Cabaret Satirique, extrait du tome 4. LA BOURRIQUE

Transcription

1 LA BOURRIQUE Les personnages UN HOMME SA FEMME UN GARDE-CHAMPETRE LA BOURRIQUE : une femme UN HOMME : Oui, sûr, tu peux me laisser dans ce caniveau. SA FEMME : Tu es saoul comme La Bourrique. UN HOMME : Laisse La Bourrique où elle est! SA FEMME : Et où est-elle La Bourrique? UN HOMME : Au bar! Je vais d' ailleurs la rejoindre. C est elle qui va me former. SA FEMME : On rentre à la maison. UN HOMME : Je veux boire à la santé de La Bourrique. (Un garde-champêtre, tambour en bandoulière, flâne par là). SA FEMME : Monsieur le policier, mon... UN GARDE-CHAMPETRE : Je suis garde-champêtre. Mon père était gardechampêtre. Mon grand-père était garde-champêtre. Mon arrière grand-père était garde champêtre. UN HOMME : Votre femme est-elle garde-champêtre! UN GARDE-CHAMPETRE : Ma femme est femme de garde-champêtre, comme ma grand-mère, et mon arrière grand-mère. Quant à mon arrière-arrière grandpère, il était célibataire, le pauvre. SA FEMME : Mon mari a bu et il ne veut pas rentrer chez nous. UN GARDE-CHAMPETRE : Pas chez nous, chez vous. SA FEMME : Chez lui et moi. UN HOMME : Monsieur le garde-champêtre, j apprends le vin, et pour apprendre le vin, il faut en boire. Je vais faire des études d œnologie. SA FEMME : Tu ne pourras rien apprendre, tu es saoul du matin au soir. UN HOMME : Je veux être le meilleur, y a qu avec une formation sur le tas que je retrouverai un boulot. Mon général, j'ai été viré parce que je voulais me perfectionner dans le vin, mais ça ne me décourage pas, je veux toujours devenir le meilleur. UN GARDE-CHAMPETRE : Votre mari n a pas tout à fait tort, il y a la théorie et Page 1

2 la pratique. UN HOMME : Moi, je pratique. SA FEMME : Quelle théorie! Il sait à peine lire. Il a été viré la semaine dernière et maintenant il s est mis en tête de devenir docteur en vin. UN GARDE-CHAMPETRE : Vous faisiez quoi avant d être licencié. UN HOMME : Général, j étais barman pour la grandeur de la France. SA FEMME : Vous prenez des notes? UN GARDE-CHAMPETRE : Toujours, pour faire sérieux. Mais rassurez-vous, aussitôt que je vous aurai quittés, je les arracherai. Je ne les conserve pas. D ailleurs la plupart du temps, je n arrive pas à me relire. SA FEMME : C est que vous écrivez très mal. UN GARDE-CHAMPETRE : J ai raté mon certificat d étude de peu. Mais ne nous égarons pas. Donc vous étiez barman. Vous vous êtes fait virer. SA FEMME : Il boit un bol de rhum pour le petit déjeuner. Comment voulezvous qu il arrive à jeun au boulot? Il buvait plus que tous les clients réunis. UN GARDE-CHAMPETRE : Vous pouviez ruiner votre patron. SA FEMME : Tous les verres qu il buvait étaient retenus sur sa paie. Il y a des mois, tous les mois, il ne ramenait pas un sou à la maison. UN HOMME : Que voulez-vous faire avec un sou? Mieux vaut ne rien amener. SA FEMME : Ma mère me l avait dit. Ton mari, à trente ans, il va sucrer des fraises. UN GARDE-CHAMPETRE : Sucrer des fraises n est pas un métier. UN HOMME : Je veux changer de métier. SA FEMME : Si tu ne veux plus sucrer des fraises, tu dois arrêter de boire. UN GARDE-CHAMPETRE : Elle consiste en quoi votre formation? UN HOMME : Je ne sais pas encore. J ai rendez-vous avec le formateur, La Bourrique, au bar. UN GARDE-CHAMPETRE : Garde-champêtre n est pas un métier. Vous croyez que c est une vie de se balader dans la commune sans but. SA FEMME : Vous portez l uniforme. C est valorisant. UN GARDE CHAMPETRE : Vous trouvez ce costume valorisant? (Un temps) Moi aussi je m y connais en vin, et si je peux changer de métier, je le ferai. UN HOMME : Dans ce cas-là, allons voir La Bourrique. SA FEMME : Si tu n es pas rentré à la maison pour midi, je retourne chez ma mère. UN HOMME : (au garde-champêtre) Sa mère vit chez nous. UN GARDE-CHAMPETRE : Vous n aurez pas loin pour aller la chercher. UN HOMME : Si vous voulez devenir œnologue, allons voir La Bourrique. UN GARDE-CHAMPETRE : Est-ce que j en ai les capacités? Page 2

3 (Un homme et un garde-champêtre entrent dans le bistrot) UN HOMME : La Bourrique est bien là. UN GARDE-CHAMPETRE : C est une femme! UN HOMME : C est La Bourrique. UN GARDE-CHAMPETRE : Elle est aussi grosse qu une truie. UN HOMME : Vous ne la connaissiez pas, vous, le garde-champêtre. C est étonnant. UN GARDE-CHAMPETRE : Je ne fréquente pas ce café. Le mien est plus haut, à l entrée de la commune, Chez Roger. J ai bien vu cette masse de temps en temps par la fenêtre, jamais je n aurai pensé que c était vivant. Alors c est une femme! UN HOMME : C est une sacrée femme. Elle en connait un bout sur les vins. C est grâce à elle que nous aurons notre diplôme. UN GARDE-CHAMPETRE : Avant d avoir un diplôme il ne faudrait pas que nous nous inscrivions quelque part? UN HOMME : Elle va s occuper de tout. (Ils avancent vers La Bourrique) UN HOMME : La Bourrique, je t ai amené une nouvelle recrue. Lui aussi a décidé de devenir œnologue. UN GARDE-CHAMPETRE : Comme il vous le dit, madame. LA BOURRIQUE : Vous n avez jamais vu une grosse femme. UN GARDE-CHAMPETRE : Très souvent. J ai vécu, moi. UN HOMME : Patron, six. Ici, tout se fait par deux. On n est pas des pédés, hein patron. UN GARDE-CHAMPETRE : Heureusement, ma femme ne serait pas d' accord. LA BOURRIQUE : Parle pour vous. Je suis une vraie femme, hein mon copain. UN GARDE-CHAMPETRE : Je vous connais si peu. UN HOMME : Comment on s organise? UN GARDE-CHAMPETRE : Je suis vraiment impatient. UN HOMME : On n est pas des pédés. UN GARDE-CHAMPETRE : Je crois que tu te répètes. LA BOURRIQUE : C est son toc quand il est rond. Et comme il est souvent rond UN GARDE-CHAMPETRE : Le patron vous a servi de l eau. LA BOURRIQUE : Je ne bois que de l eau, et toujours dans des verres à vin. (Un homme se cache les yeux, et fait mine de déguster) Page 3

4 UN HOMME : C est un vin rouge. UN GARDE-CHAMPETRE : Oui, il est rouge. LA BOURRIQUE : Ca prouve quoi? UN HOMME : C est un vin rouge. Un vin français. UN GARDE-CHAMPETRE : Il est doué. LA BOURRIQUE : C est une bibine. UN HOMME : Ce vin est un grand. Je l entends, je le vois, je le sens. Mais c est un gros rouge qui tache. UN GARDE-CHAMPETRE : Vous en savez déjà tellement sur le vin, alors que moi, je débute. LA BOURRIQUE : Fait lui le test. (Un homme lui cache les yeux, lui met les mains devant le verre) UN HOMME : Tu peux boire. Sans renverser. UN GARDE-CHAMPETRE : Vous m intimidez. Je dirai que s est un vin rouge. UN HOMME : Exact. LA BOURRIQUE : Un point. UN GARDE CHAMPETRE : Un gros qui tache. LA BOURRIQUE : Deux points. Tu as de la mémoire, c est un avantage pour de si longues études. UN GARDE-CHAMPETRE : Je sens aussi le brûlé. UN HOMME : Je vois à sa robe que toutes les grappes n étaient mûrs à point. UN GARDE-CHAMPETRE : Je sens le foin brûlé. UN HOMME : Un chien a dû chier au pied du cep où le raisin a été cueilli. LA BOURRIQUE : C est Médor, il chie n' importe où. UN GARDE-CHAMPETRE : Dans le foin brûlé, il y avait une culotte, une culotte de femme. UN HOMME : Le chien appartient à une femme. UN GARDE-CHAMPETRE : La culotte est restée dans les vignes plusieurs semaines. UN HOMME : Quelle femme! UN GARDE-CHAMPETRE : Quel cul! LA BOURRIQUE : Les jeunots, la première leçon est terminée. UN GARDE-CHAMPETRE : C était une leçon? LA BOURRIQUE : Plutôt un test. Je vous prends dans mon cours. Demain matin, ici, à 8 heures, à jeun. Pendant la première semaine nous étudierons les crus classés. Vous allez en profiter pour reconstituer vos papilles gustatives en ne buvant que l eau citronnée. Page 4

5 UN HOMME : Ce n est pas un métier pour moi. UN GARDE-CHAMPETRE : C est qu à 8 heures, j ai le jardin du maire à désherber. (Ils sortent) UN HOMME : Chez Roger, c est ton bar préféré. Et si on allait goûter son vin. UN GARDE-CHAMPETRE : Je vais jouer du tambour, ce sera plus marrant. Page 5