Quinze ans de valorisation du bois-énergie dans le bocage mayennais

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1 Quinze ans de valorisation du bois-énergie dans le bocage mayennais Jean-Pierre Couvreur LA MAYENNE, PAYS DE BOCAGE La Mayenne est située au nord des Pays de la Loire, entre Normandie, Bretagne, Anjou et Maine dont elle emprunte localement leurs caractéristiques bocagères. Avec moins de 7% de surface boisée, le taux de la Mayenne est relativement faible. Sa principale ressource en bois-énergie provient du bois de haie avec environ 25 à kilomètres et des évaluations de production très contrastées entre le Pays de Pail et le Pays de Craon. Ceci est d autant plus vrai que les remembrements anarchiques du passé ont fait quelques dégâts. Avec le Pays de Château-Gontier, le Pays de Haute Mayenne aété le territoire qui, ces dernières années, s est le plus fortement engagé dans le développement du boisénergie d origine bocagère. Par exemple, une commune du Pays de Haute Mayenne (Saint-Hilairedu-Maine) utilise 100 % de bois bocager pour un réseau collectif de pavillons. La piscine de Château- Gontier utilise près de 15 % de bois d origine bocagère. Chaque secteur a constitué une association de promotion du bois bocager. La Mayenne dispose d un réseau bocager très varié. Un travail réalisé en 1996 amis en évidence cette diversité (cf. figure 1, cicontre). F IGURE 1 LES PAYS DE LA MAYENNE ET LEUR BOCAGE (extrait de Les haies bocagères en Mayenne Conseil général de la Mayenne, 1999) Rev. For. Fr. LXI

2 J EAN-P IERRE C OUVREUR Le travail mené depuis quinze ans sur lavalorisation de lahaie s est inspiré pour beaucoup des efforts menés en matière de meilleure connaissance de l état des haies du département. Les résultats d une étude réalisée en 1996 présentent une première situation, probablement optimiste, qui établit àenviron 80 m/ha de haies la moyenne de lalongueur par hectare de surface agricole utile du département soit une longueur totale d environ km de haie (figure 2). FIGURE 2 ESTIMATION DES LONGUEURS DE HAIE ÀL HECTARE PAR SECTEUR DU DÉPARTEMENT (extrait de Les haies bocagères en Mayenne Conseil général de lamayenne, 1999) Cette figure exprime, pour chaque secteur du département, le nombre de mètres de haie par hectare de surface agricole utile. C est une approximation qui mériterait d être confortée sur une échelle plus locale. UNE LENTE RECONSTRUCTION En fait, la reconstruction de lahaie date des années Tout d abord, les aides àla replantation du Conseil général, les réflexions engagées par certaines communes autour de plans bocagers réalisés par lachambre d agriculture, les contrats territoriaux d exploitation ont initié des démarches de reconstruction. Parallèlement, l engagement des Cuma dans les évolutions de l entretien mécanisé de lahaie et la mise en place des relais bois-énergie (Fdcuma en Mayenne) permet àla haie de reprendre peu àpeu sa place. Depuis ces six dernières années, le Conseil général traite entre 80 et 100 dossiers par an pour une longueur totale de haie à réaliser autour de 47 km par an, ce qui représente une lente progression. Pour autant, il est difficile d évaluer le solde entre les replantations et les arrachages. Il faudrait bien sûr accélérer les processus de décision des agriculteurs en promouvant les outils d aide àla décision (plans bocagers individuels ou collectifs, évaluation de laressource). LE BOIS-ÉNERGIE :UNE IMAGE À MODERNISER Depuis toujours la haie transformée en bois-bûche aété l une des principales ressources d énergie du monde rural. Pour beaucoup, le bois-énergie est resté associé au bois-bûche. Cette image 488 Rev. For. Fr. LXI

3 Les nouveaux usages de l arbre ancestrale a été, il y a quinze ans, une des causes d abandon de projet d implantation de chaudières nouvelle génération et, encore récemment, de quelques projets collectifs Il est vrai que le bois-bûche véhicule l image de pénibilité, de temps passé, de conduits de cheminée à remplacer, de poussières et ceci malgré l évolution des moyens de chauffage. Ces inconvénients ne dissuadent pas encore l emploi du bois-bûche car le prix de l énergie fossile et des chauffages alternatifs incitent encore à cet usage. Malgré cela, l automatisation et les atouts d une combustion moderne permise grâce au bois déchiqueté commencent à transformer l image du bois-bocage-énergie. UN TRAVAIL DE QUINZE ANNÉES Ce renouveau date d une quinzaine d années. Il est le fruit de plusieurs conjonctions. Tout d abord de la persévérance de trois agriculteurs et notamment l un d entre eux, Roland Turpin, administrateur de la Fdcuma, qui a été le pionnier de ce renouveau. Il y a eu ensuite l adhésion à un vrai projet de développement durable alliant l intérêt environnemental, économique et social. Ce projet a permis de fédérer les besoins individuels en un enjeu collectif. C est l objectif que s était donnée la Fdcuma en réunissant une commission composée de la Direction départementale de l agriculture et de la forêt, le Centre régional de la propriété forestière, la Chambre d agriculture, la Chambre des métiers, le Conseil général et l Ademe. Au début, les collectivités et les institutions étaient assez timorées sur le sujet laissant à la Fédération des Cuma le soin de recueillir l information puis de réaliser les études de faisabilité technique et économique. La création de la première Cuma de déchiquetage de l Ouest en 1995 a constitué le point d orgue après trois ans de réflexion. Le nom de cette Cuma CEPVIL (Coopérative d études, de promotion, de valorisation des initiatives locales) est révélateur de la détermination des agriculteurs pour donner une autre image du traditionnel bois-bûche. Les années qui ont suivi jusqu en 2000 ont permis de conforter les techniques de production. UNE ACCÉLÉRATION DU BOIS-ÉNERGIE DEPUIS 2000 À partir de 2000, on observe une augmentation de la production du bois-énergie liée à la prise en compte des problématiques énergétiques par les politiques publiques. Le relais bois-énergie soutenu par l Ademe et le Conseil régional voit le jour en Mayenne ainsi que dans les quatre autres départements des Pays de la Loire. Le crédit d impôt facilite l acquisition de chaudières à bois déchiqueté. Le nombre de chaudières s accroît à partir de 2000 pour atteindre aujourd hui 110 chaudières individuelles et 8 chaudières collectives et un total de bois-bocage d environ tonnes (figure 3, p. 490). Rev. For. Fr. LXI

4 J EAN-PIERRE C OUVREUR FIGURE 3 ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CHAUDIÈRES À BOIS DÉCHIQUETÉ INSTALLÉES EN MAYENNE DE 1995 À 2008 (Source :Relais Bois-énergie 2008 Fdcuma 53) Nombre de chaudières individuelles installées par an Nombre de chaudières collectives installées par an Nombre total cumulé de chaudières installées UNE FILIÈRE EN 3 ÉTAPES La première inscrit la démarche dans un processus de développement durable. Par exemple, la charte de bonnes pratiques de la haie invite les fournisseurs à produire du bois selon des pratiques permettant de pérenniser la ressource tout en préservant l environnement. En contrepartie, cette production doit permettre la rémunération de l abattage au séchage. La deuxième étape implique la recherche de références, la conduite d essais, le partage des expériences. La troisième étape a consisté à organiser la filière et à associer le maximum d acteurs. Elle a abouti à la création de structures comme la Société coopérative d intérêt collectif (SCIC) du Pays de Haute Mayenne avec 32 partenaires. QUEL BILAN DEPUIS QUINZE ANS EN MAYENNE EN QUELQUES CHIFFRES? La CEPVIL s est spécialisée dans le déchiquetage avec aujourd hui une déchiqueteuse à grappin qui abroyé m 3 en Quinze chauffagistes-installateurs ont été formés en lien avec la Chambre des métiers. Le bois de haie alimente 110 chaufferies individuelles et 8 collectivités dont une piscine, un lotissement, deux écoles, deux centres de loisirs, une association, une mairie. Cinq autres projets collectifs ont décidé pour la plupart d utiliser la ressource locale en introduisant le bois-bocage en proportion de 10 à 100 %. L ensemble de ces réalisations assure la valorisation et la pérennité de 800 km de haie. Deux associations locales de développement du bois-bocage en font la promotion. 490 Rev. For. Fr. LXI

5 Les nouveaux usages de l arbre Une coopérative de filière courte, la Société coopérative d intérêt collectif Haute Mayenne boisénergie, aété créée le 27 mai 2008 avec 32 associés. Des acteurs déterminés travaillent ensemble : élus, conseil de développement, citoyens, agriculteurs, Cuma, entreprises du bois, associations, collectivités. Des soutiens techniques et financiers sont partie prenante : Fdcuma, Chambre d agriculture, Conseil général, Ademe, Conseil régional, collectivités locales. QUELLES ORIENTATIONS PRENDRE? Pour autant, il reste un grand chemin àparcourir qui n est pas toujours arboré Il s agit de se donner des orientations afin d accélérer encore le processus de développement du bocage. On pourrait résumer ces orientations en quelques propositions : affiner l état des lieux quantitatifs et qualitatifs des haies ; amplifier les politiques de rénovation et de plantation de haies ; mettre en œuvre une politique volontariste et partenariale d organisation du bocage à l échelle locale ; mieux maîtriser les facteurs économiques de la filière (coûts de production, coûts des investissements ) ; renforcer la recherche et le développement en faveur de la valorisation du bocage (références, suivi, qualité des plaquettes et rôle du relais bois-énergie ). Chaque kilomètre de bocage représente un potentiel de litres équivalent fuel par an. Audelà de l énergie, c est une ressource inépuisable d atouts mais qui implique aussi des contraintes. C est pourquoi la haie mériterait une vraie politique de développement à commencer par une reconquête de son image par les agriculteurs. Jean-Pierre COUVREUR Directeur de FDCUMA DE LA MAYENNE Parc Technopole de Changé Rue Albert Einstein BP F LAVAL CEDEX 9 (couvreur.fdcuma53@wanadoo.fr) Rev. For. Fr. LXI

6 J EAN-PIERRE C OUVREUR QUINZE ANS DE VALORISATION DU BOIS-ÉNERGIE DANS LE BOCAGE MAYENNAIS (Résumé) La Mayenne, département rural par excellence, a engagé depuis plusieurs années une reconquête de son bocage. La valorisation énergétique de la haie pilotée par la Fédération départementale des Cuma est une des phases de reconstruction. Son témoignage met l accent sur la place du bocage et sa lente reconstruction. Elle fait part des difficultés liées à une image du bois à moderniser. Quinze années ont été nécessaires pour voir s accélérer la prise en compte des problématiques énergétiques et la mise en œuvre d une filièrebois. Aujourd hui, le bilan est très positif même s il reste un grand chemin (boisé) à parcourir. FIFTEEN YEARS OF FOREST BIOMASS CONVERSION IN THE MAYENNE BOCAGE (Abstract) The Mayenne, an unmistakably rural département, has in the last few years embarked on the process of recapturing its bocage. Hedge conversion into energy, under the auspices of the Federation of Mayenne Machinery Sharing Syndicates is one of the phases involved. This testimony stresses the role played by bocage environment and its slow process of reinstatement. The difficulties associated with timber s image that needs to be modernised are described. Fifteen years were needed to gain recognition of energy issues and for a wood-conversion scheme to be implemented. Today, the outcome is very positive in spite of there being a long (tree-lined) road ahead. 492 Rev. For. Fr. LXI