La «sorroche», ou le mal d altitude, dans les Andes péruviennes!!

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1 Michel Baury 26 décembre 2009 Citoyen du Monde La «sorroche», ou le mal d altitude, dans les Andes péruviennes!! 1. Données physiques Au fur et à mesure que l on s élève au-dessus de la terre, on comprend aisément que la quantité de matière (air) suspendue audessus de nos têtes diminue considérablement jusqu à disparaître pratiquement complètement à 100 km d altitude. Cette masse de matière conditionne l un des paramètres physiques le plus important dans le problème qui nous préoccupe ici : la pression. Celle-ci diminue avec l altitude de manière exponentielle : si elle vaut 1 atmosphère au niveau de la mer, à 1000 m elle ne vaut plus que 0,89 atmosphère et à 4800 m, 0,55 atmosphère. La pression a alors diminué de près de moitié! C est pourquoi les avions doivent être pressurisés car en altitude un avion évolue à plus de mètres d altitude. A une telle altitude la pression n est plus que de 0,26 atmosphère (le quart de la pression atmosphérique normale). Pour garder à bord un air respirable, compatible avec la vie, il faut donc gonfler artificiellement l appareil. La pressurisation est mesurée en «altitude cabine moyenne» et elle varie en fonction des types d avion : Elle est d environ 2130 m pour un Airbus A310, soit 0,78 atmosphère, Mais elle est de 2400 m pour un Airbus A320, soit 0,74 atmosphère. Considérons à présent, en première approximation, l air comme un gaz parfait. Il obéit à la loi des gaz parfaits PV/T = Constante que l on peut encore écrire V = C x T/P. Appliquons cette formule mathématique dans deux cas particuliers, à partir des données (table ci-après) du modèle OACI (Organisation de l Aviation Civile Internationale) : Au niveau de la mer V1 = C x ( )/1013 = C x 0,284 A 4000 m d altitude V2 = C x (273 11)/617 = C x 0,425 Ainsi, 1 m3 d air au niveau de la mer, se dilate avec l altitude pour occuper un volume de 1,5 m3, à 4000 m. C est le phénomène bien connu de la raréfaction de l air avec l altitude. Cependant la composition de ce volume d air est pratiquement invariable : 21% d oxygène et 78% d azote. 1/6

2 2. Données physiologiques Les deux phénomènes physiques, étroitement liés, qui viennent d être décrits : baisse de la pression atmosphérique, raréfaction de l air et donc de l oxygène. ont des conséquences directes sur l organisme, parce que l oxygène est un élément majeur qui permet à l organisme de produire l énergie nécessaire à sa survie et à ses capacités d action. Et un appauvrissement de la quantité d oxygène, dans l organisme, signifie moins d énergie et par conséquent moins de possibilités d action! L organisme va donc tenter de modifier ses grandes fonctions pour limiter les effets dus à l agression externe dont il est victime Les réponses, à court terme, peuvent ainsi être classées en trois catégories : 1) Hyperventilation pour permettre d apporter davantage d oxygène au niveau des poumons, d où un rythme respiratoire beaucoup plus soutenu, 2) Augmentation du débit et de la fréquence cardiaque pour pallier à la réduction d oxygène à l arrivée d un air plus raréfié en oxygène dans les poumons, 3) Les adaptations de l organisme à la baisse de pression sur les tissus sont plus mal connues. On observe cependant une diminution du volume des fibres musculaires et une augmentation du nombre de petits vaisseaux sanguins. Si ces adaptations sont les plus rapides à mettre en œuvre par l organisme pour réagir à court terme à ces modifications de processus physiques, elles sont aussi les plus coûteuses en énergie. D autres adaptations vont se mettre en place sur le moyen terme. Après quelques jours, les paramètres circulatoires se stabilisent puis diminuent pour finalement retrouver des valeurs proches de celles observées en plaine. Mais ce «retour à la normale» est rendu possible par, notamment, la surproduction de globules rouges et d hémoglobine, la suppression en parallèle du plasma sanguin, et par la surproduction d un composé, présent à proximité des tissus, chargé de décoller l oxygène : ainsi le nombre de transporteurs d oxygène augmentant, la vitesse de circulation n a plus lieu d être aussi importante. L effet d augmentation de la quantité de globules rouges est particulièrement recherché par certains sportifs, d où l organisation de stage en altitude Toutefois, cela peut conduire dans certains cas à un excès de globules rouges et à la formation de caillots sanguins qui peuvent alors obstruer les veines et causer une thrombose veineuse pouvant entraîner la mort. En somme, tout se passe comme si la quantité d oxygène étant moins grande, l organisme se débrouille pour amener plus d air et ainsi maintenir le taux d oxygène dont il a besoin. La nature est décidément bien faite! 2/6

3 3. Notre expérience personnelle Nous avons participé, mon épouse et moi-même, à un voyage au Pérou, d une durée de 15 jours dont plus de la moitié du temps, passée entre 3000 et 4500 m d altitude : nous avons donc pu appréhender les différents phénomènes du mal d altitude, la «sorroche» en langage local. Tous les détails de ce fabuleux voyage sont reportés dans mon carnet de voyage : «Des rives du Pacifique au lac Titicaca et à la Vallée Sacrée des Incas». De Lima, après une quinzaine d heures de vol, nous avons longé la côte du Pacifique vers le Sud pour atteindre très rapidement Arequipa où nous sommes restés un jour complet pour un palier à 2300m en vue de l acclimatation progressive à l altitude. Nous n avons pas ressenti de problèmes particuliers à cette altitude. Nous avons quitté Arequipa pour atteindre le lendemain l Altiplano et le lac Titicaca à quelques 3800m d altitude en franchissant le col Crucero Alto à plus de 4500m, le point le plus élevé de tout notre circuit. Nous ne sommes pas égaux devant la maladie!! Si pour beaucoup d entre nous, les effets de l altitude ne se sont pas encore fait sentir, mon épouse est déjà très sérieusement affectée, dès la montée vers le col par des maux de tête, des impressions d étouffement, des nausées suivis de vomissements dès notre arrêt au sommet du col. A tel point que l on envisage un moment le rapatriement d urgence! 3/6

4 L apport d oxygène par assistance respiratoire grâce à une bouteille d oxygène présente dans le minicar de transport lui donne quelques répits et nous autorise à poursuivre le voyage. Mais son calvaire va durer une longue journée jusqu au lendemain soir où elle peut enfin recevoir les soins d un médecin à Puno : la nuit précédente étant une nuit chez l habitant!! Intraveineuse de Prinperan pour arrêter les vomissements qui intervenaient alors dès la première goutte de liquide absorbé, avec le risque évident de déshydratation. Les recettes locales n ont pas eu raison de la «sorroche» : muñia (menthe locale), décoctions de feuilles de coca apportées avec beaucoup d attention par le chef du village qui nous accueillait Après la visite du médecin et les médicaments, délivrés au Pérou à l unité, l organisme va peu à peu s accommoder et le voyage pourra se terminer dans de bien meilleures conditions. A noter que mon épouse est une personne très extravertie, mais aussi très anxieuse et la crainte du voyage était active dès le début de l été! Le conditionnement psychologique a sûrement un effet important sur les réactions de l organisme. Une telle prédisposition l avait amené à consulter son médecin généraliste de campagne en relation avec un spécialiste médical pour ce type de voyage. On lui a prescrit, notamment, un médicament en curatif : Diamox en cas de malaise, alors que ce médicament devait être pris en préventif avant le départ au Pérou, selon le médecin local péruvien. Comment ai-je, pour mon compte, surmonté la «sorroche»? Je ne suis pas du tout réceptif à tous les maux de voyage, sur mer, sur terre et dans l air, sans doute étant un personnage beaucoup plus intraverti et ayant l habitude d imposer ma volonté cérébrale à l organisme et non l inverse J ai ressenti néanmoins, de fréquents maux de crâne au niveau temporal, vite résorbés par prise ponctuelle de Doliprane (4 ou 5 comprimés pendant toute la période en altitude). Essoufflement perceptible aussi, surtout au début puis amélioration progressive : j ai même fait, quelques jours après notre arrivée en altitude, un 100m en courant pour rattraper le groupe, m en étant égaré. J ai pu enregistrer aussi des sécrétions nasales abondantes avec assèchement rapide, particulièrement gênant la nuit pour dormir Et puis, pour le folklore, j ai consommé tout un sachet de feuilles de coca jusqu à en avoir la joue gonflée!! A mon retour en France, j ai noté, me concernant, deux événements peut-être liés à l effet de l altitude et à MAM (Mal Aigu des Montagnes) : Forces décuplées lors de randonnées locales avec des jambes qui avançaient plus rapidement qu à l habitude! Une semaine après notre retour, AIT (Accident Ischémique Transitoire) presque inaperçu mais qui m a valu une semaine d hospitalisation à Lariboisière : taux de globules rouges trop important et obstruction veineuse? 4/6

5 4. Quelques conseils Pour vous permettre de faire un bon voyage au Pérou ou à tout autre endroit en altitude : Bien préparer votre voyage Ne pas appréhender le voyage : ce doit être un plaisir à venir et non une contrainte Consulter son médecin pour un éventuel traitement anticipatif, compte tenu de ce qui a été écrit ci-avant. Pendant le voyage en altitude Eviter toute consommation inutile d énergie par l organisme : Ménager ses gestes et mouvements, Manger avec beaucoup de modération, des produits à absorption rapide. Boire beaucoup pour éviter toute déshydratation, eau ou tisanes de muñia ou feuilles de coca. Ne pas boire d alcool. Eviter tout stress, rester calme et détaché en toutes circonstances Emporter avec vous du Doliprane contre les maux de tête, sérum physiologique pour faciliter l évacuation des sécrétions nasales, prinperan contre les nausées 5/6

6 TROPOSPHÈRE altitude (km) pression (hpa) température ( C) , ,5 1, , , ,5 3, , , , , /6