Introduction à la géométrie différentielle MAT 452 Cours 1 : sous-variétés de R

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Transcription:

Introduction à la géométrie différentielle MAT 452 Cours 1 : sous-variétés de R N 18 avril 2014

1 Les documents (poly actualisé, feuille d exercices, etc) sont disponibles à l adresse suivante : http ://www.math.polytechnique.fr/ renard/2014mat452.html 2 N hésitez pas à me contacter pour toute question ou problème, mais surtout pour me faire part des erreurs dans le poly : david.renard@math.polytechnique.fr

Objectifs du cours (i) Se faire plaisir en découvrant de jolis et célèbres théorèmes : théorème de Jordan, Hopf Umlaufsatz, point fixe de Brouwer, Theorema Egregium de Gauss, théorème de Gauss-Bonnet, etc qui outre leur intérêt historique et esthétique sont au fondement de la géométrie moderne. (ii) Consolider sa maîtrise du calcul différentiel, outil fondamental en mathématiques, mais aussi en physique, mécanique, économie formalisée, etc. Apprendre de nouveaux outils et concepts (homotopie, calcul des variations, dérivées covariantes, etc) (iii) Se préparer à la suite : MAT 553 (Topologie différentielle), MAT563 (Groupes compacts et groupes de Lie), MAT 565 (Surfaces de Riemann), MAT 568 (Relativité générale), etc.

Quelques repères terminologiques Calcul différentiel : Fonctions de R p dans R q, différentielle, accroissements finis, formules de Taylor, inversion locale, fonctions implicites, équations differentielles, etc. Topologie différentielle : variétés différentiables, formes différentielles, théorème de Stokes, cohomologie de DeRham, etc. Géométrie différentielle : structures géométriques sur les variétés : riemanniennes, kälheriennes, symplectiques, de contact, etc.

Plan du cours Cours 1 : Sous-variétés. Calcul différentiel sur les sous-variétés. Cours 2 : Degré d une application de S 1 dans S 1. Invariants locaux et globaux des courbes. Cours 3 : Sous-variétés (suite) : champs de vecteurs et équations différentielles. Orientation des surfaces. Cours 4 : Transversalité. Théorème de Jordan pour les surfaces. Cours 5 : Courbures d une surface. Seconde forme fondamentale. Cours 6 : Géométrie intrinsèque des surfaces Cours 7 : Géodésiques. Théorème de Bonnet. Cours 8 : Intégration sur les surfaces. Formule de Green-Ostrogradski Cours 9 : Théorème de Gauss-Bonnet.

Application différentiables Définition Soit U un ouvert de R p. On dit que l application f : U R q est différentiable en a U s il existe une application linéaire df a : R p R q telle que f (a + h) f (a) df a (h) F = o(h). On appelle df a la différentielle de f au point a. On dit que f est différentiable sur U si elle est différentiable en tout point de U. Soit f : U R une fonction définie sur un ouvert U d un espace vectoriel normé E contenant 0. Rappelons que l on écrit f (x) = o(x) si pour tout ɛ > 0, il existe δ > 0 tel que pour tout x B E (0, δ) U, f (x) < ɛ x E.

Applications différentiables Exemple. Soit f : U R q une application d un ouvert U de R dans R q, que l on suppose différentiable au point a U. Alors df a L(R, R q ). Comme L(R, R q ) est canoniquement isomorphe à R q, on peut identifier df a avec un vecteur de R q (le vecteur tangent de f en a, donné par df a (1)). On note couramment dans ce cas f (a) le réel df a (1). f (a) f (a) On renvoie à l appendice du poly (chapitre VIII) pour les rappels des éléments (supposés acquis) du calcul différentiel.

Sous variétés Définition Soient m N et k N { }. Un sous-ensemble S de R N est une sous-variété de dimension m de classe C k si pour tout p S, il existe un ouvert U de R m, un voisinage ouvert V de p dans R N et une application x : U V tels que : 1. l application x est différentiable de classe C k, 2. l application x est un homéomorphisme de U sur V S, 3. (condition de régularité) en tout point q U, la différentielle dx q : R m R N est injective (autrement dit, x est une immersion). L application x est appelée paramétrage local de la sous-variété S en p. La codimension d une sous-variété S de dimension m de R N est N m. Une sous-variété de codimension 1 est appelée hypersurface. Dans le cas m = 2, on parlera de surface. Au point 2, la topologie sur S est celle induite par la topologie usuelle de R N.

Sous variétés x z U v q=(u,v) u S p y x V Paramétrage local.

Sous-variétés définies par des équations Certaines sous-variétés peuvent être définie comme l ensemble des points de l espace ambiant solutions d une équation. Par exemple, le cercle unité dans R 2 est l ensemble des points (x, y) du plan tels que x 2 +y 2 = 1. En revanche, l ensemble des points (x, y) de R 2 solutions de xy = 0 n est pas une sous-variété de R 2. La proposition suivante donne un critère sur l équation pour que l ensemble de ses solutions soit une sous-variété. Si f : V R n est une fonction différentiable définie sur un ouvert V de R N, le point x V est appelé point critique si df x : R N R n n est pas surjective. La valeur a = f (x) R n est alors appelée valeur critique. Si a n est pas une valeur critique, c est une valeur régulière.

Sous-variétés définies par des équations Proposition Soient N et m deux entiers, N > m. Soit f : V R N m une fonction différentiable définie sur un ouvert V de R N. 1. Soit p V tel que df p soit surjective. Posons a = f (p). Alors il existe un voisinage ouvert V 1 de p dans V tel que f 1 ({a}) V 1 est une sous-variété de dimension m de R N. 2 Soit a une valeur régulière de f. Alors S = f 1 ({a}) est une sous-variété de dimension m de R N.

Sous-variétés définies par des équations Exemple. On voit facilement que la sphère S n est une sous-variété de R n+1, car S n = f 1 ({1}) où f : R n+1 \ {0} R, f (x) = x 2 est différentiable, de différentielle df x (v) = 2 x, v, (x R n+1 \ {0}), (v R n+1 ) donc est une submersion en tout point x. Exemple. Plus généralement, toutes les quadriques de R N, définies par une équation de la forme N i=1 sont des sous-variétés de R N. ɛ i x 2 i = 1, ɛ i = ±1

Sous-variétés définies par des équations z y x Sphère : i x 2 i = 1.

Sous-variétés définies par des équations z y x Ellipsoïde : i a ix 2 i = 1, a i > 0

Sous-variétés définies par des équations z y x Hyperboloïde à deux nappes : z 2 x 2 y 2 = 1.

Sous-variétés définies par des équations z 0 x y Hyperboloïde à une nappe : x 2 + y 2 z 2 = 1.

Sous-variétés définies par des équations Exemple. (Le tore) Soit S le tore d axe D = {x = y = 0} dont les distances respectivement minimale et maximale à l axe sont a r et a + r, où a et r sont deux réels tels que 0 < r < a, défini par l équation ( x 2 + y 2 a) 2 + z 2 = r 2. On a donc S = f 1 ({r 2 }) où f : R 3 R, f (x, y, z) = ( x 2 + y 2 a) 2 + z 2. La fonction f est différentiable sur S \ D et f 2x( x 2 + y (x, y, z) = 2 a), x x 2 + y 2 f 2x( x 2 + y (x, y, z) = 2 a), y x 2 + y 2 f (x, y, z) = 2z. z La différentielle df p ne s annule donc pas en p S, ce qui montre que S est une sous-variété de R 3. On notera T 2 le tore obtenu en prenant a = 2 et r = 1.

Sous-variétés définies par des équations z a + r a 0 y x Tore : ( x 2 + y 2 a) 2 + z 2 = r 2.

Sous-variétés définies par des équations Comme la définition d une sous-variété est de nature locale, et que par une translation, on peut sans perte de généralité supposer que a = 0 dans la proposition ci-dessus, on obtient : Proposition Soit S une partie de R N et supposons que pour tout point p de S, il existe un voisinage ouvert V de p dans R N et une fonction Ψ : V R N m de classe C k dont 0 est valeur régulière tels que S V = {x W Ψ(x) = 0}. Alors S est une sous-variété de dimension m de R N.

Sous-variétés définies par des équations Réciproquement une sous-variété de R N peut être définie localement par une équation du type Ψ(x) = 0, x R N et 0 valeur régulière de Ψ. Proposition Soit S une sous-variété de dimension m de classe C k de R N. Alors pour tout point p de S, il existe un voisinage ouvert V de p dans R N et une fonction Ψ : V R N m de classe C k tels que et 0 est une valeur régulière de Ψ. S V = {x W Ψ(x) = 0}, Remarque : Les deux propositions qui précèdent fournissent donc une autre définition d une sous-variété de dimension m de R N : c est une partie S de R N vérifiant les hypothèses de la proposition.

Sous-variétés Localement une sous-variété est à difféomophisme près d un sous-espace de dimension m dans R N. l inclusion Proposition Soient m N et k N { } et S une partie de R N. Alors S est une sous-variété de dimension m de classe C k si et seulement si pour tout p S, il existe un voisinage ouvert V de p dans R N, un voisinage ouvert W de 0 dans R N et un C k -difféomorphisme Φ : V W tels que Φ(V S ) = (R m {0}) W.

Sous-variétés définies par des équations x z Ψ z v U q=(u, v) u S p y y (R 2 {0}) W V x x Redressement local.

Changements de paramétrage Une sous-variété n a pas de paramétrages privilégiés. Les objets ou les propriétés (différentielles, champs de vecteurs, etc) que nous allons étudier ne dépendent pas d un choix de paramétrage (néanmoins, un choix judicieux peut souvent faciliter les calculs). Le résultat suivant nous permet d assurer que le passage d un paramétrage à un autre se fait toujours par une transformation suffisamment régulière. Proposition Soit p un point d une sous-variété S de dimension m de R N et soient x 1 : U 1 S, x 2 : U 2 S deux paramétrages de S au voisinage de p. Notons W = x 1 (U 1 ) x 2 (U 2 ). C est un voisinage de p dans S, et le changement de paramétrage h = x 1 1 x 2 : x 1 2 (W) x 1 1 (W) est un homéomorphisme. Si les deux paramétrages sont de classe C k, k 1, le changement de paramétrage est un C k -difféomorphisme.

Sous-variétés définies par des équations z Ψ x y (R 2 {0}) W u x 1 W x 2 u U 1 U 2 v v θ Changement de paramétrage (cas m = 2, N = 3).

Espace tangent Intuitivement, il est naturel de définir l espace tangent en un point p d une sous-variété S de R N comme l espace des vecteurs tangents en p aux courbes tracées sur S passant par p. Il n est pas clair que ceci forme un sous-espace vectoriel de R N, mais en utilisant les paramétrages locaux de S, nous allons voir que tel est le cas. Définition Soit S une sous-variété de dimension m de R N. On appelle vecteur tangent à S en p tout vecteur tangent en p à une courbe paramétrée α : I R N de classe C 1 d un intervalle ouvert I contenant 0 dont la trace est contenue dans S et telle que α(0) = p. On appelle espace tangent à S en p l ensemble des vecteurs tangents à S en p.

Espace tangent L espace tangent en un point q d un ouvert U de R m est tout simplement l espace vectoriel ambiant R m. Faisons le lien grâce aux paramétrages locaux. Proposition Soit S une sous-variété de dimension m de R N. Soient p S et x : U S un paramétrage local en p. Alors l espace tangent à S en p s identifie à l image de R m par l application dx q. En particulier c est un sous-espace vectoriel de dimension m de R N.

Espace tangent Définition Soit S une sous-variété. On note T p S l espace tangent à S en un point p S. C est un sous-espace vectoriel de l espace ambiant R N. Corollaire Soient S une sous-variété de dimension m de R N et x : U S un paramétrage local de S. Notons u = (u 1,..., u m ) la variable d une fonction définie sur U R m. Soit (e 1,..., e m ) la base canonique de R m. Posons x ui (u) = dx u (e i ) = d x(u + te i ) = x (u) dt t=0 u i Alors (x u1 (u),..., x um (u)) est une base de T x(u) S.

Espace tangent Le cône C = {(x, y, z) x 2 + y 2 z 2 = 0} dans R 3 n est pas une sous-variété de R 3. En effet, en 0, l espace engendré par les vecteurs tangents aux courbes tracées dans le cône est R 3 tout entier. z x y

Espace tangent Proposition Si S = {(u, f (u))} est une sous-variété de R N définie par le graphe d une application f : U R m R N m, alors l espace tangent en p = (u, f (u)) est le graphe de df u. Si S est une sous-variété de R N définie par S = {x R N F (x) = 0}, où 0 est valeur régulière de F, alors pour tout p S, T p S = ker df p.

Applications différentiables entre sous-variétés Grâce à la notion d espace tangent, nous allons définir la notion de différentielle d une application entre sous-variétés. Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 et R N2 ). Notons que puisque S 1 et S 2 sont des espaces topologiques (les topologies étant induite des espaces ambiants), on peut parler d application continue de S 1 dans S 2. Définition Soit ϕ : S 1 S 2 une application continue entre les sous-variétés S 1 et S 2 (respectivement de R N1 et R N2 ) que nous supposons de classe au moins C r, (r 1). On dit que ϕ est de classe C r (resp. différentiable en p S 1 ) si quels que soient les paramétrages x 1 : U 1 S 1, x 2 : U 2 S 2 de S 1 et S 2, l application x 1 2 ϕ x 1 définie sur x 1 ( 1 ϕ 1 (x 2 (U 2 )) (x 1 (U 1 )) ) à valeurs dans U 2 est de classe C r (resp. différentiable en x 1 1 (p)).

Applications différentiables entre sous-variétés Remarque Le fait que les changements de paramétrages soient des difféomorphismes montre que ϕ est de classe C r si l on peut trouver pour tout p S 1 des paramétrages locaux x 1 et x 2 respectivement de S 1 en p et de S 2 en ϕ(p) tels que x 1 2 ϕ x 1 soit de classe C r sur x 1 ( 1 ϕ 1 (x 2 (U 2 )) (x 1 (U 1 )) ). Soit v un vecteur tangent à S 1 en p. Par définition, v = α (0) où α : I S 1 est une courbe paramétrée de classe C 1 d un intervalle ouvert I contenant 0 dans S 1 telle que α(0) = p. Considérons la courbe β = ϕ α : I S 2. Elle vérifie β(0) = ϕ(p) et son vecteur tangent en ϕ(p), β (0) est donc dans T ϕ(p) S 2.

Sous variétés α α (0) φ β (0) 0 I α(0) β(0)

Applications différentiables entre sous-variétés Proposition Le vecteur β (0) ne dépend pas du choix de la courbe α vérifiant α(0) = p et α (0) = v. L application v β (0) ainsi définie est linéaire de T p S 1 dans T ϕ(p) S 2. Définition L application linéaire T p S 1 T ϕ(p) S 2 définie ci-dessus est notée dϕ p et est appelée la différentielle de ϕ au point p.

Applications différentiables entre sous-variétés Remarques : Plaçons nous dans le cas où S 2 = R N2. 1. Si S 1 est un ouvert de R N, on a pour tout p S, T p S 1 = R N et l on retrouve la définition usuelle de dϕ. 2. Si ϕ est la restriction d une fonction différentiable F définie sur un voisinage ouvert V de S 1 dans R N1, dϕ p est la restriction de df p à T p S 1. 3. Si x : U S 1 est un paramétrage local en p avec x(q) = p, l application linéaire dϕ p : T p S 1 R N2 est caractérisée par la propriété suivante ϕ(x(q + h)) = ϕ(p) + dϕ p (dx q (h)) + o(h) (comme fonction de h définie dans un voisinage approprié de 0 dans T p S 1 ).

Applications différentiables entre sous-variétés Les différentielles se composent de la manière habituelle. Proposition Soient S 1, S 2 et S 3 des sous-variétés (respectivement de R N1, R N2 R N3 ) et supposons que les applications et ϕ 1 : S 1 S 2, ϕ 2 : S 2 S 3, sont telles que ϕ 1 est différentiable en p, et ϕ 2 différentiable en ϕ 1 (p). Alors ϕ 1 ϕ 2 est différentiable en p, et d(ϕ 1 ϕ 2 ) p = d(ϕ 2 ) ϕ1(p) d(ϕ 1 ) p.

Difféomorphisme local. Inversion locale Ayant défini les applications différentiables entre sous-variétés et leur différentielles, on peut étendre certaines notions du calcul différentiel. Commençons par la notion de difféomorphisme. Définition Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 classe au moins C k et soit et R N2 ) de ϕ : S 1 S 2 une application de S 1 dans S 2. On dit que ϕ est un C k -difféomorphisme si c est un homéomorphisme et si ϕ et ϕ 1 sont de classe C k. On dit alors que S 1 et S 2 sont C k -difféomorphes.

Difféomorphisme local. Inversion locale Un des problèmes fondamentaux de la topologie différentielle est la classification des variétés à difféomorphisme près. Un résultat important de H.Whitney (1936) nous dit que toute variété différentiable abstraite de dimension m est difféomorphe à une sous-variété de R 2m, de sorte le problème se ramène à celui de la classification des sous-variétés. C est d ailleurs dans cet article de 1936 que la définition rigoureuse des variétés abstraites apparaît pour la première fois, même si des notions approximatives étaient utilisées depuis Riemann, en particulier dans les travaux de H. Weyl et en relativité générale.

Difféomorphisme local. Inversion locale Voici quelques résultats de classification. Nous n explicitons pas tous les termes employés. Dimension 1. La seule variété compacte connexe de dimension 1 est le cercle S 1. Il existe une seule autre sous-variété connexe de dimension 1 non compacte, R. Dimension 2. La classification des variétés compactes connexes de dimension 2 est donnée par la liste suivante : la sphère S 2, le tore à g trous, g 1, le plan projectif, le plan projectif recollé avec un tore à g trous. Le cas non compact est plus compliqué, car on peut avoir une infinité de trous, ainsi que des pointes. Dimension 3. Le mathématicien G. Perelman a montré récemment que la seule variété compacte de dimension 3 connexe et simplement connexe (c est-à-dire que tout lacet y est homotope à un lacet constant) est la sphère S 3, résolvant ainsi la célèbre conjecture de Poincaré.

Difféomorphisme local. Inversion locale Théorème (Inversion locale) Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 classe au moins C k et soit et R N2 ) de ϕ : S 1 S 2 une application de classe C k dans un voisinage W 1 de p S 1 et telle que dϕ p : T p S 1 T ϕ(p) S 2 soit un isomorphisme linéaire. Alors il existe un voisinage ouvert V 1 W 1 de p dans S 1 et un voisinage ouvert V 2 de ϕ(p) dans S 2 tel que ϕ(v 1 ) = V 2 et la restriction de ϕ à V 1 réalise un C k -difféomorphisme de V 1 sur V 2.

Difféomorphisme local. Inversion locale Etendons maintenant les notions d immersion et de submersion aux applications entre sous-variétés. Définition Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 et R N2 ) ϕ : S 1 S 2 une application de classe C k. On dit que ϕ est une immersion (resp. une submersion) au point p S 1 si sa différentielle dϕ p : T p S 1 T ϕ(p) S 2 est injective (resp. surjective). On dit que ϕ est une immersion (resp. une submersion) si c est une immersion (resp. une submersion) en tout point p S 1.

Difféomorphisme local. Inversion locale Proposition Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 et R N2 ) ϕ : S 1 S 2 une application de classe C k. 1. Supposons que ϕ soit une submersion en p S 1. Alors il existe un voisinage W 1 de p dans S 1 tel que W 1 ϕ 1 ({ϕ(p)}) soit une sous-variété de R N 1, incluse dans S 1. 2. Supposons que ϕ soit une immersion en p S 1. Alors il existe un voisinage W 1 de p dans S 1 tel que ϕ(w 1) soit une sous-variété de R N 2, incluse dans S 2.

Points critiques Les résultats suivants du calcul différentiel sur les sous-variétés découlent aisément de leur analogues en calcul différentiel ordinaire (sur des ouverts de R m ) en utilisant des paramétrages locaux. Théorème Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 et R N2 ) avec S 1 connexe, et soit f : S 1 S 2 une application différentiable telle que df p = 0 pour tout p S 1. Alors f est constante. Théorème Soit S une sous-variété de dimension m de R N et soit f : S R une fonction différentiable de S à valeurs réelles. Si p est un extrémum local de f, alors df p = 0 sur T p S.

Points critiques On introduit donc pour les fonctions différentiables définies sur des sous-variétés la notion de point critique, comme en calcul différentiel usuel. Définition Soient S 1 et S 2 deux sous-variétés (respectivement de R N1 et R N2 ), et soit f : S 1 S 2 une application différentiable. Si, en un point p S 1, la différentielle df p : T p S 1 T f (p) S 2 n est pas surjective, on dit que p est un point critique de f. Dans le cas d une fonction différentiable f : S R d une sous-variété S de R N, remarquons que p S est un point critique de f si et seulement si df p s annule.

Points critiques Exemple. Dans le contexte ci-dessus, supposons que f soit la restriction à S d une fonction différentiable g définie sur un ouvert U de R N contenant S. Alors p S est un point critique de f si et seulement si dg p (T p S ) = 0, autrement dit T p S ker dg p. Si x : U S est un paramétrage local de S en p, p est un point critique de f si et seulement si d(f x) q = 0, où q = x 1 (p).

Points critiques Exercice.(Diagonalisation des matrices symétriques) Soit A un endomorphisme symétrique de l espace euclidien R N, c est-à-dire vérifiant Considérons la fonction Av, w = v, Aw, (v, w R N ). f : S N 1 R, v Av, v. Montrer que v est un point critique de f si et seulement si Av = f (v)v. En déduire que A admet un vecteur propre. Montrer que A est diagonalisable dans une base orthonormale de R N.

Hessienne Soit f : S 1 S 2 une application de S 1 dans S 2. La différentielle première en un point p est une application linéaire de T p S 1 dans T p S 2. Comme T p S dépend de p, on ne peut définir df comme une application de S dans un espace vectoriel fixe, et donc définir sa différentielle. Si x : U S 1 est un paramétrage local de S 1 en p, f x : U R N2 admet une différentielle seconde en q = x 1 (p) q d(d(f x)) q, U L(R m ; L(R m ; R N2 )) L(R m, R m ; R N2 ). On pourrait être tenté d utiliser ce fait pour définir malgré tout une différentielle seconde à f en p. Cet espoir est ruiné par le fait qu une telle définition ne saurait être indépendante du paramétrage local choisi.

Hessienne En effet, si h : U 1 U est un difféomorphisme entre un autre ouvert U 1 de R m et U, le paramétrage local donne : x 1 = x h : U 1 S d(f x 1 ) x = d(f x h) x = d(f x) h(x) dh x, (x U 1 ). Ainsi x d(f x 1 ) x est obtenu comme composition de x (d(f x) h(x), dh x ), U 1 L(R m ; R N2 ) L(R m ; R m ) et de l application naturelle de composition (bilinéaire) L(R m ; R N2 ) L(R m ; R m ) L(R m ; R N2 ). Ceci donne avec q 1 = x 1 1 (p) : d(d(f x 1 )) q1 = d(f x) q (d(dh)) q1 +(d(d(f x))) q (dh q1, dh q1 ). (1)

Hessienne En revanche, si df p s annule, on a d(f x) q = df p dx q = 0, et donc d(d(f x 1 )) q1 = d(f x) q (d(dh)) q1 + (d(d(f x))) q (dh q1, dh q1 ) = (d(d(f x))) q (dh q1, dh q1 ). Ceci permet de définir pour tout v, w T p S, d 2 f p (v, w) = d(df ) p (v, w) = (d(d(f x))) q (dx 1 p Cette définition est indépendante du paramétrage, car (d(d(f x 1 ))) q1 (dx 1 1 (v), dx 1 1 (w)) (v), dx 1 (w)). = (d(d(f x))) q (dh q1, dh q1 )(d(h 1 x 1 ) p (v), d(h 1 x 1 ) p (w)) = (d(d(f x))) q (dx 1 p (v), dx 1 (w)). p p

Hessienne Soit S une sous-variété de R N et f : S R une fonction de classe C 2 sur S. Comme nous venons de le voir, on ne peut en général pas définir de différentielle seconde de f en un point p de S, sauf dans le cas où df p est nulle. Dans ce cas on a posé, quels que soient v, w T p S, d 2 f p (v, w) = d(df ) p (v, w) = (d(d(f x))) q (dx 1 p (v), dx 1 (w)) où x est un paramétrage local de S en p, et montré que cette définition est indépendante du paramétrage choisi. Il découle des propriétés des différentielles secondes en calcul différentiel ordinaire que d 2 f p est une forme bilinéaire symétrique sur T p S. On appelle cette forme la hessienne de f au point critique p. D autre part, si la fonction f admet un maximum (resp. minimum) local en p, alors d 2 f p est négative (resp. positive) et réciproquement, si d 2 f p est définie négative (resp. définie positive), alors f admet un maximum (resp. minimum) local isolé en p. p