La Maîtrise de la Fermentation Malolactique
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- Gabriel Martel
- il y a 8 ans
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1 La Maîtrise de la Fermentation Malolactique La fermentation malolactique est une évolution très souvent recherchée dans le process d élaboration du champagne. Les vins sont généralement tirés «avec malo» pour trois raisons : L acidité de nos vins étant en moyenne élevée, cette transformation conduit à une désacidification naturelle du vin. Une fermentation malolactique qui survient après tirage rend le vin inclarifiable, et la remise en cercles est alors inévitable. Enfin, l évolution aromatique des vins est différente et les vins obtenus sont généralement plus vite à maturité. De la même manière que la fermentation alcoolique, la fermentation malolactique doit être pilotée pour que le vin ne subisse ni altération, ni déviation organoleptique. Le but recherché est le même : imposer dans le vin le développement d une flore bactérienne qui consommera régulièrement et intégralement l acide malique du vin. Qu est-ce que la fermentation malolactique? Son équation-bilan est le suivant : Acide malique Acide lactique + gaz carbonique. Comme pour la fermentation alcoolique, il y a dégagement de gaz carbonique : le vin «retravaille». Cette expression date de l époque où la fermentation malolactique se manifestait au printemps. Elle coïncidait souvent avec la montée de sève des plantes, ellemême déclenchée par l élévation des températures. Partant de cette observation, la recherche œnologique a montré que la température était un facteur déterminant pour le déclenchement et la poursuite de cette évolution. Encore faut il que les bactéries lactiques soient là Les bactéries sont des organismes unicellulaires moins évolués que les levures et cent fois plus petits. Il en existe une infinité de variétés dans le monde vivant, classées en fonction de leur métabolisme. Celles qui nous intéressent sont les bactéries lactiques, ainsi nommées car elles produisent de l acide lactique aux dépens du sucre et de l acide malique. La fermentation malolactique est un phénomène spontané : un vin qui contient de l acide malique va faire spontanément sa malo, de la même façon qu un moût a une tendance naturelle à fermenter. La grosse différence est que la fermentation d un moût intervient rapidement (quelques jours au maximum) alors que la fermentation malolactique peut ne se déclencher qu au bout de plusieurs semaines, voir plusieurs mois. D où l intérêt de rechercher cette évolution le plus tôt possible afin qu elle soit achevée avant les froids hivernaux et pouvoir réaliser sans retard les autres travaux du vin. 1
2 Comment faire la fermentation malolactique? Laisser faire la nature Cette évolution étant naturelle, on peut parfaitement attendre son déclenchement spontané. La malo démarrera si les conditions sont favorables (température, teneur en SO 2, ph). Oui, mais quand?... Avec de la chance, elle se produira dans la foulée de la fermentation alcoolique, sinon, elle se manifestera au printemps, ce qui peut être gênant si l on a besoin du vin rapidement. Points forts Å Points faibles essentiellement économique : pas de chauffage si l on attend que le vin se réchauffe naturellement au printemps ; pas d investissement en bactéries sélectionnées. simplicité : à part surveiller le remplissage des cuves et la température, il n y a rien à faire Déclenchement aléatoire : au mieux à la suite immédiate de la fermentation alcoolique, au pire au printemps ou à l été suivant, ou même pas du tout. Non maîtrise de la souche de bactéries d où risque de déviations organoleptiques et de contaminations diverses. Impossibilité de planifier les opérations de travail du vin (filtration, stabilisation tartrique, tirage) puisqu elles dépendent directement de sa situation biologique. Risque de surcoût en cas de long chauffage. On s en rend compte tout de suite, la malo spontanée représente plus d inconvénients que d avantages, même si on ne fait le tirage qu en été : chaque année nous rencontrons des cas de fermentations malolactiques récalcitrantes et des élaborateurs qui se retrouvent «le couteau sous la gorge» avec des cuves pleines à quelques semaines des vendanges. L inoculation de bactéries lactiques sélectionnées est donc vraiment indispensable, même si le tirage est tardif. Plusieurs protocoles existent : pied de cuve, procédé one STEP (ensemencement avec multiplication intermédiaire), ensemencement direct (procédé MBR) 2
3 Pied de cuve malolactique (procédé standard) SOUCHE DE BACTERIES : INOBACTER C est la technique la plus courante ; elle est employée depuis plus de vingt ans et sa mise en œuvre est presque toujours couronnée de succès. Il n est cependant pas inutile de la décrire 1. Elaboration du vin destiné au pied de cuve Dès le début de la vendange, isoler un volume de moût représentant entre 3 et 5 % du volume total à ensemencer. Sulfiter celui-ci modérément (moitié de la dose normale) pour ne pas perturber le développement futur des bactéries. Mettre rapidement ce moût en fermentation. 2. Réactivation des bactéries Préparer un mélange moitié eau / moitié moût non sulfité (pris à la goulotte du pressoir) correspondant à 4% environ du volume du pied de cuve. Incorporer le sachet de bactéries, le sachet de réactivateur et quelques litres de moût en fermentation. Maintenir à 25 C et procéder à une analyse au bout de 2 jours. 3. Ensemencement du pied de cuve Incorporer ce milieu de réactivation au pied de cuve, même si sa fermentation n est pas terminée. Amener le ph de ce pied de cuve à un minimum de 3.20 (analyse à faire au préalable) et supplémenter celui-ci en activateur spécifique (NUTRIFLORE) à raison de 20 g/hecto de pied de cuve. Maintenir ce pied de cuve à 20 C pendant une semaine en cuve parfaitement remplie et faire une analyse au bout de ce délai. 4. Ensemencement de la cuverie Répartir ce pied de cuve sur l ensemble de la cuverie et maintenir celle-ci à 20 C cuves parfaitement remplies. Réaliser une analyse dès que l on ne constate plus de dégagement gazeux en haut des cuves (3 à 5 semaines après l ensemencement). Remarques : 1/ ce pied de cuve peut être développé avec réactivation sur vin (les premiers pieds de cuve qui ont été élaborés le furent ainsi). Les étapes 1,3 et 4 sont les mêmes, seule l étape 2 change : on remplace du moût par du vin après avoir vérifié sa compatibilité (ph, SO 2 total). 2/ les pourcentages de milieu de réactivation et de pied de cuve sont des ordres de grandeur et sont à moduler en fonction des impératifs de la cuverie. Points forts Å Points faibles Technique sûre Bilan économique positif Respect des qualités organoleptiques du vin Disponibilité précoce du vin (dès le mois de Décembre si l on opère dès la vendange) Planification plus aisée des opérations de travail du vin Nécessité de suivi rigoureux Organisation et planification à prévoir (notamment en période de vendange) Une seule souche de bactéries disponible (Inobacter) 3
4 Procédé 1-STEP SOUCHE DE BACTERIES : MAXIFLORE ELITE Technique récente, le procédé 1-STEP consiste à incorporer les bactéries lactiques après leur avoir fait subir une phase intermédiaire d acclimatation de 24 heures. Points forts Å Points faibles Mise en oeuvre simple Possibilité d utilisation en coinoculation, c'est-à-dire réaliser l ensemencement malolactique sur moût, en même temps que le levurage Prix des bactéries élevé Nécessité absolue de bien respecter les délais (ni trop tôt, ni trop tard) Suivi impératif de la teneur en acide malique (tous les 2 à 4 jours après l inoculation) Souche de bactéries pas toujours adaptée aux conditions extrêmes des moûts et vins champenois (ph bas notamment) 4
5 Procédé MBR SOUCHES DE BACTERIES : INOFLORE BL (pour les vins blancs), EXTRAFLORE R (pour les vins rouges) Encore plus simple que le procédé 1-STEP, il n y a pas de phase d acclimatation. On réhydrate les bactéries avant de les incorporer au vin ou au moût, c est tout. Les avantages et les limites sont les mêmes que pour le procédé 1-STEP. Le protocole MBR est désormais bien au point pour les vinifications en rouge, puisque notre souche EXTRAFLORE R est parfaitement adaptée. Les facteurs favorables et défavorables à la fermentation malolactique Les facteurs internes, inhérents au vin lui même - La teneur en SO 2 TOTAL : plus elle est faible, mieux c est. Elle ne doit pas dépasser 40mg/l pour le vin destiné à un pied de cuve comme pour tous les vins de la cuverie. - Le ph : il doit être supérieur ou égal à 3.20 pour le vin destiné au pied de cuve ; si ce n est pas le cas, il faut le désacidifier faute de quoi le développement des bactéries sera considérablement ralenti. - La présence ou non de nutriments pour les bactéries. A l exception de l azote assimilable, il est malaisé de doser les facteurs de croissance présents dans un moût ou un vin. Par contre, nous avons maintes fois observé que lorsqu un activateur a été incorporé à la mise en fermentation alcoolique (ACTIVIT) le développement de la fermentation malolactique est beaucoup plus franc. L ajout d activateur spécifique (NUTRIFLORE) doit être fait systématiquement lors de l ensemencement du pied de cuve (20 g/hecto) 5
6 Dans tous les cas de figure, il est indispensable de procéder à une analyse du moût ou du vin destiné au milieu de réactivation et/ou du pied de cuve. Réanalyser le vin du pied de cuve avant d y incorporer le milieu de réactivation. Parallèlement à cette analyse, une dégustation doit être réalisée pour s assurer de la netteté gustative de ce pied de cuve. Les facteurs externes 1. La température C est LE paramètre déterminant pour la réussite de la fermentation malolactique - 25 C pour le milieu de réactivation C pour le pied de cuve et les vins à l ensemencement et en cours de malo. Ne jamais dépasser 25 C, température au-delà de laquelle les bactéries meurent. Eviter d être en dessous de 20 C, ne serait-ce que 18 ou 19 : l évolution malolactique en est tout de suite affectée. Dans les cuveries thermorégulées, le maintien de ces températures est simple. Si l on n est pas équipé, il vaut mieux décaler de quelques jours le démarrage du milieu de réactivation par rapport au pied de cuve, afin que la fermentation de ce pied de cuve soit terminée et la température redescendue. De la même manière, il vaut mieux différer l ensemencement de la cuverie si les vins sont encore trop chauds suite à leur fermentation alcoolique. Si le pied de cuve est «mûr», il suffit de le maintenir en activité en y ajoutant une certaine quantité de vin nouveau dont la malo n est pas faite. 2. Les délais Il est absolument nécessaire de respecter les délais indiqués sur les protocoles. Le dépassement de ces délais expose à deux problèmes : - Mortalité importante des bactéries - Risque de contaminations et d apparition de déviations organoleptiques irréversibles (en particulier sur le milieu de réactivation). Conclusion La fermentation malolactique est désormais une étape connue et maîtrisée. Dans l état actuel de nos connaissances, la technique la plus sûre est celle du pied de cuve, puisque la souche de bactéries utilisée est parfaitement adaptée aux vins difficiles comme le sont les vins champenois. Cette évolution doit être recherchée le plus tôt possible afin de profiter de la température des vins qui achèvent ou viennent d achever leur fermentation alcoolique. Si l opération est bien conduite, elle peut même être menée à bien sans dépense énergétique et avec une main d œuvre réduite (pas de soutirage entre les deux fermentations, sauf conditions particulières). Une bonne maîtrise de la fermentation malolactique implique donc un triple bénéfice ; économique, environnemental et humain. Elle s inscrit donc tout naturellement dans la démarche développement durable d une exploitation. 6
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