LEÇON N 35 : Produit vectoriel dans l espace euclidien orienté de dimension trois. Point de vue géométrique, point de vue analytique. Applications.

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LEÇON N 35 : Produit vectoriel dans l espace euclidien orienté de dimension trois. Point de vue géométrique, point de vue analytique. pplications. Pré-requis : Généralités sur les espaces euclidiens affines et vectoriels de dimension inférieure ou égale à trois ; Orientation de l espace (base orthonormée directe, indirecte) : règle des trois doigts de la main droite ; ngle orienté de deux vecteurs non nuls dans le plan euclidien, cosinus, sinus (dans un triangle rectange) ; Notions sur les surfaces, solides usuels, produit scalaire. 35.1 Point de vue géométrique Définition 1 : Le produit vectoriel de deux vecteurs et v de l espace, noté v, est l unique vecteur défini par : (i) v = 0 si et v sont colinéaire ; (ii) v = ( v sin(, v) ) w sinon, où w désigne le vecteur unitaire orthogonal à et v tel que le trièdre (, v, w) soit direct. w v v Remarques 1 : direction : donnée par v orthogonal à et v ; sens : donné par le trièdre (, v, v) direct ; norme : = v sin(, v). Remarques 2 : 1. cos(, v) est indépendant de l orientation du plan (, v) : 2. sin(, v) dépend de l orientation du plan (, v) : cos(, v) = v v. = v sin(, v). Exemple : La force magnétique qui s exerce sur une charge q animée d une vitesse v dans un champ magnétique B est donnée par la relation F = q v B. Le trièdre (q v, B, F) est direct.

2 Produit vectoriel dans l espace Convention : On suppose que le sinus est toujours positif : sin B = C BC. B C 35.2 Propriétés 35.2.1 Orthogonalité Théorème 1 : Étant donné deux vecteurs et v, v est orthogonal à et v. démonstration : C est la définition même du produit vectoriel. 35.2.2 Colinéarité Théorème 2 : et v sont colinéaires si et seulement si v = 0. démonstration : "= " : C est la définition. " =" : Supposons et v non colinéaires. lors = v sin(, v) 0 car c est un produit de trois facteurs non nuls. D où v 0. 35.2.3 Bases orthonormées Théorème 3 : Si et v sont deux vecteurs unitaires non nuls orthogonaux, alors (, v, v) est une base orthonormée directe. démonstration : D après le théorème 1, les vecteurs, v et v sont deux à deux orthogonaux. De plus, (, v) = ± π 2 (mod 2π) sin(, v) = 1 = 1. Enfin, (, v, v) est directe par définition. Remarque 3 : Si ( i, j, k) désigne une base orthonormée directe de l espace, alors on a i j = k, j k = i, et k i = j.

Produit vectoriel dans l espace 3 35.2.4 ntisymétrie Théorème 4 : Soient et v deux vecteurs. lors v = v. démonstration : Si et v sont colinéaires, alors le résultat est immédiat. Supposons alors qu ils ne le soient pas. Par définition, (, v, v) et ( v,, v ) sont directs. En particulier, (, v, v ) est indirecte, et puisque v et v sont orthogonaux à et v, il vient que v et v sont de même direction mais de sens opposés. Enfin, = v, d où le résultat. Remarque 4 : Si ( i, j, k) désigne une base orthonormée directe de l espace, alors on a k j = i, j i = k, et i k = j. 35.2.5 Colinéarité (les résultats de ce paragraphe seront admis) Théorème 5 : Soient, v et w trois vecteurs et λ un réel. lors le produit vectoriel est une forme bilinéaire alternée, c est-à-dire : (i) ( + v) w = w + v w ; (ii) ( v + w) = v + w ; (iii) (λ v) = (λ) v = λ( v) ; (iv) v = v. Remarque 5 : On montre d abord l équivalence entre la définition du produit vectoriel donnée dans cette leçon et celle utilisant le produit mixte. Le sens indirect 1 suffira ici, puisque si ces égalités sont vraies en utilisant la définition du produit mixte, elles le seront alors aussi utilisant la définition de cette leçon. démonstration : Il est bon de rappeler ici que le produit mixte est une forme trilinéaire alternée. Pour tout vecteur α, on a donc par linéarité du produit mixte : impliquant par définition du produit vectoriel que [ + v, w, α] = [, w, α] + [ v, w, α], ( ( + v) w ) α = ( w) α + ( v w) α = ( w + v w) α, d où l égalité (i). Les égalités (ii) et (iii) se montrent de la même manière. Enfin, l égalité (iv) a été démontrée dans le théorème 4. 1 : Partons de la définition utilisant le produit mixte ( v est l unique vecteur tel que pour tout w, [, v, w] = ( v) w). En appliquant successivement à w = puis w = v, on trouve que ( v) = 0 et ( v) v = 0 (en effet, le déterminant du produit mixte est nul puisque deux des lignes sont les mêmes). Le vecteur v est donc orthogonal à et v. De plus, si (, v, w) forme une base directe, alors le produit mixte [, v, w] est strictement positif, impliquant directement que (, v, v) est une base directe. Enfin, si w est de norme 1, alors ( v) w = = [, v, w]. On retrouve le volume du parallélépipède appuyé sur, v et w, égal à (hauteur aire de la base) w v sin(, v), d où l égalité = v sin(, v).

4 Produit vectoriel dans l espace Remarque 6 : vec le théorème qui suit, on aurait pu montrer la bilinéarité du produit vectoriel en montrant que les coordonnées des deux vecteurs de chaque égalité sont les mêmes, mais ce travail est trop lourd en terme de lignes de calcul. Une autre possibilité élégante est de montrer que l application f : v v (avec un vecteur arbitrairement fixé) est linéaire : démonstration : Montrons que f est la composition f = h r (,π/2) p de trois applications linéaires, respectivement une homothétie, une rotation et une projection orthogonale. Pour obtenir le produit vectoriel v, on commence par construire un vecteur v 2 de la droite, v tel que la base (, v, v 2 ) soit directe : pour cela, il suffit de projeter orthogonalement v sur, nous donnant ainsi un vecteur v 1 orthogonal à, puis de faire subir à ce vecteur une rotation d angle π 2 autour de, nous donnant alors le vecteur v 2 avec les propriétés recherchées (figure ci-contre). Il reste à dilater v 2 pour le transformer en un vecteur v de longueur convenable. Mais on a v 2 u v 1 v v 2 = v 1 = v sin(, v). Il suffit donc de dilater v 2 en le multipliant par. L application f est donc bien linéaire. Il suffit alors d inverser les rôles de et v pour montrer qu elle est en fait bilinéaire. 35.3 Expression analytique Théorème 6 : Soit ( i, j, k) une base orthonormée directe. Soient et v deux vecteurs de coordonnées respectives (x, y, z) et (x, y, z ). lors le vecteur v a pour coordonnées (yz zy, zx xz, xy yx ). démonstration : On a les égalités suivantes : v = (x i + y j + z k) (x i + y j + z k) = xy ( i j) + xz ( i k) + yx ( j i) + yz ( j k) + zx ( k i) + zy ( k j) = xy k + xz ( j) + yx ( k) + yz i + zx j + zy ( i) = (yz zy ) i + (zx xz ) j + (xy yx ) k. Le résultat est ainsi démontré. 35.4 pplications 35.4.1 ire du triangle et du parallélogramme Faisons au préalable une figure illustrant ce que nous allons faire :

Produit vectoriel dans l espace 5 B D c  b B a C En utilisant les propriétés de la fonction sinus, on trouve que On en déduit que BB sin  = sin(π Â) = c BB = c sin Â. BC = 1 2 bbb = 1 2 bc sin  = 1 2 B C sin( B, C) = 1 2 B C, ainsi que BCD = 2 BC = B C. 35.4.2 Distances - d un point à une droite de l espace Soit D une droite passant par un point et de vecteur directeur. La distance d un point M à la droite D est donnée par d(m,d) = M. H D M démonstration : Si H désigne le projeté orthognal de M sur D, alors d(m, D) = MH. Or M = ( MH + H) = MH = MH, d où le résultat attendu, par division des deux membres par, non nul par hypothèse. - d un point à un plan de l espace Soit P un plan de l espace euclidien orienté passant par un point et dirigé par Vect(, v). La distance d un point M au plan P est donnée par H v v M H d(m,p) = M ( v). P

6 Produit vectoriel dans l espace démonstration : On appelle H le projeté orthogonal de M sur le plan P, et H sont projeté orthogonal sur la droite passant par et de vecteur directeur v. De manière simpliste, on a dans le triangle MH que cos  = H M H = M cos Â. Cela se traduit donc par : MH = H = M cos( M, v) = M cos( M, v) = M ( v) v. v v D où MH = MH = M ( v). - entre deux droites non coplanaires Soient D et D deux droites non coplanaires de l espace passant respectivement par et et ayant respectivement pour vecteur directeur et. lors J I d(d,d ) = min{d(m,n) M D,N D } = ( ). D D démonstration : Commençons par dire que cette distance existe puisqu un théorème (dont on ne donnera pas de démonstration ici) nous assure qu il existe une unique droite à la fois sécante et perpendiculaire aux droites D et D dans l espace. On note resoectivement I et J les points d intersection de cette droite avec D et D. Soient M D et N D. lors d après le théorème de Pythagore (puisque IJ est orthogonal aux vecteurs MI et JN), MN 2 = MI + IJ + JN 2 = MI + JN 2 + IJ 2. Donc M = I et N = J réalisent le minumum de MN. De plus, si p désigne la projection orthogonale vectorielle sur la droite = ( D D ), alors on aura IJ = p( ( u ) = ) u u u, d où le résultat.