D après P. Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, La Découverte, coll. Repères, 2011.
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- Dorothée Guérard
- il y a 8 ans
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1 Document 1 : le réseau, une idée ancienne La notion de réseau sert désormais à désigner une grande variété d objets et de phénomènes. Ce n est pourtant pas un néologisme : le mot est ancien, et l histoire de ses usages dans la langue française décrit un long parcours, depuis ses premières occurrences au XVII e siècle, pour désigner un tissu dont les chasseurs se servaient, en passant par ses usages médicaux (le réseau sanguin, le réseau nerveux) à partir du XVIII e siècle, jusqu à son emploi à partir du XIX e siècle pour désigner l ensemble des chemins. Le terme s est alors progressivement détaché des objets concrets qu il servait primitivement à nommer. Depuis quelques décennies, à côté des usages anciens, en sont donc apparus de nouveaux, popularisés par le développement de l informatique et des moyens modernes de télécommunication. Et l habitude s est prise très vite, en quelques années seulement, de désigner Internet par ce mot, employé absolument ou même redoublé : «le Réseau», voire le «réseau des réseaux». Même si, entre ces réseaux là et ceux dont nous entendons traiter, il y a certainement des relations de déterminations réciproques, ce ne sont pas de ces réseaux «physiques» qu il s agira ici, mais des «réseaux sociaux», c est-à-dire non pas des infrastructures qui permettent aux individus de se rencontrer ou de communiquer, mais des relations que, par ces moyens comme par de nombreux autres, ces individus et les groupes sociaux qu ils composent entretiennent les uns avec les autres. D après P. Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, La Découverte, coll. Repères, Comment la notion de «réseau» a-t-elle évolué? 2. Que signifie le passage souligné? 3. Qu est-ce qu un «réseau social» pour un sociologue? Document 2 : le monde est petit! Chacun a vraisemblablement fait l expérience un jour, en rencontrant une personne qu il ne connaissait pas, de s apercevoir qu il avait pourtant avec cette personne une, voire plusieurs connaissances communes. «Comme le monde est petit!» ne manque-t-on pas en général de constater. Certains sociologues ont essayé de voir plus précisément ce qu il en était dans les sociétés de masse. C est le problème du petit monde. Un «individu-objectif» et un groupe de «personnes de départ» ont été choisis afin d essayer de générer une chaîne de connaissances qui aille de chaque point de départ à l objectif. Chaque individu-source s est vu confié un dossier. Il lui était demandé de l envoyer par la poste en direction de l individu objectif. Il était expressément stipuler que le dossier ne devait être envoyé qu à une connaissance directe de l expéditeur. Chaque dossier a ainsi avancé à sa manière le long d une chaîne de connaissances de longueur indéfinie, chaîne qui ne pouvait s interrompre que si elle atteignait l individu objectif, ou si quelqu un, durant le parcours, refusait de la prolonger. Parmi les 296 individus de départ, 217 ont effectivement expédié le dossier à l une de leurs connaissances. Au bout du compte, 64 dossiers sont parvenus à l individu-objectif. Le reste correspond à des chaînes rendues incomplètes par l abandon d un participant. La longueur des chaînes complètes, c est-à-dire des 64 ayant permis d atteindre l individu-objectif se définit comme le nombre d intermédiaires nécessaires pour relier un individu de départ à l individu cible. La moyenne de ces longueurs est de 5,2 intermédiaires. D après A. Degenne & M. Forsé, Les réseaux sociaux, Armand Colin, Coll. U, Qu appelle-t-on le «problème du petit monde»? 2. Quelle méthode les sociologues mettent-ils en œuvre pour résoudre ce problème? 3. Quels sont les résultats de leur enquête? Document 3 : le sociogramme, un instrument d étude des réseaux Parmi les recherches effectuées par Moreno à l aide du sociogramme, l étude des affinités chez les enfants d âge scolaire tient une place importante. Pour créer les conditions d une coopération, l expérimentateur mettait les élèves en situation d acteurs. Il entrait dans la salle et s adressait ainsi aux élèves : «Vous êtes assis à des places qui vous ont été assignés par votre maître. Vous avez maintenant la possibilité de choisir le garçon ou la fille que vous aimeriez à votre gauche et à votre droite. Écrivez le nom de celui ou celle que vous choisissez en premier lieu ; puis le nom du ou de la camarade que vous choisissez ensuite. Regardez autour de vous et fixez votre choix.» Voici un graphe sociométrique tracé par Moreno. Il représente le résultat de cette expérience dans une classe primaire. Les garçons sont figurés par des carrés et les filles par des cercles. Les choix sont représentés par des flèches et les choix réciproques par des segments. Moreno a conduit de nombreuses expériences de ce genre qui lui ont permis de développer une théorie des interactions : à partir de la première classe d école primaire, le groupe développe progressivement une organisation plus différenciée. À partir de la quatrième classe, le pourcentage des attractions hétérosexuelles décroît brusquement. Cela indique le début d un clivage sexuel qui caractérise l organisation à partir de ce niveau et qui persiste plusieurs années. D après A. Degenne & M. Forsé, ibid. 1. Qu est-ce qu un sociogramme? 2. Que met en évidence l analyse de Jacob Moreno à propos des relations entre les élèves des classes de primaire? Page 1 / 5
2 Document 4 : le réseau des entreprises du CAC 40 au 31/12/2008 Il s agit de mesurer les relations entre les conseils d administration ou de surveillance des entreprises du CAC 40. La taille des nœuds est proportionnelle au nombre de sociétés avec lesquelles l entreprise est en relation. L épaisseur des liens représente le nombre de relations entre deux nœuds (en l occurrence, le nombre d individus tissant un lien entre deux entreprises). D après 1. Qu est-ce que le CAC 40? Qu est-ce qu un conseil d administration ou de surveillance? 2. Montrez que ce graphique est un sociogramme. 3. Combien d entreprises du CAC 40 sont-elles isolées des autres? 4. Quelle est la particularité de l entreprise entourée (Unibail-Rodamco)? 5. Dans quelle mesure peut-on dire que les conseils d administration et de surveillance des entreprises du CAC 40 forment un monde fermé? Document 5 : le divorce comme effet de réseau Si le mariage de votre meilleur(e) ami(e) échoue et que vous tenez au vôtre, méfiez-vous : la solidité de votre couple subit inévitablement les répercussions de cet échec dont il/elle vous parlera. D après les découvertes de chercheurs américains, le divorce se répand comme un virus à travers les familles, les relations professionnelles ou les groupes d amis. L effet domino est tel que si un ami ou un collègue proche divorce, votre chance de divorcer augmente de 75 %. L étude, qui porte sur Américains de Framingham en Nouvelle Angleterre, montre que même le divorce d un ami d un ami augmente vos chances de divorce de 33 %! Si vous avez un frère ou une sœur divorcée, c est + 22 %. L effet ne disparaît qu au bout de 2 degrés de séparation avec la personne. Les chercheurs appellent ce phénomène le «divorce aggloméré». L effet est simple : un divorce dans son entourage invite toujours à se questionner sur son propre couple. Cela réduit également la stigmatisation sociale du divorce : «si cela leur est déjà arrivé à eux, je peux aussi me le permettre». Ils ont constaté que quand une personne divorcée se confie à quelqu un de marié et lui expose sa vision des avantages et inconvénients du divorce, la personne mariée retient plutôt les avantages. L étude assure que c est aussi le nombre de personnes divorcées dans votre entourage qui menace la santé de votre mariage. Plus vous connaissez de personnes divorcées, plus votre mariage est fragilisé. Autre conclusion, toute autre : contrairement à ce qu on a tendance à croire, les chercheurs ont trouvé que l existence d un enfant ne change en rien la probabilité de divorce du couple. D après «Le divorce est contagieux», 06/07/2010, 1. Comment explique-t-on habituellement le divorce? 2. Expliquez l expression soulignée. 3. Comment peut-on expliquer les résultats de l enquête présentés dans le document? Page 2 / 5
3 Document 6 : qu est-ce que la sociabilité? La sociabilité est une notion ambiguë : elle désigne à la fois l aptitude à vivre en société et le principe des relations entre les personnes. Le sociologue ne s intéresse qu à la seconde acception. L enquête «Conditions de vie et Aspirations des Français» permet de mettre en évidence quatre cercles relationnels : le foyer, la famille, les amis et les associations. Dans ce cadre précis, voici, à grands traits, le portrait de la sociabilité de nos concitoyens. Tout d abord, trois Français sur quatre partagent leur foyer avec au moins une autre personne, et un ménage sur dix comporte au moins cinq personnes ; la plupart des individus rencontrent régulièrement des membres de leur famille proche ; les trois quarts reçoivent au moins une fois par mois des amis ou des relations, et près d un sur deux appartient à au moins une association. La famille est une valeur sûre, en France : les deux tiers de la population (surtout les personnes âgées) considèrent que la famille est le seul endroit où l on se sente bien et détendu. D ailleurs, la plupart des individus (86 %) rencontrent de façon régulière des membres de leur famille ; en fait, pratiquement personne ne déroge au rituel des retrouvailles au sein de la parentèle. Le milieu associatif est un univers à fort capital culturel, où tous les âges sont représentés (au moins de 18 à 70 ans, ensuite les pratiques déclinent). Ce sont, avant tout, les classes sociales supérieures qui s investissent dans les associations. D après R. Bigot, «Quelques aspects de la sociabilité des Français», Cahiers de recherche du CREDOC, n 169, décembre 2001, 1. Distinguez la sociabilité selon le sens commun et la sociabilité au sens sociologique. 2. Qu est-ce qui distingue la sociabilité dans l association de la sociabilité dans le groupe d amis? Document 7 : l âge et la profession déterminent-elles la sociabilité? J.-P. Lebel & A. Richet (dir.), Manuel SES de Première, Hachette, Comment la sociabilité évolue-t-elle au cours de la vie d un individu? 2. Étudiez la sociabilité des personnes âgées. 3. En quoi les étudiants peuvent-ils être considérés comme une catégorie à part en terme de sociabilité? 4. Expliquez pourquoi les professions les plus élevées dans la hiérarchie sociale disposent-elles d un réseau de relations plus étendu que dans les autres professions? Page 3 / 5
4 Document 8 : le déclin de la sociabilité? Robert D. Putnam, dans un ouvrage intitulé Bowling alone («Jouer seul au bowling») publié en 2000, a montré que selon lui, aux États-Unis, la sociabilité connaîtrait depuis une trentaine d années un profond déclin. Utilisant de très nombreuses données sur l évolution des relations sociales aux États-Unis, il montre que l on y assiste à une baisse de la participation politique, religieuse et syndicale autant qu à un affaiblissement des relations sociales informelles : moins de sorties, de réceptions, de repas familiaux, etc. Putnam explique ce déclin, dans un premier temps, par l augmentation des pressions économiques, l étalement urbain et le développement des NTIC ; mais surtout, ce déclin de la sociabilité aux États-Unis lui apparaît comme un effet de génération, chaque génération apparaissant moins engagée que la précédente. D après P. Mercklé, op. cit. Proportion de Français ayant discuté au cours de la semaine écoulée avec au moins un interlocuteur selon le type de relation N. Blanpain & J.-L. Pan Ké Shon, « : les Français se parlent de moins en moins», INSEE Première, n 571, mars 1998, 1. Quelle est la thèse de Robert Putman? 2. Comment l explique-t-il? 3. Le graphique confirme-t-il la thèse de Robert Putman en France? Document 9 : le téléphone modifie-t-il la sociabilité? Par rapport aux relations de face-à-face, le réseau de la sociabilité téléphonique se révèle plus restreint et moins diversifié : le téléphone passe le cercle relationnel au tamis et ne conserve qu un noyau d intimes. Contre toute attente, la concentration géographique des interlocuteurs téléphoniques est presque aussi grande que celle des autres relations : un sur deux vit à moins de dix kilomètres. La fréquence de contact téléphonique est un indicateur de la qualité d un lien social moins partiel que la fréquence de rencontre : tout d abord, le lien téléphonique renforce celui en face-à-face (plus on voit les gens, plus on les appelle). Ensuite, il peut également s y substituer : notamment dans le cas des proches parents que l on appelle souvent et longtemps lorsqu on ne peut les voir à cause de l éloignement géographique. Le lien téléphonique contribue à l intégration sociale dans des contextes de solitude ou d isolement en face-à-face. Le téléphone joue en effet un rôle de compensation : les groupes sociaux qui passent le plus de temps au téléphone sont ceux qui sont exposés à une plus grande fragilité de leurs relations en face-à-face (personnes vivant seules ou dépourvues de travail). Enfin, le téléphone accentue une forte intégration préexistante : c est notamment le cas pour les personnes pourvues d un niveau de formation élevé, dont la pratique téléphonique s exerce en direction d un réseau d interlocuteurs étendu et diversifié (pratique extensive), et se cumule à d autres formes de sociabilité très intenses. D après C.-A. Rivière, «Le téléphone : un facteur d intégration sociale», Économie et Statistique, n 345, 2001, 1. Quels types de liens sociaux sont entretenus avec le téléphone? 2. En quoi le téléphone est-il un outil de sociabilité? 3. Le téléphone permet-il de créer et d entretenir une sociabilité différente de la sociabilité en «face-à-face»? Page 4 / 5
5 Document 10 : le réseau peut être un capital social Le capital social est l ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d interconnaissances et d inter-reconnaissances. Le volume de capital social que possède un agent particulier dépend donc de l étendue du réseau des liaisons qu il peut effectivement mobiliser et du volume de capital (économique, culturel ou symbolique) possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié. Ce qui signifie que, quoiqu il soit relativement irréductible au capital économique et culturel possédé par un agent déterminé ou même par l ensemble des agents auxquels il est lié (comme on le voit bien dans le cas du parvenu), le capital social n en est jamais complètement indépendant du fait que les échanges instituant l inter-reconnaissance supposent la reconnaissance d un minimum d homogénéité «objective» et qu il exerce un effet multiplicateur sur le capital possédé en propre. C est pourquoi la reproduction du capital social est tributaire d une part de toutes les institutions visant à favoriser les échanges légitimes et à exclure les échanges illégitimes en produisant des occasions (rallyes, croisières, chasses, soirées, réceptions, etc.), des lieux (quartiers chics, écoles sélectes, clubs, etc.) ou des pratiques (sports chic, jeux de société, cérémonies culturelles, etc.) rassemblant de manière apparemment fortuite des individus aussi homogènes que possibles. D après P. Bourdieu, «Le capital social, notes provisoires», Actes de la recherche en sciences sociales, n 3, Comment Pierre Bourdieu définit-il le capital social? 2. Le volume de capital social est-il le même en fonction de la position sociale? Document 11 : les rallyes mondains Regardez l extrait du documentaire de Guylaine Guidez, La Bourgeoisie dans tous ses états (1999), consacré aux rallyes dans la haute bourgeoisie : (de 2 03 à 4 55). 1. En quoi un rallye consiste-t-il? 2. Quel est l objectif des familles de la haute bourgeoisie en faisant participer leurs enfants à des rallyes? 3. En quoi l analyse des réseaux sociaux peut-elle être intéressante pour observer ce type d événements? Document 12 : la force des liens faibles Granovetter part d une définition de la force d un lien comme «une combinaison de la quantité de temps, de l intensité émotionnelle, de l intimité (la confiance mutuelle) et des services réciproques qui caractérisent ce lien». Après avoir montré que les liens forts ne permettent pas de relier entre eux des groupes d individus autrement disjoints, il en déduit qu une information qui ne circulerait que par des liens forts risquerait fort de rester circonscrite à l intérieur de cliques restreintes. «Les individus avec qui on est faiblement lié ont plus de chances d évoluer dans des cercles différents et ont donc accès à des informations différentes de celles que l on reçoit.» Granovetter propose une vérification empirique en appliquant la notion de lien faible à l étude des processus de recherche d emploi. Il constate que les salariés américains trouvent plus souvent leur emploi par leurs relations personnelles : c est le cas de 56 % des personnes interrogées dans cette enquête. Or, il apparaît qu à la question «combien de fois avez-vous vu le contact au cours de la période où il a fourni l information?». Les réponses sont : souvent pour seulement 16,7 % des personnes interrogées, contre occasionnellement pour 55,6 % et rarement pour 27,8 % d entre elles respectivement. À partir de ces résultats, Granovetter concluait que les liens faibles pouvaient apparaître comme «des instruments indispensables aux individus pour saisir certaines opportunités qui s offrent à eux». D après P. Mercklé, op. cit. 1. Rappelez la différence entre liens forts et liens faibles? 2. Comment les individus obtiennent-ils majoritairement leur emploi? 3. En quoi peut-on parler de force des liens faibles dans l accès à l emploi? Document 13 : comment avez-vous trouvé votre emploi actuel si vous l occupez depuis moins d un an? M. Forsé, «rôle spécifique et croissance du capital social», Revue de l OFCE, n 76, janvier Parmi les différents modes d obtention d emplois cités dans le tableau, lesquels peuvent faire référence au capital social? Et parmi ceux-ci, lesquels font référence aux «liens faibles»? 2. Les résultats de ce tableau confirment-ils l analyse de Granovetter? Page 5 / 5
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