarque 2 : Si (u n ) et (v n ) sont deux suites adjacentes qui convergent vers une limite l R, alors u n et v n sont des valeurs approchées de l respectivement par défaut et par excès (en supposant (u n ) croissante et (v n ) décroissante), avec une erreur inférieure à ε n = v n u n. Exercice : Soit (u n ) n N et (v n ) n N deux suites de terme général u n = n k=0 k! et v n = u n + n n!. Montrer que ces suites sont adjacentes, déterminer leur limite commune et donner un encadrement de cette limite à 0 3 près. Solution : Pour tout n N, on a u n+ u n = n+ k=0 et v n+ v n = u n+ + De plus, pour tout n N, n k! k=0 k! = (n + )! > 0 (n + ) (n + )! un n n! = (n + )! (n + ) 2 n n(n + ) (n + )! = n(n + ) (n + )2 + n n(n + ) (n + )! = n2 + 2n (n + ) 2 n(n + ) (n + )! v n u n = n n! n 0. D après ces trois calculs, les suites (u n) et (v n) sont bien adjacentes. Il vient directement que lim n un = lim vn = l. n = n(n + ) (n + )! < 0. Enfin, puisqu un encadrement de e est donné par v n u n, il suffit de déterminer n tel que v n u n 0 3. Or v n u n 0 3 n n! 0 3. Déterminons cette quantité pour les premières valeurs de n (en effet, vu la croissance fulgurante de la fonction factorielle, nous n aurons certainement pas besoin de calculer cette quantité pour plus de 5 valeurs de n). Enfin, on calcule u 6 et v 6 : Finalement, 2, 7806 l 2, Pour la limite, rappelons un résultat d analyse ( voir cours sur les développements limités), n N, +! + 2! + 3! + n! < e < +! + 2! + 3! + n! + 3 (n + )!. D où l = e, et donc e = 2, Nous venons de déterminer une valeur approchée d un nombre réel non rationnel grâce à une suite de nombres rationnels Suites extraites Définition *Toute suite (u ϕ(n) ) où ϕ : N N est une application strictement croissante, est appelée suite extraite (ou sous-suite) de (u n ).
8 8 CHAPITRE 2. SUITES NUMÉRIQUES Proposition 2.6. :* Toute suite extraite d une suite (u n ) convergente converge vers la même limite. ϕ étant strictement croissante, on a que pour tout entier naturel n, ϕ(n) n. Soit ε > 0. Alors il existe N N tel que u n l < ε. Or ϕ(n) n N, donc on a aussi u ϕ(n) l < ε, d où le résultat. Proposition :(*) Soient (u n ) une suite et l K. Pour que (u n ) converge vers l, il faut et il suffit que les deux sous suites (u 2n ) et (u 2n+ ) convergent vers l. La condition est nécessaire (proposition précédente). Montrons qu elle est suffisante : donnonsnous ε > 0. Il existe alors deux entiers N, N N tels que n N, u 2n l < ε et n N, u 2n+ l < ε. Par suite, si n 2 max(n, N ), alors u n l < ε (il suffit de distinguer le cas n pair et n impair), donc (u n ) converge vers l. 2.7 Composition par une fonction continue Théorème 2.7. : Si f est une fonction continue en l, limite d une suite (u n ), alors la composée f(u n ) converge vers f(l). Soit ε > 0. La continuité de l application f en l nous amène à écrire qu il existe η > 0 tel que u n l < η f(u n ) f(l) < ε. De plus, la convergence de (u n ) vers l se traduit par ε > 0, N N n N = u n l < ε. En particulier, avec ε = η, on aboutit à l implication n N f(u n ) f(l) < ε, ce qui prouve bien que ( f(u n ) ) converge vers f(l). Proposition 2.7. :(*) Soient I R, f : I R une application et (u n ) une suite définie par récurrence par u 0 I et u n+ = f(u n ) pour tout n N et convergeant vers l R. Si f est continue en l, alors l est point fixe de f. La convergence de (u n ) vers l implique deux choses : la première est que la suite (u n+ ) converge aussi vers l (proposition 4), et la seconde est que f(u n ) converge vers f(l) (théorème précédent) par continuité de f en l. Or u n+ = f(u n ), et on en déduit par unicité de la limite que l = f(l). Exemple : Soit (u n ) la suite définie par récurrence par u 0 = et u n+ = 2 + u n = f(u n ) pour tout n N. f est continue sur [ 2, + [, et l on montre par récurrence que pour tout n N, 0 < u n 2. Or u n+ u n = 2 + u n u n = (2 u n)( + u n ) 2 + un + u n > 0, donc (u n ) est croissante et majorée, donc convergente (proposition 2 (ii)) vers une limite l [0, 2] qui vérifie f(l) = l par la proposition précédente. Nécessairement, l = 2.
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