Calcul économique et risque. Comment intégrer le risque dans le calcul économique?



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Calcul économique e risque Commen inégrer le risque dans le calcul économique? Chrisian Gollier Universié de Toulouse (IDEI e LERNA) Février 25 Résumé : Dans ce aricle, j explique pourquoi il es raisonnable d acualiser des coûs e bénéfices fuurs sans risque à 4% à cour erme e à 2% à long erme. La prise en compe du risque du proje d invesissemen doi se faire par l impuaion de primes de risque aux cashflows fuurs pluô que par une hausse arbiraire du aux d acualisaion. Il fau aussi enir compe des valeurs d opion de repor de l invesissemen. Ceci monre que la baisse du aux d acualisaion récemmen proposée par le Commissaria au Plan ne devrai pas augmener massivemen le nombre de projes d invesissemen public don la VAN es posiive, si la prise en compe du risque es convenablemen inégrée au calcul économique.. Inroducion En Janvier 25, le Commissaria Général au Plan remeai un rappor préconisan la baisse du aux (réel) d acualisaion de 8 à 4%, e même 2% pour des horizons emporels supérieurs à 3 ans. A cee occasion, une criique récurrene s éleva pour prédire une augmenaion massive des projes d invesissemens publics franchissan le es de la valeur acualisée nee (VAN) posiive, en pariculier pour les projes aux bénéfices s éalan sur le rès long erme (lue conre l effe de serre, biodiversié, gesion des déches). Or, l Ea français ne prévoi ni d augmener la pression fiscale, ni de creuser son défici pour faire face au financemen de ces invesissemens. Le risque serai donc de voir le poliique choisir arbirairemen ceux de ces projes qu il merai en œuvre ; un échec éviden du calcul économique. Le choix d un aux de 8% en 985 avai éé jusifié en parie par la nécessié d inégrer une prime de risque dans le calcul économique public. Evidemmen, cee méhode consisan à réduire les VAN de ous les projes en augmenan uniformémen le aux d acualisaion es criiquable à plus d un poin de vue. Elle ne peu êre jusifiée que si ous les projes d invesissemen publics en concurrence de financemen on des risques comparables auan en inensié qu en corrélaion avec le risque macroéconomique, e qu en éalemen dans le emps. Dans le cas conraire, le choix d un aux uniforme de 8% pénalise injusemen les projes les moins risqués, ou ceux don les inceriudes son les plus éloignées dans le emps. Ce son les raisons pour lesquelles le rappor de Janvier 25 rejee cee méhode e propose d inégrer le risque dans l évaluaion de cash-flows équivalen cerains pluô que dans le choix du aux d acualisaion, c es-à-dire qu il propose d inégrer le risque dans le numéraeur pluô que dans le dénominaeur de la VAN. Cee méhode a plusieurs avanages. Avan ou, elle rend au aux d acualisaion sa vraie foncion, celle d un aux de change enre consommaion fuure ceraine e consommaion immédiae. En conséquence, elle réaffirme la règle indispensable de l unicié du aux d acualisaion. Mais si le risque n es pas impué au aux d acualisaion, commen celui-ci doi-il êre inégré au calcul? Force es de consaer qu une faiblesse du rappor es de ne pas décrire avec précision la manière don ceci doi êre fai. Pouran, ou indique que cee quesion es - -

Calcul économique e risque criique dans le processus d évaluaion. Ainsi, le capial sans risque a éé rémunéré à un aux réel proche de zéro pourcen duran le vingième siècle, alors que, globalemen, le capial risqué a éé rémunéré à un aux bien supérieur duran la même période. Rappelons en effe que le rendemen d un panier représenaif des acions françaises a éé rémunéré à un aux réel annuel moyen de 4% duran le siècle écoulé, e que ce rendemen a aein 6,9% oure Alanique (Dimson e al., 2). Si on rajoue une elle prime de risque au nouveau aux d acualisaion sans risque du Plan, on rerouve globalemen le aux de 8%. Néanmoins, comme indiqué ci-dessus, ce calcul ne peu êre qu indicaif, pour le cas rès spécifique d un proje d invesissemen public don le risque dupliquerai le risque du marché des acions. Ceci nous donne malgré ou une informaion imporane : si le risque es convenablemen inégré au calcul économique dans le numéraeur, il ne fau pas s aendre a priori à une augmenaion massive des projes d invesissemen franchissan le es de la VAN posiive. Seuls les projes à faible risque don le aux de rendemen inerne es compris enre 4% e 8% franchissen mainenan ce es, alors qu ils ne les franchissaien pas avan la réforme. Ceci pose à nouveau le problème de l évaluaion du risque dans le calcul économique. Les objecifs de ce aricle consisen à rappeler les quelques règles simples de la héorie moderne de la finance qui régissen cee évaluaion. 2. Jusificaion de la VAN en inceriude On considère une économie «à la Lucas (978)» en emps discre, avec un agen représenaif éernel. L exisence d un agen représenaif dans une économie héérogène es démonrée par exemple par Consaninides (982). Gollier (2a) monre commen prendre en compe l inégalié des richesses dans le calcul économique. L espérance de vie infinie de l agen représenaif signifie impliciemen que les consommaeurs inègren les préférences de leurs descendans comme si c éaien les leurs. Ce agen représene les généraions présenes e fuures. Dans ce modèle, je ne cherche pas à expliquer la croissance économique. Elle prend la forme d un veceur exogène de variables aléaoires ( c, c, c 2,...) de dimension infinie, où c représene la consommaion par habian à la dae. On suppose connue la disribuion de probabilié de ce veceur, condiionnellemen à oues les informaions disponibles aujourd hui (=). Cee disribuion caracérise le risque macroéconomique e son évoluion dans le emps. Le bien-êre ineremporel de l agen représenaif es mesuré par la valeur acuelle de son flux d espérance d uilié fuure : δ V = e Eu( c ). = Le paramère de préférence pure pour le présen es noé δ. La foncion d uilié u es supposée croissane e concave. On considère un proje d invesissemen caracérisé par un veceur de cash-flows aléaoires ( X, X, X 2,...), où X es le bénéfice ne des coûs à la dae généré par l invesissemen. On suppose connue la disribuion de probabilié de ces cash-flows, ainsi que leur corrélaion avec le risque macroéconomique. Les bénéfices e les coûs du proje son équiablemen paragés par les consommaeurs. Soi ε la par des cash-flows nes perçus par chaque consommaeur. Si le - 2 -

Calcul économique e risque proje d invesissemen es réalisé, l agen représenaif obiendra un niveau de bien-êre égal à δ V = e Eu( c + ε X ). = Evidemmen, le proje es socialemen désirable si l agen représenaif voi son bien-êre ineremporel augmené grâce à la réalisaion de l invesissemen, c es-à-dire si V es supérieur à V. Comme on suppose une populaion de grande aille, la par ε es rès peie. En conséquence, V es supérieur à V si ou encore si e Eu( c + ε X ) >, ε δ = ε = = e δ EX u'( c ) >. Comme X e c son cerains, on peu réécrire cee condiion nécessaire e suffisane comme VAN = X r + e B >, () = avec e Eu '( c ) = e (2) u'( c ) δ r e B EX u '( c) =. (3) Eu '( c ) On voi que le proje d invesissemen es socialemen désirable si sa VAN exprimée par () es posiive. Le aux d acualisaion r défini par (2) es indépendan du proje considéré. Il es donc unique e universel, mais peu varier en foncion de la maurié du cash-flow. Par conre, le cash-flow équivalen cerain B dépend à la fois des inceriudes sur c e sur X. Ainsi, on voi que nous avons effecivemen séparé les problémaiques de choix de aux d acualisaion e de prise en compe du risque du proje. La formule () nous monre donc la procédure à suivre pour mener à bien l évaluaion des projes d invesissemen. Proposiion : Lorsque les cash-flows ( X, X,...) d un proje d invesissemen ainsi que les anicipaions de croissance économique ( c, c,...) son incerains, ce proje es socialemen efficace si sa valeur acualisée nee es posiive. Cee VAN es évaluée en deux éapes : Pour chaque maurié,. On calcule le bénéfice équivalen cerain B à parir de la formule (3) ; 2. On acualise ce bénéfice au aux r défini par la formule (2). - 3 -

Calcul économique e risque Finalemen, la VAN es obenue en somman ces bénéfices équivalens cerains acualisés. 3. Choix du aux d acualisaion Le aux d acualisaion socialemen efficace dérivé de la formule (2) peu se réécrire comme r Eu '( c ) = δ ln. u'( c) (4) Cee formule se rerouve dans ous les livres de référence en finance, el Cochrane (2). Elle fonde la héorie moderne de la srucure par erme des aux d inérê iniiée par Vasicek (977) e Cox, Ingersoll e Ross (985). Elle es généralemen raduie dans un cas rès pariculier, qui combine deux hypohèses supplémenaires. La première suppose que l uilié marginale es une foncion puissance : u'( c) = c γ, où γ es l indice relaif d aversion au risque. La seconde hypohèse caracérise le processus de croissance exogène. Supposons pour l insan que le logarihme de la consommaion suive un mouvemen Brownien de endance connue µ e de volailié σ. Ceci implique que ln c es normalemen disribué d espérance ce µ e de varianceσ 2. En combinan ces deux spécificaions, on obien que ( ) Eu '( c ) 2 = Eexp( γ ( log c log )) = exp γ ( µ.5 γσ ). (5) u'( c ) Dans la seconde égalié, j ai uilisé la propriéé bien connue selon laquelle l approximaion d Arrow-Pra es exace dans le cas de risque normalemen disribué e foncion exponenielle. En combinan les équaions (4) e (5), on obien que r δ γµ γ σ 2 2 2 = +. (6) Dans Gollier (22a) e Gollier (25), je donne une inuiion à cee formule qui perme de déduire le aux d acualisaion efficace à parir des anicipaions de croissance de l économie e des préférences des agens. En bref, le aux d acualisaion socialemen efficace a rois composanes, comme indiqué dans le membre de droie de l équaion (6). La première composane es le aux de préférence pure pour le présen, δ. La seconde composane es un effe richesse. Parce que l agen représenaif anicipe une hausse de sa consommaion (µ>), un euro supplémenaire à l avenir a un effe sur son uilié plus faible qu un euro supplémenaire immédia, puisque son uilié marginale es décroissane avec la consommaion (γ>). Ce effe richesse es posiif sur le aux d acualisaion, e incie à réduire nos effors pour améliorer nore avenir. Pourquoi faire des sacrifices pour un avenir de oue façon plus riche que le présen? Ce effe richesse es d auan plus élevé que les anicipaions de croissance son opimises, e que l uilié marginale décroî rapidemen. La roisième composane décri un effe de précauion. Comme l uilié marginale es convexe avec la consommaion, une augmenaion de l inceriude sur la consommaion fuure augmene la valeur d un euro supplémenaire en, elle que mesurée par l espérance de Voir par exemple Gollier (2b, page 57). - 4 -

Calcul économique e risque l uilié marginale. L inceriude rédui donc le aux d acualisaion. Exacemen comme les ménages augmenen leur épargne lorsque leurs revenus fuurs deviennen plus aléaoires, au niveau collecif, il es efficace d accroîre les invesissemens en siuaion d inceriude macroéconomique. Ce effe précauion es croissan avec la volailié σ de la croissance du PIB par habian. Calibrons l équaion (6). Duran le vingième siècle, la croissance réelle du PIB par habian a éé en moyenne de µ 2% par an, 2 andis que sa volailié es esimée à σ 2 %. Pour des raisons d éhique inergénéraionnelle, fixons δ=. Finalemen, quelle valeur de γ reenir pour cee calibraion? Ce choix revê effecivemen une imporance considérable. Les éudes auan expérimenales qu économériques son rès nombreuses, mais apporen une réponse conrasée à cee quesion. Je ne chercherai pas ici à synhéiser ces ravaux. Je propose donc de faire une analyse par inrospecion. Supposons que vore richesse soi sujee à un risque de gain ou de pere de α%. Quel pourcenage π de vore richesse êes-vous prê à payer pour éliminer ce risque? Le ableau lie vore réponse π à cee quesion à vore indice relaif γ de vore aversion au risque. Au vu de ce ableau, il semble raisonnable de choisir une valeur de γ comprise enre e 4. Suivan Hall (988), je choisis γ=2. α=% α=3% γ=,5 π=,3% π=2,3% γ=, π=,5% π=4,6% γ=4, π=2,% π=6,% γ= π=4,4% π=24,4% γ=4 π=8,4% π=28,7% Tableau : Prime de risque π e aversion relaive au risque γ. Avec de elles anicipaions de croissance e de elles préférences ineremporelles, il es socialemen efficace de choisir un aux d acualisaion de 3,92%. L effe richesse γµ à lui seul condui à sélecionner un aux d acualisaion de 4%, andis que l effe précauion 2 2.5γ σ rédui ce aux de seulemen,8%. A cour erme, l inceriude es si faible qu elle n affece praiquemen pas le aux d acualisaion socialemen efficace. Penchons-nous mainenan sur une quesion cruciale pour la problémaique du développemen durable : fau-il choisir un aux d acualisaion plus faible pour acualiser des cash-flow plus éloignés dans le emps? D un poin de vue héorique, rien n inerdi a priori que ce aux r décroisse avec. Néanmoins, la formule (6) nous monre que, sous la spécificaion éudiée ci-dessus, le aux d acualisaion es indépendan de l horizon emporel. Il fau comprendre que les effes richesse e de précauion jouen en sens opposés lorsqu on modifie la maurié éudiée. Plus on s éloigne dans le emps, plus l espérance de c es grande, ce qui doi nous incier à choisir un aux d acualisaion croissan avec l horizon emporel. Par conre, plus on s éloigne dans le emps, plus l inceriude sur c es imporane, ce qui doi nous incier à choisir un aux d acualisaion décroissan avec l horizon emporel. Dans le cas où u'( c) = c γ e où la croissance du logarihme de la consommaion sui un Brownien consan, l équaion (6) monre que ces deux effes s annihilen l un l aure. 2 Il es nécessaire de rappeler ici que µ désigne l espérance de croissance du logarihme de la consommaion, qui es différen de l espérance ˆµ du aux de croissance de la consommaion. En fai, par le Lemme d Io, on a que 2 ˆ = +.5. Comme σ es pei, la différence es faible. µ µ σ - 5 -

Calcul économique e risque Gollier (22b) relâche l hypohèse u'( c) = c γ, andis que Weizman (24) e Gollier (24) relâchen l hypohèse de mouvemen Brownien consan. Deux jusificaions émergen qui peuven jusifier un aux d acualisaion décroissan. La première pore sur l hypohèse d un décrochage du rend de croissance µ d un niveau élevé duran les T premières périodes à un rend de croissance µ plus faible au-delà. Dans ce cas, les aux d acualisaion socialemen efficace de cour erme e de long erme correspondron à la formule (6) uilisée respecivemen avec µ e µ. La srucure par erme du aux d acualisaion es donc décroissane dans ce cas, exacemen comme la «yield curve» sur les marchés financiers peu êre inversée lorsque l on anicipe un reournemen conjoncurel en phase haue du cycle macroéconomique. La deuxième jusificaion d un aux d acualisaion décroissan es basée sur l exisence d une relaion convexe enre la variance de c e, alors qu elle éai linéaire dans le cas Brownien consan. Il s agi donc d une siuaion où le risque es relaivemen plus imporan à long erme qu à cour erme, ceci par rappor au cas Brownien consan. Dans une elle siuaion, l effe précauion va dominer à long erme, ce qui nous incie à choisir un aux d acualisaion plus pei à long erme qu à cour erme. Une elle siuaion se présene par exemple lorsqu il exise une inceriude sur le paramère µ du rend de croissance. Il semble en effe irréalise de supposer que l économie croîra pour oujours auour d un rend de 2%. Supposons alernaivemen que ce rend puisse prendre une valeur parmi n valeurs possibles µ i, i=,,n, respecivemen avec probabilié p,,p n. Dans ce cas, on obien aisémen une généralisaion de la formule (5) : i= ( γ ( µ 2 i γσ )) n Eu '( c ) = piexp.5 u'( c ) En uilisan la formule (4), on obien la proposiion suivane. Proposiion (Gollier (24)) : Lorsqu il exise une inceriude sur le rend de croissance µ du logarihme de la consommaion par habian, le aux d acualisaion r socialemen efficace s écri comme sui : n 2 2 r = δ.5γ σ ln piexp ( γµ i). (7) i= Conrairemen au cas Brownien consan décri par la formule (6), le aux d acualisaion es ici une foncion de l horizon emporel. On peu vérifier que cee foncion es décroissane en, avec un aux à rès cour erme égal à n 2 2 r = δ + γ piµ i γ σ, i= 2 e un aux à long erme qui end vers r = δ + γ µ γ σ 2 2 2 min i i. - 6 -

Calcul économique e risque Ainsi, si on pense qu il y a auan de chance que le rend de croissance soi de % ou 3%, le aux d acualisaion socialemen efficace es égal à 3,92% à cour erme, mais es égal à seulemen,92% à long erme. En fai, dans une elle configuraion, il es facile de vérifier que l uilisaion de la formule (7) dans le calcul économique revien à calculer la VAN deux fois, une fois avec un aux consan de 5,92% e une fois avec un aux consan de,92%, e de prendre comme VAN effecive la moyenne de ces deux valeurs acualisées. Mahémaiquemen, ceci revien au même que de calculer la VAN une seule fois, mais avec le aux d acualisaion décroissan (7). La méhode basée sur la moyenne des VAN es évidemmen singulièremen plus facile à mere en œuvre. 4. Prise en compe du risque du proje Revenons à la formule () qui défini la VAN du proje, e inéressons-nous mainenan au risque du proje lui-même. On peu inerpréer B dans la formule () comme le «bénéfice équivalen cerain» à impuer au proje à la dae, e donc à acualiser au aux r. La formule (3) caracérise la manière don ce bénéfice équivalen cerain doi êre calculé. Le cas le plus simple correspond à la siuaion où le risque du proje es indépendan du risque macroéconomique, c es-à-dire lorsque X e c son deux variables indépendanes. Dans ces circonsances, on a que EX u (c ) es égal à EX Eu (c ), ce qui implique par (3) que B =EX. Ceci nous donne le résula de Arrow e Lind (97), que l on peu résumer de la façon suivane. Proposiion (Arrow e Lind (97)) : Lorsque le risque du proje es non corrélé au risque macroéconomique, l évaluaion de ce proje doi se faire en neuralié au risque, c es-à-dire que B =EX. Le problème es plus délica lorsque le risque du proje es corrélé au risque macroéconomique, ceci malgré l hypohèse de grande aille de la populaion. En fai, on peu réécrire la formule (3) comme u'( c ) B = EX + cov X,. Eu '( c ) (8) Il es uile de rappeler ici que l uilié marginale de la consommaion es décroissane. En conséquence, cee formule indique que le bénéfice équivalen cerain B es plus pei que le bénéfice espéré EX si les bénéfices du proje son posiivemen corrélés avec la croissance économique, comme on peu le supposer dans la plupar des cas. Proposiion (MEDAF) : Lorsque le risque du proje es posiivemen corrélé au risque macroéconomique, l évaluaion de ce proje doi inégrer une prime de risque qui rédui la valorisaion du bénéfice fuur à acualiser, ceci malgré la disséminaion du risque du proje dans une populaion rès large. On a l habiude d opéraionnaliser cee héorie en uilisan une approximaion de la formule (8). Soi C l espérance de c. L approximaion de Taylor du premier degré de u (c ) auour de C donne u (C )+(c -C )u (C ). Approximons par ailleurs Eu (c ) par u (C ). On peu donc approximer B par - 7 -

Calcul économique e risque B EX ( X c ) cov, γ (9) Ec où γ es le coefficien d aversion relaif pour le risque γ=-c u (C )/u (C ). Ainsi, la «prime de risque» es croissane en l aversion au risque du consommaeur représenaif e en la covariance enre le rendemen du proje e le PIB/hb, résula classique du Modèle d Evaluaion Des Acifs Financiers (MEDAF). Jusqu à mainenan, j ai supposé que la décision consisai soi à mere en œuvre le proje d invesissemen immédiaemen, soi à l abandonner définiivemen. En réalié, dans la plupar des cas, il es possible de ne pas invesir immédiaemen, mais de conserver l opion d invesir ulérieuremen. Or, reporer un invesissemen dans le emps, c es rendre possible l acquisiion d informaions supplémenaires sur sa renabilié sociale. Ainsi, même si un proje a une VAN posiive, il peu êre socialemen efficace de reporer ce invesissemen dans l aene de ces informaions. Pour illusrer, considérons un proje d invesissemen de coû iniial I irréversible supporé à la dae de mise en œuvre de l invesissemen, e qui génère un bénéfice unique R aléaoire à la dae suivan cee mise en œuvre. Supposons néanmoins que ce aléa soi indépendan du risque macroéconomique, de manière à ce que nous puissions uiliser une évaluaion neure au risque. Finalemen, on sai qu en dae =, une informaion s non corrélée avec le risque macroéconomique sera disponible, ce qui permera au planificaeur de réviser la disribuion du bénéfice R. Comparons deux sraégies. La première sraégie consise à invesir immédiaemen, ce qui génère une VAN égale à = +. r H I e ER La deuxième sraégie consise à reporer la décision d invesissemen à la dae =. Evidemmen, on uilise à cee dae l informaion s disponible, e on invesi que si r I + e E R s es posiif. En conséquence, la sraégie de repor génère en = une espérance de VAN égale à H = e E I + e E R s > r r max,. On voi qu il fau invesir immédiaemen non pas si la VAN espérée H es posiive, mais pluô si H es plus grand que H. H es la «valeur d opion» de repor. Dans ceraines applicaions, elle peu êre rès élevée. Son calcul nécessie souven la mise en œuvre de echniques d opimisaion dynamique sochasique relaivemen complexes. Elles son uilisées dans un cerain nombre de grandes enreprises privées, en pariculier dans le domaine de la producion minière e de la pharmacie, mais leur uilisaion rese embryonnaire dans le seceur public malgré leur imporance cruciale dans cerains domaines comme l énergie, les ranspors ou les élécommunicaions. De rès imporans développemens, à la fois héorique e empiriques, on éé réalisés dans ce domaine depuis les ravaux pionniers d Henry (974) e Arrow e Fischer (974). Les leceurs inéressés pourron se reporer sur le livre récen de Smi e Trigeorgis (24) pour de plus amples analyses. Devezeaux e Gollier (2) on - 8 -

Calcul économique e risque développé une applicaion dans le domaine de la valorisaion de la réversibilié du sie de sockage de déches nucléaires. 5. Conclusion Le risque inervien dans deux dimensions rès différenes du calcul économique. Il inervien dans le choix du aux d acualisaion, car l inceriude macroéconomique doi avoir un impac sur le niveau général de nos effors pour améliorer nore bien-êre fuur ainsi que celui des généraions qui nous succèderon. Le risque inervien aussi dans l évaluaion des bénéfices des invesissemens considérés. Seuls les invesissemens don les risques son indépendans du risque macroéconomique e sur lesquels on n anicipe pas d informaion nouvelle sur leur renabilié sociale escompée doiven êre évalué en supposan la neuralié au risque. Si leur renabilié sociale es corrélée posiivemen au risque macroéconomique, il es nécessaire de réduire les cash-flows à acualiser d une prime de risque, en uilisan les formules du MEDAF. Si des informaions nouvelles son anicipées à l avenir sur cee renabilié sociale, il fau inégrer dans la VAN du proje une valeur d opion de repor de ce invesissemen. L abandon de la règle consisan à imposer un aux d acualisaion élevé pour enir compe du risque a éé rendu nécessaire pour des raisons à la fois de ransparence e d efficacié, éan donné la diversié des inceriudes des différens projes d invesissemen public. Par conre, ce abandon complique singulièremen la âche des évaluaeurs. Il es mainenan nécessaire dans le calcul économique d esimer les relaions saisiques enre le rendemen social du proje e le risque macroéconomique. En oure, il peu êre nécessaire de modéliser la résoluion dans le emps de l inceriude sur ce rendemen. Face à cee complexié e aux enjeux du calcul économique public, il es probablemen nécessaire aujourd hui de réfléchir à la consiuion d une capacié d experise e de conre-experise dans ce domaine. Bibliographie Arrow, K.J., e R.C. Lind, (97), Uncerainy and he evaluaion of public invesmen decision, American Economic Review, 6, 364-378. Arrow, K.J. and A.C. Fischer, 974, Environmenal preservaion, uncerainy and irreversibiliy, Quarerly Journal of Economics, 88, 32-39. Cochrane, J., (2), Asse Pricing, Princeon Universiy Press. Consaninides, G. M. (982), Ineremporal asse pricing wih heerogenous consumers, and wihou demand aggregaion, Journal of Business, 55, 253-267. Cox, J., J. Ingersoll and S. Ross, (985), A heory of he erm srucure of ineres raes, Economerica, 53, 385-43. Devezeaux de Lavergne J.G., e C. Gollier, (2), Analyse quaniaive de la réversibilié du sockage des déches nucléaires: Valorisaion des déches, Economie e Prévision, 49. - 9 -

Calcul économique e risque Dimson, E., P. Marsh e M. Saunon, (2), The Millenium book : A cenury of invesmen reurns, ABN-AMRO, Londres, hp://www.abnamro.com. Gollier, C., (2a), Wealh inequaliy and asse pricing, The Review of Economic Sudies, 68, 8-23. Gollier, C., (2b), The economics of risk and ime, MIT Press, Cambridge, MA. Gollier, C., (22a), Discouning an uncerain fuure, Journal of Public Economics, 85, 49-66. Gollier, C., (22b), Time horizon and he discoun rae, Journal of Economic Theory, 7, 463-473. Hall, R.E., (988), Ineremporal subsiuion of consumpion, Journal of Poliical Economy, 96, 22-273. Henry, C., 974, Invesmen decisions under uncerainy: he irreversibiliy effec, American Economic Review, 64, 6-2. Lucas, R., (978), Asse prices in an exchange economy, Economerica, 46, 429-46. Smi, H.T.J., e L. Trigeorgis, (24), Sraegic invesmen : Real opions and games, Princeon Universiy Press. Vasicek,., (977), An equilibrium characerizaion of he erm srucure, Journal of Financial Economics, 5, 77-88. Weizman, M.L., (24), Saisical discouning of an uncerain disan fuure, mimeo, Harvard Universiy. - -