CHAPITRE 8 Équations et nombres complexes L équation du second degré ax 2 bx c 0 a pour racines, comme chacun sait, b b2 4ac et b b2 4ac. Nous supposons ici que a, b, c sont des nombres réels, avec a 0, et que b 2 4ac 0, afin qu on puisse prendre la racine carrée de. Que se passe-t-il lorsque 0? n a alors pas de racine carrée dans R. On introduit alors les nombres complexes, dont l ensemble est noté C. Ils sont faits de telle façon que la racine d un nombre réel négatif existe : elle vaut i, où i est un nombre complexe particulier dont le carré vaut 1 (on a alors bien i 2 i 2 ). Nous rappelons dans ce chapitre l essentiel de la construction des nombres complexes. Un nombre complexe est une expression de forme z a bi, où a, b sont des nombres réels, et i un symbole spécial. La partie réelle de z est a, et sa partie imaginaire est b (ou parfois bi). Si z a b i est un autre nombre complexe, on dira que z z si et seulement si a a et b b. Tout nombre réel a est identifié au nombre complexe a0i ; ainsi R est contenu dans C, l ensemble des nombres complexes. On définit l addition et la multiplication dans C par z z (a a ) (b b )i et z. z (aa bb ) (ab ba )i. C est un exercice de routine, laissé à l étudiant amateur (d exercices), de vérifier que C devient ainsi un anneau, ayant R comme sousanneau. En fait, C est un corps : on définit d abord le conjugué z de z par z a bi. Alors z.z (a 2 b 2 ) 0i a 2 b 2 est un nombre réel. Le module de z est a 2 b 2 z.z ; on le note z. Si z est non nul, i.e. z 0 0i 0, alors a et b ne sont pas nuls tous deux, et z admet z pour inverse a 2 b a 2 a 2 b b z.z i 2 a 2. En effet 2 b a 2 b 2 a 2 b 2 a 2 b 2 1. Les nombres complexes admettent une interprétation géométrique : z a bi est représenté par le point M de coordonnés (a, b) dans le plan cartésien, comme l on voit dans la figure 8.1. La longueur r du segment OM est le module de z. L argument de z est l angle orienté (en radians), comme indiqué sur la figure; on le note argz. On a donc z a bi r (cos i sin), car a r cos, b r sin, comme nous le savons par définition du cosinus et du sinus. Un nombre complexe de module 1 (i.e. dont le point M correspondant se trouve sur le cercle de centre 0 et de rayon 1) est donc de la forme cos i sin, et tout nombre de cette forme est de module 1, car 73
Figure 8.1 cos 2 sin 2 1. Les nombres complexes de cette forme se multiplient de manière très agréable; on a en effet la formule de De Moivre (cos i sin)(cos i sin) cos( ) i sin( On écrit souvent e i pour cos i sin (ceci reçoit sa justification dans un cours d analyse), et la formule s écrit alors plus simplement e i e i i + e. Un nombre complexe général s écrit alors sous la forme z r e i, où r est son module et est son argument. Deux nombres se multiplient selon la formule re i r ei rr i e. Donc, dans la multiplication des nombres complexes, les modules se multiplient, et les arguments s additionnent. Attention : pour l addition, c est plus compliqué, et c est la représentation a bi qui permet d additionner facilement; géométriquement, si M, M, M sont les points qui correspondent à z, z, z et si z z z, alors le vecteur OM et OM, obtenu par la construction du parallélogramme (voir figure 8.2). ). est la somme des vecteurs OM Les n points dans le plan correspondant aux n nombres complexes e 2ik/n, pour k 0,1,..., n1, forment un polygône régulier à n côtés : voir figure 8.3 pour le cas n5. On a, d après la formule de De Moivre : e 2ik / n n e 2ik cos 2k i sin2k 1. Donc ces n nombres complexes sont tous racines de l équation x n 1. On les appelle les racines n-èmes de l unité. De manière analogue, si z r e i est un nombre complexe, l équation x n z a une solution, à savoir x n r e i/n. De ceci, nous pouvons déduire que toute équation du second degré 74
ax 2 bx c, où a, b, c sont des nombres complexes avec a 0, a les racines b une racine carrée de b 2 4ac., où est M z" M" z z' M' 0 Figure 8.2 Figure 8.3 Ceci est un cas très particulier du théorème fondamental de l algèbre : toute équation a 0 x n a 1 x n1 a 2 x n2... a n1 x a n 0, où les a i sont dans C et a 0 0, a une solution dans C. La démonstration de ce théorème est au-delà du contenu de ce cours. Exercices résolus 1. Effectuer les opérations suivantes et exprimer le résultat sous la forme a bi. a) 14 3i 5 3i 2 3i 4i 15 2 3i; b) 1 3i 9i 2 27i 3 81i 4 243i 5 ; c) 17 2i 4 7i; d) 2i 3 3i 2 4i 3 5i 2; e) 3i 7 5i 23i 7 5i 2; f) 7 3i 1 5i ; g) 4 2i ; h) 4i 7 2i 2 2i ; i) 7 3i 1 4i. 2. Trouver les modules et les arguments des nombres complexes suivants : 2 3i, 3 4i, 2 4i 7 2i, 7 2i, 2 2i, (on pourra utiliser une table, ou une calculette). 3 4i 2 2i 3. Montrer que si z est un nombre complexe de module 1, son inverse est z. 75
4. Montrer que si r 0, le nombre complexe r e i a n racines n-èmes distinctes, qui forment les points d un polygône régulier à n côtés. *5. On veut calculer les racines carrées dans C du nombre complexe a bi. Si z x iy est une telle racine carrée, montrer que x 2 y 2 a, x 2 y 2 a 2 b 2 et 2xy b. En déduire x 2, y 2, puis x et y au signe près. Déterminer les deux racines cherchées en utilisant l équation 2xy b. Appliquer cette méthode au calcul des racines carrées de 3 4i. 6. Calculer dans C les racines des équations du second degré suivantes. a) x 2 1 0 ; b) x 2 1 0 ; c) x 2 2 0 ; d) x 2 2 0 ; e) x 2 5x 6 0; f) x 2 x 1 0 ; g) 2x 2 7x 1 0 ; h) 5x 2 3x 4 0. 7. En utilisant la formule de De Moivre, trouver les formules trigonométriques donnant cos(n et sin(n en fonction de cos, sin, pour n 2, 3, 4, 5. 8. Montrer que K a bi a, b[q est un sous-corps de C. Exercices non résolus 9. Montrer que la fonction C C, z z, satisfait à z z z z et zz z z. Montrer que zr si et seulement si z z. Montrer que z z si et seulement si zir. 10. Calculer (1 i) 10 ; a) à l'aide du binôme de Newton (cf. th. 10.7); b) à l'aide de la formule de De Moivre. 11. Trouver les 9 racines neuvièmes de i dans C, i.e résoudre z 9 i 0. 12. Calculer dans C les racines des équations suivantes : a) x 4 3x 2 2 0; b) x 4 4x 2 4 0; c) x 4 5x 2 6 0; d) 5x 4 3x 2 4 0. 13. Dans le corps C calculez le nombre complexe a) 1 3i 4 2i ; i b) 1 i ; c) i 1000 i 123 ; d) 2 2 2 2 i 13. 76
14. Vérifier que la fonction conjugaison C C, z z satisfait aux identités : a) 1 z 1 z ; b) z 1 z 2 z 1 z 2. 15. Écrire sous la forme a bi les 12 racines douzièmes de 1. 16. Trouver les 6 racines de l unité dans C et vérifier qu avec la multiplication elles forment un groupe isomorphe (cf. déf. 13.13) au groupe Z 6Z. 17. Trouver les erreurs dans la «preuve» suivante : 1 1 1 1 1 1 i i 1. 18. Avec a, b, c C, et a 0, trouver et tels que ax 2 bx c a(x ) 2. Retrouver ainsi les racines de l équation du second degré, comme rappelées au début du chapitre. 19. Soit L un sous-corps de R. Montrer que a bi a, bl est un sous-corps de C. 77