Graphisme et écriture à l'école maternelle

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1 Le graphisme Graphisme et écriture à l'école maternelle Anne- Caroline Jousselin, PEMF & Sylvie Jouët, psychologue scolaire C'est dans l'apprentissage du geste graphique que l'enfant apprend toutes les composantes de l'écriture. L'enfant très jeune possède des capacités gestuelles, il a envie d'imiter les grands et l'école se doit de l'accompagner dans cet apprentissage. Les étapes du dessin vont constituer un bon guide pour savoir ce qui est à observer et ce qu on peut proposer aux élèves de l école maternelle. Le dessin peut rendre compte d'une évolution de la pensée symbolique et d'une structuration cognitive progressive de l'espace. Au début, le dessin n est pas symbolique, il est d abord une activité perceptivo-motrice. Progressivement, il va symboliser des choses. On distingue différents étapes de développement dans le dessin chez l'enfant : Luquet (1913) 1. Stade du gribouillage vers 1an ½ - 2 ans Le dessin est avant tout une activité perceptivo-motrice. Il est important que l'enfant prenne conscience qu'il laisse des traces en bougeant l'outil scripteur. Il a envie de gribouiller par plaisir de laisser des traces et le plaisir provient de la décharge motrice. Dans ces moments de gribouillage (encore non symbolique), l enjeu est de taille puisque sa main se transforme progressivement en instrument pour tracer : l enfant découvre le fonctionnement de sa main, de son bras au contact de la feuille, les conséquences des mouvements sur la feuille, la possibilité qu il a de freiner, d accélérer, d appuyer, de tourner ou au contraire de faire des traces rectilignes Le plaisir s accroît et on assiste souvent à une frénésie gestuelle qui se traduit par une modulation très riche des tracés. C est dans ce contexte ludique que le graphisme va prendre valeur de symbole ou de signe. Capacités et compétences: - Il tient son crayon à pleine main, la préhension pouce index n'est pas acquise. Il bouge le bras à partir de l'épaule. Il ne contrôle pas son geste, il fait l'expérience du contrôle de son bras et de sa main (accélérer, freiner, tourner, s'arrêter...) Son œil ne suit pas la trajectoire. La direction est hasardeuse. Pas d'intention figurative 2. Stade du réalisme fortuit : 2 à 3 ans D'après Luquet, un jour soit par hasard, soit à la suite d une question de son entourage (et de son enseignant), l enfant découvre que son tracé peut ressembler à quelque chose, qu il peut se référer à quelque chose. Cette première référence à une signification marque l émergence des représentations mentales chez l enfant même si au début ce sont des représentations élémentaires. L enfant est donc capable d attribuer une signification à son dessin mais il ne le fait qu à postériori. Il fait le dessin, puis Pôle maternelle 22 1/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët

2 décide que c est un lapin.et ce n est pas ressemblant. L intentionnalité dans le dessin est en train de naître. Capacités et compétences: Le mouvement part de l'avant bras en pliant le poignet Le sens du tracé est donné par la rotation de la main La direction est donnée par le mouvement du bras à l'outil Il est capable de suivre une trajectoire déjà produite Il peut faire des traits, des courbes, des lignes brisées, des boucles mêlées, des figures fermées et des balayages. Au cours de ces deux premiers stades, il faut privilégier les productions spontanées de l enfant et l accompagner en lui proposant des travaux sur la trace, l empreinte des différentes parties du corps (main, pied, coude, bras ), on accompagne l activité en offrant la possibilité aux enfants de tracer ce qu ils souhaitent mais sur différents supports : on joue avec le plan de travail (vertical, horizontal, incliné, par terre), l enfant expérimente les possibilités instrumentales de son corps, on joue avec la qualité du support (du papier, du verre, du carton) pour qu il fasse un lien entre le type de support et l effet de son mouvement, la pression par exemple ou l amplitude du mouvement ne seront pas les mêmes en fonction du type de support. Finalement les contraintes imposées à l enfant portent sur la nature des supports, les instruments, les postures mais jamais sur la performance! Lui imposer des contraintes en terme de performance c est le mettre dans une situation d échec. On peut cependant lui imposer à ce stade une règle simple : respecter le cadre, tracer avec une craie sans la casser, si l enfant n y arrive pas, on lui expliquera pourquoi il a réussi ou échoué c est-à-dire que l on verbalise sa procédure. Plutôt que d imposer des types de productions, on peut piocher dans les productions spontanées des enfant pour les aider à constituer un répertoire graphique de points, de traits horizontaux, verticaux, obliques, de cycloïdes, de hachures les consigner dans le cahier d élève permet aux parents de prendre conscience des acquisitions de l enfant, de son potentiel de développement. Au début, beaucoup de parents ne se rendent pas compte de ce que cela implique de faire une forme graphique. L'enseignant a un un rôle important à jouer pour montrer aux parents que leur enfant apprend pour l enfant c est une valorisation importante de ses productions par les adultes, ce qui va lui donner en retour le goût de l exercice, l envie de laisser des traces, de réaliser des productions c est une rencontre importante avec l école et le savoir qui se joue. Attention : tant que l enfant est à ce stade : il ne faut pas lui demander de représenter quelque chose de figuratif (bonhomme, fleur ). En revanche, dès que la maîtrise du contrôle moteur commence à se manifester, on peut lui demander de produire des cercles, des traits 3. Stade du réalisme manqué (entre 3 et 4 ans) Désormais l enfant a l intention préalable de dessiner quelque chose, mais les moyens graphomoteurs ne vont pas forcément suivre. Il y a un écart important entre le souhait de l enfant et ce qu il va produire. Cet écart est normal, il témoigne des capacités d analyse de l enfant (du modèle) et de ses capacités grapho-motrices et perceptivo-motrices. Les différences interindividuelles sont très importantes au niveau de ces capacités de contrôle moteur. Mais il faut retenir qu à cet âge, la majorité des enfants sont seulement en train d apprendre à freiner volontairement, à doser la force, la pression, à contrôle des yeux la main qui trace et la cible visée (un point de l espace graphique). La majorité des productions doivent encore laisser place à la spontanéité de la production (pas de fiche) pour que l enfant puisse découvrir son potentiel perceptivo-moteur. On peut multiplier les activités qui lui permettent de continuer à construire la notion d espace graphique, les contraintes liées à l espace : feuille grande, petite, ronde, à remplir Pôle maternelle 22 2/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët

3 entièrement, partiellement Enfin et surtout il est important de reconnaître l intention de l enfant : demander à l enfant, l'écrire sur la feuille et le mettre dans le cahier de l élève. Dès ce stade, l enfant utilise le dessin pour symboliser des évènements, des ressentis, des émotions. Au moment où le langage est peu développé, pas encore assez complexe pour tout exprimer, le dessin va devenir un moyen d expression très important. Capacités et compétences : Les mouvements de la main se coordonnent avec ceux de l'épaule Le pouce permet de freiner le tracé et de fragmenter le geste. Occupation de l'espace graphique, mais sans organisation Le sens de rotation dominant commence à apparaître. Sens prédominant droite- gauche pour les droitiers et gauche- droite pour les gauchers Le contrôle visuel s'intensifie 4. Stade du réalisme intellectuel (de 4 à 8 ans) L enfant dispose désormais d une bonne maîtrise graphique. Il s agit pour lui de montrer ce qu il sait du réel via le dessin, tout ce qu il sait du réel! Pour cela, il utilise certains procédés comme le rabattement ou la transparence. Comme l enfant est encore très égocentré dans sa pensée, on ne verra, en fait, surtout que son point de vue. A cet âge, les dessins deviennent très riches avec plein de détails car l enfant a acquis une grande capacité de contrôle. On peut exiger de lui des productions graphiques contraintes mais il faut garder en tête que ses capacités de planification du dessin sont encore limitées (il ajoute les détails progressivement sans penser à la cohérence du tout). A cette période, le dessin reste encore un moyen privilégié pour l enfant d exprimer son monde intérieur. Capacités et compétences: 4-5 ans : - Les doigts de la main auriculaire et annulaire propulsent le geste, le pouce, l'index et le majeur réalisent les tracés. Axes directionnels maîtrisés et début des copies des tracés 5 6 ans : - Copie des tracés précise. 5. Le rôle de l'enseignant L'enseignant doit aider à développer : 1) L'habileté manuelle 2) le regard 3) l'organisation de l'espace et la latéralisation 4) la verbalisation et la mémorisation 1) Habiletés manuelles Ce sont les activités concernant : la tenue de l'outil (pince index pouce + support du majeur), la pression (modelage, loto tactile, pinces à linge, collage...) le freinage, (motricité en salle et en musique...) la précision du geste et la souplesse (jeux de doigts, modelage, perles, abaques, encastrements, puzzles, pinces à linge, loto tactile, coin poupée, habillage, déshabillage...) Pôle maternelle 22 3/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët

4 En choisissant des matériaux et des supports différents : - Formats, la taille varie selon l'âge (du plus grand vers le plus petit) - Formes (carré, ovale, rectangle, triangle, hexagone, sinusoïde...) - Positions (vertical, horizontal, incliné...) - Textures (papier machine, carton ondulé, ardoise velleda, tableau...) - Outils (main, pied, crayon de couleur, craie, pinceau, feutre, pastel, stylet graphique, crayon à papier... ) 2) Le regard Pour reproduire un modèle il faut travailler en même temps le regard et le geste. Les petits jouets à manipuler, les jeux de doigts et de mains préparent à l'écriture. L'enseignant doit aider l'enfant à développer les compétences nécessaires à une bonne reproduction de formes graphiques à travers des activités : d'observation et de repérage de l'environnement (décrire d'une manière détaillée une image...) de coordination occulo manuelle (puzzles, perles, des pliages, du découpage, mikado, objets à encastrer, visser, dévisser, clipper, les lancers dans des cibles...) de présentations de reproductions, d'objets culturels qui sont riches en éléments graphiques, les enfants analysent, les comparent, les rapprochent de leurs propres productions... Ces activités vont permettre à l'enfant de mieux anticiper son geste et de mieux le contrôler. 3) L'organisation de l'espace et la latéralisation L'organisation de l'espace et la latéralisation se construisent à travers des activités de motricité globale et manuelle. - L'organisation de l'espace : Piaget nous renseigne sur la construction de l'espace chez l'enfant, une des grandes idées est que la construction s'effectue sur 2 plans distinctifs : perceptif et pratique d'une part et représentatif d'autre part. A partir de 2 ans, tout ce qui a été acquis sur le plan de la perception et de l'action est reconstruit sur le plan de la représentation. Un bonne organisation de l'espace permet de se repérer sur l'espace feuille, permet d'anticiper et d'analyser les trajectoires. - La latéralisation : En PS, faire travailler bilatéralement, une main après l'autre, noter la main la plus utilisée en premier, puis les 2 mains ensemble pour une prise de conscience de sa meilleure main. Être vigilant sur l'utilisation de la main pour boire, manger, découper, se coiffer... L'enseignant doit donner des alternatives de préhension d'objet pour aider l'enfant à affirmer sa latéralité dominante. Une bonne connaissance du schéma corporel et de la latéralisation est indispensable. L'organisation asymétrique du corps se met en place entre 3 et 6 ans, il y a une oscillation de latéralité et vers 4 ou 5 ans elle s'affirme. La latéralité au niveau de la main peut ne pas être la même que les autres parties du corps. - Les activités : Toutes les activités en salle de motricité, activités d'orientation... mesurer, se référer à, différencier, se décentrer, coordonner... 4) La verbalisation et la mémorisation La verbalisation permet à l'enfant de construire une image mentale et peut ainsi mémoriser ce qu'il doit reproduire et comment il va le faire. Pôle maternelle 22 4/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët

5 Dès la PS, il est important que l'enseignant mettent en place des activités qui permettent à l'enfant de mettre en jeu ses actions et de les verbaliser : Position (au-dessus, au-dessous, devant, derrière, dedans, dehors, à gauche, à droite,en haut, en bas, au milieu, à côté, loin de, près de...) Directions (vers la droite, vers la gauche, vers le bas, vers le haut, droit, penché, oblique...) Espaces ou l'espace dans l'image et dans l'écrit; Contrôle de l'acte : anticiper, freiner, arrêter, reprendre le mouvement. - Les activités : Activités en salle de motricité comptines gestuelles observation et analyse d'images et de graphies Acquérir une posture adaptée, indépendamment des activités graphiques. Assis droit sur sa chaise, les 2 pieds posés par terre, le dos assez droit, les 2 avant-bras posés sur la table. L'écriture Qu'est ce que l'écriture? C'est un langage qui ne s'apprend pas de façon naturelle comme la langue orale, de nombreuses compétences sont nécessaires. Cet outil repose sur une activité symbolique, réflexive donc volontaire et consciente. «Représentation de la parole et de la pensée par des signes graphiques conventionnels» Petit Robert Les activités d'écriture sont étroitement reliées à la parole et, puisqu'il y a tracé, à celles de la lecture. Il est important qu'il n'y ait pas amalgame entre dessin, graphisme et écriture. La différenciation dessin/écriture s'établit vers 4 ans. Comme le précisent les programmes, l'écriture ne se limite pas à l'acte moteur : «Si les activités d'écriture requièrent des compétences grapho-motrices, elles sont indissociables d'apprentissages linguistiques. L'enfant doit ainsi devenir progressivement capable de tracer des écritures tout en découvrant le fonctionnement du code alphabétique, en le comprenant et en commençant à le maîtriser.» programme 2007 L'acte d'écriture est coûteux en énergie : il repose sur le maniement d'un outil scripteur, nécessite des compétences motrices et visuo- motrices contraignantes, le respect de normes et de conventions pas toujours intelligibles, toutes choses qui peuvent limiter l'investissement des élèves. Il est essentiel de respecter le rythme de l'enfant. Lorsque l'enfant produit des lettres, un conflit entre la réalisation de la forme de la lettre et la trajectoire normalement associée à cette réalisation intervient. Ce conflit se résout au dépend du mouvement : l'enfant copiera plus ou moins correctement la forme de la lettre mais sans respecter la trajectoire qui devrait y être associée. Les erreurs de copie sont nombreuses, en partie dues au contrôle visuel intense exercé sur le geste, le regard allant du modèle à la copie de manière incessante, entraînant des erreurs de repositionnement, et ainsi des omissions ou répétitions ou permutations de parties de lettres. Quelques études : Les lettres diffèrent-elles entre elles du point de vue de leur complexité? D'après Sovik, Flem Maelan et Karlsdottir : Les plus simples = longs traits faiblement courbés (t) Les plus complexes = nombreux changements de direction (k ) et traits horizontaux avec changement Pôle maternelle 22 5/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët

6 de direction ( r). L'enseignement des lettres devrait respecter l'ordre de complexité afin de mettre l'enfant dans les meilleures positions de réussite. Quels sont les mérites respectifs des tâches de copie et de traçage pour l'apprentissage de l'écriture? Karlsdottir et Stefansson n'ont pas, dans leurs études, prouvé de différences sur la performance des enfants lorsqu'ils sont soumis à des tâches de traçage ou des tâches de copie. Sur quels aspects les instructions données aux enfants doivent-elles mettre l'accent? De nombreuses études ont affirmé le rôle bénéfique joué par des instructions insistant sur la forme des lettres et la manière dont elles se réalisent. Sovik dit que la démonstration des mouvements à produire et l'ajout d'explications verbales des formes des lettres amélioraient les performances des enfants. Les domaines de compétences : 1 la perception du rapport entre le texte écrit et la parole; 2 Les compétences grapho motrices ; 3 capacités à percevoir les traits caractéristiques d'une lettre, de les analyser et de les décrire, de les reproduire (les enfants ont envie d'écrire souvent bien avant d'en avoir la capacité de reproduire les lettres et les mots, l'enseignant dans ce cas peut écrire sous la dictée) L'enseignant propose : Un travail d'observation et d'analyse pour exercer le regard; Un travail au niveau du langage pour décrire les graphismes (nom de chaque élément graphique, la manière de le réaliser, description dans l'espace), raconter le tracé de chaque lettre et la nommer; Un travail sur l'espace pour se repérer sur la feuille ; La mise en place d'outils référents pour aider à comprendre le sens du tracé de chaque lettre dans les différentes écritures et leur utilisation ; Pratique quotidienne d'activités graphiques; Progression adaptée à chaque enfant ; Mise en place d'outils pour entraîner le geste graphique. Les aides de l'enseignant : Il tient la main de l'enfant qui a besoin d'impulsion = modèle kinesthésique L'enseignant montre le mouvement à l'enfant qui a besoin de voir comment se fait le modèle = modèle cinétique L'enseignant invite l'enfant à regarder le modèle ( pas besoin d'aide) = modèle visuel Pour les gauchers : veiller sur une double table qu'il soit assis à gauche si l'autre enfant est droitier pour éviter qu'ils ne se gênent. l'éclairage doit venir de la droite pencher la feuille légèrement à droite veiller à ce qu'il écrive de la gauche vers la droite et non pas en miroir permettre une certaine lenteur à l'enfant, surtout au début. Pôle maternelle 22 6/ 6 A- C. Jousselin et S. Jouët