La Folie créatrice: art, pathologie, philosophie

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1 Université Lille III Pôle Arts UE 8. Théorie de l art L 2 / semestre 4 La Folie créatrice: art, pathologie, philosophie Florian Gaité / contact@floriangaite.fr

2 Qu est-ce que la névrose? Elle se distingue de la psychose, de l état-limite (borderline) ou de la perversion. A la différence de la psychose, la névrose est un trouble qui n altère pas la personnalité, ni le rapport au réel et qui est vécu en toute conscience. Une expression de l angoisse sous différentes formes. Quelques exemples de névrose : Ø la phobie : Symptôme prévalent des névroses obsessionnelles, caractérisé par une réaction d'angoisse ou une répulsion ressentie devant le même objet, la même personne ou une situation bien déterminée. (Cnrtl) Ø l obsession : Pensée, image, idée, doute, crainte, impulsion à caractère involontaire et angoissant, qui s'impose à tous moments à l'esprit du sujet, malgré son caractère absurde reconnu et qui constitue le symptôme essentiel de la névrose obsessionnelle (Cnrtl) Ø l hystérie : Névrose aux tableaux cliniques variés, où le conflit psychique s'exprime par des manifestations fonctionnelles (anesthésies, paralysies, cécité, contractures...) sans lésion organique, des crises émotionnelles avec théâtralisme, des phobies (Cnrtl) Les causes à chercher vers conflit psychique non résolu, dont les causes peuvent remonter à l enfance («conflits infantiles») ou à une situation présente: entre ça et surmoi, entre ses pulsions et ses idéaux, entre le principe de plaisir et celui de réalité.

3 La névrose comme condition ordinaire de l artiste «l'homme devient névrosé parce qu'il ne peut supporter le degré de renoncement exigé par la société au nom de son idéal culturel, et l'on en conclut qu'abolir ou diminuer notablement ces exigences signifierait un retour à des possibilités de bonheur.» (Freud, Malaise dans la culture) «L artiste serait ainsi, avec d autres, celui qui parvient à sublimer ses conflits, c est-à-dire à les symboliser, tandis que le malade mental en resterait prisonnier» (Jean-Luc Chalumeau, Les Théories de l art, 1994) Sublimation = détournement d une pulsion qu on ne peut assouvir vers une «activité socialement valorisée» (art, science, politique, justice les activités socio-culturelles). L art n est donc pas jaillissement du désir mais stratégie de compensation d un désir refoulé, sous l effet d une impossibilité morale (le poids de la société, des autres, des mœurs, de la morale) ou d une impossibilité physique.

4 Analyse de texte : Freud, Introduction à la psychanalyse, XXIII «Les modes de formation des symptômes», 1916, trad. Jankélévitch 1er mouvement : de «Il existe notamment» (l.1) facilement à la névrose» (l. 8) = qualification de l artiste, portrait de l artiste en (presque) malade - Art défini comme un «chemin de retour» qui sépare la fantaisie du réel - La fantaisie renvoie à la capacité d imagination - L artiste est un introverti, c est-à-dire un solitaire, sauvage, replié sur soi, rêveur - L artiste a des «impulsions» et des «tendances» qui sont premières, sources d action. Il est un être à la libido forte (libido = force vitale, énergie sexuelle, et non vie érotique) - Principe de plaisir et de réalité (selon Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis): «Deux principes régissant, selon Freud, le fonctionnement mental Principe de plaisir : l ensemble de l activité psychique a pour but d éviter le déplaisir et de procurer le plaisir. En tant que le déplaisir est lié à l augmentation des quantités d excitation et le plaisir à leur réduction, le principe de plaisir est un principe économique. Principe de réalité : Il forme couple avec le principe de plaisir qu il modifie : dans la mesure où il réussit à s imposer comme principe régulateur, la recherche de la satisfaction ne s effectue plus par les voies les plus courtes, mais elle emprunte des détours et ajourne son résultat en fonction des conditions imposées par le monde extérieur.»

5 Analyse de texte : Freud, Introduction à la psychanalyse, XXIII «Les modes de formation des symptômes», 1916, trad. Jankélévitch - Son insatisfaction le pousse à se «détourner» de la réalité et à réinvestir sa libido ailleurs. Ce qui «peut le conduire facilement à la névrose» - L art relève d un processus psychique compensatoire, un substitutif, une stratégie de contournement pulsionnelle (la sublimation) 2e mouvement : de «Et voici» (l.8) à «artiste peut davantage» (l.16) = de l usage ordinaire de la fantaisie - La vie imaginative est vécue comme un stade intermédiaire entre le niveau libidinal (celui des désirs, des impulsions, pulsions, tendances) et la réalité. - Pour les gens ordinaires (les «profanes»), le plaisir qu ils en retirent est une faible consolation - La supériorité de l artiste dans la sublimation

6 Analyse de texte : Freud, Introduction à la psychanalyse, XXIII «Les modes de formation des symptômes», 1916, trad. Jankélévitch 3e mouvement : de «Il sait d abord» (l.16) à jusqu à la fin = les pouvoirs de l artiste, sur lui et les autres - L impersonnel de l œuvre d art (cf Deleuze) - La transfiguration esthétique - L art comme révélation de la névrose - Cf. «Le poète, en dévoilant la faute d Œdipe, nous oblige à regarder en nous-mêmes et à y reconnaître ces impulsions (inceste, parricide) qui, bien que réprimées, existent toujours. ( ) Comme Œdipe, nous vivons inconscients des désirs qui blessent la morale et auxquels la nature nous contraint. Quand on nous les révèle, nous aimons mieux détourner les yeux des scènes de notre enfance». L Interprétation des rêves, chap 5, 4 - L artiste est celui qui par la voie fantasmatique et se fraie une voie de retour du fantasme à la réalité qui ne soit pas douloureuse.

7 Analyse de texte : Freud, Introduction à la psychanalyse, XXIII «Les modes de formation des symptômes», 1916, trad. Jankélévitch - Communication universelle, collective : par substitution, accès à l inconscient est source de jouissance pour les autres. Sublimation est un processus qui organise passage de l individuel au collectif. = «les oeuvres d art sont les satisfactions imaginaires de désirs inconscients, tout comme les rêves, avec lesquels elles ont d ailleurs le caractère commun d être un compromis, car elles doivent aussi éviter un conflit ouvert avec les puissances de refoulement. Mais, à l inverse des productions asociales narcissiques du rêve, elles peuvent compter sur la sympathie des autres hommes, étant capables d éveiller et de satisfaire chez eux les mêmes aspirations inconscientes de désir.» [Freud, Ma vie et la Psychanalyse] - Conclusion - l art entretient un rapport originel avec la névrose mais il diffère d elle au cours de la création. Il prend départ en elle avant de s en séparer: = «une hystérie est une œuvre d art déformée, une manie paranoïaque, une névrose obsessionnelle est une religion déformée, une manie paranoïaque un système philosophique déformé». Freud, Totem et tabou, chap II (dernière page du chapitre)