Convaincre avec des graphiques efficaces

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1 Bernard LEBELLE Convaincre avec des graphiques efficaces sous Excel, PowerPoint..., 2009 ISBN :

2 3 Autopsie d un graphique Qu est-ce qu un graphique? PARTIE 3 «Un chameau, c est un cheval dessiné par une commission d experts.» Francis Blanche Concevoir une bonne représentation graphique, capitalisant sur la richesse de cette nouvelle discipline qu est la visualisation de l information et la maîtrise du langage graphique, est un élément clé de notre capacité de conviction et de transmission de l information. Développer ses compétences en la matière requiert tout d abord de bien maîtriser les fondamentaux. L objectif du présent chapitre est de poser les fondations sur lesquelles vous pourrez construire des graphiques efficaces. Visualisation de l information ou information visuelle? «La carte n est pas le territoire», rappelait Alfred Korzybski et la richesse actuellement disponible en termes de modes de représentations graphiques de l information rend difficile l exercice de catégorisation. En effet, l omniprésence de logiciels comme Excel et PowerPoint sur les postes de travail en entreprise, les technologies de «Business Intelligence» et de «Data-Mining» liées au stockage et à la manipulation de données, l avènement du Web 2.0, le partage d information au sens large et l interconnexion entre des supports physiques (comme la visualisation Orb) et le «cyberespace» ont tous contribué à un traitement de l information toujours plus complexe et avec une diversité de modes de restitution. 41

3 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Cet exercice de catégorisation est cependant indispensable dans l optique de poser le cadre de notre réflexion et de pouvoir étudier les différentes options à notre disposition. Les récents travaux menés par A. Lau et A. Vande Moere de l université de Sydney, et publiés dans «Towards a Model of Information Aesthetics in Information Visualization» 1, permettent de situer notre cadre de réflexion au sein d un trigramme en positionnant les représentations graphiques selon 3 axes : focus sur les données ; focus sur l interaction avec le lecteur ; focus sur l esthétique d ensemble. Les différentes catégories d esthétique de l information 2 Le présent ouvrage va se concentrer sur le triangle inférieur gauche de ce modèle de classement qui recouvre les concepts suivants : Information design : mise en avant d informations (texte ou nombre) à l aide de supports visuels ; 1. Andrea Lau et Andrew Vande Moere, «Towards a Model of Information Aesthetics in Information Visualization», University of Sydney, Australie, Idem, p

4 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Infographic : représentation de données à l aide d un mélange de graphiques et d éléments informatifs annexes (cartes, icônes ) ; Charts: représentation classique des graphiques (principalement de nature statistique) ; Information visualization : visualisation d un jeu de données très complexe sous une forme graphique élaborée. Le tableau suivant présente une description détaillée de ces concepts graphiques ainsi que quelques exemples permettant de mieux visualiser l efficacité de ces concepts. PARTIE 3 «Information design» «Infographic» Infographies Le Vélib et les Parisiens Étape du Tour de France Le Vélib fait partie du quotidien des Parisiens 3 3 % c est la part du vélo dans le trafic parisien S Saint-Piat (Lanvallay) 65 m S Bécherel 192 m S Montaubande-Bretagne 98 m 33 % l utilisent pour le tourisme ou la ballade 33 % des utilisateurs Vélib s viennent de banlieue Saint-Malo 23 m 208 km Nantes 51 m Catégorie des cols : Sprint Hors catégorie HC S «Charts» Graphiques «Information visualization» Exemple de graphique Visualisation de l information Selon vous, le candidat est-il plus, moins ou aussi honnête et intègre que la plupart des personnalités publiques? Hillary Clinton Plus honnête 28 % 37 % Aussi honnête 28 % Moins honnête 7 % Ne se prononce pas Source : New York Times Survey Entretiens téléphoniques menés entre le 25 et 29 avril Base échantillon : 956 votants. 1. Source : Agence Idé. Source : digg.com 43

5 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Autopsie d une représentation graphique Une représentation graphique est avant tout un dessin plus ou moins complexe en fonction de sa nature. Il existe, et on le verra dans le chapitre 6 «Galerie d exemples», de nombreux types de représentations dont certaines sont très élaborées en termes de conceptualisation. Pour être à même de construire des graphiques efficaces, il est nécessaire d en maîtriser les composants et techniques de base. Nous allons dans cette partie analyser les composants primaires d un graphique à l aide des grilles de lecture développées par Jacques Bertin pour la représentation graphique en général ainsi que de composants primaires traditionnellement utilisés dans l élaboration des graphiques statistiques. Les variables visuelles ou rétiniennes selon Bertin «Celui qui adore la pratique sans connaître la théorie est comme le marin qui s embarque à bord d un navire sans gouvernail ni compas et ne sait jamais où il jettera l ancre.» Léonard de Vinci L apport de Jacques Bertin à la discipline de la visualisation de l information a été fondamental. Il a posé un système de référence sur lequel un grand nombre de travaux ultérieurs se sont basés et il est considéré, y compris outre-atlantique, comme un père fondateur de cette discipline. Dans son ouvrage Sémiologie graphique 1 paru en 1967, Jacques Bertin nous donne, entre autres, des clés de lecture sur la construction graphique. Il recense ainsi 6 «variables rétiniennes» qui viennent compléter les coordonnées de placement de chaque objet sur un plan doté des axes x et y. 1. Jacques Bertin, Sémiologie graphique, op. cit. 44

6 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Tableau des variables visuelles selon Jacques Bertin 1 Forme Taille Valeur Axe des y PARTIE 3 Coordonnées Axe des x Orientation Couleur Grain/Trame De par son métier, la majeure partie de l œuvre de Jacques Bertin est consacrée à la visualisation sur une carte géographique d informations soit sous-jacentes à la géographie du terrain étudié (nature du terrain, élévation ), soit additionnelles (population, flux, nationalité ). Chacune des variables visuelles peut être utilisée pour visualiser ces informations, dès lors qu une légende est fournie au lecteur pour qu il puisse faire le lien entre la forme et ses attributs et les valeurs associées. En fonction de la nature de la variable choisie, différents types de messages et d informations peuvent être transmis. 1. Idem, p

7 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Variable Définition Informations pouvant être transmises Forme Taille Valeur Grain Couleur Orientation Coordonnées Dessin ou pictogramme servant à qualifier la nature de l information. Surface/aire de la forme. Variation de couleur entre 2 extrêmes. Aussi appelé «trame» ou «motif». Valeur au sein d un nuancier de couleurs. Direction dans laquelle pointe l objet graphique par rapport aux 2 axes. Références de placement sur les axes x et y. Indication de la nature de l information qui va être restituée soit seule (la forme indiquant par exemple un lieu d exploitation minière), soit combinée avec d autres variables (taille de l exploitation, couleur indiquant la nature du minerai extrait ). Grandeur/taille par rapport aux autres formes, mais aussi en référence à une échelle de proportion. Positionnement dans une échelle de valeur dont les 2 extrêmes sont indiqués par des couleurs brutes et le positionnement hiérarchique entre ces 2 extrêmes indiqué par le dégradé obtenu entre ces 2 couleurs brutes. Combinaison de valeurs/d informations. L utilisation de la couleur peut être faite pour transcrire soit des informations de nature disjointe (chaque couleur représentant une information ex. : bleu = mers/ océans et vert = forêt), soit de nature ordonnée et imposant le système de classification dans la légende (ex. : rouge = très chaud, orange = chaud, vert = tempéré, bleu = froid). Traduction d une évolution entre un état à l instant (a) et celui à un instant (b) ultérieur. Coordonnées géographiques ou valeurs numériques par rapport à 2 axes non géographiques. À cette première série viennent s ajouter 2 éléments proposés en complément par S. K. Card et J. Mackinlay dans leur dossier «The Structure of the Information Visualization Design Space» Stuart K. Card et Jock Mackinlay, «The Structure of the Information Visualization Design Space», Xerox PARC,

8 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Variable Définition Informations pouvant être transmises Connexion Lien visuel entre les formes/pictogrammes. Causalité, hiérarchie, groupement. Inclusion Présence d un composant graphique à l intérieur d un autre. Récursivité des variables graphiques entre elles. Hiérarchie, groupement. Au travers de la définition des variables visuelles, Jacques Bertin a posé les fondamentaux de l exercice de visualisation de l information. Il est mondialement reconnu comme l un des pères fondateurs de cette discipline, et son ouvrage Sémiologie graphique 1 constitue une référence et propose une lecture passionnante. PARTIE 3 Les composants primaires des graphiques statistiques Dans sa thèse «The Language of Graphics» 2, Yuri Engelhardt, de l université d Amsterdam, propose la définition suivante d une représentation graphique. «Une représentation graphique est un objet graphique. Un objet graphique peut être : un objet graphique élémentaire ; un objet graphique composite constitué de : une aire de graphique, qu il occupe ; une série d objets graphiques contenus dans cette aire ; une série de relations graphiques qui incluent ces objets (soit une relation entre l objet et l aire graphique, soit une relation entre les objets graphiques).» 3 Cette définition, plus large que les variables de Bertin qui ont constitué les fondations de l élaboration des représentations cartographiques, permet de mieux cerner les représentations graphiques de type statistique. Ces représentations requièrent de nouveaux «composants primaires» permettant, au travers de leur agrégation, de construire l objet graphique composite défini par Y. Engelhardt. Ces nouveaux composants 1. Jacques Bertin, Sémiologie graphique, op. cit. 2. Yuri Engelhardt, «The Language of Graphics», University of Amsterdam, Idem, p

9 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES primaires constituent le squelette de référence d une visualisation graphique de données statistiques. Les composants primaires des graphiques statistiques Pour illustrer notre propos, la représentation graphique suivante concentre les principaux éléments d une représentation graphique de données. Certains éléments tels que le quadrillage horizontal ou vertical ne figurent pas afin de ne pas surcharger l ensemble ainsi constitué. Représentation graphique incluant la plupart des composants primaires (non exhaustif) La hausse du prix du pétrole ne freine en rien l augmentation du taux de CO2 rejeté dans l atmosphère Titre Taux de concentration atmosphérique (pmmv) Titre de l'axe y Axe y 69 Zone de traçage Prix du baril de pétrole Taux de CO 2 Axe y secondaire 99 En USD Taux de CO dans l atmosphère 2 Coût du baril de pétrole Axe x Source : St-Louis Fed//Sciencecentral.com Source Légende Le tableau ci-après présente le résultat de l autopsie de ces représentations, c est-à-dire la décomposition de celles-ci en composants unitaires. Il précise leurs fonctions pour le lecteur dans la phase d assimilation. Composants Titre Axes Légende Quadrillage Couleurs Séries Fonction Introduit le contexte, présente la conclusion. Présentent et formalisent les dimensions et les échelles utilisées. Présente et identifie les séries de données. Facilite le positionnement des points par rapport aux axes. Distinguent et/ou mettent en relief certaines séries de données. Visualisent les données au travers de motifs, de formes et/ou de marqueurs. 48

10 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Un énorme travail de classification et d explication a été mené par R. L. Harris. Ce travail est présenté dans son ouvrage Information Graphics : A Comprehensive Illustrated Reference 1. Les éléments présentés ci-après sur la gestion des axes et des différentes natures d échelles s appuient sur les travaux de Harris. La gestion des axes et les différentes natures d échelles Les axes (x, y, z) font partie des fondamentaux structurant une représentation graphique statistique. Comme nous l avons vu, ils permettent de positionner les éléments d une série en fonction de la valeur de chaque élément. Dans leur très grande majorité, les graphiques élaborés en entreprise utilisent soit une échelle temporelle (pour mesurer une évolution dans le temps), soit une échelle linéaire par rapport à la mesure effectuée avec éventuellement une conversion des unités ex. : le chiffre d affaires exprimé en millions d. La structure des axes conditionnant le format de la restitution graphique, il est parfois nécessaire d aller au-delà des classiques échelles linéaires pour obtenir une lisibilité plus efficace de la réalité étudiée. Le choix d un type d échelle ne peut être mené qu en fonction de la nature du jeu de données de départ et du type d analyse que l on souhaite effectuer. Parmi les nombreux choix envisageables, nous pouvons à tout le moins distinguer les 9 cas suivants. PARTIE 3 Échelle linéaire L axe est subdivisé en intervalles réguliers ordonnés traditionnellement avec la plus petite des valeurs à gauche et la plus importante à droite. L incrément d un repère visuel à l autre suit une progression linéaire, et la distance séparant deux repères est constante. 1. Robert. L. Harris, Information Graphics : A Comprehensive Illustrated Reference, Management Graphics,

11 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Échelle linéaire Évolution du cours du Dow jones entre 1930 et 2008 Source : Yahoo Finance Échelle logarithmique L axe est subdivisé en appliquant une fonction mathématique logarithmique à une échelle linéaire. La distance entre les repères visuels ne suit plus une progression régulière. L effet obtenu est une distorsion de l image élaborée à l aide d une échelle linéaire. Échelle logarithmique Distance visuelle égale Ratios égaux entre les valeurs 50

12 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Cours de la Bourse représenté en échelle logarithmique Évolution du cours du Dow Jones entre 1930 et 2008 Source : Yahoo Finance Échelle logarithmique PARTIE Échelle de puissance Ce type d échelle est obtenu à l aide d une fonction mathématique de puissance à une échelle linéaire de base. Le facteur de puissance sera déterminé par l utilisateur et peut, à titre d exemple, être la fonction «puissance carrée» ou «puissance cubique» appliquée aux valeurs de l échelle de départ. Échelle de puissance carrée Distance visuelle égale Quantités inégales entre les bornes Échelle de probabilité Lorsque l on manipule un jeu de données de type probabiliste, l utilisation de cet axe peut par exemple permettre de mesurer sur une surface en 2 dimensions, à la fois la probabilité d occurrence d un événement et l impact en cas d occurrence de l événement. 51

13 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Échelle de probabilité exprimée en pourcentage 0,01 0, ,9 99,99 Les distances entre 2 intervalles ne sont jamais constantes. En revanche, la valeur 50 % constitue un pivot, en ce sens où les intervalles entre 2 valeurs à droite sont égaux aux valeurs complémentaires à gauche. Ainsi, l écart visuel entre 1 % et 5 % est égal à l écart visuel entre 95 % et 99 %. La gestion des axes non quantitatifs Pour exploiter au mieux les possibilités d analyse face à un jeu de données, il est parfois nécessaire d avoir recours à des échelles non quantitatives. Ce type d échelle n est donc pas basé sur une information numérique de type «date» ou valeur d un item (ex. : le chiffre d affaires). Il existe plusieurs types d échelles non quantitatives, parmi lesquelles : Échelle chronologique Échelle chronologique Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc Distance visuelle égale Durée écoulée égale Distance visuelle égale Durée écoulée égale Sans doute le type d échelle le plus souvent utilisé lors de la création de graphique de séries chronologiques. La maille d analyse sur ce type d axe varie généralement d un cycle temporel à l autre (secondes/minutes/ heures/jours/semaines/mois/années). Échelle nominale Elles sont constituées à l aide d éléments unitaires qui, pris ensemble, forment un «tout» cohérent, chacun des éléments couvrant une réalité distincte. Il n existe pas dans ce type d échelle de hiérarchie entre les éléments ; ils sont tous situés «sur un même plan». Par exemple, la répartition du chiffre d affaires par zone géographique constitue une échelle nominale. 52

14 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Échelle nominale Amérique du Nord Amérique latine Europe Afrique Moyen-Orient Asie Distance égale Distance égale Distance égale Monde Échelle ordinale Proches des échelles nominales, elles ont pour différence d être organisées. C est-à-dire que l ordre dans lequel les éléments sont présentés répond à certaines règles d organisation de l ensemble ainsi constitué. Par exemple, le temps de parcours d un marathon pour chacun des dix premiers arrivés peut être affiché à l aide d une échelle ordinale. PARTIE 3 Échelle ordinale 1 er 2 e 3 e 4 e 5 e 6 e 7 e 8 e 9 e 10 e Distance égale, mais aucune indication sur la différence qui peut exister entre les éléments Ordre d arrivée Échelle séquentielle Chacun des éléments composant cette échelle constitue une «période d activité» donnée. Ces éléments sont organisés par numéro d occurrence. La période 1 précède la période 2, qui précède la période 3, etc. Les itérations de réconciliation de 2 bases de données constituent une échelle séquentielle. Échelle séquentielle Étape 1 Étape 2 Étape 3 Étape 4 Étape 5 Étape 6 Étape 7 Étape 8 Étape 9 Étape 10 Distance égale, mais aucune indication sur le temps nécessaire à la réalisation d une étape Processus de réconciliation des 2 bases de données clients/prospects 53

15 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Échelle de catégorie À la différence des échelles précédentes, ce type d échelle est constitué d éléments unitaires qui recouvrent chacun des dimensions différentes. La juxtaposition de ces catégories doit permettre de couvrir l ensemble de l univers étudié. Les directions d une entreprise constituent des «sous-univers» cohérents sans pour autant qu il y ait de lien hiérarchique entre ces directions. L ensemble de ces directions constitue donc une échelle de catégorie. Échelle de catégorie Stratégie Marketing Commercial Service Client Production RH Informatique Distance égale, mais chacune des catégories constitue un univers distinct Décomposition de la Easy Service Corporation par métier En complément de cette présentation des différents types d échelles et pour approfondir la connaissance des composants élémentaires des graphiques, je recommande fortement la lecture du livre Information Graphics : A Comprehensive Illustrated Reference 1, bible de référence en la matière élaborée par R. L. Harris. Les composants primaires alternatifs Au-delà des composants primaires décrits précédemment, qui constituent les fondamentaux des représentations graphiques de données, un autre jeu de composants primaires alternatifs est utilisé pour concevoir des graphiques de type infographie/visualisation de l information ou information design, au sens décrit par A. Lau et A. Vande Moere dans «Towards a Model of Information Aesthetics in Information Visualization» 2 tel qu évoqué au début de ce chapitre. 1. Idem. 2. Andrea Lau et Andrew Vande Moere, «Towards a Model of Information Aesthetics in Information Visualization», op. cit. 54

16 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? La liste qui suit n a pas la prétention d être exhaustive, cependant nous pouvons organiser ces composants alternatifs selon 5 catégories distinctes. Les cartes géographiques Qu elles soient de type intrapays, par exemple la France découpée en départements, ou au niveau international (Europe, monde entier), les cartes géographiques sont autant de supports visuels sur lesquels nous pouvons ajouter de l information à l aide des variables de Bertin pour constituer une représentation graphique. PARTIE 3 Visualisation cartographique de données par départements français Traitement des déchets en France en 2004 Quantités totales traitées dans des installations autorisées (hors plates-formes de transfert et maturation des mâchefers) Producteur : ADEME. Source : Inventaire ITOMA. en kilotonnes moins de 100 de 100 à 250 de 250 à 500 de 500 à 1000 plus de 1000 Les diagrammes de réseaux Qu ils soient par exemple de nature hiérarchique ou capitalistique, les réseaux peuvent être matérialisés à l aide d un nombre restreint de composants primaires : les formes correspondant chacune à l un des «sujets» étudiés et les liens matérialisant les relations entre ces «sujets». 55

17 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Diagramme de filiales de la Easy Service Corporation (données fictives) La Easy Service Corporation a sécurisé le contrôle capitalistique er de ses filiales de 1 rang % du capital détenu Filiale France % - Easy Service Corporation (Holding) Filiale USA % - Filiale Angleterre - 75 % - Filiale Allemagne - 75 % - Filiale Espagne - 65 % - Filiale Italie - 65 % - Source : Direction financière. Les pictogrammes ou icônes Ils sont parfois utilisés pour représenter une certaine quantité et dans ce cas la légende du graphique précise à quelle quantité correspond l affichage plein et entier d un pictogramme. Comparaison utilisant des pictogrammes pour représenter des quantités En 2006, 15 États représentent 80 % de la plaque européenne Source : OMS. Fédération russe Allemagne Turquie France Royaume-Uni Italie Ukraine Espagne Pologne Ousbékistan Roumanie Pays-Bas Kazakhstan Grèce Portugal Légende : = 1 million de personnes 56

18 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Les images Servant de trame de travail découpée pour être au service de la représentation graphique, l image peut être utilisée pour renforcer le message en le rattachant directement au sujet de l étude. À titre d exemple, la part des différentes catégories de dépenses par rapport au budget total des familles en France peut être illustrée en découpant l image d un billet de 100 en autant d affectations distinctes (alimentation, loyer, transport, communication ). PARTIE 3 Répartition du budget des familles françaises en Répartition du budget des familles françaises en 2006 Source : INSEE Alimentation 15 % Alcool, tabac, stupéfiants 3 % Vêtements, chaussures 8 % Logement et charges, eau, gaz, éléctricité 16 % Ameublement, électroménager, entretien 7 % Services médicaux 4 % Transport 15% Communication Enseignement 4 % Loisirs, culture 11 % 1 % Hôtels, restaurants, cafés 5% Autres biens et services 12 % Les métaphores visuelles Cette catégorie regroupe l ensemble des concepts graphiques qui permettent d illustrer l enjeu porté par la représentation graphique. À titre d exemple, le symbole d une balance permet de comparer le poids entre plusieurs éléments. 1. Source : INSEE. 57

19 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES Comparaison de chiffres d affaires réalisés par pays (données fictives) Le chiffre d affaires des États-Unis et de l Allemagne ne représente que les 2/3 de celui de la France Comparaison du CA par filiales de la Easy Service Corporation USA + Allemagne 102 m France 153 m Source : Direction financière. Gene Zelazny, dans son ouvrage Say it with Charts 1, présente une série de ce type de concepts graphiques. Le principe d assemblage Au-delà de cette première liste de composants primaires alternatifs, il faut à mon sens garder à l esprit que c est de la combinaison de la créativité humaine et des capacités technologiques que naissent les nouveaux concepts graphiques dont l autopsie révèle systématiquement un jeu de composants primaires récurrent. La visualisation de l information s effectue à l aide des différents composants primaires présentés précédemment : variables graphiques de Bertin, composants primaires des graphiques statistiques et graphiques statistiques alternatifs. La puissance d une représentation graphique est obtenue à travers l assemblage de ces différents composants selon une approche tirant le meilleur parti possible des avantages et des limites intrinsèques aux objets manipulés. Les règles qui guideront les choix retenus dans cette phase d assemblage feront l objet du chapitre 4. Ainsi, comme le soulignait J. Mackinlay dans «Automating the Design of Graphical Presentations of Relational Information» 2, nous élaborons 1. Gene Zelazny, Say it with Charts, Fourth Edition, Jock Mackinlay, «Automating the Design of Graphical Presentations of Relational Information», Xerox PARC,

20 AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? un message complexe à l aide de composants primaires comme nous le ferions pour une phrase à l aide des mots et de la grammaire. Le langage graphique du xxi e siècle est un langage très élaboré dont la maîtrise est nécessaire pour arriver à convaincre un auditoire, un lecteur. Dans l exemple suivant, c est en utilisant plusieurs de ces composants primaires que nous obtenons un graphique efficace : le chiffre d affaires est représenté par des barres horizontales (avec une unité en millier d euros) ; le chargé d affaires gérant le compte est indiqué par un code couleur. PARTIE 3 Top 10 des clients de la Easy Service Corporation CA et chargés d affaires Nos clients les plus importants sont pris en charge par 4 collaborateurs clés Les 10 premiers clients de la Easy Service Corporation par montant et chargé d'affaires Chiffre d'affaires en m Apple Sasmira VIP United Airlines BNP Paribas US Navy Lafarge Winch Air La Poste Dharma Init. General Electric J. Locke H. Hurley Source : Direction commerciale. J.F. Sawyer B. Linus Critères d évaluation de la pertinence des représentations graphiques «La simplicité est la sophistication suprême.» Léonard de Vinci L efficacité graphique En complément du panorama présentant les «composants primaires» obtenu par un travail d autopsie des graphiques et du principe d assemblage 59

21 CONVAINCRE AVEC DES GRAPHIQUES EFFICACES décrit ci-avant, il est nécessaire de définir les règles permettant de juger de l efficacité d une représentation graphique avant de se lancer dans l analyse des techniques pour y arriver. Pour Jacques Bertin, l un des pères fondateurs de cette discipline, tout repose sur la capacité de la représentation graphique à répondre à la question pour laquelle le graphique est élaboré. L efficacité graphique : «Si pour obtenir une réponse correcte et complète à une question donnée, et toutes choses égales, une construction (graphique) requiert un temps d observation plus court qu une autre construction, on dira qu elle est plus efficace pour cette question.» 1 Ce premier critère d évaluation s inscrit dans une dynamique de questionnement prédéfini et d utilisation des représentations graphiques comme modalités de restitution. L excellence graphique Au cours du chapitre 2, nous avons pu nous familiariser avec certains précurseurs. Parmi ceux-ci, Edward Tufte a formellement défini ce que l on peut considérer comme le Saint-Graal de cette discipline : l excellence graphique. L excellence graphique : «C est ce qui donne au lecteur le plus grand nombre d informations pour un temps d attention le plus limité tout en ayant recours à la plus faible quantité d encre et au plus petit espace de représentation. L excellence graphique nécessite de restituer fidèlement les données.» 2 L excellence graphique est ici érigée en standard de restitution de l efficacité de transmission d une quantité d information par rapport à la quantité de matière «graphique» utilisée. Dans la vision académique d Edward Tufte, l excellence graphique peut être estimée au travers de 3 critères fondateurs : 1. Jacques Bertin, Sémiologie graphique, op. cit., p Edward R. Tufte, The Visual Display of Quantitative Information, op. cit., p

22 r e c o m m a n d é AUTOPSIE D UN GRAPHIQUE QU EST-CE QU UN GRAPHIQUE? Le ratio entre informations restituées/encre utilisée ( data-ink ratio). Le coefficient de mensonge ( lie-factor : distorsion de la restitution par rapport à la réalité des données sources). L absence de scories graphiques ( chartjunk : élément décoratif n apportant aucune plus-value informative). Data-ink ratio PARTIE 3 Data-ink ratio : «Ratio mettant en perspective la quantité d encre utilisée pour construire une représentation graphique par rapport à la quantité d information véhiculée par cette représentation.» 1 Dans l exemple suivant, la quantité d encre requise pour transmettre ce qui n est finalement qu un jeu de données restreint (4 données) n est pas dans les normes de l excellence graphique en ce qui concerne le data-ink ratio. Répartition par nature de véhicules impliqués (total : véhicules impliqués en 2006) Non Décomposition des accidents corporels de la circulation routière par nature des véhicules impliqués Cycles sans moteur Cycles avec moteur Autres véhicules (2) Voitures particulières (1) Source : INSEE 2006 (1) : y compris taxis, ambulances, caravanes et remorques. (2) : autres véhicules : camionnettes, camions, tracteurs, autobus et véhicules non précisés. L illustration suivante reprend le même jeu de données et présente une forme de restitution alternative plus efficace. 1. Edward R. Tufte, op. cit., p