Isabelle Guinamard. Mars 2017 Master MEEF PE. Eléments de corrigé des productions réalisées par Franz et Marina (cycle 3)

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1 Isabelle Guinamard. Mars 2017 Master MEEF PE. Eléments de corrigé des productions réalisées par Franz et Marina (cycle 3) Ces deux textes ont été écrits par des enfants de CM1. Pour chaque texte, seront d abord commentées les erreurs extragraphiques et graphiques, puis je proposerai un bilan général des deux productions. L approche et la terminologie utilisées sont inspirées de la linguiste Nina Catach. Texte de Marina Tout d abord, nous observons une erreur extragraphique, plus précisément un problème de découpage de la chaîne orale : en écrivant «*darbre» au lieu de «d arbres», Marina n a pas séparé l article («de» élidé en «d») du nom commun, pourtant très courant, «arbres». Cela a entraîné une erreur de type idéogrammique, puisque l apostrophe nécessaire en cas d élision du «de» n a pas été notée. Les autres erreurs soulignées dans ce texte sont à dominante phonogrammique, et relèvent donc du domaine des erreurs graphiques. Il s agit d abord des cas où, pour transcrire un phonème, l enfant a choisi un mauvais graphème parmi les graphèmes possibles. Ces erreurs vont être regroupées par archigraphème. - Archigraphème A : Pour le cas du nom commun «château», l élève a préféré utiliser l archigraphème «a», ce qui est logique. Le graphème «â», plus rare, est utilisé ici pour des raisons liées à l origine du mot (en latin «castellum») : dans plusieurs mots, la suite de graphèmes «as» a évolué en «â» ; on retrouve dans d autres mots de la même famille ces graphèmes d origine (par exemple «castel» au sens de «petit château»). Cette erreur pourrait aussi être classée dans les erreurs de type non fonctionnel.

2 - Archigraphème E : Le mot «très» est noté «tres». Il est ici nécessaire de noter l accent des mots se terminant en «ès» afin de préciser le timbre de la voyelle ([ε] et non [e], comme dans «les»). Cette règle d accentuation n est pas respectée, ce qui peut conduire à une modification de la prononciation ; il s agit pourtant d un mot très courant. De même, le cas de «côtes» pose problème : dans ce contexte, le choix du graphème «é» est nécessaire pour produire le son attendu : en effet, le mot «côté» se termine au singulier par une syllabe graphique ouverte. Dans ce cas, le graphème accentué est attendu (loi de position). - Archigraphème IN : L enfant a utilisé le graphème «in» à la place de «ein» pour la locution «plein», noté «*plin», ce qui n entraîne pas de modification de la prononciation. De nombreux graphèmes peuvent être utilisés pour noter le phonème en question («ein», «in», «ain»), ce qui peut rendre le choix difficile, le graphème «in» semblant être le plus simple. Cependant, il faudrait faire remarquer le lien avec le féminin «pleine», justifiant l utilisation du graphème «ein». - Archigraphème AN : Le mot «gens» est noté «*jean». Marina a utilisé ici un graphème très complexe, «ean», à la place de «en», sans que cela ne modifie la prononciation. (On pourrait éventuellement analyser cette erreur comme étant à dominante logogrammique, avec une confusion entre le nom comment et le nom propre «Jean» (avec un oubli de la majuscule).) Le mot «gens» provient du latin «gens- gentis» : il est toujours sous cette forme plurielle. - Archigraphème J : Le graphème «*j» est utilisé à la place du «g» pour transcrire le mot «gens» (noté «*jean»), sans que cela entraîne une modification de la prononciation. Ce graphème est plus simple car il n est pas soumis à des lois de position, comme «g». - Archigraphème S : Le mot «bassin» a été noté «*basin» : cette erreur entraînant une modification de la prononciation. L enfant ne respecte pas ici la loi de position du «s», puisque à l intervocalique «s» se prononce [z] et non [s] : le doublement de la consonne est alors nécessaire. Le mot est pourtant connu de l enfant, qui l orthographie correctement à la ligne 3 : il peut s agir ici d une erreur d inattention, même si en relisant son texte l enfant aurait dû s apercevoir de cette erreur entraînant une modification de la prononciation. - Archigraphème N : Le mot «prennent» a été noté *prene» : le graphème «n» doit être remplacé par la double consonne «nn» pour permettre la prononciation [ε], en raison de la loi de position déjà mentionnée plus haut. Le texte comprend également des erreurs de type morphogrammique : ce sont avant tout, dans ce texte, des erreurs de type grammatical (morphogrammes grammaticaux). Morphogrammes grammaticaux concernant les marques verbales :

3 Dans le cas de «*prene», la marque de personne n est pas respectée. Il faut en effet dans ce cas «ent» en raison de l accord avec le sujet au pluriel (remarquons toutefois que l orthographe du groupe sujet pose manifestement problème à l enfant). Marques nominales : Pour les noms communs suivants («*photo» (photos), «*sculpture» (sculptures), «*jardin» (jardins), «*arbre» (plein d arbres) et «*buisson» (plein de buissons)), on remarque l absence de marque du pluriel: à ce niveau, l erreur devrait être corrigée en priorité, notamment dans le cas des accords étroits avec déterminants. Le cas de l accord avec la locution «plein de» est manifestement à travailler avec l élève qui n a peut- être pas compris que le pluriel était alors nécessaire. Par ailleurs, on note l ajout inutile de la marque de nombre dans le cas de «*chateaux» (sur le château) et de l expression «*A côtés», erreur compréhensible dans le cas d une locution figée, qu il faut apprendre globalement. Marques adjectivales : Le texte comprend une erreur pour l adjectif «*normal» (normaux) : le cas de cet adjectif est plus complexe puisque le pluriel obéit à l alternance «al- aux». L élève n a manifestement pas perçu que la forme en question était au pluriel. En ce qui concerne les majuscules et la ponctuation (erreurs à dominante idéogrammique), on remarque la présence de majuscules au début de plusieurs phrases mais un oubli pour les phrases de fin de texte. Il manque également, comme mentionné au début, l apostrophe dans le cas de la suite «*darbre». Texte de Franz De nombreuses erreurs extragraphiques peuvent être relevées dans ce texte. Toutes ces erreurs relèvent d un problème lié au découpage de la chaîne sonore. Tout d abord, l enfant ne sépare pas des mots qui devraient être distincts. C est le cas de «*ya» dans l expression «il y a», ainsi que de «*quil», lorsque cette même expression est précédée d une conjonction : «qu il y a». Cette expression est très complexe, car elle est utilisée comme un tout, et l enfant peut avoir du mal

4 à distinguer les trois parties (pronom «il», pronom «y» et verbe «a»). L utilisation de cette expression au passé («il y avait») pourrait aider l enfant à identifier «a» comme un verbe, l isolant ainsi de «y». Il s agit d une expression très courante, que l enfant devrait pouvoir écrire sans erreur. Par ailleurs, l enfant a, à l inverse, effectué une séparation erronée à l intérieur du mot «dessus», noté «*de sus». Là encore, dans l expression adverbiale «au- dessus», l enfant a eu du mal à découper correctement les entités, et a omis le trait d union (erreur de type idéogrammique). Ce texte comporte également quelques erreurs à dominante phonogrammique. - Archigraphème A : Pour le cas du nom commun «château», l élève a, comme Marina, préféré utiliser l archigraphème «a», ce qui est logique (voir ci- dessus). Précisons que ce mot n est pas touché par la nouvelle orthographe. - Archigraphème E : L enfant a utilisé le graphème «ai» à la place de «è» dans le mot «près», noté «*prais». Cette erreur n entraîne pas de modification de la prononciation. - Archigraphème Y (ou ILL) : Le mot «gargouille» est noté «*gargoulle». L omission du «i» entraîne ici une modification de la prononciation, puisque «ll» sert à transcrire [l], et non [j] : il ne peut transcrire le son [j] que s il est précédé d un «i» comme dans «famille». Cette erreur peut être due à la complexité du graphème «ill» utilisé pour transcrire le phonème «[j]». - Archigraphème S : Deux erreurs sont à relever : le choix du graphème «s» au lieu de «c» lorsque l enfant a écrit «*siment» à la place de «ciment», ainsi que l utilisation de deux «s» dans le mot «personne», noté «persson». Aucune de ces erreurs n entraîne une modification de la prononciation. La première erreur porte sur un mot assez rare, qui aurait effectivement pu commencer par un «s». En revanche, la deuxième erreur aurait pu être évitée si l enfant maîtrisait la loi de position du «s». En effet, «ss» est utilisé pour transcrire le son [s] à l intervocalique ; cependant, après une consonne (ici le «r»), seule la graphie avec un seul «s» est possible. Nous remarquons également que, «*de sus» étant écrit en deux mots, un seul «s» est utilisé pour noter le son [s]. Cela correspond bien à la loi de position stipulant qu un seul «s» est requis pour noter [s] en initiale de mot ; dans le cas où il n y aurait pas eu la séparation entre les deux parties du mot, il aurait fallu utiliser le graphème «ss» pour transcrire le son [s] à l intervocalique. - Archigraphème N : Le fait d écrire «*persson» et non «personne» entraîne une modification de la prononciation : la dernière syllabe ne peut être prononcée [sɔn]. Pour que le son [ɔn] soit prononcé, il était nécessaire de choisir le graphème «nn» et surtout, de rajouter un «e» en fin de mot. (Le second «n», omis, était une lettre non fonctionnelle, même si la graphie «- onne» est très fréquente en finale.) Les autres erreurs de ce texte concernent les erreurs morphogrammiques grammaticales. Erreurs de marques nominales :

5 Dans le cas de «*statu», «*touriste», «*arbre», «*gargoulle» et «*escalier», on relève l omission de la marque du pluriel, le morphogramme «s». Il s agit pourtant d accords étroits que l élève devrait savoir repérer à ce niveau. On relève également une marque de pluriel inadéquate : «eaux» pour «*cheveaux» ; cette marque n est pas possible pour des noms terminés par le suffixe «al». Divers : le cas du nom commun «statue». Ce mot est orthographié «*statu» : dans ce cas, on peut s interroger sur la valeur fonctionnelle du «e» final, qui s explique par l origine latine du mot «statua». Enfin, ce petit texte présente des lacunes quant aux marques de majuscules et de ponctuation : aucune majuscule ne délimite le début des phrases et la ponctuation est absente. A ce niveau d acquisition, ces erreurs posent question. Par ailleurs, le trait d union devra être ajouté pour la locution prépositionnelle «au- dessus». Bilan général : Nous pouvons remarquer que ces deux enfants font des erreurs de plusieurs types. Toutes les erreurs extragraphiques relèvent du mauvais découpage de la chaîne orale. Ces erreurs sont davantage présentes dans le texte de Franz : ce dernier a notamment beaucoup de mal à écrire correctement l expression «il y a», qu il faudrait analyser avec lui. Concernant les erreurs phonogrammiques, nous constatons dans les deux textes que certains groupes de graphèmes posent problème en raison de leur complexité dans la langue française : archigraphème E, archigraphème S. Nous remarquons que certaines règles d accentuation et de position ne sont pas totalement maîtrisées : c est le cas de la règle d accentuation concernant le mot «très» dans le texte de Marina, ainsi que celle servant à transcrire le phonème [s] dans les deux textes. Ces règles seraient à reprendre avec les enfants, en examinant les graphèmes pouvant être utilisés dans chaque position. Enfin, le deuxième texte contient des erreurs entraînant des modifications importantes de la prononciation, dans le mot «gargouille» et «personne». Franz doit donc arriver à voir la nécessité de certaines lettres («i + ll» pour obtenir le son [j], ajout du «e» pour prononcer la consonne finale). Pour finir, parmi les erreurs de morphogrammes grammaticaux, les erreurs concernant les marques de nombre pour les noms seront à corriger en priorité : à ce niveau d acquisition, elles devraient pouvoir être évitées.