LA TRANSACTION EN MATIERE DE TAXES COMMUNALES
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- Côme Nadeau
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1 Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl Vereniging van de Stad en de Gemeenten van het Brussels Hoofdstedelijk Gewest vzw LA TRANSACTION EN MATIERE DE TAXES COMMUNALES Les règlements-taxes qui sont l expression, par définition unilatérale, de l autorité communale, ont un caractère d ordre public. Il n est pas possible de déroger à leur application. Il en découle que tout ce qui est fait en contradiction avec le règlement fiscal est considéré comme nul. Aucune transaction avec l autorité ne peut intervenir en matière de taxe communale. Toutefois, il est possible, de façon limitée, d établir un accord sur certaines questions non pas de droit mais de fait. L impossibilité de transiger sur une taxe communale demeure donc la règle. Dans les lignes qui suivent, nous abordons la notion de transaction définie dans le Code civil, la possibilité pour les autorités publiques d y avoir recours et les conditions dans lesquelles la transaction pourrait éventuellement avoir lieu. 1. Les éléments constitutifs de d la transaction en droit civil La transaction est une manière de mettre un terme à un litige (potentiel ou existant) et ce moyennant des concessions réciproques des parties. Elle se matérialise par un contrat à établir par écrit. Les parties au litige décident de négocier un accord dont elles déterminent seules la teneur. Le contrat ainsi établi a pour but de mettre définitivement fin au différend qui les oppose. De ce fait, le juge ne pourrait plus connaître du litige ayant déjà été résolu au moyen de la transaction 1. 1 Barbara SINDIC, Le contrat de transaction in Droit des contrats, Anthemis, Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl 1
2 Base légale : les articles 2044 et suivants du Code civil Article 2044 «La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.» Article 2045 «Pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. [Cet inventaire, dont le contenu est réglé par les articles 1175 et suivants du Code judiciaire, peut se faire sous seing privé lorsque toutes les parties intéressées majeures y consentent et, en cas d'existence de mineurs ou d'incapables, moyennant l'accord du juge de paix saisi par requête.] Les communes et établissements publics ne peuvent transiger [que moyennant l'autorisation prévue à l'article 49 de la loi du 10 mars 1925 organique de l'assistance publique].» 2. La transaction et l autorité publique a) les autorités en général L article 2045, 1 er alinéa du Code civil dispose que les parties doivent avoir «la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.» Les autorités ont le pouvoir de s obliger et peuvent transiger mais dans certaines limites 2 : - comme précisé ci-avant, l article 2045 al. 3 du Code civil prévoit que «les communes et établissements publics ne peuvent transiger que moyennant l'autorisation prévue à l'article 49 de la loi du 10 mars 1925 organique de l'assistance publique.» 2B. CAMBIER et L. CAMBIER, «Médiateurs ou médiation en droit public» in Itinéraires d un constitutionnaliste- En hommage à Francis Delpérée, Bruylant, p
3 Cependant, la référence à l autorisation prévue à l article 49 de la loi du 1925 n étant plus d actualité, la délibération du conseil communal concernant la transaction n est soumise qu à une tutelle générale 3 d annulation ou de suspension. - l article 14 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques autorise explicitement ces dernières à faire des conventions de transaction 4. En l absence d une disposition écrite qui consacre directement ce pouvoir, plusieurs éléments permettraient de déduire la possibilité pour l autorité publique de transiger : d une part, elle pourrait découler de la capacité générale de l Etat 5, d autre part, l article 1123 du Code civil semble constituer le fondement général permettant aux pouvoirs publics de conclure un contrat 6. En procédant de la sorte, l autorité ne serait pas dispensée du respect des principes généraux d administration tels les principes de minutie, d information, du respect de la confiance légitime des administrés. b) la commune Une convention de transaction est susceptible d engager le patrimoine de la commune. Aux termes de l article 117 de la Nouvelle loi communale, le conseil communal dispose d une plénitude de compétence pour la gestion des intérêts de la commune (administration du patrimoine communal, établissement du budget et de sa gestion, etc) 7 sous le contrôle de l autorité de tutelle. Le conseil communal arrête les conditions de jouissance et de gestion des biens communaux 8. Pour ce qui est de la transaction survenant alors que le litige est déjà porté à la connaissance du juge, conformément aux articles 270, al. 1 et 2 et 123, 8 de la Nouvelle loi communale, le collège des bourgmestre et échevins est compétent pour agir en justice au nom de la commune. Toutefois, en matière de transaction, il appartient au conseil communal de donner au collège son autorisation 9. 3 S. FAZIO, «Les contrats de transactions par les communes», Réponses, n 24, 2008, p.9. 4 M.B., 27 mars 1991, p A. VANDER STICHELE, De dading in het administratief recht, Miscellanea W. Ganshof van der Meerch, T. III, p P. WAETERINCKX en P. CABOOR, Dading door de overheid, C.D.P.K., 2001, p P. LAMBERT, Manuel de droit communal, Bruylant, 1998, p M.A. FLAMME, Droit administratif, Bruylant, 1989, p F. LAMBOTTE, La commune à la barre- qui fait quoi?, Trait d'union, n 3, 2003, J.P. MAGREMANNE et F. VAN DE GEJUCHTE, La procédure en matière de taxes locales, Etablissement et contentieux du règlement-taxe et de la taxe, Bruxelles, Larcier, 2004, p
4 3. Le pouvoir règlementaire de la commune a) le règlement en général Le règlement est un acte administratif unilatéral qui a pour objet de pourvoir, par des dispositions générales et abstraites, à l établissement de normes de conduites pour le présent et pour l avenir 10. Les règlements doivent trouver leur fondement dans des normes supérieures. b) le règlement-taxe En vertu des articles 41 et 162 de la Constitution, les communes ont un pouvoir de décision propre. L article 170, 4 de la Constitution attribue aux communes un pouvoir de taxation propre. Ces dernières peuvent : «( ) déterminer souverainement les bases et l assiette des impositions dont elle(-s) apprécie(-nt) la nécessite au regard des besoins auxquels elle(-s) estime(-nt) devoir pourvoir ( ) les conseils communaux choisissent, sous le contrôle de l autorité de tutelle, la base des impôts levés par eux et le seul fait que la même base imposée le soit déjà par d autres niveaux de pouvoir ne peut limiter le pouvoir fiscal de la commune» 11. c) les communes exercent leur pouvoir réglementaire sous certaines réserves L article 117 de la Nouvelle loi communale prévoit qu il appartient au conseil communal de régler tout ce qui relève de l intérêt général. Les décisions du conseil ne sont soumises à une tutelle d approbation que si cela est expressément prévu par une disposition légale. Nous pouvons retenir, entre autres, les limitations suivantes : une disposition légale expresse qui soustrait une compétence donnée à la commune, la territorialité, le principe de la liberté de commerce, le contrôle exercé par l autorité de tutelle, qui en matière de règlement- taxe, prendrait la forme d une tutelle générale d annulation ou de suspension exercée a posteriori par la Région. 10 C.E., 10 septembre 1999, n C.E., 14 mars 2000, n
5 4. Le droit fiscal est d ordre public a) l ordre public La Cour de cassation a affirmé que «les lois des impôts sont d ordre public» 12. De ce fait ils sont de stricte interprétation 13. Une disposition est d ordre public si elle touche aux intérêts supérieurs de l Etat ou de la communauté ou fixe les bases juridiques sur lesquelles repose l ordre politique, social, économique et moral de la société 14. L impôt (et donc le règlement-taxe) constitue une condition essentielle pour le fonctionnement et la continuité des services publics, d où le caractère d ordre public du droit fiscal 15. b) conséquence c onséquences s attachées au caractère «d ordre public» d une disposition Tout acte contraire à l ordre public est nul. Il s agit d une nullité absolue qui peut être soulevée d office par le juge civil ou administratif. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, un accord ne peut avoir pour but d éluder les dispositions d ordre public des lois fiscales 16. Cependant, toutes les dispositions en matière d impôts ne sont pas d ordre public. En matière de taxes communales, il ne peut y avoir d accord entre la commune et le redevable en contradiction avec le règlement-taxe car les parties ne peuvent pas, par convention, déroger aux lois d ordre public ce qui exclut la possibilité de transiger 17. En principe, il n y a pas de compensation de dettes en matière d impôts Cass., 15 mai 2003, Pas., 2003, p A. TIBERGHIEN, Manuel de droit fiscal , Kluwer, 2010, p H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, T. I, Bruylant, 1952, n M. LEVIS, Impôts communaux in Finances communales, Vanden Broele, 2008, p Cass., 10 septembre 1968, Pas., 1969, I, p Art. 6 du Code civil. 18 M. LEVIS, op. sit., p. 9. 5
6 5. Le droit fiscal est (en principe) dominé par le droit commun c 19 Les principes de droit privé s appliquent en matière fiscale sauf si le règlement fiscal s en écarte explicitement 20. D ailleurs, même si une taxe reste un prélèvement imposé par l autorité de façon unilatérale, il n en demeure pas moins que la dette qui en découle, les règles applicables en matière de privilèges, hypothèque légale ou de recouvrement, sont principalement soumises à celles du droit civil et judiciaire privé 21. La qualification d un prélèvement en impôt entraîne cependant l inapplication de certaines règles de droit civil dont notamment: - la compensation : comme mentionné supra, elle consiste en un mode d extinction des obligation qui fait l objet des articles 1289 et suivants du Code civil. La compensation entre les dettes réciproques de l Etat et des particuliers est réglée par le droit public 22, - l autorité taxatrice pourrait prévoir des amendes pour le non paiement de la taxe et ce sans être tenue au respect des articles 1226 et suivant du Code civil. Ces articles prévoient la possibilité de prévoir en plus de la créance principale des clauses pénales Pour une analyse approfondie de la question, voir P. GLINEUR, La détermination de ce «droit commun» qui domine le droit fiscal in L évolution des principes généraux du droit fiscal, Larcier, 2009, p. 205 et suiv. 20 Cass., 23 novembre 1989, Pas., 1990, I, p M. LEVIS, op. sit., p V.SEPULCHRE, Mémento de la fiscalité locale et régionale, Kluwer, 2009, p L article 1229 du Code civil définit la clause pénale comme suit : «La clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard.» 6
7 6. La transaction et le règlement- taxe communal Etant donné que le droit fiscal touche aux intérêts de la collectivité et de l Etat, la règle demeure l interdiction de la transaction 24. Comme indiqué ci-avant, aucun arrangement ne peut intervenir en contradiction avec le règlement- taxe. La commune ne peut pas renoncer, par contrat, au recouvrement des impôts dus en vertu de son règlement. Le contribuable et le fisc ne peuvent pas transiger sur les dispositions légales fixant l impôt ni sur son montant dû en principal 25.Les accords conclus sur une question de droit et qui «revien[nen]t à appliquer un régime fiscal autre que celui prévu par la loi, doivent céder devant le principe de la légalité de l impôt 26». Cependant, il convient de nuancer cette règle. L autorité et le redevable peuvent établir des accords sur des questions de fait. En matière de taxes, si la commune ne peut déroger au tarif, elle peut, par contre, négocier sur les majorations, les intérêts et l assiette de l impôt Conclusion L autorité ne peut pas transiger en toute matière sans conditions. Cependant l interdiction de recourir à la transaction n est pas absolue. Le règlement-taxe étant d ordre public, il en découle que l administration ne peut pas transiger valablement avec le redevable au sujet du montant ou du taux de la taxe. Elle pourrait éventuellement négocier la somme des majorations et des intérêts ainsi que l assiette de l imposition. 24 Sur cette question, voir M. DASSESSE et P. MINNE, Droit fiscal, Principes généraux et impôts sur les revenus, Précis de la Faculté de droit de l Université Libre de Bruxelles, Bruylant, 2001, p A. TIBERGHIEN, op.cit., p T. AFSCHRIFT, Les principes généraux de bonne administration et de sécurité juridique in L évolution des principes généraux du droit fiscal, Larcier, 2009, p C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, T.I., Fonction et organisation judiciaire, Précis de la Faculté de droit de l UCL, Larcier, 1974, p
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