Conakry Info 2. Kagbadouno, membres du CNT

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1 REPORTERS SOLIDAIRES Novembre 2013 Conakry Info 2 Editorial Les journalistes en première ligne Qu attendent les Guinéens de l Assemblée nationale récemment élue? ` Les jeunes journalistes participant à la 2 e session de formation organisée par Reporters solidaires et le Club de la Presse de Guinée, à l initiative d African Crisis Group et en partenariat avec Res Publica, se sont posé cette question et l ont posée à divers interlocuteurs. Loin de se contenter du discours politique, ils sont allés à la rencontre d observateurs, d acteurs de l économie et d artistes, mais également de la population, ceux qu on désigne sous le terme de société civile. Les journalistes eux-mêmes font partie de la société civile. Ils sont à la fois observateurs et acteurs de la démocratie, souvent au premier rang pour la défendre dès lors qu on leur donne les moyens de le faire. Une belle responsabilité. Christine Cognat (présidente de Reporters solidaires) Saran Touré (présidente P.i du Club de la Presse de Guinée) Réflexion sur l Assemblée nationale avec Dr Koureissy Condé (ACG), Pascal Sandouno et Jean Tamba Kagbadouno, membres du CNT Une nouvelle ère démocratique Enfin, la Guinée vient de se doter d une nouvelle Assemblée Nationale, la première depuis Les élections législatives du 28 septembre 2013, malgré quelques irrégularités enregistrées et la contestation de l opposition, marquent la fin d une longue transition émaillée de plusieurs manifestations politiques ayant fait de nombreuses victimes. L attente aura duré six ans mais elle aura permis aux Guinéens d écrire une nouvelle page de leur démocratie et d intégrer les rangs des pays dits normaux avec une nouvelle ère démocratique. La mise en place du nouveau parlement suscite de l espoir chez les citoyens qui souhaitent en finir désormais avec la corruption, la mauvaise gouvernance et le manque de services socio- économiques de base. La Guinée est en effet l un des pays les plus corrompus au monde et malgré ses énormes potentialités, notamment minières, plus de 55 % de sa population vit encore en dessous du seuil de pauvreté. Les élections législatives du 28 septembre 2013 demeurent les plus libres et transparentes depuis l indépendance de la Guinée en 1958 ouvrant le règne d Ahmed Sékou Touré jusqu aux élections présidentielles de 2010, en passant par le régime du Général Lansana Conté et le coup d Etat militaire du Capitaine Moussa Dadis Camara. Des pouvoirs autoritaires où toute contestation de l opposition était soit étouffée, soit réprimée dans le sang. Thierno Moussa Bah Ibrahima Sory Camara

2 Aliou Barry, Stat View International : «La démocratie, c est gagner de quoi manger» «Il faut des députés patriotes» Le sociologue Fodé Bayo analyse les attentes de la population face à la nouvelle Assemblée nationale et se pose des questions Sécurité alimentaire, infrastructures routières et électricité : ces sont les trois vœux exprimés par les Guinéens dans un sondage réalisé à la veille des élections législatives par l'institut Stat View International. «Ces trois priorités sont liées à la pauvreté, constate Aliou Barry, directeur de l institut, la sécurité alimentaire reste le nœud du problème». Une autre étude effectuée par ce même institut pointe les défaillances gouvernementales. En effet, 15% seulement de la population se montre satisfaite de la fourniture d électricité, 19% des créations d emplois, 22% de la stabilité des prix, 22% de la réduction du fossé entre riches et pauvres, 22% de la baisse des prix des denrées alimentaires et 30% de l entretien des routes. Aliou Barry en déduit que c est dans ces domaines que les attentes des Guinéens sont les plus importantes. «La démocratie, pour la population, c est gagner de quoi manger. Ce qui montre un réel décalage entre les discours politiques et les souhaits de la base». Alpha Oumar Diallo, Bintou Sall, Aly Sylla et Thierno Amadou Camara Quelles sont les attentes de la population avant la mise en place de l Assemblée nationale? Par rapport aux attentes de cette population face à la nouvelle Assemblée nationale, je reste perplexe. J ai vu des assemblées nationales, notamment en Afrique, dans lesquelles les membres se taillent la part du lion ils s offrent des véhicules très chers avec des salaires exorbitants qui pèsent sur les contribuables. Je me pose la question de savoir si la Guinée va échapper à cette règle. Et si déjà cette assemblée sur laquelle on compte doit prendre les mêmes habitudes, les mêmes mœurs, la même culture, de se meubler avant de penser aux autres : c est là où les premières attentes risquent d être déçues. Comment les députés doivent-ils s y prendre? Lorsque l Assemblée nationale va être installée, je crains, par expérience sociologique, que la plupart des députés qui siègent dans cette institution essayent de choisir leur localité en pensant y orienter les plus grands projets. Si tel est le cas, une localité qui n a pas assez d élus à l Assemblée peut être lésée et cela va blesser les citoyens. Le sociologue Fodé Bayo en entretien avec la journaliste Fatoumata Sy Savané de la radio Renaissance FM L Assemblée nationale estelle la clé de tout? Qu elle soit française, américaine ou africaine, il est difficile à une Assemblée nationale d agir sur le quotidien de chaque individu. La population guinéenne pense qu une fois l Assemblée installée, il sera aisé de trouver du travail, un salaire amélioré, d agir positivement sur le panier de la ménagère. Cela ne coule pas de source. Il va falloir que le peuple guinéen redouble d ardeur. Il faut aussi des députés patriotes dont le flair est orienté vers la population. Boubacar Koyla Diallo Fatoumata Sysavane et N Bany Sidibé 2

3 Une chef d entreprise réaliste Mariame Satina Diallo, administratrice du Groupe Mondial Tours et membre fondatrice de la Société Civile Guinéenne, attend de l Assemblée nationale sécurité, justice et énergie Dans la perspective d une nouvelle vie parlementaire, certains acteurs du monde économique se veulent optimistes quant à l impact que cela pourrait avoir sur leur entreprise tout en restant réalistes. C est le cas de Mariame Satina Diallo qui estime indispensable que tous les députés siègent dans la future Assemblée nationale. «On espère d abord que les députés vont siéger, sinon ça n aura servi à rien d avoir supporté toutes ces horreurs et tous ces morts». La longue période de transition que traverse la Guinée a affecté et continue d affecter sérieusement le secteur privé. Une réalité que relate avec beaucoup d émotion Mariame Satina Diallo : «nos chiffres d affaires ont baissé de 70% sur l ensemble des activités que nous avons. L installation des députés pourra peut - être inciter les investisseurs à venir en Guinée». La mise en place de l Assemblée nationale ne constitue pas en elle seule un motif d attraction pour d éventuels partenaires étrangers ni une solution aux difficultés que rencontrent les chefs d entreprise. Selon Mariame Satina Diallo, «aucun investisseur ne s engagera si nous ne lui garantissons pas la sécurité, l énergie et la justice. C est la base de tout investissement». Une analyse qui devrait interpeller les nouveaux députés. Aboubacar Sidiki Manet, Ramatoulaye Diallo, Marie Rose Soumah et Mohamed Malick Diallo «On continue d ignorer l avenir des jeunes» Directeur général de Jatro-pha Guinée, Alpha Bacar Barry a une vision pessimiste de l avenir et ne manie pas la langue de bois Alpha Bacar Barry, qui travaille dans le micro crédit en aidant exclusivement les jeunes de moins de 35 ans tout en leur facilitant l accès aux produits financiers, émet de sérieuses réserves sur le futur parlement. «Il n est techniquement pas raisonnable d attendre trop de cette Assemblée, pour la simple raison que ceux qui vont siéger n ont pas la capacité intellectuelle pour répondre aux attentes du peuple», soutient-il avec véhémence. Selon cet ancien expert de la Banque mondiale, les futurs députés ne connaissent pas leur rôle : «je les trouve assez faibles pour résister à certaines tentations, mais j attends aussi d eux qu ils posent le débat». 3 Alpha Bacar Barry s interroge sur le devenir des jeunes que l on continue d ignorer. Il estime que pour ces députés «la jeunesse n est que du bétail électoral». Il affirme que les députés ne devraient pas seulement s atteler aux problèmes de la réforme des services sociaux de base mais plutôt amener les jeunes à créer leur propre entreprise, à améliorer aussi la capacité des entreprises locales et à avoir accès aux marchés de la sous-traitance guinéenne. Il ne reste plus aux députés qu à entendre cette jeunesse. Tiguikandé Bah, Mamadou Oury Bah et Alpha Ousmane Diallo

4 Témoignage radical du «général» Elie Kamano «Le lion» donne le ton Rencontre avec Fode Camara, dit Diara mina Diara, artiste engagé. Un message d union et de paix «La démocratie, comme je l ai toujours dit, n a pas sa place en Guinée. Aujourd hui il y a des étapes à franchir, il ne faut pas les briser. On ne peut pas mettre une Assemblée nationale en place quand on sait dans quelles conditions les élections se sont tenues et quand on sait que la situation est tendue entre l opposition et la mouvance. Il faut qu elles dialoguent dans l intérêt de tous les Guinéens. Les élus doivent comprendre que les enfants de la Guinée ont besoin d étudier et de vivre dans la paix. Je me bats pour la jeunesse, les deux parties doivent savoir qu elles ont la destinée des Guinéens dans leurs mains et elles doivent arrêter d instrumentaliser les jeunes à leur profit. La Guinée ne connaît pas les méfaits d une guerre inter - ethnique. Jusqu à quand? Ceux qui l ont vécue connaissent ses conséquences» Idiatou Diallo, Kadiatou Baldé En plein quartier de Kaporo marché, dans une cour fermée, sous des manguiers, des musiciens et des enfants courent dans tous les sens. Une voix chante sur une guitare et d autres instruments. Le chanteur du groupe «Diara mina Diara», «le lion qui dompte les lions», nous accueille, souriant et relaxe : «bienvenue à Bomboya». Depuis plus de dix ans, cet artiste diplômé en composition et arrangement de l Institut supérieur des Arts de Guinée possède plusieurs cordes à son arc. Le lion, directeur artistique de ce centre culturel, nous conduit à une répétition en plein air. Tout autour, on découvre sur les murs des fresques et des paysages africains. C est dans ce décor que Fodé Camara évoque la situation actuelle du pays sur fond de quelques notes de guitare : «régulièrement, la commune de Ratoma connaît des échauffourées lors des manifestations de rue car c est ici le fief de l opposition et aussi le lieu qui compte le plus Fodé Camara, le sacrifice du lion grand nombre de jeunes chômeurs. Je ne pense pas qu ils sortent tous à l appel des leaders. Chacun a son opinion». A propos de la nouvelle Assemblée nationale, il dit en attendre beaucoup de choses : «il faut d abord qu elle s occupe de la jeunesse, elle doit aussi régler les problèmes d eau, d électricité et de santé». Fodé Camara n hésite pas à comparer un député à un artiste engagé dans la démocratie : «un artiste, c est le sacrifice pour la nation. Ce que les miséreux n ont pas pu dire, c est lui qui le dit. Le député, lui, décide de l avenir de la nation. Normalement il doit aussi se sacrifier car il est là pour représenter le bas peuple. On n a pas besoin de dire je suis soussou, peuhl, malinké ou forestier. Nous sommes tous Guinéens, nous devons rester unis. Vive la paix». Le lion reste indomptable. Safiatou Condé, Hadjirata Baldé, n Fany Condé et Hammadi Chérif Bah 4

5 Elue pour la première fois, Hadja Aissata Daffé fait partie des 25 femmes qui devraient bientôt siéger à l Assemblée nationale Hadja Aissata Daffé devant l image de son laboratoire Lansana Sylla, diplômé en Relations Internationales «La mise en place d une Assemblée nationale est une opportunité pour garantir notre jeune démocratie. Je souhaite qu elle moralise la gestion des affaires publiques, lutte contre la corruption et revoie la constitution adoptée par le CNT le 10 mai Elle doit aussi changer les contrats miniers et voter de nouvelles lois pour éclairer les récents évènements qui ont endeuillé la Guinée». Propos recueillis par Alpha Camara «Vous entendrez parler d elle» «C est une grande collaboratrice, aujourd hui c est une députée, la nôtre». A la SOBRAGUI, où elle nous reçoit, on n est pas vraiment surpris. Depuis 1986, date de son entrée dans cette célèbre brasserie, les collaborateurs de Aissata Daffé connaissent ses qualités humaines et professionnelles. Ils la décrivent courageuse, discrète, calme et douce mais aussi très ferme et combative. Cette fille de planteur est titulaire d un doctorat en chimie brassicole passé en Allemagne. Elle est mère de trois enfants et mariée à un fonctionnaire. Après avoir passé sa vie dans le labo de la brasserie, elle a réussi le tour de force de ne pas boire une goutte d alcool grâce à ses formules et ses goûteurs. Aujourd hui, elle est chargée de la formation des jeunes et compte promouvoir une nouvelle génération de cadres : «il faut rétablir la confiance dans les capacités des Guinéens et préserver les productions guinéennes». Son modèle politique est Sydia Touré, qu elle appelle un visionnaire, ex premier ministre et président de son parti d opposition l Union des Forces Démocratiques. Comme ancienne syndicaliste et femme engagée, elle veut porter les revendications de toute une population marginalisée. Parmi les priorités, elle veut faire inscrire la parité dans la constitution et permettre aux femmes d accéder à des postes au plus haut niveau. Elle veut aussi favoriser l égalité dans le couple, la maternité libre, pénaliser l excision, malgré le poids des coutumes : «il faut faire évoluer la Guinée», insiste la députée. Primée en 2011 comme meilleure femme pour l engagement politique, elle suscite de nombreux espoirs. Son directeur technique n a pas de doute : «Vous entendrez parler d elle» assure-t-il dans un grand sourire d encouragement. Sékou Sanoh, Daff Hawa et Sâa Alou Yooumbouno Thierno Abdoulaye Bah, vendeur de journaux au Club de la Presse «Je veux que cette Assemblée nationale travaille pour l intérêt de la nation. Les députés ne doivent pas mettre en avant leur intérêt personnel. Ils doivent se pencher sur des questions concernant la gestion des biens publics, la santé, l éducation et d autres secteurs. Qui dit Assemblée, pense d abord à la population. Tout le monde doit se sentir représenté au sein de cette Assemblée nationale» Propos recueillis par Younoussa Bangoura 5

6 ILS L ONT FAIT! La rédaction de Conakry info 2 dans la cour de la Maison de la presse Rédaction : Sylla Aly (Djigui FM), N Faly Condé (Radio Nationale), N Bany Sidibé (Soleil FM), Aboubacar Sidiki Manet (DTV), Ramatoulaye Diallo (Love FM), Hadjirata Baldé (Kaniazik FM), Mamadou Oury Bah (mosaiqueguinee.com), Mohamed Malick Diallo (Evasion FM), Aboubacar Koyla Bah (Familia FM), Marie Rose Soumah (Le Soir), Alpha Camara (Le Standard), Hammady Chérif Bah (Gangan RTV), Alpha Ousmane Diallo (Le Populaire), Bintou Sall (L Observateur), Younoussa Bangoura (Le Défi), Idiatou Diallo (DTV FM), Sékou Sanoh (Guinéenews), Sâa Alou Yombouno (TATV), Ibrahima Sory Camara (Atlantic FM), Makoya Souaré (Liberté FM), Hawa Daff (Conakryinfos.com), Alpha Oumar Diallo (Aminata.com), Kadiatou Baldé (Horoya), Thierno Moussa Bah (Nostalgie FM), Safiatou Condé (TV RTG), Thierno Amadou Camara (africavision.info), Fatoumata Sy Savané (Renaissance FM), Tiguidanké Bah (DTV) Rédaction en chef RS: Christine Cognat, Marie-Martine Chambard, Gérard Clavairoly, Francis Viailly Remerciements Le Club de la Presse de Guinée, Boubacar Yacine Diallo et la Maison de la presse de Conakry 6