Chapitre XVI : Nombres Complexes II Dans tout ce chapitre on se place dans le plan complexe dont on donne un repère (O, u, v). I : Forme trigonométrique I-1 : Module et argument Définition 1 : Pour tout nombre complexe z non nul, on considère M le point du plan complexe le représentant. Le module de z est la distance OM. Il se note. Un argument de z est une mesure de l angle ( u; OM). Il peut se noter ar g (z) (il s entend alors à kπ près). On a alors si la forme algébrique de z est z = a + i b (a et b deux réels) : = a + b Tout réel θ qui vérifie à la fois cos(θ) = a b et sin(θ) = est un argument de z Pour tout argument de z : z = (cos(ar g (z)ar g (z))) Remarques : Les formules cos(θ) = a b et sin(θ) = s utilisent ensemble quand il s agit de déterminer un argument d un nombre complexe! Le cosinus ou le sinus seuls ne suffisent pas car deux points très différents du cercle trigonométrique peuvent avoir même sinus ou même cosinus. Pour tout nombre réel x sa forme algébrique est x = x + i 0 et son module est donc x = x + 0 = x, c est à dire sa valeur absolue, d où la cohérence de la notation. Exemple 1 : Déterminer le module et un argument du nombre complexe z = + i. On a = + = 8 = =. Tout θ vérifiant les deux relations suivantes est un argument de z : cos(θ) = = et sin(θ) = = 1. Ceci fonctionne avec θ = 3π, qui est donc un argument de z. Théorème 1 (forme trigonométrique) : Pour tout nombre complexe z non nul une forme trigonométrique est une écriture de la forme z = r (cos(θθ)), avec r un réel strictement positif et θ un réel. Pour toute forme trigonométrique z = r (cos(θ)+i sin(θ)), r est alors le module de z et θ est un argument de z. http :jolimz.free.fr Page 1/ 6 J.L. 01-015
Remarques : Ce théorème implique en particulier que pour que deux formes trigonométriques soient égales il faut l égalité du réel r et l égalité à kπ près du réel θ. Il faut faire attention à ce que les conditions soient bien vérifiées! z = (cos( π )+i sin( π )), z = (cos( π ) i sin( π )) ou z = (cos( π π 3 )) ne sont pas des formes trigonométriques! Exemple : Déterminer une forme trigonométrique des nombres complexes z 1 = 3 i, z = ln(5)(cos( 3π 7 )+i sin( 3π 7 )), z 3 = 3(cos( 5π 3 5π 3 )) et z = 7(cos( π 6 ) i sin( π 6 )). Rédaction 1 : 3 On a z 1 = + ( 1) = = Tout θ vérifiant les deux relations suivantes est un argument de z : cos(θ) = 3 1 et sin(θ) =. Ceci fonctionne avec θ = π 6, qui est donc un argument de z 1. z 1 a donc pour forme trigonométrique z 1 = (cos( π π 6 6 )) Rédaction : (probablement après un travail au brouillon) z 1 = 3 i = ( 3 + i 1 π π ) = (cos( 6 6 )). z = ln(5)(cos( 3π 7 3π 7 )) est déjà une forme trigonométrique car 5 > 1 donc ln(5) > 0. z 3 = 3(cos( 5π 3 5π 3 )) = 3( cos( 5π 3 ) + i ( sin( 5π 3 ))) (A) On cherche ici la formule qui inverse à la fois le sinus et le cosinus : cos( 5π 3 ) = cos(π + 5π 3 ) = cos( 8π 3 ) et sin( 5π 3 ) = sin(π + 5π 3 ) = sin( 8π 3 ) On applique ceci à (A) pour obtenir une forme trigonométrique : z 3 = 3(cos( 8π 3 8π 3 )) z = 7(cos( π 6 ) i sin( π 6 )) De la même manière on utilise une formule qui n inverse que le sinus : cos( π 6 ) = cos( π 6 ) et sin( π 6 ) = sin( π 6 ) On a ainsi z = 7(cos( π 6 ) i sin( π 6 )) = 7(cos( π π 6 6 )). http :jolimz.free.fr Page / 6 J.L. 01-015
Théorème : On considère trois points du plan A,B et C d affixes respectives z A, z B, z C. On a alors : z B z A = AB Tout argument de (z B z A ) est une mesure de ( u; AB) Tout argument de z B z A z C z est une mesure de ( AC ; AB) A Exemple 3 (recherche de lieu I) : Déterminer l ensemble des points M dont l affixe z vérifie z + 3 i = z + i. La relation z + 3 i = z + i équivaut à z (3 i ) = z ( i ). Nous posons donc A le point d affixe z A = 3 i et B d affixe z B = i. La relation z +3 i = z +i équivaut donc à z z A = z z B donc à M A = MB. L ensemble des points M vérifiant cette relation est donc la médiatrice de [AB]. Exemple : On considère les points A et B d affixes respectives z A = et z B = (cos( π 3 π 3 )). Démontrer que O AB est un triangle isocèle puis équilatéral. On calcule O A = z A z O = 0 = et OB = z B z O = z B = (l écriture de z B est une forme trigonométrique). Ainsi O A = OB donc O AB est isocèle de base AB. On cherche une mesure de ( O A; OB) qui est un argument de z B z O z A z = (cos( π 3 )+i sin( π 3 )) O = cos( π 3 )+i sin( π 3 ). Une mesure de ( O A; OB) est donc π 3. O AB étant isocèle c est donc un triangle équilatéral. II : Propriétés du module et de l argument Théorème 3 : Pour tout nombre complexe z non nul : zz = z est un réel si est seulement si 0 ou π en est un argument. z est un imaginaire pur si et seulement si π ou π en est un argument. Exemple 5 (recherche de lieu II) : Déterminer l ensemble des points M dont l affixe z vérifie = z. On a = z zz = z zz z = 0 z(z z) = 0 (A) On considère l écriture algébrique de z : z = x + i y avec x et y deux réels. D après (A) on a donc = z z = 0 ou x i y (x + i y) = 0 z = 0 ou y = 0. L ensemble des points M dont l affixe vérifie cette relation est l axe des ordonnées. Théorème : Pour tout nombre complexe z non nul : = θ est un argument de z si et seulement si son opposé θ est un argument de z. θ est un argument de z si et seulement si π + θ est un argument de z. Exemple 6 (recherche de lieu III) : Déterminer l ensemble des points M dont l affixe z vérifie z + 1 + i =. On a z + 1 + i = z + 1 i = z + 1 i = z ( 1 + i ) = On pose A le point d affixe z A = 1 + i. On a alors d après la ligne précédente z + 1 + i = AM = L ensemble des points M vérifiant cette relation est le cercle de centre A et de rayon. Exemple 7 (recherche de lieu IV) : Déterminer l ensemble des points M dont l affixe z vérifie arg(z + i ) = π + kπ, avec k Z. On a pour tout k Z : arg(z + i ) = π + kπ arg(z i ) = π + kπ arg(z i ) = π + kπ arg(z i ) = π kπ On pose A le point d affixe z A = i. On a alors d après la ligne précédente arg(z + i ) = π + kπ arg(z z A ) = π kπ ( u; AM) = π kπ. L ensemble des points M vérifiant cette relation est La demi droite [AO), privée de A. http :jolimz.free.fr Page 3/ 6 J.L. 01-015
On considère a et b deux réels. cos(a + b) = cos a cosb sin a sinb cos(a b) = cos a cosb + sin a sinb sin(a + b) = sin a cosb + cos a sinb sin(a b) = sin a cosb cos a sinb cosa = cos a sin a sina = cos a sin a cosa = cos a 1 = 1 sin a Théorème 5 (rappels) : Exemple 8 : Déterminer la valeur exacte de sin( π 1 ) On a sin( π π 1 ) = sin( 1 3π 1 ) = sin( π 3 π ) = sin( π 3 )cos( π ) cos( π 3 )sin( π ) = 3 1 6 = Théorème 6 (propriétés algébriques) : On considère z 1 et z deux nombres complexes, et n un entier naturel non nul : z 1 z = z 1 z et arg(z 1 z ) = arg(z 1 ) + arg(z ) + kπ avec k Z. z1 n = z 1 n et arg(z1 n) = narg(z 1) + kπ avec k Z. 1 z 1 = 1 z 1 et arg( 1 z 1 ) = arg(z 1 ) + kπ avec k Z. z 1 z = z 1 z et arg( z 1 z ) = arg(z 1 ) arg(z ) + kπ avec k Z. Démonstration : On considère deux formes trigonométriques avec θ 1 un argument de z 1 et θ un argument de z : z 1 = z 1 (cos(θ 1 θ 1 )) et z = z (cos(θ θ )). On a alors z 1 z = z 1 (cos(θ 1 θ 1 )) z (cos(θ θ )) = z 1 z ((cos(θ 1 θ 1 )) (cos(θ θ ))) On développe dans la parenthèse : z 1 z = z 1 z (cos(θ 1 )cos(θ ) + (cos(θ 1 )i sin(θ θ 1 )i sin(θ θ 1 )cos(θ )) On sépare entre partie réelle et partie imaginaire dans la parenthèse : z 1 z = z 1 z (cos(θ 1 )cos(θ ) sin(θ 1 )sin(θ ) + i ((cos(θ 1 )sin(θ ) + sin(θ 1 )cos(θ ))) On reconnait les formules de trigonométrie : z 1 z = z 1 z (cos(θ 1 + θ θ 1 + θ )) C est une forme trigonométrique, le module de z 1 z est donc z 1 z et θ 1 + θ en est un argument. Pour tout entier naturel n non nul on note P(n) la propriété : "Pour tout nombre complexe z 1 on a z n 1 = z 1 n et arg(z n 1 ) = narg(z 1) + kπ avec k Z." Initialisation On a z 1 1 = z 1 donc z 1 1 = z 1 1 et arg(z 1 1 ) = 1 arg(z 1) + kπ avec k Z. Donc P(1) est vérifiée. Hérédité On suppose que pour un entier naturel n non nul on a P(n) vérifiée. On a donc que pour tout nombre complexe z 1 : z n 1 = z 1 n (A) et arg(z n 1 ) = narg(z 1)+kπ avec k Z (B). On a alors z n+1 1 = z n 1 z 1. On applique alors le point précédent du théorème que nous venons de démontrer : z1 n+1 = z1 n z 1 = z 1 n z 1 = z 1 n+1 en utilisant (A). La partie concernant le module dans Pn + 1 est donc vérifiée. Pour l argument on procède de même : arg(z1 n+1 ) = arg(z1 n z 1). On applique alors de nouveau le point précédent du théorème : arg(z1 n+1 ) = arg(z1 n) + arg(z 1) = narg(z 1 ) + kπ + arg(z 1 ) = (n + 1)arg(z 1 ) + kπ avec k Z en utilisant (B). La partie concernant l argument dans Pn + 1 est donc vérifiée. Nous pouvons ainsi conclure par récurrence que pour tout entier naturel n non nul la propriété P(n) est vérifiée. On considère z 1 qui a le même module que z 1 et pour argument son opposé. Il a donc pour forme http :jolimz.free.fr Page / 6 J.L. 01-015
trigonométrique z 1 = z 1 (cos( arg(z 1 ) arg(z 1 ))) (A) Nous avons ensuite 1 z 1 = 1 z 1 z 1 z 1 = z 1 z 1. Ceci donne avec (A) : 1 z 1 = z 1 (cos( arg(z 1 ))+i sin( arg(z 1 ))) = 1 z 1 z 1 (cos( arg(z 1) arg(z 1 ))). C est une forme trigonométrique de 1 z 1, dont le module est donc 1 z 1. Par ailleurs arg(z 1) en est donc un argument. Pour démontrer ce point on combine le point précédent avec le premier. Remarque (fondamentale) : Le premier point du théorème 6 indique que multiplier des complexes de points images M 1 et M, c est multiplier les distances OM 1 et OM et... additionner les angles ( u; OM 1 ) et ( u; OM ). On retiendra l idée principale suivante : pour des complexes, multiplier c est tourner autour de O. Exemple 9 : On donne z 1 = 3 3i et z = 1 i. Déterminer le module et un argument de z 1, z, z 1 z et z 0 1. z 1 = 3 3i = 3( 1 i 3 ) = 3(cos( π π 3 3 )). On a donc z 1 = π 3 et est un argument de z 1. 3. z = 1 i = ( i ) = (cos( 3π 3π )). On a donc z = 3π et est un argument de z. 3. On a z 1 z = z 1 z = 6. Ensuite arg(z 1 z ) = arg(z 1 ) + arg(z ) + kπ = π 3 + 3π 13π + kπ = 1 + kπ avec k Z. 13π est donc un argument de z 1 z. Nous aurions pu citer 11π 1 1 pour donner une mesure principale (en rajoutant π).. On a z 0 = z 0 = 0 = 10 Ensuite arg(z 0 ) = 0arg(z ) + kπ = 15π + kπ avec k Z. π est donc un argument de z. Théorème 7 (inégalité triangulaire) : Pour tous complexes z 1 et z on a z 1 + z z 1 + z. Remarque Comme la racine carrée, le module n est pas directement compatible avec l addition, et écrire l égalité entre z 1 + z et z 1 + z est dans l immense majorité des cas une erreur aussi grossière que d écrire une égalité entre x 1 + x et x 1 + x. III : Forme exponentielle On observe que d après le théorème 6 l argument a les mêmes propriétés algébriques que la fonction exponentielle. Une explication propre du lien entre l exponentielle complexe et la fonction exponentielle déjà rencontrée comme fonction d une variable réelle est largement hors de notre portée en terminale, nous devons y voir une manière sensée et pratique d effectuer des opérations impliquant l argument. Définition : Pour tout réel θ on note e iθ = cos(θθ). Tout nombre complexe z non nul admet ainsi des écritures sous forme exponentielle, du type z = r e iθ avec r un réel positif et θ réel. r est alors le module de z et θ en est un argument (comme pour la forme trigonométrique). Exemple 10 (identité d Euler) : On a ainsi e iπ + 1 = 0. Une formule classique considérée par beaucoup comme un exemple de beauté mathématique. On pourra ainsi observer qu on y trouve cinq nombres très importants, et les trois opérations fondamentales. http :jolimz.free.fr Page 5/ 6 J.L. 01-015
Exemple 11 : Donner trois écritures différentes du nombre complexe solution de l équation i z 3 = z. 1. On résout d abord l équation : i z 3 = z i z z = 3 z(i 1) = 3 z = 3 i 1 On peut déjà mettre ce nombre sous forme algébrique : z = 3(i+1) (i 1)(i+1) = 3i+3 i 1 = 3 + i ( 3 ).. On cherche maintenant le module et l argument de z, en le mettant sous forme trigonométrique (après un travail au brouillon) : z = 3 + i ( 3 ) = 3 ( + i ( )) = 3 (cos( 3π 3π ) 3. On en déduit alors la forme exponentielle : z = 3 (cos( 3π 3π ) = 3 e 3iπ On considère r 1 et r deux réels positifs, θ 1 et θ deux réels, et n un entier naturel non nul : r 1 e iθ 1 r e iθ = r 1 r e i (θ 1+θ ) (r 1 e iθ 1 ) n = r1 nen iθ 1. 1 r 1 e = 1 iθ 1 r 1 e iθ 1. r 1e iθ 1 r e iθ = r 1 r e i (θ 1 θ ). Théorème 8 (propriétés algébriques) : Remarques : La forme exponentielle fournit une manière beaucoup plus efficace d énoncer les mêmes propriétés que nous avions rencontrées avec la forme trigonométrique. C est à cela que ça sert! Dès qu on a le choix dans des exercices de calcul, la forme exponentielle sera la plus pratique à utiliser pour appliquer ce type de formules. On appelle formule de Moivre une partie de ce théorème : (e iθ 1 ) n = e n iθ 1. Exemple 1 : Démontrer que (1 + i ) 1000 est un réel. On a : 1 + i = ( + i ) = (cos π + i sin π ) = e i π. On a donc (1 + i ) 1000 = ( e i π ) 1000 = 1000 e 1000 i π = 1000 e i 50π = 1000 e i 15 π Un argument de (1+i) 1000 est donc 0+15 π. 0 est donc aussi un argument de (1+i) 1000 qui est donc un réel. Théorème 9 (Formule d Euler) : Pour tout réel θ on a cos(θ) = eiθ +e iθ et sin(θ) = eiθ e iθ i Remarque : Cette formule est très précieuse pour transformer une écriture comme (sin(x)) 3. Il ne reste alors qu à développer le numérateur obtenu et à repasser par la formule d Euler dans l autre sens pour retrouver des sinus et des cosinus. Une application classique est de trouver une primitive de ce type de fonction. Exercice (un peu difficile) : Démontrer la formule d Euler. http :jolimz.free.fr Page 6/ 6 J.L. 01-015