COURS DE LICENCE 2014/15 4 Groupes agissant sur un ensemble Définition 4.1. Soit G un groupe, X un ensemble non vide, S(X) le groupe des bijections de X. Une action de G sur X ou une opération de G sur X est un homomorphisme f : G S(X). On dit que G opère sur l ensemble X ou G agit sur l ensemble X s il existe un homomorphisme f : G S(X). C est à dire, à tout élément g G on associe f(g) = f g : X X, une application bijective, vérifiant les conditions suivantes: (i) pour tout x X, et pour tout g, g G, on a f gg (x) = f g (f g (x)); (ii) pour tout x X, on a f e (x) = x. On déduit que, x, y X et g G on a f g (x) = y f g 1(y) = x. L action de G sur X est fidèle si l unique élément g G tel que pour tout x X on a g.x = x, est l élément neutre de G. L action est transitive (respectivement simplement transitive) si pour tout x, y X il existe un élément (resp. un unique élément) g G tel que g x = y. On écrira également g x pour f g (x) alors, (i) pour tout x X, et pour tout g, g G, on a (gg ) x = g (g x); (ii) pour tout x X, on a e x = x. On a f g (x) = y f g 1(y) = x devient g x = y g 1 y = x. Exemples (0) L action triviale: G f S(X), f(g) = id X ; g G, x X g x = x ( ) cos θ sin θ (1) Le groupe SO(2) = { θ [0, 2π[} agit (simplement) transitivement sur le cercle S 1 R 2 (car ce groupe contient sin θ cos θ exactement les rotations autour de l origine). (2) Soit E n l espace vectoriel réel de dimension n. Ceci est d abord un groupe abélien. En tant que groupe abélien (identifiant avec R n par un choix de base) il agit transitivement sur R n par t a (x) = x + a. 1
2 COURS DE LICENCE 2014/15 (3) Le groupe symétrique d ordre n, S n, est défini comme S({1, 2,..., n}). On peut voir le groupe S 3 comme le groupe des isométries d un triangle équilatéral. Mais S 4 n est pas le groupe des isométries d un carré. ( ) a b (4) Chaque élément du groupe Gl 2 (R) = { a, b, c, d c d R, ad bc ( 0} définit ) un automorphisme du plan vectoriel R R. 1 0 La matrice correspond à l identité. Cette action n est pas 0 1 transitive sur R 2, mais l est sur R 2 {(0, 0)} Noter qu un groupe peut avoir plusieurs actions sur un même ensemble. Définition 4.2. Les classes d équivalence de la relation d équivalence R sur X : xry g G t.q. y = g x s appellent les orbites de l action de G sur X. Il est facil de voir que R est en effet une relation d équivalence il y a une seule orbite ssi l action est transitive. X est la réunion disjointe des orbites, CardX = CardO 1 + CardO 2 +..., si les orbites sont O 1,... on peut aussi écrire G x = {g x g G} pour l orbite de x Exemples (1) Le groupe S n = S({1, 2,..., n}) agit transitivement sur X n = {1, 2,..., n} ; c est à dire, il n y a qu une seule orbite. Le sous-groupe S n 1 = S({1, 2,..., n 1}) n agit pas transitivement: quelles sont les orbites? (2) L orbite de l action de Z sur R (définie par n r = r + n) d un point r R est l ensemble {r + n n Z}. (3) Le groupe G opère sur lui même: c est à dire on prend pour ensemble X l ensemble des éléments de G, sur lequel le groupe G agit (a) par conjugaison (ou automorphisme intérieur) Pour chaque élément de G, il y a l automorphisme intérieure φ g : G G définie par φ g (h) = ghg 1 pour tout h G, qui s appelle conjugaison par g. Alors l application G Aut(G)
COURS DE LICENCE 2014/15 3 (Aut(G) S(G)) ainsi défini donne une action de G sur lui même. En générale cette action n est pas transitive: par exemple si g G et G est commutatif (ou g Z(G)) on a φ g = Id G. Les orbites ici s appellent les classes de conjugaison de G. (b) par translation à gauche La multiplication dans G donne une action de G sur lui même. Pour chaque g G, on a une bijection h gh pour tout h G. Cette application n est pas en général un automorphisme (sauf si g est l élément neutre), mais elle est bijective, et elle satisfait les conditions (i) et (ii). Cette action est transitive. (c) par translation à droite Pour chaque g G, on a une bijection h hg 1 pour tout h G. (4) Si H est un sous groupe de G, alors l action à gauche (resp. droite) du groupe G sur l ensemble G induit une action de H sur G par restriction. L orbite de g G est alors Hg = {hg h H} ( resp gh = {gh h H}), Noter que, si H est d ordre fini, toutes les orbites ont la même nombre d éléments, qui est Card(H), et il y a [G : H] orbites (par définition). Si G est fini, on voit G = Hg = Card(G) = Card(H).[G : H], donc Card(H) divise Card(G) (théorème de Lagrange). Dans cet exemple, les orbites sont les classes laterales gauches (resp. droites) de H dans G. (5) Si H est un sousgroupe de G, alors ghg 1 est aussi un sousgroupe de G. Soit sous(g) la collection de tous les sous groupes de G. Alors G agit sur sous(g) par conjugaison: g H = ghg 1. Les sousgroupes fixés par G, c est à dire, les sousgroupes H sous(g) tels que le stabilisateur F H = G sont les sousgroupes distingués: g G, ghg 1 = H ou gh = Hg Dans l action (b), si g, g G, et g g, l on a la propriété que la bijection qui correspond à multiplication à gauche par g est différent de la multiplication à gauche par g car en particulier g = g e g e = g. Proposition 4.3. L opération de G sur lui même par translation à gauche est un homomorphisme injectif de G dans S(G) (le groupe de permutations de l ensemble G).
4 COURS DE LICENCE 2014/15 Corollaire 4.4. Théorème de Cayley Tout groupe d ordre fini n est (isomorphe à) un sous groupe de S n. Définition 4.5. Étant donnée une action de G sur X, le stabilisateur ou fixateur d un élément x X est la collection d éléments de G qui fixent x, F x = {g G g x = x}. Pour un sous ensemble A X, on a le stabilisateur de A est la collection d éléments de G qui fixent A comme ensemble, c est à dire F A = {g G g A = A} (on NE DIT PAS que g a = a t a A). Exemples (1) Pour l action de S 3 par isométries sur le triangle équilatéral, le stabilisateur du sommet 1 est le sous groupe d ordre 2 engendré par la transposition qui fixe 1 et échange 2 et 3. Si x {1, 2,..., n} alors F x est un sousgroupe de S n isomorphe à S n 1. (2) Quand on considère l action de G sur lui même par conjugaison, le stabilisateur F A est le normalisateur de A, N A = {g G gag 1 = A}. Il est claire que e F A toujours. On voit vite que: Proposition 4.6. Étant donnée une action de G sur X. (i) Pour x X, son stabilisateur F x est un sous groupe de G. (ii) Pour A X, son stabilisateur F A est un sous groupe de G. Proposition 4.7. Soit X un ensemble, et G un groupe qui agit sur X. Soit x X un élément, avec stabilisateur F x et orbite O x. Soit y O x, g G tel que y = g x. (i) L ensemble des éléments g G t.q. g x = y est la classe latérale gf x = {g G g = gh, h F x }; (ii) F y = gf x g 1 ; (iii) Card(O x ) = Card(G/F x ) = [G : F x ] (= Card(G)/Card(F x ) quand Card(G) est fini). Démonstration. (i) Si g x = y = g x, alors on a (g 1 g ) x = x g 1 g F x g gf x.
COURS DE LICENCE 2014/15 5 (ii) Si y = g x, alors h x = x ssi h ((g 1 g) x) ssi hg 1 (g x) = x (ghg 1 ) (g x) = g x ghg 1 y = y (iii) On définit une application surjective Φ : G O x définie par g g x. Cette application correspond à une relation d équivalence R définie sur G par: grg g x = g x (g 1 g) x = x g 1 g F x. Elle est donc associé à un sous groupe F x de G, et on a G G/R O x, où la deuxième application est une bijection. Il est claire que Card(G/R) = Card(G/F x ) = Card(O x ) = [G : F x ]. Corollaire 4.8. Si G est un groupe fini qui agit sur l ensemble X, on a Card(F x ) divise Card(G) et Card(O x ) divise Card(G). Exemple: Les solides regulières Le cube est un solide régulier avec 6 faces carrées, 8 sommets, et 12 arêtes. Soit G le groupe de symétries du cube (préservant l orientation). (i) Il y a 6 faces, et G agit transitivement sur l ensemble des faces. Si P est une face, il y a une rotation d ordre 4 qui la préserve comme ensemble et CardF P = 4. Alors CardG = CardF P CardO P = 24. (ii) Il y a 8 sommets, et G agit transitivement sur l ensemble des sommets. Si v est un sommet, alors il y a une rotation d ordre 3 qui le fixe: CardF v = 3. Alors CardG = CardF v CardO v = 24. (iii) Il y a 12 arêtes et G agit transitivement sur l ensemble des arêtes. Si a est une arête, alors il n y a que une rotation d ordre 2 qui le fixe (comme ensemble): CardF a = 2. Alors CardG = CardF a CardO a = 24. Le dodécaèdre est un solide régulier avec 12 faces pentagonales, 20 sommets, et 30 arêtes. Le groupe de symétries du dodécaèdre préservant l orientation: (i) Il y a 12 faces, et G agit transitivement sur l ensemble des faces. Si P est une face (P est un pentagone régulier), et il y a une rotation d ordre 5 qui le préserve comme ensemble c est à dire CardF P = 5. Alors CardG = CardF P CardO P = 60.
6 COURS DE LICENCE 2014/15 (ii) Il y a 20 sommets, et G agit transitivement sur l ensemble des sommets. Si v est un sommet, alors il y a une rotation d ordre 3 qui le fixe: CardF v = 3. Alors CardG = CardF v CardO v = 60. (iii) Il y a 30 arêtes et G agit transitivement sur l ensemble des arêtes. Si a est une arête, alors il n y a que une rotation d ordre 2 qui le fixe (comme ensemble: CardF a = 2. Alors CardG = CardF a CardO a = 60. Ce groupe est isomorphe à A 5 le sous groupe d indice 2 dans S 5. Le tetraèdre est un solide régulier avec 3 faces triangulaires, 4 sommets, et 6 arêtes. Considérer le groupe G des symétries du tetraèdre (ceux qui préservent l orientation, et les autres). Les symétries qui fixe un sommet et preserve orientation, sont 3 (identité, et les deux rotations). Si on permet les reflexions, on trouve le groupe S 3 qui agit sur les sommets en face. Le groupe est A 4 preservant orientation, sinon S 4. Considérer une action d un groupe fini G sur un ensemble fini X. Supposons qu il y a r orbites... donc il existe x 1,..., x r X tels que X = r i=1g x i. Écrivons, pour chaque g G, X g = {x X g x = x}. Proposition 4.9. Théoreme de Burnside r.card(g) = g G Card(X g). Démonstration. Il suffit de compter de deux façons differentes le nombre d éléments dans E G X, où E = {(g, x) g x = x}: si on se concentre sur un élément g G, on a card(e) = g G Card(X g), par la définition de X g. Et si on se concentre sur un élément x X, on a Card(E) = x X Card(F x). Ici on est dans un groupe fini : Card(G) = [G : F x ]Card(F x ) et [G : F x ] = Card(O x ) On obtient alors g G Card(X g) = Card(G) 1 x X et Card(O x ) x X 1 Card(O x ) = r 1 Card(O xi ) = z O xi i=1 r 1 = r i=1