Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 1 Nombres complexes et trigonométrie 1 Généralités Au seizième siècle, Tartaglia et Cardano se lancent des défis algébriques. Ils mettent au point une méthode leur permettant de trouver les trois solutions réelles de l équation x 3 x + 1 = 0. Pour cela, ils «osent» faire des calculs avec un nombre dont le carré vaut 1. Ce nombre «imaginaire» sera noté plus tard i. 1.1 Écriture algébrique Il existe un ensemble noté C, où tous les éléments appelés nombres complexes s écrivent de manière unique sous la forme z = a + ib avec a et b des réels et i un nombre tel que i 2 = 1. On dit que a est la partie réelle de z, on la note Re(z). On dit que b est la partie imaginaire de z, on la note Im(z). On prolonge à C l addition et la multiplication des réels : (a + ib) + (c + id) = (a + c) + i(b + d) et (a + ib)(c + id) = (ac bd) + i(ad + bc). Si z = a + ib est un nombre complexe non nul, on peut définir l inverse de z. En effet, le nombre complexe z = a ib a 2 +b 2 vérifie zz = 1, c est donc l inverse de z. Exercice 1 Donner l écriture algébrique du nombre (1+i)(1+2i) 3 i (réponse 3+4i 5 ). 1.2 Interprétation géométrique Dans tout le chapitre, le plan est muni d un repère orthonormé (O, u, v ). On a l habitude de représenter les nombres réels sur une droite graduée, par exemple l axe des abscisses. Multiplier un réel par 1 revient à lui faire subir un demi-tour autour de 0. Comme i 2 = 1, multiplier deux fois par i, revient aussi à multiplier par 1 donc à faire un demi-tour. Ainsi multiplier une seule fois par i revient à effectuer un quart de tour. Si on part de 1, et qu on multiplie par i, on effectue un quart de tour, et on peut ainsi représenter le nombre i par le point de coordonnées (0, 1). Si l on ajoute 2 à un nombre réel, on le translate de 2 vers la droite. Si l on ajoute ensuite i, on translate de 1 vers le haut. Plus généralement, ajouter x + iy revient à translater selon le vecteur de coordonnées (x, y). Ainsi un nombre complexe z = x + iy est représenté par le point M de coordonnées (x, y). On dit alors que z est l affixe du point M. Remarque : si u est un vecteur de coordonnées (x, y), on dit aussi que le nombre complexe z = x + iy est l affixe du vecteur u. En particulier si A et B sont deux points d affixe z A et z B, le vecteur AB a pour affixe z B z A.
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 2 1.3 Conjugué d un nombre complexe Définition 1 Si z = x+iy est un nombre complexe, on appelle conjugué de z noté z le nombre complexe z = x iy. Si M est le point d affixe z, alors le point M d affixe z est le symétrique de M par rapport à l axe des abscisses. Proposition 2 Soit z et z dans C. Alors 1. De plus si z 0, 2. z R z = z. z + z = z + z, et zz = zz. z z = z z. 3. Re(z) = z + z 2 et Im(z) = z z. 2i. 1.4 Module Définition 3 Soit z = x + iy un nombre complexe. On appelle module de z noté z le réel positif z = x 2 + y 2. Si M est le point d affixe z, le module de z est égale à la distance OM du point M à l origine du repère. Remarque : le module prolonge à C la notion de valeur absolue. En effet si z R, on a z = }{{} z +i 0 donc le module de z vaut z 2 + 0 2 = z 2 qui est égal à la valeur absolue de z. R Exercice 2 Représenter graphiquement l ensemble Γ = {z C z 2 + 3i = 2}. Remarque : plus généralement, si A est un point d affixe a et r un réel strictement positif : l ensemble {z C l ensemble {z C z a = r} est le cercle de centre A et de rayon r z a r} est le disque de centre A et de rayon r Proposition 4 Soit z C. On a : 1. z = 0 z = 0 2. zz = z 2 3. z = z 4. Re(z) z et Im(z) z. Proposition 5 (Module d un produit et d un quotient) Soit z et z dans C. On a zz = z z et z z = z z (z 0). Remarque : le module d une somme n est pas égal à la somme des modules, puisque 1 + i = 2 2 = 1 + i.
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 3 Exercice 3 Représenter graphiquement {z C z 1 = z = 1 z }. Proposition 6 (Inégalité triangulaire) Soit z et z dans C. On a z + z z + z. De plus, il y a égalité dans l inégalité ssi il existe un réel k 0 tel que z = kz ou z = kz. Traduction géométrique : soit u et v deux vecteurs du plan. On a u + v u + v et il y a égalité ssi les vecteurs sont colinéaires de même sens. Remarque : z z = z + ( z ) z + z = z + z. Exercice 4 Soit P = 1 X + X 2 + X 3 X 4. Montrer que si P s annule en z, alors z 1 2. 2 Écriture exponentielle ou trigonométrique d un nombre complexe 2.1 Paramétrage du cercle trigonométrique On sait que le cercle trigonométrique C est l ensemble des points M tels que OM = 1. Si M a pour coordonnées (x, y) cette condition est équivalente à x 2 + y 2 = 1, ce qui constitue l équation cartésienne de C. On sait aussi tout point M du cercle C peut être repéré par son angle polaire θ à l aide des fonctions cos et sin. Plus précisément, on a : C = {(cos θ, sin θ) θ R}. On dit que c est le paramétrage trigonométrique du cercle. Nous allons traduire cette propriété en termes de nombres complexes. Définition 7 Soit θ un réel. On pose e iθ = cos θ + i sin θ. Proposition 8 (Paramétrage de U) On note U l ensemble des nombres complexes de module 1. On a que U = {e iθ θ R}. On pourra retenir les formules suivantes : Proposition 9 (Formules d Euler) Soit θ R. On a cos θ = eiθ + e iθ 2 et sin θ = eiθ e iθ. 2i
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 4 2.2 Écriture exponentielle d un nombre complexe Définition 10 (Arguments d un nombre complexe non nul) Soit z C, et M le point d affixe z. On appelle argument de z noté arg(z) toute mesure de l angle orienté ( u, OM). Proposition 11 (Écriture exponentielle ou trigonométrique) Soit z C, avec r = z et θ = arg z. Alors z s écrit sous la forme z = re iθ. On dit que c est une écriture exponentielle de z. Remarques : le nombre complexe 0 n admet pas d arguments un nombre complexe non nul admet une infinité d arguments qui diffèrent d un multiple de 2π. On appelle argument principal l unique argument de ] π, π]. Attention, si z = re iθ avec r < 0, alors r n est pas le module c est r et arg z = θ + π mod 2π. Exercice 5 Donner l écriture exponentielle des nombres complexes suivants : 1. 1 + i 2. 3 3i 3. 1 + i 3 Exercice 6 Représenter les points d affixe : e i π 4, e i 2π 3, e i 53π 4, 2e i π 6, 2 + e i π 2. Proposition 12 (Propriétés algébriques de «exponentielle iθ») Soit θ et θ deux réels. On a : 1. e iθ e iθ = e i(θ+θ ) 2. e iθ e iθ = ei(θ θ ) 3. e iθ = e iθ = 1 e iθ 4. Formule de Moivre : pour tout n Z, on a : (cos θ + i sin θ) n = cos(nθ) + i sin(nθ). On en déduit les propriétés multiplicatives de l argument : Proposition 13 Soit z et z dans C. On a 1. arg(zz ) = arg(z) + arg(z ) mod 2π 2. arg z z = arg z arg z mod 2π 3. arg z = arg z = arg 1 z mod 2π 4. Pour tout n Z, on a : arg z n = n arg z mod 2π. Exercice 7 Placer un point M d affixe z tel que z = 2. Construire maintenant le point d affixe z 2. Remarque : l écriture exponentielle est adaptée aux problèmes conduisant à des produits ou des quotients de complexes. Par exemple, Exercice 8 Donner l écriture algébrique de (1 + i 3) 2014.
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 5 2.3 Dans écriture trigonométrique, il y a «trigonométrie» En prenant les parties réelles et imaginaires de e i(a+b) = e ia e ib, on retrouve les formules d addition de cosinus et sinus. Attention, les formules usuelles de trigonométrie sont à connaître et doivent se redémontrer très rapidement à partir des formules d addition de cos et de sin. On pourra se reporter au brevet de trigonométrie.. 3 Quelques applications «algébriques» 1. Technique de l angle moitié : 1 + e iθ = e iθ/2 (e iθ/2 + e iθ/2 ) = e iθ/2 2 cos(θ/2). 2. Polynômes de Tchebychev : écriture de cos nx comme un polynôme en cos x. Par exemple, cos(3x) = 4 cos 3 x 3 cos x. 3. Linéarisation d expressions trigonométriques (on transforme un produit en une somme). C est utile par exemple pour calculer des intégrales ou des dérivées n-ièmes. 4. Sommes trigonométriques : ( ) simplification de n k=0 cos(kx) (attention au cas x 0 mod 2π). 4 Résolutions d équations algébriques 4.1 Racines n-ièmes d un nombre complexe Définition 14 Soit n N. On dit que r C est une racine n-ième d un nombre complexe a si r n = a. Exercice 9 (Trois exemples pour démarrer) 1. Calculer (3 i) 2. En déduire les racines carrées de 8 6i. 2. Factoriser le polynôme X 4 1, en déduire les racines 4-ièmes de 1. 3. Le nombre i est-il une racine n-ième de 1 pour n valant 2, 3, 4, 5, 6? Théorème 15 Les racines n-ièmes de l unité (du nombre 1) sont donc les n solutions complexes de l équation z n = 1 : U n = {e i2kπ n k 0, n 1 }. Exemples : U 2 = {±1},U 3 = {1, j, j 2 },U 4 = {±1, ±i}. Remarque : les points ayant pour affixe les racines n-ièmes de l unité forment un polygone régulier. Il faut connaître les relations suivantes :
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 6 Proposition 16 (Cas des racines cubiques de l unité) j = e i2π 3, j 3 = 1, j = j 2 et 1 + j + j 2 = 0. Proposition 17 La somme des racines n-ièmes de l unité est nulle (pour n 2). Interprétation géométrique : le point 0 est le centre de gravité du polygone régulier formé par les racines n-èmes de l unité. Remarque : plus généralement, les racines n-ièmes d un nombre complexe a = re iθ sont les n solutions de l équation z n = a : r 1 n e iθ n e i2kπ n, k 0, n 1. En particulier un nombre complexe, admet toujours une racine carrée (il y en a deux qui sont opposées). 4.2 Équations du second degré 1. Résolution avec discriminant Proposition 18 Soit a, b, c C avec a 0. On note (E) l équation az 2 + b + c = 0 d inconnue z C. On pose = b 2 4ac et δ C désigne une racine carrée de. Si 0, (E) admet deux solutions z 1 = b+δ 2a Si = 0, (E) admet une solution double z 1 = b 2a. et z 2 = b δ 2a. En particulier, si z 1 et z 2 sont les racines du polynôme P(X) = ax 2 + bx + c, on a la factorisation suivante : P(X) = a(x z 1 )(X z 2 ). 2. Écriture algébrique des racines carrées 3. Relation coefficients racines : on retiendra que (X u)(x v) = X 2 (u + v) X + }{{}}{{} uv = X 2 SX + P. S P Ainsi en lisant les coefficients d un polynôme, on lit la somme et le produit de ses racines. 5 Géométrie 5.1 Deux outils de type «dictionnaire» (correspondance entre les langages algébrique et géométrique) Proposition 19 Soit A, B, C, D quatre points 2 à 2 distincts. On a z D z C z B z = CD ( ) A AB et ( ) arg zd z C = ( AB, CD). z B z A (attention l ordre des lettres est inversé).
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 7 Proposition 20 (Test de colinéarité et d orthogonalité) Soit u et v deux vecteurs. On a 1. u et v sont colinéaires ssi ( z v z u R ou z u = 0 ). 2. u et v sont orthogonaux ssi ( z v z u ir ou z u = 0 ). Exercice 10 Caractériser l ensemble des points M d affixe z tel que : 1. arg z z 2i+ 3 = 0 mod π 2. Re ( ) z 1 z i = 0. 5.2 Notion de centre de gravité Proposition 21 Le centre de gravité d un polygone A 1... A n est l unique point G tel que GA 1 + GA 2 + + GA n = 0. Son affixe z G est la moyenne des affixes des points A i, c est-à-dire : Remarques : z G = z 1 + + z n. n le point G est un point d équilibre ou point moyen, son affixe est la moyenne des affixes des sommets. Cas du milieu I d un segment [AB], z I z G = z A+z B +z C. 3 = z A+z B 2 et du centre G d un triangle ABC, 5.3 Écriture complexe des similitudes directes 1. Trois exemples fondamentaux de transformations translation de vecteur u : f(z) = z + a où a est l affixe de u rotation de centre Ω(ω) et d angle θ : f(z) ω = e iθ (z ω) homothétie de centre Ω et de rapport k > 0 : f(z) ω = k(z ω) Application : ABC est équilatéral direct ssi c a = e i π 3 (b a). 2. Interprétation géométrique des applications z az + b Proposition 22 Soit f : C C définie par f(z) = az + b avec a, b C et a 0. Si a = 1, f code une translation de vecteur u d affixe b. Si a 1, f admet un unique point fixe w (f(w) = w). Si k = a et θ est un argument de a, alors : z C, f(z) w = ke iθ (z w). Ainsi f code la composée de l homothétie de centre Ω (d affixe w) et de rapport k, par la rotation de centre Ω et d angle θ.
Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2018-2019 8 En particulier si b = 0, on retrouve le fait que multiplier par un nombre complexe a revient à multiplier les distances par a et tourner autour de O d un angle arg a. Exercice 11 Nature géométrique de f : C C définie par f(z) = (1 + i)z + (3 4i). 3. Notion de similitude directe Définition 23 Une similitude est une transformation qui conserve les rapports des distances. Elle est dite directe lorsque qu elle conserve en plus l orientation des angles. Remarques : une symétrie axiale conserve les distances et les angles mais pas leur orientation. une symétrie centrale est une rotation d angle π. Proposition 24 Les applications du type z az + b avec a, b C et a 0 codent des similitudes directes. Remarque : on peut démontrer qu une similitude directe est codée par une application du type z az + b. 6 Exponentielle complexe Définition 25 Soit z = x+iy avec x, y R. On appelle exponentielle de z le nombre complexe exp(z) = e x e iy. Remarques : cette définition prolonge celle des réels. En effet, si z R, on a z = z + i 0 et donc exp(z) = e z e i 0 = e z. comme e x > 0, l écriture exp(z) = e x e iy est une écriture exponentielle de exp(z). En particulier exp(z) = e x et arg exp(z) = y. Proposition 26 (Morphisme) Soit z et z dans C. On a exp(z + z ) = exp(z) exp(z ). Exercice 12 Résoudre l équation exp(z) = i d inconnue z C. Peut-on définir le logarithme du nombre i?