ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES I Équations du premier ordre Dans tout le paragraphe, a et b désignent des fonctions continues sur un intervalle I. 1 o ) Définitions et ensemble des solutions Définition 1 : On appelle équation différentielle linéaire du premier ordre toute équation de la forme (E) : y + ay = b, où a et b sont des fonctions réelles continues sur un intervalle I, et y est l inconnue. Résoudre (E) revient à déterminer toutes les fonctions y dérivables sur I et vérifiant : x I, y (x) + a(x)y(x) = b(x). Définition 2 : L équation (E H ) : y + ay = 0 est appelée équation homogène associée à l équation y + ay = b. Toute solution d une équation du premier ordre se décompose en deux parties de nature distincte : Propriété 1 : Soit (E) l équation y + ay = b et (E H ) : y + ay = 0 l équation homogène associée à (E). On note y p une solution particulière de l équation (E) sur I. Alors y est solution de (E) si et seulement si y y p est solution de (E H ). Démonstration : La linéarité fait que cela marche. Ainsi il suffit de savoir résoudre l équation homogène et déterminer une solution particulière : en notant S l ensemble des solutions de (E) et S H l ensemble des solutions de (E H ), S = { y H + y p, y H S H } (la solution générale de l équation différentielle est la somme d une solution particulière et de la solution générale de l équation homogène associée). 2 o ) Résolution de l équation homogène Théorème 1 : On considère l équation homogène (E H ) : y + ay = 0. Pour toute solution y de (E H ) sur I, il existe une constante k R telle que, x I, y(x) = ke A(x),où A désigne une primitive de a sur I. Démonstration : Dériver la fonction x y(x)e A(x). Exemple 1 : Résoudre les équations homogènes y = y cos(x), (4 x 2 )y + 2x y = 0. Un petit tour du côté de la cinétique chimique s impose : la vitesse de réaction est définie par v = d[a], et pour une réaction d ordre 1, v = k[a] 1 ce qui conduit à une jolie équation différentielle linéaire homogène à coefficients constants... 3 o ) Recherche d une solution particulière La priorité est de bien observer la nature des fonctions a et b. Par exemple, si on a affaire à deux fonctions trigonométriques, on pourra essayer de chercher une solution particulière sous forme trigonométrique, et de même pour des fonction polynômes, ou pour des exponentielles. Encore plus simple, si a et b sont des constantes, on devrait trouver rapidement une solution particulière, sûrement constante. Exemple 2 : Déterminer une solution particulière des équations suivantes : y +t y = t 3 +3t, y +2y = cos(2x)e x. Page 1/6
Dans le cas où aucune solution particulière ne semble «évidente», la méthode de la variation de la constante permet de trouver à coup sûr une solution particulière (quitte à l exprimer à l aide d une intégrale) : l idée consiste à partir de la solution générale de l équation homogène, dans laquelle la constante k devient une fonction. On définit donc y sur I par y(x) = k(x)e A(x), où k est dérivable sur I : on montre qu on arrive au résultat suivant : Propriété 2 : (méthode de variation de la constante) Si k est une fonction dérivable sur I, la fonction définie sur I par y(x) = k(x)e A(x) est solution de l équation y = ay + b ssi k est une primitive de be A (où A est une primitive de a). Démonstration : Démontré précédemment. Remarque : On pourra exprimer de manière générale sous forme d intégrale la solution particulière obtenue par variation de la constante, mais cela a peu d intérêt en pratique. On retient la méthode et non les formules. Il ne reste plus ensuite qu à donner l ensemble des solutions de l équation complète à l aide du théorème 1, c est-à-dire en ajoutant la solution particulière obtenue aux solutions de l équation homogène. Exemple 3 : 1 o ) Résoudre l équation suivante : y + y tan(x) = cos 2 (x). 2 o ) Résolvons l équation suivante, dont les notations ont été empruntées à la physique : (E) : d[b] + k 2 [B] = k[a] 0 où k 2, k et [A] 0 sont des constantes, en sachant qu initialement [B] vaut [B] 0. On en déduit l unicité de la solution à une équation différentielle du premier ordre avec condition initiale : Propriété 3 : Pour tout t 0 I et tout y 0 R, il existe une unique solution y à l équation y + ay = b telle que y(t 0 ) = y 0. Démonstration : Tout vient de l écriture des solutions à l aide d une intégrale. Pour déterminer une solution particulière, on peut utiliser le principe de superposition, dû à la linéarité : Propriété 4 : Soit a C 0 (I ), et b = b k avec pour tout k [ ] 1,n, bk C 0 (I ). Pour tout k [ 1,n ], on note yk une solution particulière de l équation y + ay = b k. Alors y = une solution particulière de l équation y + ay = b. Démonstration : Immédiat. Exemple 4 : Résoudre y + y = sin(t) + 3sin(2t), avec y(0) = 0. y k est Page 2/6
II Équations du second ordre Dans tout le paragraphe, f désigne une fonction continue sur un intervalle I. 1 o ) Définitions et structure des solutions Définition 3 : On appelle équation différentielle linéaire du second ordre à coefficients constants toute équation de la forme (E) : y + ay + by = f, où a et b sont des constantes réelles et f est une fonction continue sur un intervalle I, et y est l inconnue. Résoudre (E) revient à déterminer toutes les fonctions y deux fois dérivables sur I et vérifiant : x I, y (x) + ay (x) + by(x) = f (x). Définition 4 : L équation (E H ) : y + ay + by = 0 est appelée équation homogène associée à l équation y + ay + by = f. De même que pour le premier ordre, toute solution d une équation du second ordre se décompose en deux parties de nature distincte : Propriété 5 : Soit (E) l équation y + ay + by = f et (E H ) : y + ay + by = 0 l équation homogène associée à (E). On note y p une solution particulière de l équation (E) sur I. Alors y est solution de (E) si et seulement si y y p est solution de (E H ). Démonstration : Tout vient à nouveau de la linéarité. Il suffit encore de savoir résoudre l équation homogène et déterminer une solution particulière : en notant S l ensemble des solutions de (E) et S H l ensemble des solutions de (E H ), S = { y H + y p, y H S H }. 2 o ) Résolution de l équation homogène Cherchons des solutions particulières simples de l équation homogène, sous forme exponentielle : on montre que y(x) = e r x est solution de l équation homogène ssi r est solution de l équation r 2 + ar + b = 0. Définition 5 : L équation r 2 + ar + b = 0 est appelée équation caractéristique associée à l équation y + ay + by = 0. Si cette équation admet deux racines réelles r 1 et r 2, cela conduit à deux solutions de (E H ) : y 1 (t) = e r 1t et y 2 (x) = e r 2t. Il est alors immédiat de prouver que pour tous réels λ et µ, t λe r 1t + µe r 2t est aussi solution. Il se trouve que la réciproque est vraie : toute solution peut s écrire sous la forme précédente. On le montre en posant y = e r 1t z. La méthode est similaire dans le cas où l équation caractéristique admet une seule ou aucune solution réelle, et on obtient les résultats suivants : Théorème 2 : On considère l équation homogène (E H ) : y +ay +by = 0, d équation caractéristique (E C ) : r 2 +ar +b = 0. Les solutions de (E H ) sont les fonctions s écrivant sous la forme : Si (E C ) admet deux solutions distinctes r 1 et r 2 : y : R R t λe r1t + µe r 2t où (λ,µ) R 2. Si (E C ) admet une solution unique r 0 : y : Si (E C ) n admet aucune solution réelle : y : une solution de (E C ) et (λ,µ) R 2. R R t (λ + µt)e r 0t où (λ,µ) R 2. Page 3/6 R R t e αt ( λcos(βt) + µsin(βt) ) où α + iβ est
Exemple 5 : Résoudre les équations homogènes 4y + 4y 3y = 0, y = 3y 9 4 y. Exemple 6 : L équation différentielle de l oscillateur harmonique : y + ω 2 y = 0 où ω R + (par exemple, oscillation d un ressort de raideur k : dans ce cas ω = ; ou pendule simple, où ω = k g m l ), avec y(0) = y 0 et y (0) = ẏ 0. On montre que la solution peut s écrire sous la forme y(t) = A sin(ωt + ϕ), et on observe le côté irréaliste du modèle. Profitons-en pour dire ce qui se passe en présence d un terme de dissipation du type ay, avec a > 0 et a < 2ω, et à donner une allure graphique de la solution. 3 o ) Recherche d une solution particulière Rien n est à connaître, la forme de la solution sera donnée, avec notamment deux cas les plus fréquents : Si f (t) = P(t)e mt où P est une fonction polynôme et m R : on cherchera une solution particulière sous la forme y p (t) = Q(t)e mt, avec Q fonction polynôme à déterminer, dont le degré sera précisé. Si f (t) = sin(ωt) ou f (t) = cos(ωt), on cherchera une solution particulière sous la forme y p (t) = λsin(ωt) + µcos(ωt) ou y p (t) = λt sin(ωt) + µt cos(ωt) selon les cas, les constantes λ et µ étant à déterminer. Dans le cas où f est constante, on a tout intérêt à chercher une solution particulière sous la forme d une constante. Exemple 7 : Résoudre les équations suivantes : 1 o ) y 3y +2y = e t : déterminer la solution vérifiant y(0) = 1 et y (0) = 0. On cherche une solution particulière sous la forme P(t)e t avec P fonction affine. 2 o ) y 2y + y = sin(2t) : solution particulière sous la forme λsin(2t) + µcos(2t). Pour déterminer une solution particulière, on peut utiliser le principe de superposition, dû à la linéarité : Propriété 6 : Soit f = f k avec pour tout k [ ] 1,n, fk C 0 (I ). Pour tout k [ 1,n ], on note yk une solution particulière de l équation y +ay +by = f k. Alors y = est une solution particulière de l équation y + ay + by = f. Démonstration : Immédiat. y k Page 4/6
III Équations non linéaires Nous allons nous intéresser à des modèles continus adoptés en dynamique des populations, qui conduisent à des équations différentielles linéaires ou non. On considère une population dont l effectif au cours du temps est modélisé par une fonction N : R + R +. En l absence d intéraction avec d autres populations (proies et prédateurs par exemple), la loi générale régissant l évolution de la population s écrit sous la forme : dn = naissances décès + migration où naissances, décès et migration sont des taux instantanés (le taux de migration pouvant être négatif). 1 o ) Modèle de Malthus (1798) Il suppose l absence de migration, et des taux de naissance et décès proportionnels à la population. L équation s écrit alors dn = (n d)n avec (n,d) ( R + 2. ) Cette équation (linéaire) se résout simplement pour donner N (t) = N (0)e (n d)t. Comportement du modèle : Si n > d : la population croît exponentiellement (et tend vers l infini). Si n < d : la population décroît exponentiellement (et tend vers 0 : extinction). Si n = d : la population est constante. On constate clairement les défauts d un tel modèle : dans la pratique, le milieu où se développe la population ne peut pas soutenir «à l infini» une croissance exponentielle, le cas n > d est donc irréaliste. Il peut convenir pour modéliser le développement de bactéries dans un temps court par exemple, mais pas sur une longue durée. 2 o ) Modèle de Verhulst (1836) Il a été introduit pour corriger les défauts du modèle de Maltus, dans le cas où n > d. Il considère que le taux de variation de N peut être quasiment proportionnel à N pour des petites valeurs, atteint une taille critique k (nombre maximum que le milieu peut supporter) puis décroît. Il s écrit dn ( = r N 1 N ) avec r = n d > 0 et k k > 0. Cette équation non linéaire ne se résout plus aussi simplement. En posant y = 1 ( N, on est conduit à l équation y = r y 1 ), équation qui se résout simplement pour donner k N (t) = N (0)ke r t k + N (0) ( e r t 1 ). Comportement du modèle : la population converge vers k. Courbes d évolution : voir la figure 1. 3 o ) Modèle de Gompertz (1825) Très utilisé en milieu médical (évolution du nombre de cellules cancéreuses par exemple), il correspond à une croissance exponentielle dans une première phase puis, arrivé à un palier, à un ralentissement de la croissance. L idée générale est la même que le modèle logistique, la seule différence vient de la fonction de «freinage», qui passe de 1 N ( ) k k à ln. Il s écrit dn ( ) k = an ln avec a > 0 et k > 0. Cette équation non linéaire ne se résout pas N N non plus simplement. Il suffit de poser y = ln(n ) pour obtenir l équation y = a ln(k) ay, équation qui se résout simplement pour ) e at donner finalement N (t) = ke ln( N (0) k. Comportement du modèle : la population converge vers k. Courbes d évolution : voir la figure 2. Page 5/6
9 9 8 8 7 7 6 6 5 5 4 4 3 3 2 2 1 1 1 0 0 1 2 3 4 5 6 1 0 0 1 2 3 4 5 6 Figure 1: Courbes du modèle de Verhulst pour r = 1,5, k = 5, et différentes populations initiales. Figure 2: Courbes du modèle de Gompertz pour a = 1,5, k = 5, et différentes populations initiales. Page 6/6