Autour de l ellipse de Steiner

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Transcription:

utour de l ellipse de Steiner Leçons 180, 181, 18 Salim Rostam 1 juillet 014 1 Existence et unicité de l ellipse de Steiner Le but de cette section est de démontrer le théorème suivant. Théorème. Tout triangle non plat possède une unique ellipse tritangente en chacun des milieux des côtés. Définition. ette unique ellipse est l ellipse de Steiner du triangle. 1.1 Démonstration dans le cas équilatéral Soit un triangle équilatéral. L existence de l ellipse de Steiner est assurée par le cercle inscrit car le centre du cercle inscrit (qui assure la tangence simultanée) est également celui du cercle circonscrit (qui assure la tangence en les milieux) coïncident ; voir figure 1. c O i Figure 1 ercle inscrit à un triangle équilatéral Reste donc à prouver l unicité ; pour cela, soit E une ellipse tritangente à en chaque milieu et montrons que E = i. Quitte à translater et Jakob Steiner, 18 mars 1796 (Utzenstorf, Suisse) - 1 er mars 186 (erne, Suisse). 1

tourner le repère, on peut supposer que E est centrée et que son grand axe coïncide avec l axe des abscisses : voir la figure (note 1 ). y E x Figure Ellipse tritangente en les «milieux» des côtés d un triangle «équilatéral» On compose alors avec l application f : (x, y) (λx, y) avec λ > 0 choisi de telle sorte que f(e) =: soit un cercle. Or, l application f est affine donc : conserve les barycentres donc est dans l enveloppe convexe de (où le prime désigne l image par f) ; est différentiable donc conserve la tangence, donc est tangente aux côtés de ; conserve les milieux donc est tritangent en les milieux des côtés du triangle. utrement dit, le cercle est le cercle inscrit au triangle, et de plus les points de tangence sont les milieux des côtés ; la situation est décrite dans la figure. (Remarquons que comme det f = λ > 0, le triangle reste bien direct.) On constate alors que les triangles rectangles O F et O H vérifient OF = OH (car est un cercle!) donc on en déduit que F = H (par exemple par le théorème de Pythagore :-) ). insi, comme la tangence se fait en les milieux on en déduit que = ; en faisant cela pour le segment 1. Pour se faire une idée de la situation, le dessin est forcément faux à cause du théorème!. est simplement dire que si v = γ (0) est tangent en a alors Df(a)v = (f γ) (0) ; comme f est affine, si v = et si φ f désigne la partie linéaire de f on a Df(a)v = φ f (v) = φ f ( ) =, qui est donc tangent en (f γ)(0) = f(a).

y F O x H Figure près transformation par f [O ] on en déduit de la même manière que = et donc finalement que est équilatéral. Montrons à présent que f est l identité. Pour cela, remarquons que f coïncide sur {,, } avec une rotation composée avec une dilatation et une translation (cette dernière translation est en fait l identité car f est linéaire) : en effet, on envoie un triangle équilatéral sur un triangle équilatéral. es deux applications affines coïncident donc sur un repère affine (car, et ne sont pas alignés) donc sont égales : ainsi, on peut écrire f = kr avec k > 0 et r une rotation. Or f possède 1 comme valeur propre, i.e. un point fixe non nul (le vecteur (0, 1)), donc f = id! insi, E = est le cercle inscrit au triangle, qui n est rien d autre que le triangle. est ce que l on voulait montrer! 1. Démonstration dans le cas quelconque On va réutiliser un argument précédent pour en déduire le théorème dans le cas où est un triangle non plat quelconque. Soit 0 0 0 un triangle équilatéral ; en particulier, { 0, 0, 0 } forme un repère affine donc il existe une application affine f qui envoie ( 0, 0, 0 ) sur (,, ). Soit E une ellipse tritangente en les milieux des côtés de 0 0 0 (en fait c est le cercle inscrit par ce qui précède). L application f est affine donc : conserve les barycentres, donc l image de E est inclus dans l enveloppe convexe du triangle ;

est un changement de coordonnées affine donc f(e) est une conique (cf. équation cartésienne) ; continue donc comme E est compacte, la conique f(e) est compacte : c est donc une ellipse ; différentiable donc conserve la tangence ; en particulier conserve les milieux ; donc f(e) est une ellipse tritangente en les milieux des côtés du triangle ; autrement dit, on a montré l existence dans le théorème (voir figure 4). f 1 0 E E 0 0 Figure 4 Transfert du théorème Finalement, comme est non aplati on peut considérer f 1 (car {,, } forme un repère affine (car est non plat donc, et sont non alignés) donc f envoie un repère affine sur un repère affine donc f est bijective), qui vérifie les même propriétés que f, sauf qu elle envoie le triangle sur le triangle 0 0 0. Par le même argument que précédemment, une ellipse E tritangente en les milieux des côtés du triangle sera également tritangente en les milieux des côtés du triangle 0 0 0. D après l unicité du théorème dans le cas équilatéral, on a f 1 (E ) = E donc E = f(e), ce qui montre l unicité. Le théorème est donc démontré! ire de l ellipse de Steiner Le but de cette section est de montrer le théorème suivant. Théorème. Soit T un triangle et soit E une ellipse contenue dans l enveloppe convexe de T. lors : aire(e) aire(t ) π avec égalité si et seulement si E est l ellipse de Steiner du triangle T. En particulier, on en déduit immédiatement que l ellipse de Steiner d un triangle T est l unique ellipse contenue dans l enveloppe convexe de T d aire f 4

maximale, et son aire est π aire(t ) 0.6 aire(t )..1 Démonstration dans le cas des cercles On va ici démontrer le lemme suivant. Lemme. Soit T un triangle et soit un cercle contenu dans l enveloppe convexe de T. lors : aire() aire(t ) π avec égalité si et seulement si T est équilatéral et est le cercle inscrit au triangle T. On va voir que c est une simple application de la formule de Héron associée à l inégalité arithmético-géométrique. Tout d abord, si i désigne le cercle inscrit au triangle T, remarquons que aire() aire( ) avec égalité si et seulement si =. En effet, si est tangent à tous les côtés alors c est (par définition!) le cercle inscrit, et sinon alors on peut le translater puis l agrandir pour obtenir un cercle contenu dans l enveloppe convexe de T d aire strictement plus grande. insi, il reste donc à montrer que : aire( i ) aire(t ) π avec égalité si et seulement si T est équilatéral. (1) r r r O Figure 5 Rayon r du cercle inscrit Rayon du cercle inscrit. Si l on désigne par une lettre minuscule la longueur du côté opposé, comme l on peut le voir sur la figure 5 on a. Si le cercle est tangent à un seul côté on le translate selon la perpendiculaire à ce côté passant par le point de tangence ; si le cercle est tangent à deux côtés on le translate selon la bissectrice correspondante. Le cercle va bien rester dans l enveloppe convexe ouverte de T par continuité de la distance du centre du cercle à un côté non tangent (qui est compact donc la distance est strictement positive) et on pourra donc augmenter le rayon. 5

aire(o) = ra rb rc, aire(o) = et aire(o) = donc finalement aire(t ) = rp où p := a+b+c est le demi-périmètre du triangle T. En particulier, le rayon du cercle inscrit est r = aire(t ) p, d où : aire( i ) aire(t ) = Majoration. On utilise la formule de Héron : aire(t ) = πr aire(t ) = π aire(t ) p () p(p a)(p b)(p c) (voir annexe pour une démonstration). Or, l inégalité arithméticogéométrique dit que : [(p a)(p b)(p c)] 1 (p a) + (p b) + (p c) = p avec égalité si et seulement si p a = p b = p c, i.e. a = b = c i.e. le triangle T est équilatéral. insi, on en déduit que (p a)(p b)(p c) ( p ), d où : aire(t ) (p a)(p b)(p c) p = p 1 p avec égalité si et seulement si T est équilatéral, ce qui par (1) et () achève la démonstration du lemme.. Démonstration dans le cas des ellipses Soit E une ellipse incluse dans l enveloppe convexe de T. Par le même argument que dans la section 1., on sait qu il existe une bijection affine f qui envoie E sur un cercle inclus dans l enveloppe convexe d un triangle équilatéral T 0 = f(t ). Par le lemme précédent, on a donc aire() aire(t 0 ) π avec égalité si et seulement si est le cercle inscrit au triangle équilatéral T 0. insi : aire(e) aire(t ) = aire(f 1 ()) aire(f 1 (T 0 )) = det f 1 aire() det f 1 aire(t 0 ) donc on récupère aire(e) aire(t ) π, avec égalité si et seulement si est le cercle inscrit au triangle T 0 ; d après la section 1., on sait que est le cercle inscrit au triangle équilatéral T 0 si et seulement si E est l ellipse de Steiner du triangle T, ce qui achève la démonstration du théorème. 6

Références [1] LDERO Philippe et GERMONI Jérôme, Histoires hédonistes de groupes et de géométries. alvage & Mounet, 01. [] MIND David et PHELPS Steve, Triangles, Ellipses, and ubic Polynomials. merican Mathematical Monthly, Vol 115, n o 8 October 008, p. 685 686. Formule de Héron On rappelle que T := désigne un triangle non aplati, et l on désigne par une lettre minuscule la longueur du côté opposé. L objectif est de montrer la formule de Héron : aire(t ) = p(p a)(p b)(p c) (la démonstration est tirée de l excellent ours de géométrie de D. J. Mercier). Tout d abord, comme on peut le voir sur la figure 6 on a aire(t ) = ah ; or, h = c sin β donc on obtient aire(t ) = ac sin β. c h β Figure 6 ire d un triangle insi, aire(t ) = a c sin β 4 ; or, sin β = 1 cos β donc par la formule d l Kashi (b = a + c ac cos β) on obtient : aire(t ) = a c ( a 1 + c b ) = 1 4 ac 16 [4a c (a + c b ) ] = 1 [ ] (ac + [a + c b ])(ac [a + c b ]) 16 = 1 [ ] ((a + c) b )(b (a c) ) 16 = 1 (a + c + b)(a + c b)(b + (a c))(b (a c)) 16 donc avec p := a+b+c on obtient bien la formule annoncée. 7