LEÇON N 18 : Un brin d histoire... Introduction
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- Marie-Françoise Bélanger
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1 LEÇON N 18 : Interprétation géométrique des applications de C dans C définies par z z + b, z az, z z, où a et b sont des complexes, a non nul Exemples d application à l étude de configurations géométriques du plan Pré-requis : Nombres complexes : définition, conjuguaison, écriture sous forme exponentielle ; Définitions et propriétés des translations, réflexions, rotations, homothétie ; Similitude = composée d une homothétie et d une réflexion ; Soit P un plan affine euclidien, dont on choisit une base (O, u, v) orthonormée (ce qui permet de définir une orientation du plan, utile en section 3), et P le plan vectoriel associé Un brin d histoire Au début du XVIII e siècle, le mathématicien suisse Jean Robert Argand représente des nombres complexes par des points dans un plan C est lui qui comprendra en premier la correspondance bi-univoque existante entre les points d un plan et les nombres complexes Il expliquera même comment le nombre imaginaire i peut être interprété comme une rotation d angle π, et introduira le concept de module A l époque des Grecs, ils leur fallait tracer une figure pour voir apparaître des «rapports de longueur», et ainsi passer de la figure aux nombres La découverte et l utilisation des nombres complexes a révolutionné la géométrie actuelle en faisant émerger le notion de vecteurs La représentation géométrique des nombres complexes n est apparue que bien longtemps après la création des nombres complexes (XVI e siècle) Introduction Théorème 1 : Les applications P R ω = x u + y v (x, y), P R M(x, y) (x, y) et R C (x, y) x + iy sont des bijections Ce théorème nous permet donc d associer un nombre complexe à chaque point du plan affine et à chaque vecteur du plan vectoriel associé On a ainsi la définition suivante :
2 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z Définition 1 : Au point M de coordonnées (x,y), on associe le nombre complexe z = x + iy qui est appelé affixe du point M et noté z M On dit aussi que M est un point d affixe z, noté M z A tout vecteur ω = α u + β v de P est associé le nombre complexe ζ = α + iβ appelé affixe du vecteur ω et noté ζ ω Se donner une application f : C C revient donc à se donner une application f : P P qui à tout point M d affixe z associe le point f(m) d affixe f(z) On notera indifféremment f = f pour simplifier les notations 181 Nombres complexes et géométrie, point de vue vectoriel 1811 Rappels de quelques propriétés utiles Théorème : Soient A, B deux points de P, ω 1, ω deux vecteurs et k R Alors : (i) z A = z B A = B et z ω1 = z ω ω 1 = ω ; (ii) z ω 1 +ω = z ω1 + z ω et z k ω1 = k z ω1 (iii) z AB = z B z A démonstration : Cette démonstration utilise surtout le théorème 1 Posons z A = a 1 + ia et z B = b 1 + ib, ω 1 = ω 11 u + ω 1 v et ω = ω 1 u + ω v (i) z A = z B a 1 + ia = b 1 + ib (a 1, a ) = (b 1, b ) A = B De même, z ω1 = z ω ω 11 +iω 1 = ω 1 +iω (ω 11, ω 1 ) = (ω 1, ω ) ω 11 u+ω 1 v = ω 1 u+ω v ω 1 = ω (ii) z ω 1 +ω = z (ω11 +ω 1 ) u+(ω 1 +ω ) v = ω 11 + ω 1 + i(ω 1 + ω ) = z ω1 + z ω De plus, z k ω1 = z kω11 u+kω 1 v = kω 11 + ikω 1 = k(ω 11 + iω 1 ) = kz ω11 u+ω 1 v = kz ω1 (ii) (iii) z AB = z OB OA = z OB z OA = z b1 u+b v z a1 u+a v = b 1 + ib a 1 ia = z B z A Exercice 1 : Soient A,B et C trois points d affixes respectives 4 + i, 1 3i et Déterminer l affixe du point D tel que ABCD soit un parallélogramme Solution : Un parallélogramme ABCD est caractérisé par l équation vectorielle AD = BC En terme de complexes, si l on note respectivement a, b, c et d les affixes des points A, B, C et D, il s agit de trouver d tel que d a = c b d = c b + a, et l on en déduit d = 1 + 3i i = 1 + 5i Constructions géométriques Soient M,M deux points du plan P d affixes respectives z et z L addition de deux complexes étant possibles, on peut définir l addition de deux points du plan P par transport de structure : si z S est une affixe vérifiant z S = z + z (donc un point S de P lui est associé), alors on
3 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z 3 a aussi z S 0 = z 0 + z 0, soit OS = OM + OM, ce qui permet de construire le point S, que l on peut ainsi voir comme la somme des points M et M De même, si k est un réel, et z P une affixe vérifiant z P = kz, alors on a aussi z P 0 = k(z 0), soit OP = k OM, ce qui permet de construire le point P associé à l affixe z P, que l on peut aussi voir comme le produit du point M par le scalaire k S z+z M M z M z O M z Remarques 1 : Ces deux points nous rappellent que P, aussi bien que C, sont deux R-espaces vectoriels Si k est constructible à la règle et au compas, alors le vecteur OP l est aussi en utilisant par exemple le théorème de Thalès En effet, on trace une droite passant par O mais ne contenant pas M On choisit au compas une longueur arbitraire que l on reporte autant de fois que nécessaire sur cette droite en partant de O (k = np : reporter p fois et marquer le n e point si n p et n fois sinon en marquant le p e point) Le tracé des parallèles assure alors que la droite (OM) sera coupée au point P recherché, comme le suggère l exemple ci-dessus O P kz 181 Nombres complexes et transformations Théorème 3 : L application de C dans lui-même qui à z associe son conjugué z est l écriture complexe de la réflexion d axe des abscisses (O, u) démonstration : Soient M, M deux points d affixes respectives z = x + iy et z = x + iy Alors z = f(z) = z x + iy = x iy (x, y ) = (x, y) C est équivalent à dire que M est le symétrique de M par rapport à l axe des abscisses (O, u) Théorème 4 : Soient a R, b C et les applications t : C C z z + b et h : C C z az Alors t est l écriture complexe de la translation de vecteur τ d affixe b, et h est l écriture complexe de l homothétie de centre O et de rapport a démonstration : t : Soient M z et M z deux points Alors z = t(z) = z + b z z = b MM = τ M = t τ (M), où t τ désigne la translation de vecteur τ d affixe b h : On suppose a R Alors z = h(z) = az OM = a OM M = h 0,a (M), où h 0,a désigne l homothétie de centre O et de rapport a
4 4 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z 18 Introduction du module et de l argument 181 Module Soit M un point de P d affixe z = x + iy Alors OM = x u + y v, donc OM = OM = x + y, en utilisant la norme euclidienne définie sur R Définition : A tout point M z du plan P, on associe la quantité z = OM appelée module de z Si z s écrit x + iy, alors z = x + y Proposition 1 : Soient A et B deux points d affixes respectives z A et z B Alors AB = z B z A démonstration : Posons z A = a 1 + ia et z B = b 1 + ib Alors AB = (b 1 a 1 ) + (b a ) = (b 1 a 1 ) + i(b a ) = b 1 + ib (a 1 + ia ) = z B z A Proposition : Soient z, z C Alors (i) z 0 et ( z = 0 z = 0) ; (ii) z = z = z ; (iii) zz = z z (en particulier, pour tout réel λ, λz = λ z ) ; (iv) z z z + z z + z démonstration : Soient z et z deux nombres complexes Les points (i) et (iv) sont immédiats puisque z = OM par définition et est une norme (ii) Posons z = x + iy, de sorte que z = x + i( y) = ( x) + ( y) = x + y = x + iy = z et z = x iy = x + ( y) = x + y = x + iy = z (iii) Remarquons tout d abord que z = x + y = (x + iy)(x iy) = zz Ainsi, zz = zz zz = zzz z = zz z z = z z En particulier, λ C, donc la formule d applique Remarques : Géométriquement, (iv) est une propriété de la distance euclidienne dans R, (ii), (iii) et (iv) montrent que le module est une norme sur C, considéré comme R-espace vectoriel (ce qui était prévisible d après le théorème 1)
5 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z 5 18 Argument Définition 3 : Soit M un point du plan d affixe z = x + iy non nulle Alors z z est de module 1, de sorte que son image m soit sur le cercle trigonométrique Si θ est une mesure modulo π de l angle ( u, Om), on a alors z z = cos θ + i sin θ, avec cos θ = x y sin θ = x + y, x + y θ, qui est aussi une mesure de l angle ( u, OM), est appelé argument de z et est noté arg(z) La valeur de θ appartenant à l intervalle ] π,π] est l argument principal de z, noté Arg(z) Remarque 3 : Le nombre complexe nul n admet pas d argument De plus, tout nombre complexe non nul z d argument θ s écrit sous la forme z = z (cos θ + i sinθ) = z e iθ, et réciproquement, si z = ρ(cos θ + i sinθ) avec ρ > 0, alors z est de module ρ et d argument θ Proposition 3 : Soient z, z C On a : (i) arg( z) = π + arg(z) [π] ; (ii) arg(z) = arg(z) [π] ; (iii) arg(zz ) = arg(z) + arg(z ) [π] démonstration : On pose θ = arg(z) (resp θ = arg(z )) pour un nombre complexe z (resp z ) non nul Toutes les égalités écrites dans cette démonstration s entendent modulo π (i) arg( z) = arg ( z ( cos θ i sinθ) ) = arg ( z (cos(π + θ) + i sin(π + θ)) ) = π + θ = π + arg(z) (ii) arg(z) = arg ( z (cos θ i sinθ) ) = arg ( z (cos( θ) + i sin( θ)) ) = θ = arg(z) (iii) Ici, nous aurons besoin des formules de trigonométrie En effet, arg(zz ) = arg ( z (cos θ + i sinθ) z (cos θ + i sinθ ) ) = arg ( zz (cos θ cos θ sinθ sinθ + i(cos θ + sinθ + cos θ sin θ)) ) = arg ( zz (cos(θ + θ ) + i sin(θ + θ )) ) = θ + θ = arg(z) + arg(z ) Remarque 4 : Le point (iii) nous amène à écrire que l application est un morphisme de groupes (C, ) (R, +) z arg(z) C est là qu on voit apparaître l intérêt de la multiplication sur C En effet, si l on prend deux points M, M du plan P d arguments respectifs θ et θ et de module 1, où se situera le point d argument θ + θ et de module 1? Soit Z l affixe de ce point Alors arg(z) = θ + θ = arg(z M ) + arg(z M ) = arg(z M z M ) Mais on a aussi Z = z M z M = z M z M, donc Z = z M z M, ce qui nous donne la position de ce point dans le plan P
6 6 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z Proposition 4 : Soient M 1 m1, M m, M 3 m3, M 4 m4 des points de P Alors ( M 1 M, ( ) m4 m 3 M 3 M 4 ) = arg m m 1 démonstration : ( M 1 M, M 3 M 4 ) = ( u, M 3 M 4 ) ( u, M M 1 ) déf = arg(z ) arg(z ) M 3 M 4 M M 1 thm (ii) = arg(m 4 m 3 ) arg(m m 1 ) ( ) prop 3(ii) 1 = arg(m 4 m 3 ) + arg m m 1 ( ) prop 3(iii) m4 m 3 = arg m m Nombres complexes et géométrie, point de vue affine On a déjà pu introduire plus tôt l addition de deux points de P ainsi que la multiplication d un point de P par un scalaire réel On vient aussi de voir l intérêt que suscite la multiplication de deux complexes, dans le sens où l identification à P nous permet de transporter cette multiplication pour la définir entre deux points de P, intuitivement plus difficile à faire Soient M,M deux points de P d affixes respectives m = m 1 +im et m = m 1+im Soit encore z Q une affixe vérifiant z Q = zz Alors on a z Q = (m 1 +im )(m 1 +im ) = (m 1 m 1 m m )+i(m 1 m +m m 1), donc Q est le point de coordonnées (m 1 m 1 m m,m 1 m + m m 1) Cela nous permet d interpréter géométriquement le produit de deux nombres complexes, grâce au théorème suivant : Théorème 6 : Soit a C L application z az est l écriture complexe de la similitude directe de centre O, de rapport a et d angle Arg(a) (rotation si a = 1) démonstration : Soient M z et M z deux points de P On a les équivalences suivantes : OM z OM = z z = z z = a = f(z) = az ( OM, OM ( ) z M = s O, a,arg(a) (M), ) = Arg = Arg(a) z où s O, a,arg(a) désigne la similitude de centre O, de rapport a et d angle Arg(a) (c est-à-dire la composée de l homothétie de centre O et de rapport a et de la rotation de centre O et d angle Arg(a)) Si a = 1, l homothétie considérée est l identité sur le plan P, donc la similitude déterminée se réduit à la rotation de centre O et d angle Arg(a) Exercice : Soit ABCD un quadrilatère quelconque On construit les points M 1,M,M 3 et M 4 de sorte que les triangles respectifs ABM 1,BCM,CDM 3 et DAM 4 soient rectangles isocèles en ces points Montrer
7 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z 7 que les droites (M 1 M 3 ) et (M M 4 ) sont perpendiculaires et que M 1 M 3 = M M 4 Solution : Faisons une figure pour mieux voir les choses : M 1 M B A C M 3 D M 4 Notons par des lettres minuscules (et éventuellement indicées) les affixes correspondantes à chaque point L application C C : z iz est une rotation puisque i = 1 Notons alors r la rotation vectorielle d angle π (Arg(i) = π) On a alors r( M 1 B) = M 1 A r( OB OM 1 ) = OA OM 1 On montre de la même manière que r(b m 1 ) = a m 1 a m 1 = i(b m 1 ) m 1 (1 i) = a ib m 1 = (a ib)(1 + i) (1 i)(1 + i) a + b + i(a b) = m = b + c + i(b c) c + d + i(c d), m 3 = et m 4 = d + a + i(d a) On en déduit alors que (m 4 m ) = a b c + d + i( a b + c + d) Or (m 3 m 1 ) = a b + c + d + i( a + b + c d) i(m 3 m 1 ) = a b c + d + i( a b + c + d) = (m 4 m ) r(m 3 m 1 ) = m 4 m r( M 1 M 3 ) = M M 4, ce qui prouve non seulement que M 1 M 3 = M M 4, mais aussi que les droites (M 1 M 3 ) et (M M 4 ) sont perpendiculaires Corollaire 1 : Soient a C \{1} et b C L application z az + b est l écriture complexe de la similitude de centre Ω d affixe ω = b, de rapport a et d angle Arg(a) 1 a démonstration : Soient M, M deux points de P d affixes respectives z et z Montrons d abord le sens direct On suppose que M = f(m), donc z = f(z) = az + b Le point d affixe ω = b 1 a est invariant par f et est donc point fixe de f Par suite, z = az + b z = az + b + ω aω b z ω = az aω = a(z ω) Posons alors pour toute affixe ζ, Z = ζ ω, qui correspond à un changement de repère par translation de vecteur d affixe ω (d après le théorème 4) La nouvelle origine est donc Ω d affixe ω et f s écrit dans le nouveau repère f(z) = az Le théorème précédent permet de conclure
8 8 Interprétation géométrique des applications z z + b,z az et z z Réciproquement, on se donne une similitude s de centre Ω d affixe ω, de rapport k > 0 et d angle θ, et l on veut montrer que si M = s(m), z = f(z) Posons pour toute affixe ζ, Z = ζ ω, et donnons-nous M = s(m) On a alors ΩM ΩM = k = z ω z ω = Z Z En remarquant que k = ke iθ et θ = Arg(ke iθ ), on déduit que et ( ΩM, ( z ΩM ) ω ) = θ = arg = arg z ω ( Z Z ) Z Z = keiθ z ω = ke iθ (z ω) z = ke iθ z + ω(1 ke iθ ), qui est bien de la forme z = az + b = f(z)
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