Comportement individuel face au risque : nouveaux apports dans le cadre de la Prospect Theory



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Transcription:

Comportemet idividuel face au risue : ouveaux apports das le cadre de la Prospect Theory Jacues Pelleta Fodatio du Risue Email : jacues.pelleta@dauphie.fr Avril 009 Résumé Appréheder le comportemet des agets face au risue est ue gageure depuis les multiples cotestatios dot fit l objet le modèle d Espérace d Utilité. Cet article s appuie sur le cadre de travail de la Prospect Theory iitié par Kahema et Tversky, e apportat u éclairage origial à ce type de modèle das le cas d ue imperfectio iformatioelle sur la probabilité d occurrece du risue. Le modèle ue ous proposos repose sur l étude des iteractios sociales. Les agets formulet des croyaces successives sur les probabilités d occurrece au sei d u réseau. Pour cela, ils se fodet à la fois sur u sigal partiellemet iformatif ui leur est propre et sur l observatio du comportemet et, par là même, des croyaces d autrui. Il peut s esuivre alors u phéomèe de cascade iformatioelle, ratioel au iveau idividuel, mais iefficiet au iveau collectif. Ce travail, ui complète à la fois les travaux liés à l évaluatio du risue par les agets et ceux portat sur l écoomie des iteractios sociales est poursuivi par deux extesios : d ue part, e evisageat la possibilité, pour u même aget, de participer à plusieurs réseaux sociaux, c'est-à-dire de recouper les iformatios fouries par leur eviroemet ; d autre part, e itroduisat des agets ayat ue cofiace forte das leur propre sigal permettat de «casser» les cascades classiues et d apporter de l iformatio supplémetaire au sei du réseau. Nous motros alors ue les comportemets de ces deux types d agets peuvet être coûteux au iveau idividuel mais efficiets au iveau collectif. Mots clés : Risue, Prospect Theory, imperfectio iformatioelle, réseaux sociaux. Classificatio JEL : D8, D83, D85. Cet article s appuie sur le cadre de travail développé das ma Thèse. Je ties à remercier tout particulièremet Jea-Hervé Lorezi pour ses ombreux coseils. Mes remerciemets vot égalemet à Bertrad Villeeuve, Pierre Picard, Pierre Joxe, Fraçois Eter et Claude-Deys Fluet pour les commetaires ui ot permis ue évolutio de ces recherches. Que les participats au sémiaire «iteractios» du GREQAM, où cet article a été préseté, soiet égalemet remerciés pour m avoir permis d améliorer ue versio précédete.

Itroductio La demade de sécurité a existé de tout temps, mais ses modes d expressio aisi ue les réposes apportées se sot profodémet modifiés au cours des siècles. Ue laïcisatio, ue idividualisatio des attetes, se sot faites jour, ce ui a coduit les populatios à accorder de plus e plus d importace aux dagers mettat e péril l itégrité physiue et matérielle. La otio de risue a remplacé celle de péril divi, deveat aisi u sujet prêtat aux débats théoriues comme aux clivages politiues. Ulrich Beck e théorise le caractère cetral. Das La société du risue, la répartitio des risues a remplacé celle des richesses comme logiue de segmetatio de la société. Si la techologie a permis de réduire les risues aturels, tel est pas le cas des dagers d origie humaie, dot la régulatio est politiuemet plus sesible. La difficulté à défiir le risue, à la fois fait objectif et évaluatio subjective reforce la sesibilité du sujet. Comme ous le diset Yates et Stoe, «si ous lisos dix articles ou livres différets sur le risue, ous e devos pas être surpris de voir le risue décrit de dix faços différetes». Certes, ous compreos ituitivemet u il y ait des risues ui sot acceptables et d autres ui e le sot pas mais, là ecore, ue défiitio rigoureuse des risues dits «acceptables» 3 déped du mode d évaluatio choisi. Slovic le soulige égalemet : alors ue les idividus, das les sociétés idustrialisées ot des existeces de plus e plus sûres, ils sot de plus e plus sesibles au risue et s estimet de plus e plus vulérables 4. Les outils de modélisatio offerts par la sciece écoomiue permettet-ils de redre compte de ce phéomèe? L aalyse du risue costitue aujourd hui u préalable coceptuel et méthodologiue à toute réflexio approfodie das le domaie de l assurace, de la stratégie d etreprise, ou des politiues publiues. Pourtat, elle a logtemps été igorée des peseurs et e s est imposée comme écessaire ue lorsue les exigeces de sécurité se laïcisaiet das u mouvemet de retour au terrestre. Avat, il s agissait de péril souvet divi et aucue ratioalisatio réelle était recherchée. C est le jeu ui a été tardivemet - le premier fil coducteur coduisat à ue approche scietifiue de la otio de risue à travers les travaux de Pascal et Fermat sur les probabilités. Ce est pas pour autat ue les cotigeces furet igorées jusue là, mais ce ui était pas prouvable par u raisoemet logiue e pouvait prétedre à ue recherche scietifiue : il y avait aisi ue ette séparatio etre les exigeces des différets domaies itellectuels. Le risue, caractéristiue par excellece d ue vérité o actualisée, e pouvait prétedre à cet itérêt. Il e fut de même à l avèemet du christiaisme, pour leuel le hasard a pas de place : les itetios supérieures ous sot occultées, sas pour autat être des aléas. La religio musulmae a pas été plus prolixe e la matière. C est seulemet à la Reaissace u émergea véritablemet la otio de risue et le cocept de probabilité ui e est le oyau dur. Ces otios se développèret, das le cotexte d u véritable egouemet pour les scieces et techiues. Ue première remise e cause des outils utilisés succéda à cet egouemet. Cela coduira otammet Kight à faire ue distictio etre le risue (probabilisable) et l icertai (o probabilisable) 5. Das so ouvrage Risue, icertitude et profit, chaue cas est cosidéré comme si particulier ue l écoomiste e veut e iférer ue valeur de probabilité réelle 6. Cf. Yates et Stoe (99). 3 Cf. Fischhoff et al (98). 4 Cf. Slovic (994). 5 Cf. Kight (9). 6 Cf. Kight (9).

Keyes, das le Traité des probabilités, critiue égalemet la possibilité d évaluer ue probabilité par la simple observatio des fréueces passées. E cela, il va à l ecotre des précurseurs ue furet Gauss, Laplace, Pascal ou Quételet, e méprisat la «la loi des gros ombres». Plus fodametalemet, il repère les failles das u mouvemet ui vise à superposer l évaluatio du statisticie et celle de l aget, cosidérat la secode comme essetielle car fodée sur otre jugemet 7. E 936, il va plus loi, e affirmat ue la plupart de os décisios résultet d ituitios aimales et o de la moyee d avatages podérée par leurs probabilités 8. La compréhesio du comportemet humai est précisémet la gageure de Joh Vo Neuma et Oskar Morgester à l origie de la théorie de l espérace d utilité 9, ui bouleversa les théories du risue et costitue, ecore aujourd hui, u poit de référece pour la compréhesio et la gestio des aléas. Comme le soulige Eter, «Il fut alors coveu ue chacu maximisait ue espérace d utilité à la faço de Berouilli, ce ui permit d aalyser des domaies comme l assurace, la fiace, l écoomie du travail et d autres ecore» 0. Nous verros e détail par la suite ue cette théorie repose sur ue foctio de représetatio des préféreces covaicate, laissat à la fois ue place à l avacée scietifiue probabiliser les évéemets de mieux e mieux et à la subjectivité humaie les utilités correspodat aux différetes issues sot propres à chaue idividu. Plus tard, Savage étedra cette théorie e gommat la distictio faire par Keyes et Kight etre le risue et l icertitude, associat aux secodes situatios des probabilités subjectives : o dispose aisi d u ouvel horizo coceptuel. Mais, e cosidérat, das la même mesure ce ui est cesé demeurer de l ordre du scietifiue la coaissace des probabilités et ce ui reste propre à la subjectivité humaie l évaluatio des coséueces e jeu, o fait disparaître la distictio essetielle etre l évaluatio des évéemets réellemet observés et celle ui e est faite par les agets, cette derière gouverat leur comportemet. Suite aux ombreuses remises e cause dot firet l objet ces apports théoriues, les modèles alteratifs visat à cerer le comportemet des agets face au risue ot foisoé ces derières déceies. Ces réflexios ot doé, et doerot de plus e plus, lieu à des multiples applicatios ue ce soit das la sphère publiue ou privée. Das cet article, ous examieros brièvemet, das ue première sectio, le rôle décisif joué par le critère EU das l appréhesio du comportemet des agets face au risue. Nous retraceros aisi ses fodemets et ses échecs, avat de brosser, das ue deuxième sectio, les propositios de modélisatios alteratives ui firet suite aux ombreuses remises e cause de ce paradigme. E particulier, ous mettros l accet sur les horizos ouverts par la Prospect Theory. Puis, ous étudieros plus précisémet, das la troisième sectio, la uestio des imperfectios iformatioelles das le processus d évaluatio du risue par les agets, e cosidérat ue ces deriers tiret - pour partie - leur iformatio de leur eviroemet social. 7 Cf. Keyes (9). 8 Cf. Keyes (936). 9 Cf. Vo Neuma et Morgester (944). 0 Cf. Eter (000), p.75. Cf. Savage (954). 3

- L iaptitude du modèle EU à redre compte de l évaluatio du risue par les agets Après les temps de relative igorace vis-à-vis du risue, tout au mois comme objet mathématiue et écoomiue, le critère de l espérace d utilité, axiomatisé par Vo Neuma et Morgester a doé ue impulsio décisive à la théorie du risue. Le propos, formellemet, est de trouver ue foctio de valorisatio V : Θ R, redat compte du comportemet de l aget face au risue, telle ue si θ, θ ' Θ, alors : ( ) V ( ') θ Θθ ' V θ θ.. - Ue théorie «miracle», mais cotestable Nous cosidéros l aléa étudié comme ue applicatio de l esemble des états de la ature, oté S, vers l esemble des coséueces, oté ζ. Cela s écrit formellemet : θ : S ζ. L esemble des états de la ature est mui d ue loi de probabilité cosidérée, das u premier temps, coue par l aget. Ses préféreces sot représetées de maière large par la relatio suivate : Θ sur Θ, la relatio de préférece stricte état otée Θ. Par ailleurs, il est possible d associer à u risue θ ue loi de probabilité otée P. La relatio de préférece Θ iduit alors sur l esemble des lois de probabilités à support fii das ζ, oté Λ, ue relatio de préférece Λ (e otat Λ la préférece stricte et Λ la relatio d idifférece). Le théorème de Vo Neuma et Morgester (VNM) met e évidece ue si Λ, mui de Λ satisfait aux axiomes de préordre total, de cotiuité et d idépedace, alors il existe ue foctio d utilité U, représetat les préféreces Λ. E se doat ue loi de probabilité P, cette foctio peut s écrire de la maière suivate : Das le cas discret, e appelat x i chacue des coséueces possibles, de probabilité, avec u applicatio de ζ das R, cotiue, croissate et défiie à ue i ( ) pi. u ( xi) U P trasformatio affie près. Das le cas cotiu, e supposat P à support boré das R, et e U P f x. u x dx. Ce appelat f sa foctio de desité, la foctio d utilité s écrit : ( ) ( ) ( ) théorème permet aisi, de doer ue représetatio cardiale des préféreces des agets sur les lois de probabilité, correspodat à ue représetatio des préféreces e situatio de risue. E otat P la loi de probabilité associée à u risue θ ; P la loi associée à u risue θ ', ous avos : ( ) ( ) ( ) ( ) θ Θθ ' P ΛP ' U P U P ' U θ U θ ' Les auteurs formulaiet ici ue théorie séduisate, avec u formalisme épuré, permettat de déduire des résultats itéressats à partir de uelues axiomes portat sur les préféreces et répodat, plus de deux siècles après sa formulatio, au paradoxe de Sait-Pétersbourg de Beroulli. Ce modèle présete la caractéristiue de séparer le traitemet des coséueces de Voir Cohe et Tallo (000), pour ue présetatio complète. R p i : 4

celui des probabilités, afi de se cocetrer sur l attitude des idividus à l égard du risue. La foctio U a doc u double rôle : - elle exprime l attitude du décideur vis-à-vis du risue - elle exprime la valorisatio des coséueces das le certai Il y a doc à la fois ue place pour la subjectivité, à travers l attitude face aux motats e jeu et l appréciatio des probabilités - si celles-ci e sot pas parfaitemet coues, et ue place pour u développemet scietifiue de l évaluatio des risues, à travers otre coaissace des probabilités. Par ailleurs, cette théorie peut permettre de gommer la distictio etre des situatios de «risue» et des situatios «d icertitudes». Das u cotexte d icertitude, la théorie de l espérace subjective d utilité repose sur des croyaces représetables par des probabilités sur l espace des états du mode et, sous l hypothèse d axiomes assez simples et ituitifs, Savage motre u il est possible de défiir ue mesure de probabilité cohérete et propre à l évaluatio persoelle de l aget - servat de fodemet à ue espérace d utilité 3. Ue fois les croyaces et les utilités idetifiées, la théorie permet d évaluer ue décisio e e calculat l espérace «subjective» d utilité, effaçat aisi la frotière coceptuelle etre risue et icertai, tracée par Kight et Keyes. L esemble de ces opératios, séduisates et pratiues, fut-il pour autat satisfaisat? Peu après l émergece de ce modèle, des critiues apparuret assez vite, otammet à partir d expérieces das lesuelles les sujets révèlet des comportemets e cotradictio avec les modèles prédictifs, ue ce soit e uivers risué 4 ou icertai 5. D abord, e motrat ue l axiome d idépedace peut être violé, Allais fragilise les fodemets théoriues du modèle de VNM. Esuite, o peut compredre avec l expériece d Ellsberg ue le risue et l icertai ot e fait pas le même statut pour les agets, l eviroemet icertai présetat ue structure très particulière. E plus de ces violatios expérimetales, le modèle EU a soulevé égalemet plusieurs difficultés théoriues. D abord, das l iterprétatio de la foctio d utilité ui a, ous l avos vu, u double rôle, représetat à la fois l attitude de l aget face au risue et face aux évéemets certais. Or, u même idividu peut à la fois avoir ue utilité margiale fortemet décroissate et être faiblemet averse au risue. Le modèle de VNM e permet doc pas de redre compte de cette distictio. Plus gééralemet, de ombreuses otios d aversio pour le risue peuvet être défiies, alors ue ce type de modèle e permet pas d e redre compte 6. Le modèle d espérace d utilité, comme so extesio e eviroemet icertai l espérace subjective d utilité - furet doc cofrotés à des mises e cause descriptives comme théoriues 7.. - Les pricipaux obstacles à la compréhesio de l évaluatio du risue par les agets : cogitio et émotio Le comportemet de chaue aget face au risue est le produit d ue opératio complexe, mettat e jeu des facteurs liés à l'eviroemet social comme à l histoire persoelle. L évaluatio du risue est doc fodée sur ue alchimie etre so foctioemet persoel 3 Cf. Savage (954). E se plaçat déjà das ue même logiue, de Fietti (937) avait motré u e proposat u ombre suffisat de paris à u décideur, il était possible d extraire de ses choix ue distributio de probabilités reflétat ses croyaces. 4 Cf. Allais (953). 5 Cf. Ellsberg (96). 6 Cf. Chateaueuf, Cohe et Meilijso (997). 7 Pour ue aalyse détaillée des uestios soulevées par le modèle EU, voir otammet Machia (987). 5

et l eviroemet das leuel il est plogé. Cette visio des choses est pas ouvelle à propremet parler. Déjà, à la fi du 9 ème siècle, Jevos puis Edgeworth voulaiet foder le calcul écoomiue sur des lois psychologiues, s ispirat e cela des travaux des allemads Fecher et Wudt. Deux sphères metales traditioellemet distiguées scadet les modes d évaluatio et de décisio idividuels : la cogitio et l émotio, ces deux élémets état géérateurs de biais das la théorie domiate. Le premier aspect ui fode le comportemet face au risue est la coaissace sur les probabilités et les coséueces des états du mode possibles. Or, das u cadre icertai, les agets formet des croyaces sas avoir toujours pour autat d iformatio précise. Pour cela, les idividus comptet sur u ombre réduit de pricipes heuristiues ui réduiset l ampleur de la tâche cogitive à des opératios de jugemet plus simples. Kahema et Tversky (974) e relèvet trois grads types : l heuristiue de représetativité (lorsu u aget doit aalyser ue situatio de risue, il le fait souvet e la rattachat à u esemble de situatios coues atérieuremet et lui paraissat similaires) ; l heuristiue de dispoibilité (l évaluatio du risue se fait à partir des iformatios ui ous vieet le plus facilemet à l esprit, c est-àdire les plus médiatisées, les plus saillates ou les plus récetes) ; l heuristiue d acrage (l estimatio du risue se fait alors e partat d u évéemet atérieur portat le om «d acre», pris comme poit de référece et ajusté pour représeter la situatio actuelle) 8. L heuristiue de dispoibilité, à préset bie documetée, motre e particulier ue l aget forme ses croyaces sur les différets risues auxuels il fait face e se fodat sur peu d iformatio. Pour cela, il a souvet recours à l eviroemet das leuel il est plogé : aisi, de fausses croyaces peuvet se propager et créer ue irratioalité collective, alors ue chacu aget est idividuellemet ratioel 9. Ces phéomèes peuvet expliuer, comme le motre Hirshleifer, à la fois la coformité et la fragilité des comportemets humais 0. Ce phéomèe a été assez largemet étudié sous le om de «cascade iformatioelle». Nous le verros plus e détail par la suite. Le rôle de l émotio das le comportemet des idividus et des groupes face à l aléa est égalemet prégat. Il est certes difficile d établir ue frotière etre cogitio et émotio. Si après Descartes, il était logiue de peser l âme et la raiso e coflit permaet, les travaux des eurobiologistes ot permis de motrer ue l émotio jouait u rôle majeur das la prise de décisio ratioelle. Plus, il a été motré ue des persoes souffrat de lésios affectat les zoes cérébrales liées à l émotio avaiet des problèmes das la prise de décisio ratioelle 3. Par ailleurs, l émotio face au feu, par exemple, ou au bruit peut costituer u sigal permettat de se mettre à l abri du dager. Fialemet, si ous e savos pas parfaitemet commet se combiet les foctios cogitives et affectives das le cerveau, il est à préset bie cou ue l émotio est détermiate das l évaluatio d u risue. Ce trait est ecore amplifié e foctio de l eviroemet social : aisi, o assiste bie souvet alors à ue peur collective focalisée sur certais risues. Preos l exemple du risue de mortalité : le décès brutal est toujours cosidéré avec plus de peur par rapport aux morts aturelles, pour la raiso évidete ue le premier frappe l imagiatio et suscite ue vague d émotio. Le terme «d affect» est aussi fréuemmet utilisé pour décrire ce phéomèe. Il 8 Cf. Kahema et Tversky (974). 9 Cf. Hakes et Viscusi (997). 0 Cf. Hirshleifer (995). Voir, à ce propos, les articles fodateurs de Baerjee (99) ou Bickchadai, Hirshleifer et Welch (99). Voir otammet Chageux (983, 00). 3 Voir otammet Damasio (00, 003). 6

traduit l'iteractio etre le système émotioel et la représetatio ue ous ous faisos des risues. Ue série de travaux meés par l'éuipe de Paul Slovic motre ue l'affect est u facteur essetiel das l'évaluatio des risues et des bééfices, doc u détermiat majeur des foctios de valorisatio et de podératio 4. Nous le verros, là ecore, plus e détail par la suite. Les pistes théoriues permettat de surmoter les difficultés à la fois théoriues et descriptives du critère de VNM sot ombreuses. Sur uelles hypothèses reposet-elles? Quels e sot les apports théoriues et pratiues? - Commet appréheder l évaluatio du risue par les agets? L approche expérimetale est souvet fodatrice pour véritablemet cerer le comportemet des agets face au risue. E effet, si la recherche sur le risue a logtemps cosisté à partir d axiomes et d hypothèses pour foder ue théorie empiriuemet plus ou mois vérifiable, tel est gééralemet plus le cas. E particulier, les travaux de Kahema et Tversky, sur lesuels ous ous appuyos, partet d observatios expérimetales pour aller vers la théorie. L expériece est doc bie souvet première e ce domaie. Elle peut répodre à trois types de motivatios : - Trouver des expérieces remettat e cause des modèles admis jusue là. Cette motivatio a otammet été essetielle das les aées ui suiviret l élaboratio du modèle EU. - Costruire des modèles alteratifs à partir d observatios empiriues - Meer ue observatio systématiue sas prétedre à formuler des modèles théoriues, mais e trouvat ue structure commue aux différets types de comportemets. Cette troisième voie fut, par exemple, celle suivie par Machia pour détermier la structure de risue à lauelle fot face les agets das les différetes situatios recotrées. 5. De tels travaux s iscrivet das la ligée de l école comportemetale, ui e se place plus das le cadre d ue étude formelle, mais cherche ue détermiatio de foctios cogitives i situ 6. Si ous poussos plus loi otre iterrogatio théoriue, afi de voir uels sot aujourd hui les modèles à même de costituer des alteratives au critère de l espérace d utilité, ous pouvos distiguer ceux ui reposet ou o sur la coaissace des probabilités d occurrece. Le modèle dit «multi-prior» fait à la fois l écoomie de l axiome d idépedace et des probabilités subjectives pour modéliser le comportemet de l idividu face à l aléa 7. Les auteurs se placet das le cotexte d u esemble de coséueces à support fii et cherchet à formuler ue évaluatio e uivers icertai. Sous l Axiome d idépedace certaie et l Axiome d aversio pour l icertitude ue ous expliciteros pas ici 8 (plus la coditio de préordre total, de cotiuité et de mootoie), ous savos u il existe u esemble de mesure de probabilité Ρ fermé et covexe, aisi u ue foctio d utilité u tels ue : 4 Cf. Slovic, Fly et Layma (99). 5 Cf. Machia (98). 6 Voir otammet Edwards (954, 96), puis Newma 98. 7 Cf. Gilboa et Schmeidler (989). 8 Pour ue présetatio détaillée, voir otammet Cohe et Tallo (000). 7

P ΛQ mi u( P) dp mi u( Q) dp affie près. p Ρ, la foctio u état uiue à ue trasformatio p Ρ Cela sigifie ue l aget compare deux situatios d icertitude e se fodat sur l alterative la plus pessimiste. Si l aget a u esemble de croyaces à priori (d où le terme «multiprior»), il calcule l espérace d utilité pour toutes les probabilités possibles et choisit le résultat miimum. Nous avos bie là l illustratio d ue grade aversio à l icertitude : s il doit agir face à u risue, le décideur choisira l actio ui miimise les catastrophes. D autres approches ot été présetées pour les cas où l aget coaît l itervalle formé par deux valeurs p ' et p '', à l itérieur duuel se trouve la probabilité véritable p (o parle de probabilités imprécises). Sous l hypothèse de uelues axiomes portat sur la distributio des probabilités, les deux probabilités extrêmes sot agrégées e se fodat sur l idice de pessimisme optimisme de Arrow et Hurwicz reflétat l attitude idividuelle vis-à-vis de l ambiguïté, ce ui permet de formuler u critère d évaluatio 9. Il est alors possible de redre compte des préféreces des agets par u modèle ui s apparete à celui de VNM. Il est doc très importat de pourvoir cerer le comportemet des agets face au risue das les cas pour lesuels les probabilités e sot pas coues parfaitemet, comme ous le verros plus précisémet plus bas. Attachos-ous, das u premier temps, au cas où ces probabilités sot coues. Nous privilégieros alors le cadre de travail de la Prospect Theory, iitiée par Kahema et Tversky, ui costitue u pas importat das les tetatives de compréhesio du comportemet des agets das le risue.. - Le tourat de la Prospect Theory et ses évolutios La Prospect Theory costitue u tourat, et ce pour plusieurs raisos 30. Par so apport théoriue, d abord. Aussi, parce u elle résulte d u chagemet de paradigme détermiat das l approche du risue. Au lieu de partir d ue logiue axiomatiue fodat des théorèmes u il s agirait de vérifier empiriuemet par la suite, le chemiemet se fait de l observatio vers les lois de comportemets. Elle cosiste e ue double trasformatio : des probabilités d occurrece des différets évéemets, d abord ; des coséueces vécues, u il s agisse des pertes ou des gais, d autre part. Ces coséueces sot détermiées à partir d u poit de référece correspodat à la situatio iitiale. Les trois élémets clés sot alors les suivats : - Des coséueces défiies par déviatio par rapport à la situatio iitiale - Ue foctio de valeur cocave pour les gais et covexe pour les pertes, dot la pete est plus grade pour les pertes ue pour les gais - Ue trasformatio o liéaire de l échelle de probabilité, ui surévalue les évéemets faiblemet probables et sous évalue les évéemets plus probables Kahema et Tversky modifiet l approche de VNM vue plus haut, e substituat à la foctio d'utilité classiue ue foctio de valorisatio des pertes ou des gais otée v, et ue foctio de trasformatio des probabilités aux probabilités objectives otée π 3. Das le cadre de cette approche, ous obteos la représetatio suivate : 9 Cf. Jaffray (989). 30 Cf. Kahema et Tversky (979). 3 L itroductio d ue foctio de trasformatio des probabilités doit égalemet aux travaux d Edwards (96). 8

i ( ) π ( i). ( i) V P p v x π(.) est pas ue mesure de probabilité, mais ue foctio cotiue, croissate et 0 0 π. Expérimetalemet, les auteurs gééralemet o liéaire vérifiat : π ( ) et ( ) motret ue cette foctio est sous additive c'est-à-dire vérifiat π ( p) π ( p) u elle coduit à surévaluer les petites probabilités - ( p) p + < - et π >. La foctio v correspod à ue valorisatio des coséueces de la part de l aget. Elle est cocave das la régio des gais et covexe das la régio des pertes 3, ce ui suppose auparavat la défiitio d u poit de référece à partir duuel o peut uatifier les déviatios. Ce poit de référece correspod à la situatio iitiale, avat ue l aget e soit soumis au risue et vérifie : v 0 0. Par ailleurs, la foctio v 'est pas symétriue, avec ue pete plus proocée das ( ) les pertes ue das les gais. La formalisatio mise e place par Kahema et Tversky costitue u cadre de travail permettat d appréheder les comportemets humais face au risue e les cosidérat o pas comme des biais, i comme des «curiosités», mais comme des élémets costitutifs du processus idividuel d appréciatio de l aléa. Cette théorie présete d abord l avatage de coserver l esprit du paradigme de l espérace d utilité, tout e relâchat ue cotraite forte : l attitude des idividus est plus capturée par ue seule foctio, mais par les deux foctios v et π ce ui autorise ue richesse des aalyses impossible jusue là. La cotrepartie de cette richesse est évidete : plus d élémets doivet être cous si l o veut mettre e pratiue ce type de théorie. Du poit de vue empiriue, plusieurs comportemets trouvet désormais ue explicatio sas être taxés d irratioalité : par exemple, ous savos ue les agets ot souvet ue propesio à surestimer les faibles probabilités, ce ui coduit à la fois à ue attractio pour l assurace (le pire est jamais impossible) et à u goût pour le jeu (il est possible de gager) 33. Ces travaux bééficièret das les derières déceies de ouveaux apports importats. D abord, avec les modèles dits «o additifs» 34, ui miret e évidece certaies difficultés propres à cette théorie 35, puis, par la prise e compte de cette ouvelle compréhesio par les auteurs de la Prospect Theory eux-mêmes 36. Alors ue l ue des faiblesses pricipales du modèle EU résidait das l axiome d idépedace dot la vérificatio était très hypothétiue, les modèles d utilité dépedats du rag (RDU) sot gééralemet fodés sur l axiome de la chose sûre comootoe das le risue. Sous cet axiome et uelues autres ue ous e développeros pas ici, mais largemet commus avec ceux appuyat le modèle de VNM, il est possible d appréheder le comportemet de l aget face au risue à travers deux foctios cotiues et croissates. La première, u est ue foctio d utilité de type classiue. La secode, w s apparete aux 3 Les auteurs ommet cette particularité, «effet de réflexio». 33 Voir égalemet Slovic et al. (977). 34 La première versio de ces modèles a été développées par Quiggi (98). Yaari (987), Segal (987) aisi ue Chateaueuf et Wakker (999) e ot proposé des variates ou des gééralisatios. Das le cotexte des iégalités de reveus, pour l étude desuelles le corpus théoriue est coexe à celui du risue, o peut oter l axiomatiue présetée par Weymark (98). 35 E particulier la possibilité du viol du pricipe de domiace stochastiue du premier ordre, pourtat cosidéré comme u fodemet essetiel de la ratioalité. Pour cet aspect, voir otammet Cohe et Tallo (000). 36 Cf. Kahema et Tversky (99). 9

foctios π déjà vues, mais s appliuat aux probabilités cumulées et o aux probabilités prises poctuellemet. Elle est défiie et pred ses valeurs sur [ 0, ]. Par ailleurs, w ( 0) 0 et w ( ). La modélisatio repose, das ue première étape, sur u classemet des alteratives selo les coséueces et de maière croissate, de l idice à l idice. Il est alors possible de défiir ue foctioelle V redat compte de l évaluatio du risue par les agets, sous la forme : V P w p w p u x w p u x i j i j i+ ( ) ( j) ( j). ( i) + ( ). ( ) Capitalisat sur ces travaux, des modèles «o additifs» ot été formulés e uivers icertai, se fodat sur des axiomes aalogues, e défiissat otammet la otio de capacité sur des esembles o probabilisés (uivers icertai). O parle souvet de ces modèles sous le om d utilité «à la Chouet». Nous e retreros pas das le détail de ces représetatios dot l esprit est très proche du modèle de Quiggi (98), les capacités jouat u rôle aalogue à celui de la foctio de trasformatio des probabilités cumulées. Das ue versio ultérieure de la Prospect Theory, Kahema et Tversky ot icorporé cette visio cumulative des probabilités tout e gardat les élémets clés de leur article précédet (comportemet différecié das les pertes et les gais, avec otammet ue aversio aux pertes, foctios de trasformatio des coséueces et des probabilités) 37. Par ailleurs, ils ot établi expérimetalemet ue typologie des foctios de trasformatio des probabilités et des coséueces. Ils formulet aisi u cadre de travail uifié permettat de traiter les uivers risué comme icertai. La particularité essetielle de cette approche par rapport aux modèles classiues «o additifs» cosiste e ue distictio des coséueces positives et égatives, par u classemet du rag de m au rag. La valeur ue l o cherche à évaluer est alors scidée e deux parties : + V ( P) V ( P ) + V ( P ), P + et P correspodat aux lois de probabilités portat sur les coséueces respectivemet positives et égatives. O peut alors écrire : V ( P + ) π i +. v( xi) et i 0 0 i m π V ( P ) i. v( xi) E défiissat les foctios de podératio de la maière suivate : w ( p) ; π m w ( p m) π + + w ( p ) w ( p ) pour i [ 0,..., ] π i + + j + j j i j i+ 37 Cf. Kahema et Tversky (99). Pour ue axiomatiue détaillée de cette représetatio, voir Wakker et Tversky (993). 0

π i i pour i [ m,...,0] w ( p ) w ( p ) i j j j m j m. Les deux foctios w + et w sot strictemet croissates de l itervalle uitaire vers lui- + + w 0 w 0 0 w w. Si l o veut cerer de maière même, avec : ( ) ( ) et ( ) ( ) empiriue l évaluatio du risue par les agets, il est alors écessaire de spécifier ces deux foctios aisi ue la foctio de la valorisatio des coséueces v. Kahema et Tversky proposet les formulatios suivates pour ces deux types de foctios : ( ) v x w w + α x, x 0 β λ. ( x), x 0 ( p) ( p) p ( ( ) ) γ γ γ p + p p ( ( ) ) δ δ p + p γ δ δ Par ailleurs, des estimatios moyees sot avacées 38 : α β 0.88 λ.5 γ 0.6 δ 0.69 Les valeurs trouvées cofirmet les traits essetiels observés ualitativemet : ue attitude différeciée das les pertes et les gais, avec otammet ue aversio aux pertes ( λ > ), ue sesibilité aux coséueces décroissate avec leurs valeurs absolues ( α β < ). Efi, et c est essetiel, ue amplificatio des petites probabilités ( γ < et δ < ). Même si les paramètres aisi évalués dépedet de chacu des agets et de leur isertio das des réseaux sociaux (ous le verros e détail das la sectio suivate), ils cofirmet éamois des traits stables du comportemet humai 39. 38 Les uelues études empiriues effectuées jusu à préset sur les foctios de trasformatio des probabilités doet sesiblemet les mêmes valeurs pour le paramètre γ. Voir otammet Camerer et Ho (99). 39 Il a cepedat été motré, pour des évéemets rares, das le cas de décisios fodées sur l expériece et o la descriptio du risue et des probabilités ue les agets peuvet se comporter comme s ils sous estimaiet les petites probabilités. Voir otammet Hertwig et al. (004). Nous e ous placeros pas das le cadre de cette hypothèse, e cosidérat plutôt ue les agets formulet des croyaces e se fodat sur la descriptio, u il s agisse de leur propre sigal ou des croyaces de leur etourage.

Nous souhaitos ous attacher ici au cas d u aléa égatif, pouvat surveir avec ue probabilité p. Dès lors, l u des apports fodametaux des travaux précédets, réside das la déformatio des petites probabilités, sous la forme suivate, pour ue probabilité p coue : w ( p) p δ ( ( ) ) δ δ p + p δ Plus le paramètre oté δ est faible, plus les probabilités doées aux agets serot amplifiées das leur évaluatio subjective. Par ailleurs, ous savos, comme le souliget les auteurs, ue «les foctios de podératio e uivers icertai et e uivers risué diffèret de maière importate» 40. Ces élémets peuvet coduire à des foctios de podératio beaucoup plus grades ou, au cotraire, plus faibles - u e uivers risué. Ce trait peut être représeté par u paramètre δ plus faible ue das les cas où la probabilité est coue. Voyos plus précisémet uels peuvet être les modes de comportemet lorsu il existe ue imprécisio sur les probabilités d occurrece du risue étudié. 3 - Des croyaces hétérogèes e uivers icertai Pouruoi certais risues sot-ils systématiuemet surévalués et d autres sous-évalués? E présece d imperfectio iformatioelle, il ous faut d abord evisager ue hétérogééité des croyaces sur les probabilités, ui apparaît à la fois fodametale et difficile à cerer 4. Cette hétérogééité des croyaces peut se dissiper par le partage des iformatios etre les agets, coduisat parfois à ue estimatio largemet homogèe et biaisée du risue. Pour le voir plus précisémet, supposos ue la probabilité puisse predre deux valeurs, l ue faible - p ' - et l autre élevée - p ''. Pour u même risue et ue même probabilité d occurrece, les croyaces peuvet alors être différetes dès lors u il existe ue imprécisio sur la véritable probabilité d occurrece. Nous supposeros das ce ui suit ue la véritable probabilité est e fait égale à p '. Chaue idividu formule doc ue croyace sur la probabilité - p ' ou p '' - et adopte u comportemet ratioel à partir de cette croyace. Aisi, ue partie de la populatio évaluera correctemet la probabilité, alors u ue autre partie surestimera le risue, ce ui peut être appréhedé à travers u paramètre δ faible. Le cas iverse, coduisat à ue sous estimatio des risues, est symétriue et otre modélisatio e réduit doc pas la gééralité de la uestio. Ces élémets semblet relativemet ituitifs : comme le rappellet Kahema et Tversky, l évaluatio du risue par les agets est u processus cotiget 4. Les heuristiues u ils mettet e évidece sot commodes, mais provouet des biais das l estimatio 43. Ces biais e sot pas létaux pour autat : les idividus peuvet fort bie réussir sas acuérir d habileté particulière das l évaluatio du risue. Il ous faut doc compredre commet l aget forme la probabilité sur lauelle il fode so évaluatio das u cotexte d imperfectio iformatioelle 44. Cet élémet, ui costitue u biais, limite la portée de cette évaluatio 40 Cf. Kahema et Tversky (99), p. 36. 4 Cf. Arrow (004). 4 Cf. Kahema et Tversky (99). 43 Cf. Kahema et Tversky (974). 44 Voir égalemet sur le sujet Hakes et Viscusi (997).

comme fodatrice d ue politiue publiue. Nous proposos, das la sectio suivate, ue visio origiale de modélisatio des croyaces ui s appuie sur les cascades iformatioelles, das u cotexte d imperfectio iformatioelle. Ue cascade iformatioelle est u phéomèe das leuel les idividus e vieet à igorer leur propre sigal e reproduisat le comportemet, jugé plus iformatif, de ceux ui les etouret. Cet apport théoriue a pas prétetio à fourir ue détermiatio uatitative «clé e mai» du iveau de l évaluatio des risues par les agets mais, bie plutôt, à proposer u éclairage ui tiee compte des particularités d u aget plogé das so eviroemet social 45. 3. - Modèle explicatif de l hétérogééité des croyaces Das u cadre d iformatio imparfaite, ous cosidéros ue les agets formulet successivemet des croyaces sur la probabilité d occurrece. E foctio de ces croyaces, ils adoptet u comportemet ratioel face au risue. Dès lors, les agets suivats peuvet iférer par l observatio de ce comportemet les croyaces formulées. Aisi, chaue idividu reçoit u sigal partiellemet iformatif sur la probabilité et observe les croyaces de ceux ui le précèdet. Les idividus peuvet alors igorer leur propre sigal pour suivre les croyaces d autrui. Ce comportemet, ui est ratioel au iveau idividuel, coduit e fait à ue destructio d iformatio 46. Le cadre gééral sur leuel ous ous appuyos est e partie cou 47, mais ous proposeros trois approches différetes ui costituet des extesios. Chacu des agets reçoit u sigal, partiellemet iformatif, sur la probabilité d occurrece p du risue étudié. La probabilité ue ce sigal doe la boe iformatio est égale à. L iformatio est doc erroée avec la probabilité complémetaire. Les agets formulet successivemet des croyaces sur la probabilité d occurrece, chacu observat les comportemets des idividus placés avat lui das le réseau, mais pas leurs sigaux. C est aisi ue peuvet apparaître des comportemets moutoiers : il suffit ue les deux premiers adoptet u comportemet reflétat la même croyace sur la probabilité pour ue tous les suivats l adoptet égalemet : o parle alors de cascade iformatioelle. Examios, après idividus, les probabilités u il y ait pas de cascade iformatioelle ; u il y e ait ue correcte ; u il y e ait ue icorrecte. Das ce modèle simplifié, il y a possibilité de cascade ouvelle u après u ombre pair de protagoistes. Chaue aget iférat les croyaces de tous ceux ui précèdet, il e décidera d igorer so sigal ue s il costate u avat lui, le ombre d agets ayat formulé ue croyace dépasse au mois de deux celui des agets ayat formulé l autre croyace. Si le ombre de prédécesseurs est impair, cette différece e peut être paire. Si elle est égale à, il y a pas ecore de cascade iformatioelle : l aget écoutera so sigal. Si elle est 45 Le rôle de l eviroemet social das l évaluatio du risue e présece d imperfectio iformatioelle a été fort peu traité. Kura et Sustei (999) mettet l accet sur l heuristiue de dispoibilité déjà formulée par Kahema et Tversky (974) : u risue est plus préset à l esprit et, par là même, cosidéré comme plus plausible s il est fréuemmet abordé das les discussios. Cet effet d amplificatio sociale présete égalemet ue pareté avec les travaux de Moscovici et Zavalloi (969) sur la «polarisatio des groupes» : ils motret ue le processus de délibératio sociale peut coduire les idividus à radicaliser leur visio. 46 Voir, otammet, Bickchadai, Hirshleifer et Welch (99) ; Baerjee (99) ; Berheim (994). 47 Ce cadre est ispiré du modèle de Bickchadai, Hirshleifer et Welch (99), mais a jamais été mobilisé das le cadre de l Ecoomie du risue. 3

supérieure ou égale à 3, la cascade est pas «ouvelle», l aget précédat ayat déjà igoré so propre sigal. Pour u il y ait pas de cascade, il faut ue le sigal reçu par u aget soit cotraire à celui reçu par l aget ui le précède. Cela arrive, pour deux agets, avec ue probabilité.. ( ). Pour u il y ait pas de cascade après agets, il faut ue ce schéma se reproduise fois. La probabilité u il y ait pas de cascade après agets (NC) est doc : P c (.. ( ) ) O calcule égalemet les probabilités ue les cascades soiet iformatrices ou o sur la véritable probabilité d occurrece du risue. La probabilité d avoir ue cascade correcte (CC) est obteue e faisat la somme des probabilités u elle apparaisse après chacu des agets, et ce jusu à l aget. O peut l écrire : P P P bc bc bc +. k 0. (.. ( ) ). +... + (.. ( ) ). (.. ( ) ) (.. ( ) ) (.. ( ) ) k, ce ui doe fialemet : ( ( ))... + ( ), soit ecore : La probabilité d avoir ue cascade icorrecte (CI) est obteue e faisat la somme des probabilités u elle apparaisse après chacu des agets, et ce jusu à l aget. O peut l écrire : P mc + ( ). (.. ( ) ) ( ) Si l o e cosidère ue le cas das leuel le ombre d agets das le réseau est très grad,.. <. ous observos écessairemet ue cascade lors du passage à la limite car ( ) Celle-ci est iformative sur la véritable probabilité d occurrece avec ue probabilité : f + ( ) Elle est mauvaise avec la probabilité complémetaire : f ( ) + ( ) 4

Avec cette derière probabilité, les agets surestimerot le risue, ce ui peut être caractérisé par u paramètre δ faible. Si la populatio observée comporte u grad ombre d idividus et de réseaux sociaux, alors d après la loi des grads ombres, ue proportio f de la populatio évalue correctemet la probabilité d occurrece p, alors u ue proportio complémetaire f l évaluera de faço biaisée sous ue forme plus axieuse ue la réalité. Rappelos ue ces biais collectifs e sot pas dus à ue iefficiece idividuelle. Chaue aget s est comporté de maière à optimiser l iformatio dot il dispose sur u risue particulier. Néamois, il y a apparitio d ue iefficiece collective, ui peut être ecore amplifiée si le comportemet idividuel est pas fodé sur ue ratioalité pure. E effet, ous avos vu plus haut ue les facteurs émotioels étaiet détermiats das la maière dot les agets appréhedet l uivers risué ou icertai. Certais idividus sot axieux, d autres aormalemet isouciats face à certais types de risues. Or, ces agets ot le plus souvet tedace à se regrouper etre eux, ce ui accroît le biais de perceptio de faço systématiue c est-à-dire o erratiue. Das le cas choisi, sas perte de gééralité, ous avos la véritable probabilité ui pred ue valeur faible p. Dès lors, réseaux d idividus axieux amplifiet leur propesio à surestimer le risue. De même, des réseaux comportat des persoalités isouciates ot largemet tedace à sous estimer le risue lorsue la probabilité est haute. 3. - Ajout d ue destructio de l iformatio : l homophilie das les réseaux Nous savos ue des réseaux sociaux se formet etre des parteaires ui ot souvet des caractéristiues proches. C est pour partie e raiso de cette particularité ue se diffuset le plus efficacemet des idées, vraies ou fausses. O parle alors d homophilie das les réseaux 48. Ce trait observé est appelé homophilie. Das otre cas, ous cosidéreros ue des réseaux se formet etre des parteaires ui présetet la même maière d appréheder u risue doé de maière isouciate ou axieuse. Il faut préciser u il e s agit pas ici de cofiace das l iformatio, mais bie d ue cofiace vis-à-vis du risue, ui gouvere la maière dot se costruiset les cascades. Voyos alors les biais ue ous voulos évouer ici. - Alors ue l acuité du sigal est de, pour u idividu ratioel, les axieux perçoivet l acuité d u sigal sur ue probabilité haute avec ue acuité +x ; d u sigal sur ue probabilité basse avec ue acuité -x. Aisi, ils doet plus d importace aux sigaux pessimistes. - Les isouciats perçoivet l acuité d u sigal sur ue probabilité haute avec ue acuité -x ; d u sigal sur ue probabilité basse avec ue acuité +x. Aisi, ils doet plus d importace aux sigaux optimistes. O supposera x faible. Le mécaisme de décompte des sigaux est doc pas modifié, mais il y a jamais d idécisio lorsue les ombres de sigaux reçus das les deux ses sot égaux. A priori, uatre cas se présetet : ue probabilité haute et u réseau d axieux ; ue probabilité haute et u réseau d isouciats ; ue probabilité basse et u réseau d axieux ; ue probabilité basse et u réseau d isouciats. Les premier et uatrième cas sot e fait symétriues et ous avos pris l exemple d ue probabilité réelle basse. Nous pouvos doc calculer les probabilités de cascades correctes et icorrectes pour des réseaux respectivemet isouciats et axieux. A ces deux types de réseaux correspodet doc deux probabilités distictes f et f, d obteir des cascades correctes, les probabilités complémetaires état 48 Voir otammet Sperber (996) ou Mc Pherso, Smith-Lovi et Cook (00). 5

- f et - f. Le premier cas est appelé «homophilies positives» das la mesure où l homophilie va das le ses de la réalité ; das le secod cas, o parlera «d homophilies égatives», l homophilie allat das le ses cotraire à la réalité. Pour les réseaux d isouciats, il faut et il suffit, pour u il y ait cascade, u u sigal réellemet iformatif soit reçu par le premier, troisième, etc aget. Aisi, la probabilité u il y ait ue cascade correcte s écrit : k k + ( ). +... + ( ) ( ) bc ( ) P bc. Pbc k P k O voit alors facilemet ue P + bc f, avec, et f f ( + ) probabilité d abstetio état ulle) :, et la probabilité complémetaire de cascade icorrecte, à la limite (la ( ) f ( + ) f. Nous sommes ici das le cas où le biais de perceptio des agets du réseau va das le ses d ue plus grade acuité du sigal (la véritable probabilité est basse et le réseaux est isouciat). O vérifie bie ue la probabilité d estimatio correcte de la probabilité du risue est plus élevée ue pour des agets ratioels. Pour les réseaux d axieux, o trouve de la même maière, à la limite : f f ( + ) f f ( + ), et la probabilité de cascade icorrecte complémetaire : Nous sommes ici das le cas où le biais de perceptio des agets du réseau va das le ses d ue plus faible acuité du sigal (la véritable probabilité est basse et le réseau est axieux). O vérifie bie ue la probabilité d estimatio correcte du profil évolutif du risue est plus faible ue pour des agets ratioels. Voyos commet ces probabilités évoluet e foctio du paramètre. B(M)CSH : boe (mauvaise) cascade sas homophilie. Il s agit ici du cas das leuel il y a pas de modificatio par rapport à l acuité du sigal. O trace alors les probabilités ue la cascade iformatioelle ui surviet permette de coaître véritablemet la probabilité d occurrece du risue. 6

B(M)CHP : boe (mauvaise) cascade avec homophilie positive. Il s agit du cas das leuel il y a u regroupemet d idividus isouciats (das le cas d ue probabilité basse). B(M)CHN : boe (mauvaise) cascade avec homophilie égative. Il s agit du cas das leuel il y a u regroupemet d idividus axieux (das le cas d ue probabilité basse). Probabilités des cascades obteues das différets cas 0,8 0,6 0,4 0, 0 Figure 5 : variatios de f, f et f pour différetes valeurs de 0,5 0,55 0,6 0,65 0,7 0,75 0,8 0,85 0,9 0,95 Acuité du sigal BCSH M CSH BCHP M CHP BCHN M CHN Figure : Proportio de cascades correctes et icorrectes e présece d homophilie E réalité, das ue société, les proportios d axieux et d isouciats sot difficiles à coaître ; elles gouveret la part de la populatio ui surestime (ou sous estime) le risue d occurrece. Si l o appelle β la proportio d isouciats, et -β celle d axieux, o peut écrire la part de la populatio estimat correctemet la probabilité d occurrece, das le cas d ue probabilité d occurrece réelle basse : ( β ) ( β ) β. +. f3 β. f +. f ( + ) Nous vérifios bie ue l o retrouve la probabilité iitiale dès lors u il y a autat d isouciats ue d axieux das la populatio ( β ) : graphiuemet, o peut alors costater ue chacue des courbes cascade réelle ou erroée sas homophilie est toujours située au milieu de deux courbes présetat des homophilies respectivemet das le ses d ue plus grade et d ue plus faible acuité du sigal reçu. Nous avos aisi mis l accet sur le rôle des biais d appréhesio du risue propres aux idividus. Ils ot trait o seulemet à ue iefficiece collective, mais aussi à l émotio idividuelle. Certais, appelés «axieux» doet plus de poids aux sigaux iuiétats ; d autres, appelés «isouciats», doet plus de poids aux sigaux rassurats. Cela peut expliuer pouruoi des pas etiers de la populatio surestimet ou sous estimet certaies classes de risues. Voyos à préset commet ces traits prégats de polarisatio peuvet être ifléchis. Nous réfléchissos alors à deux types d orgaisatio fodées sur deux types 7

d idividus particuliers et aalysos das uelle mesure ces idividus peuvet fourir des iformatios profitables à la collectivité. Rappelos ue ous avos examié le cas das leuel chaue idividu appartiet à u uiue réseau, dot le comportemet permet d iférer les croyaces d autrui à partir desuelles il tire des iformatios. Celles-ci peuvet être vraies ou fausses, mais coduiset écessairemet l aget, lorsue le ombre d agets deviet très grad, à u comportemet moutoier das l évaluatio de la probabilité d occurrece du risue. Néamois, il peut être réducteur de cosidérer ue chaue idividu appartiet u à u uiue réseau, dot il suivrait à la lettre le comportemet. Il importe, de otre poit de vue, d aalyser le cas d agets ui multipliet les isertios das des réseaux très différets et faiblemet itercoectés. Ils se comporterot alors comme des pivots ui, après avoir emmagasié de l iformatio de sources diverses, peuvet la répercuter à la collectivité de maière profitable. 3.3 - Que se passe-t-il si u idividu participe à plusieurs réseaux disticts? Les agets ui participet à plusieurs réseaux disticts appréhedet pas le risue de la même maière ue les autres. Par exemple, il a été motré ue le mode d isertio des agets das les réseaux gouvere la perceptio du risue de crimialité. Les idividus ui etretieet des lies u avec u uiue réseau fermé (ui compred, das le même cercle, les amis, la famille, les collègues, les loisirs ) ot ue propesio plus grade à surestimer ce risue. E revache, l ouverture des réseaux modifie la réactio par rapport au risue e acuérat plus d iformatio 49. C est ce phéomèe, observé empiriuemet, ue l o cherche ici à compredre plus précisémet. Cosidéros à préset u u même idividu appartiee à plusieurs réseaux différets ( réseaux) : si ous admettos, là ecore, ue le ombre d idividus das chaue réseau est très grad, il est possible d affirmer u ue cascade iformatioelle surviet das tous les réseaux. Par suite, logiuemet, l aget aura plus d iformatio e cofrotat les iformatios veat des différets réseaux auxuels il participe. S il est ratioel, il formulera sa croyace e foctio de la majorité des cascades u il aura observées et adoptera u comportemet e accord avec cette croyace. S il y a le même ombre de comportemets des deux types, l idividu suit so sigal. Nous sommes doc das u cas où les comportemets peuvet être représetés à l aide d ue loi biomiale de paramètres f et, si l o cosidère u il y a pas de phéomèe d homophilie. Nous coaissos la probabilité ue le ombre de cascades correctes soit égal à r. Elle s écrit : σ ( r)!. r!! ( r) r ( ) r f f Nous e déduisos d abord la probabilité pour u u idividu suive so sigal e ayat observé autat cascades de chaue type : Si est pair, elle vaut : 49 Cf. Roché (993). 8

σ!!!. f ( f) Si est impair, elle vaut 0. La probabilité ue l idividu observat plusieurs cascades appréhede correctemet la probabilité p d occurrece du risue s écrit alors : Si est pair : g (, ) r + r! Si est impair : g (, ) + r r!! ( r)! ( r).!.! ( ) r f f ( ) r f f r r Là ecore, il est possible de déduire la probabilité ue l idividu se trompe et cosidère ue la probabilité d occurrece du risue est supérieure (respectivemet iférieure) par différece avec les probabilités précédetes. Regardos alors commet se comporte la foctio g e foctio de l acuité du sigal et du ombre de réseaux fréuetés : 0,8 0,6 Probabilité d évaluer correctemet la probabilité du risue 0,4 0, 0 0,5 0,5 5 0,6 0,6 5 0,7 0,7 5 Acuité du sigal 0,8 0,8 5 0,9 0,9 5 3 5 Nombre de groupes fréuetés Figure : Variatio de g(,) e foctio de ces deux paramètres Das le cas, comme ous l avos vu jusue là, où f est supérieure à ½, la foctio ted vers pour grad. E effet, selo la loi des grads ombres, la probabilité empiriue (la part des cascades correctes) coverge vers la probabilité théoriue (la probabilité u ue cascade doée soit correcte) uad le ombre d observatio gradit. Formellemet : 9

r + f O e déduit >,, 0, f ε µ 0 tel ue, 0, Ce ui permet de voir, e choisissat : µ < g f (, ) + r µ, + µ ε alors : P ] f f [ Nous avos doc vérifié formellemet ue la participatio à plusieurs réseaux permet à l idividu de se faire ue meilleure idée de la réalité du risue. Cette costatatio, das le cas d ue aalyse des comportemets e uivers icertai, rejoit de ombreux travaux portat sur l utilité des «lies faibles», ui permettet aux idividus d obteir u surcroît d iformatio de la part de leur eviroemet social 50. Il est alors possible et souhaitable ue ces agets otammet s ils sot peu ombreux répercutet l iformatio recoupée dot ils disposet de maière publiue. Cela peut alors permettre de «casser» les cascades et d améliorer l acuité du sigal ue reçoivet les agets. Le rôle d Iteret das ue telle perspective pourrait alors, par exemple, costituer l objet d ue recherche empiriue future. Celle-ci iclurait alors u sigal public das le modèle. D autres structures sot evisageables pour apporter ue telle iformatio. Elles sot là ecore fodées sur des types d agets présetat des caractéristiues particulières par rapport aux comportemets moutoiers. 3.4 - Que se passe-t-il si ue proportio o ulle des agets a ue cofiace excessive das l iformatio? Les persoes ue ous appelos «cofiates» sot des agets ui mettet plus de poids sur leur propre iformatio u ue ratioalité istrumetale bayésiee e le dicte. Aisi, même si le comportemet collectif permet d iférer des croyaces, ces idividus suivet de maière préféretielle leur propre sigal. Leur comportemet apparaît sous optimal au iveau idividuel, mais peut permettre de casser des cascades et, par coséuet, d apporter ue iformatio ouvelle au iveau collectif. Aisi, ue proportio o ulle de ces agets peut s avérer optimale au iveau collectif si l o veut appréheder correctemet la probabilité d occurrece d u risue doé et mettre e place les actios de régulatio les plus pertietes. Nous supposos ue la majorité des agets se comporte e accord avec le modèle ue ous avos déjà posé. S il y avait ue ce type d idividus, à partir du momet où il y a cascade, il e serait plus possible d iférer le sigal des agets, leur comportemet état idépedat de ce derier. E revache, les idividus «cofiats» sot plus sceptiues à propos de l iformatio extere et plus ethousiastes à propos de l iformatio itere ; leur propre iformatio. Commet le comportemet, idividuel et collectif, e est-il modifié? 50 Voir, e particulier Graovetter (973). 0