Déclinaisons du désir d enfant dans les coparentalités homosexuelles



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Transcription:

Cathy Herbrad Uiversité Libre de Bruxelles Fods de la Recherche Scietifique <Cathy.Herbrad@ulb.ac.be> Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles Cofrotée aux complexités du désir d efat mais aussi aux divergeces d attitudes à so égard, je me suis iterrogée, lors de ma recherche doctorale portat sur les coparetalités gayes et lesbiees, quat à la maière d aalyser et de compredre ce désir das ses origies et ses sigificatios diverses. La sociologie semble e effet avoir des difficultés à poser la questio du désir d efat, tat celle-ci est gééralemet l apaage des psychologues. Si le désir d efat y est souvet abordé das so ses commu pour revoyer à «l efat voulu et désiré» et parler plus largemet de l avèemet d ue «pareté élective», il fait raremet l objet d ue théorisatio et d ue descriptio1 sociologiques plus fies. Au-delà des différets poits de vue recueillis, l itérêt pricipal cosistait doc, selo moi, à examier l évolutio et les processus sociaux du désir d efat, à partir de ses différetes expressios et modalités, tat pour ceux chez qui il s est développé et qui tetet de le cocrétiser, que pour ceux qui s opposaiet au départ au projet d efat, mais qui ot dû revoir leur positio face au désir ardet de leur parteaire. La coparetalité a e effet pour spécificité d ameer plusieurs persoes, de sexe et d orietatio sexuelle différets, à collaborer autour d u projet paretal qui e fait pas forcémet l uaimité. Il est écessaire, à cet égard, de cosidérer le rôle potetiellemet joué par l homosexualité. E remettat e questio les ormes et les pratiques domiates e matière de pareté, celle-ci permet d éclairer sous u autre agle la cocrétisatio d u désir d efat qui e peut se réaliser directemet. Rappelos que l homoparetalité recouvre différets modes de pareté (recompositio familiale, adoptio, isémiatio artificielle avec doeur icou, etc.) et a pu se développer qu e raiso de la diversificatio géérale des formes familiales et de leur acceptatio progressive au sei de la société (Taho 2004, pp. 15-36). Cepedat, elle a elle-même coduit à trasformer profodémet la famille cotemporaie e ébralat ue «présomptio d hétérosexualité» (Le Gall 2001, p. 204) qui semblait jusquelà ihérete à celle-ci, tout e mettat «e lumière des questios qui restet das l ombre ailleurs» (Delaisi de Parseval 2008, p. 281). L expériece des parets homosexuels doe aisi à voir ue pareté qui peut être dissociée de la sexualité, de la cojugalité et de la procréatio (Cadoret 2005). Si le pricipe de différece des sexes est désormais plus écessaire pour «faire famille», les obstacles biologiques mais aussi sociaux restet toutefois ecore bie présets lorsqu il s agit, pour des homosexuel(le)s, d evisager cocrètemet la questio des efats. Das cet article, je me cetrerai uiquemet sur l émergece et les modalités de réalisatio du désir 42

Cathy Herbrad Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles d efat das le cadre de projets de coparetalité. Je motrerai que si ce désir peut être tout aussi préset et itese chez des hommes que chez des femmes, so évolutio et sa cocrétisatio variet etre ces deriers, e particulier face à leur homosexualité. À l iverse des lesbiees qui préfèret gééralemet cocrétiser leur désir d efat das u projet commu de couple, certais gays le vivet de maière plus idividuelle, idépedammet du fait d avoir u cojoit qui partage ou o ce désir d efat. Das ces projets de coparetalité qui réuisset gays et lesbiees autour d u objectif commu, les désirs d efat et de famille se distiguet doc, sas forcémet se recouper. Bie que cette distictio maque de coceptualisatio, elle mérite toutefois d être posée et cofrotée à la parole des persoes recotrées. Les coparetalités e quelques mots Les «coparetalités» (Gross 2000, p. 280), de par leurs caractéristiques iédites, costituet des modes d accès à la pareté particulièremet itéressats à étudier. Il s agit de projets das lesquels s associet u homme et ue femme, qui ot pas de lie cojugal etre eux, pour avoir u efat et l élever séparémet, avec évetuellemet la participatio de leurs parteaires respectifs. Ces cofiguratios familiales réuisset doc parfois plusieurs persoes, qui collaboret et itervieet à différets degrés auprès de l efat. Ces «coparets» sot gééralemet des persoes homosexuelles, même si certaies femmes célibataires recouret égalemet à cette formule paretale, souvet parce qu elle présete l avatage que les deux parets biologiques sot présets pour l efat2. La voloté d opter pour ce type de pareté résulte e effet du choix souvet délibéré de privilégier à la fois l existece d u lie géétique et physique à l efat, aisi que la présece des figures materelle et paterelle autour de celui-ci. Toutefois, le père et la mère de l efat e vivet gééralemet pas esemble et doivet doc, avec leurs cojoits, égocier et orgaiser la place et le rôle de chacu, les modalités de garde de l efat, aisi que les diverses questios liées à so éducatio. Ce type de projet requiert doc, souvet avat même la aissace de l efat, la cocertatio et l accord des différets parteaires qui veulet ou o s egager das le projet. Afi de compredre les motivatios et le parcours de ces coparets, aisi que les maières dot ils vivet et défiisset leur situatio de pluriparetalité3, j ai recueilli des récits de vie avec les différets «parteaires» de ces coparetalités. L itérêt était d étudier des «cojoctures» d idividus, rassemblat hommes et femmes, gays et lesbiees, hétérosexuelles, autour d u même projet à élaborer esemble, et de cofroter leurs poits de vue. J ai aisi aalysé de maière approfodie huit projets disticts, qui compreaiet chacu de deux à six coparets autour de u ou deux efats. Au total, vigt-deux coparets ot aisi été iterrogés, dot euf femmes et treize hommes, qui vivaiet tous e Belgique. Das cette étude de cas, choisis par rapport aux situatios iédites qu ils mettet e jeu, il s agissait doc d examier avec miutie des phéomèes familiaux das leur complexité et leur diversité, tout e accordat ue attetio spécifique aux stratégies de justificatio. Le thème du désir d efat a été abordé e tetat de compredre commet et pourquoi certaies persoes choisisset la coparetalité comme mode d accès à la pareté. Il fallait doc se pecher sur l origie du projet paretal, à savoir la maière dot le désir d efat est apparu ou pas chez les coparets iterrogés, et s est parfois développé et cocrétisé. J ai aisi costaté qu au sei des coparetalités, costruites et défiies souvet à plusieurs, l implicatio des différets parteaires dépedait des evies et des possibilités respectives, mais aussi et surtout du désir de chacu. La questio y est doc posée d emblée et coduit à la égociatio et l élaboratio de solutios qui dévoilet et iterroget le réagecemet des dimesios cojugale, paretale, procréative et sexuelle. J examierai tout d abord commet et sous quelles formes le désir d efat est apparu chez la majorité des coparets recotrés pour qui ce désir était préset, voire omipréset, avat de me pecher sur la maière dot l homosexualité a ifluecé ou o leur evie d être paret. J aborderai esuite les réactios de certais de leurs cojoits qui ot dû se cofroter à ce désir qu ils e partageaiet pas. Efi, je décrirai commet s opère le passage du désir d efat, ue fois accepté et exprimé, à sa cocrétisatio. Lorsque le désir d efat est préset Iterrogés par rapport à leur désir d efat, o costate sas grad étoemet que presque tous les «coparets biologiques» diset vouloir des efats depuis logtemps. Ce sot eux, e effet, qui portaiet gééralemet le projet au départ et qui, de surcroît, souhaitaiet être les géiteurs de l efat. Toutefois, ue partie des cojoits, que j ai ommé les «coparets sociaux», exprimet égalemet u désir d efat importat, e particulier les femmes. Souvet, ces coparets sociaux avaiet eux-mêmes le projet d être paret biologique mais l ot abadoé ou ot doé la priorité à leur cojoit, soit parce que ce derier y teait absolumet, soit pour des raisos d âge ou d ifertilité, soit parce qu ils accordaiet mois d importace au lie biologique. Pour ces persoes désirat avoir u efat, il s agit souvet u setimet itese, qui les a suivis pedat des aées et les a poussés à cosidérer la mise e place d u projet de pareté, malgré les difficultés e la matière liées au fait d être homosexuel. Ce désir d efat apparaît toutefois das des coditios relativemet différetes et revêt des formes variées selo les coparets recotrés, mais qui variet fialemet très peu etre hommes et femmes. Pour beaucoup, il s agit d u désir irrépressible qui a toujours été préset de maière latete. Selo Daiel4, c était «istictif» et pour Juliette, «évidet». Didier dit égalemet avoir 43

«toujours eu ça e lui». Gééralemet, cette evie est ée durat l eface ou l adolescece à certaies occasios, par exemple e s occupat d efats plus jeues ou e se réjouissat de l arrivée de ouveau-és das la famille. Plutôt qu ue idée précise et réfléchie à réaliser, ces coparets décrivet davatage l émergece d u désir d efat abstrait et diffus qui correspodait davatage à u besoi profod, à ue projectio sur l aveir ou à ue expériece de vie souhaitée, sas réelle cosidératio pratique ou cotextuelle. Ce setimet subjectif est d ailleurs pas écessairemet exprimé à l extérieur. Aie, par exemple, «[s]e voyai[t] mal vieillir sas efat». Bie qu elle e ait toujours voulu, elle racote l étoemet de so etourage e appreat qu elle est eceite car elle e avait jamais parlé auparavat. Toutefois, elle pese aussi que «ça, c est l éducatio qu o reçoit quad o est ue petite fille, o veut des efats». La socialisatio primaire des filles joue e effet certaiemet u rôle importat das la costructio des ormes et représetatios paretales, e particulier cocerat la materité. Le désir d efat est d autat plus difficile à compredre et décrire, qu il peut predre des itesités variables d u besoi existetiel itese cotiuellemet préset à ue vague projectio sur l aveir mais aussi des coteus différets selo les idividus. Preos l exemple de Gauthier, issu d ue famille ombreuse et aisée de forte traditio chrétiee. Celuici évoque de ombreux élémets lorsqu il explique pourquoi il a voulu deveir paret : Moi, je me voyais m occuper de mes efats. [ ] Lorsque ma sœur et ma bellesœur ot eu leurs efats, j étais le premier à les lager, à leur doer le bibero J adorais faire ça, doc c était quelque chose qui était au fod de moi-même et qui était importat pour moi de pouvoir m occuper d u efat. [ ] Tous mes ocles et tates ot quatreciq efats au miimum, ma mère e voulait six. Moi, je trouvais ça géial. Je vivais dedas. J étais das la marmite. [ ] J avais le setimet que das ma famille, c était comme ça. Je trouvais ça chouette d avoir quatre efats, toute ue ribambelle. Maiteat, avec le recul, heureusemet que j e ai qu u! Je e voudrais pas plus (rire) Pour ce coparet, il y a doc ue evie profodémet acrée de «poupoer» et de pouvoir élever des efats au quotidie, qui se mêle à la voloté de reproduire le schéma familial traditioel valorisé par ses proches et qu il a lui-même itégré. Vouloir et avoir de ombreux efats lui semblait e effet aller de soi. Aisi, au-delà des activités paretales quotidiees qui attiret Gauthier, il s agit aussi de répodre aux attetes de sa famille dot le statut, le prestige et la coformité sociale se marquet à travers ue descedace ombreuse. Pour mes parets, c était la cotiuité d avoir des efats et puis des petitsefats après. Pour l image que ça doe. Maiteat, mo père est très fier de préseter ses petits-efats au village. Il trouve ça extraordiaire. C est ue belle image chrétiee qu o peut doer. Ce désir d efat traduit la socialisatio qu il a coue et so habitus familial où la ligée, sa cotiuité et so image, sot primordiales. Tous e recherchet par cotre pas cette cotiuité familiale i ce souci de coformité sociale à travers les efats. Pour Célie, c est «le boheur que ça apporte» et la relatio particulière qu elle a toujours eue avec les efats qui lui a doé evie d e avoir : Moi, j ai u très bo cotact avec les efats, doc e gééral quad il y a des efats, ils vieet vers moi d office et j adore ça. O se racote des histoires ou o joue esemble. Je pese que c est u défi de séduire des efats, c est u truc que j aime bie et puis ça apporte tellemet Célie explique d ailleurs que l importat, pour elle, était pas la géétique puisqu au départ elle avait même pesé adopter, mais bie «le cotact jouralier, le fait de leur appredre des choses, de les voir gradir, de voir ce qu o peut leur apporter et puis de rigoler avec eux» So désir d efat revoie doc avat tout à u quotidie partagé et à ue relatio das laquelle elle peut iteragir et s ivestir. Pour d autres, avoir u efat est fodametal car celui-ci est vecteur de trasmissio de vie et représete la cotiuité e tat qu idividu mais aussi e tat que ligée. Alex avait aisi «l evie de trasmettre quelque chose. [ ] C était l evie de cotiuer l histoire de ma famille. E fait, j avais l impressio d être u chapitre et je voulais être plus qu u chapitre. Je voulais que ça cotiue». Quat à Aie, elle explique : Je e voulais pas vieillir seule das le ses où tu e fais pas u efat pour toi, tu fais u efat pour qu il parte mais c est quad même ue partie de toi. Doc cet efat, tu lui trasmets u patrimoie géétique et u patrimoie acquis de ta vie Ḋas ces cas-ci, o retrouve doc bie l expressio de désirs d efat qui relève de ce qu E. Gratto (2008, 18), das so étude de la paterité gaye, a déommé «l axe de la trasmissio». Sas être spécifique aux homosexuels, ce désir de trasmissio «revoie à la fois au prologemet de soi, à l iscriptio das ue gééalogie et à ue participatio à la commuauté des hommes. Il se maifeste otammet à travers le reouvellemet des géératios, à la fois comme la recoaissace et comme la lutte cotre sa propre mort». Ce type de désir «gééalogique» (Gratto 2008, p. 20), plus souvet préset chez les hommes semble-t-il, apparaît égalemet das les propos de Sébastie qui dit vouloir «u efat qui viet de [lui], qui soit réellemet de [sa] chair, de la cotiuatio de la vie [qu il a] reçue, de cette ligée familiale». C est d ailleurs la raiso pour laquelle celui-ci evisagerait pas d adopter avat d avoir eu so «propre efat». Pour Sébastie, il s agit e outre d u passage essetiel de l existece qui doe ses à celleci : J ai l impressio que c est u igrédiet fodametal de la vie, comme aître, comme mourir, comme aimer Créer la vie comme ça et puis s e occuper. C est ue relatio: être d abord soi-même efat d u paret et puis, das ue deuxième partie de la vie, être paret d u efat, je trouve que ça fait partie de la vie. [ ] À la limite, je vois déjà e eux l adulte de demai avec qui je serai e relatio. J aurai créé leur vie, rie que par ma voloté et par mo ivestissemet, [ ] j aurai fait mo devoir 44 Revue des Scieces Sociales, 2009, 41, «Désirs de famille, désirs d efat»

Cathy Herbrad Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles Le raisoemet de Stéphaie, coparet social, est différet. Bie que ce soit elle qui ait porté le projet de coparetalité au départ, sa compage fut la première à avoir u efat car celle-ci était plus âgée. À so tour, Stéphaie tete doc à préset d être mère, elle qui s est toujours vue, ditelle, «itellectuellemet» avec des efats : Je e suis pas quelqu u de très «aimal», je suis quelqu u de très cérébral, et doc je e peux pas dire, et toujours pas maiteat, que j ai evie physiquemet d avoir u efat. Ce est pas le cas, ce est toujours pas le cas. Mais par cotre, itellectuellemet, je trouve que quad o a cette chace das la vie, il e faut pas la laisser passer, et jusque-là, o e l a pas fait. Je suis très cotete qu il y ait Queti (l efat de sa compage) et que ça se passe bie parce que je trouve que ça apporte quad même ue dimesio das la vie qui est exceptioelle, qu o e va pas retrouver, efi qui est uique et pas vraimet descriptible. [S occuper d u efat] ce est pas vraimet ça qui me brache. Moi, e fait, c est plus le rapport à l efat et l efat gradissat, ça, ça m itéresse et je crois qu il y a aussi u peu le côté cérébral de se dire ce qui est super, c est que là maiteat, il est e iteractio et, de plus e plus, ça deviet ue persoe avec qui il y a moye d établir u dialogue, de voir évoluer, de faire évoluer et ça je trouve quad même que c est ue expériece uique au mode parce que ça dure jusqu à l âge adulte et même ecore après évidemmet e foctio des relatios que tu etreties à ce momet-là. Stéphaie perçoit doc le fait d être paret comme u igrédiet essetiel de l existece à travers l expériece de voir gradir u efat et de participer à so évolutio. À la différece de Sébastie, ce sot surtout les aées de l eface et de l adolescece, plutôt que l âge adulte, qu elle trouve les plus itéressates lorsque l efat se développe et qu il est possible de lui appredre éormémet. Bref, o observe des cotrastes importats e ce qui cocere l origie et la sigificatio du désir d efat chez certais des coparets iterrogés. À cet égard, il serait utile et itéressat de disposer de cocepts supplémetaires pour idetifier et aalyser les uaces qui existet etre les divers coteus évoqués. Les recherches réalisées sur l homoparetalité apportet quelques réposes certes partielles du fait, peut-être, que le désir d être paret se cocrétise plus difficilemet das ces situatios et écessite davatage d être explicité et argumeté. Aisi, e étudiat les «processus de décisio d avoir u efat das u couple homosexuel», C. Desjeux (2006, 86-90) différecie par exemple le «désir d efat», e tat que «faire u efat», du «désir d être paret», qu il défiit comme le fait d «avoir u efat das l absolu». Cette distictio me semble toutefois réductrice car elle e permet pas d épuiser la diversité et la complexité des cas recotrés. Comme ous avos pu le voir au fil des exemples cités, il paraît e effet difficile, d u poit de vue sociologique e tout cas, de détermier, parmi la diversité de coteus que peut predre le désir d efat, si celui-ci peut être dissocié ou o du désir de pareté. Le cocept de «désir d être paret», défii e ces termes, me semble par ailleurs vague et trop large. Il gagerait peut-être à être associé plutôt à ue certaie «resposabilité paretale du fait de la coceptio», que D. Youf défiit, e se référat à E. Kat, comme le «pricipe qui affirme que le couple qui a coçu l efat est obligé à so égard» (Youf 2002, p. 62). E. Gratto, quat à lui, propose d idetifier l expressio du désir d efat selo trois axes pricipaux : l axe de la trasmissio que j ai déjà évoqué («désir de trasmettre ou au cotraire de e pas trasmettre»), l axe de l alliace («désir partagé, de «couple» ou désir persoel») et l axe existetiel («désir de coaître et d éprouver cette expériece») (2008, 13-62). Si ces cocepts fourisset ue grille d aalyse itéressate pour catégoriser les expressios du désir d efat, ils e permettet toutefois pas de cosidérer les séqueces ou étapes selo lesquelles le désir se développe. Il importe pourtat de bie distiguer l émergece et l existece d u désir d efat diffus et abstrait de sa maifestatio e tat que souhait réfléchi et potetiellemet evisageable à court terme. Si le désir d efat est préset, ce est e effet que das certaies circostaces qu il se révèle ou se reforce. De ombreux coparets qui désiraiet depuis toujours avoir des efats diset aisi avoir sérieusemet evisagé et progressivemet exprimé cette evie que das le cadre du couple, e partageat leur vie et leurs evies avec leur cojoit. Souvet, ce désir s est d ailleurs maifesté au sei d ue relatio hétérosexuelle préalable, lorsque leur homosexualité était pas ecore vécue pleiemet. Daiel, par exemple, a cru très jeue deveir papa lorsque sa compage de l époque pesait être eceite. Ce était fialemet pas le cas mais cette idée l avait comblé de joie. Aie rêvait aussi d avoir u efat de l homme avec qui elle s était mariée mais sas y parveir. De même, Sébastie et Gauthier ot été fiacés par le passé et avaiet prévu d avoir de ombreux efats. L u et l autre ot pourtat quitté leur future épouse pour assumer leur homosexualité, e pesat, avec douleur, devoir reocer dès lors à leur paterité. U des coparets iterrogés a eu, quat à lui, l efat qu il attedait avec so ex-femme, peu après leur uio. Pour lui, c est le décès de so père qui a véritablemet décleché le besoi de cocrétiser so désir d efat. De so côté, Alex, lui-même adopté, voit so désir d efat se reforcer après avoir retrouvé ses parets d origie vers ses trete as. L acceptatio et l expressio du désir d efat se réaliset doc das des circostaces particulières, qui revoiet souvet à des étapes précises du parcours de vie. Aisi, la stabilité du couple, le décès d u proche ou le reouemet familial, sot des élémets qui peuvet déclecher ou accélérer le souhait d avoir des efats. Toutefois, l homosexualité des coparets iterrogés, ue fois découverte et assumée, viet complexifier l évolutio de ce désir d efat. Désir d efat et homosexualité Quelles que soiet l itesité et la sigificatio de leur désir d efat, les 45

persoes iterrogées ot dû, à u momet doé, le cofroter à leur orietatio sexuelle. Homosexualité et pareté peuvet e effet paraître icompatibles, pour des raisos biologiques évidetes la reproductio état pas possible au sei d u couple de même sexe mais aussi, et peutêtre surtout, pour des raisos sociales et juridiques l homoparetalité, pedat logtemps, état i acceptée i recoue au sei de la société. Si certais parvieet à dépasser ces difficultés, d autres mettet leur désir d efat e suspes, le repousset ou tetet de l efouir au plus profod d eux-mêmes. Parmi les coparets iterrogés qui avaiet ce désir d efat, beaucoup ot aisi pas pu le cocrétiser avec leurs parteaires précédets, même lorsqu il s agissait de relatios de logues dates. Leur compago de l époque e partageait parfois pas du tout cette perspective ou bie, comme Laure l explique, le climat social e s y prêtait pas. Il y a ue dizaie d aées, elle a aisi voulu u efat avec so ex-compage mais, à l époque, cette idée paraissait quelque peu saugreue et elles e l ot fialemet pas réalisée : Elle aussi (sa compage), elle e avait evie, mais je crois que le fait le fait de faire le pas, de dire : «Est-ce qu o peut e tat que est-ce que deux femmes peuvet avoir des efats? Qu est-ce que va dire la famille?» Tout ce côté, cet aspect social et tout [ ] Je trouve qu o parlait beaucoup mois de ça avat, doc o e s y itéressait peut-être pas assez. C était L evie était là, mais euh faire le pas, je veux dire, predre des reseigemets, euh, était pas là. Efi, l evie était Ce était pas aussi fort qu aujourd hui. Aisi, cotrairemet aux persoes hétérosexuelles qui coaisset e gééral ue forte pressio sociale à partir d u certai âge, e particulier les femmes, pour avoir des efats (Charto 2006, p. 164-183), le phéomèe iverse a tedace à se produire lorsqu il s agit d homosexuels. Le fait d avoir des efats apparaît alors parfois aberrat et peut être désapprouvé socialemet. La famille, e outre, e s atted gééralemet plus à voir aître u efat et, parfois, rejette carrémet cette idée. L homosexualité peut doc freier, voire cotrecarrer la pareté même si celle-ci est fortemet désirée. O costate toutefois que ce désir évolue souvet de maière différete pour les gays et les lesbiees. Si la grade majorité des femmes iterrogées souhaitaiet avoir u efat, la plupart d etre elles diset, e outre, e jamais y avoir reocé e raiso de leur homosexualité. Elles réaliset que «cela va redre les choses plus compliquées» mais sas que cela e leur semble pourtat costituer u obstacle majeur, e tout cas d u poit de vue biologique. Comme l explique Stéphaie : O se fait isémier très facilemet das importe quel hôpital. E tout cas, je e me suis jamais dit que j allais passer par u homme5, ça je e me suis jamais dit, o. [ ] À partir du momet où je me suis dit plutôt homo, je me suis dit qu au cas où je e trouvais pas u père, l isémiatio ça existe. De même, pour la mama suivate, il était icocevable de e pas deveir paret : Je imagiais pas ue vie sas efat! C était impossible. [ ] Le fait d être lesbiee avait rie à voir avec le fait d être stérile et de e pas pouvoir être mama. Si j avais été u gay, j aurais souffert éormémet je pese. À travers ces discours, o costate doc l associatio aturelle qui se fait parfois etre femme et reproductio, à travers le vetre materel, d autat plus à ue époque où les modes de pareté se diversifiet et où les techiques de procréatio médicalemet assistées se baaliset et permettet aux femmes d avoir u efat sas devoir écessairemet dépedre d u homme6. Si l homosexualité fémiie est gééralemet pas perçue comme ue etrave - biologique - à la materité, le fait d être gay semble par cotre syoyme de «stérilité de fait» pour beaucoup, et d abord pour les gays eux-mêmes comme l illustret otammet les propos de Gauthier dot le désir d efat était pourtat particulièremet itese comme ous l avos vu précédemmet : J étais stérile. C était impossible pour moi. Je e voulais certaiemet pas avoir u efat de maière, euh, mesogère avec ue femme. Doc, quad j avais des relatios avec des femmes7, il était pas questio à ce momet-là de faire u efat à cette femme. Et il était pas questio o plus de me marier, de faire u efat et puis après de commecer à vivre avec u homme. Je trouvais ça vraimet dégueulasse [ ], surtout pour la mère. Et ça, j ai toujours refusé de le faire. Doc, j étais das u processus de deuil à ce mometlà. Presque tous les hommes iterrogés racotet aisi avoir fait le deuil de leur désir d efat, au mois pedat ue certaie phase de leur parcours. Comme le soulige Ae Cadoret (2002, 77), «les gays échappet pas, à la différece des lesbiees, à la présece de l autre sexe pour cocevoir l efat : ils egedret mais efatet pas et la mère peut toujours disparaître ue fois eceite». À cet obstacle biologique s ajoute ue représetatio sociale de l homosexualité masculie qui semble icompatible, voire cotradictoire, avec la paterité, à la différece de la materité lesbiee qui peut être mieux tolérée. Pour ces hommes qui ot toujours eu ce désir ardet d être père, la situatio peut doc deveir terriblemet difficile à vivre, comme pour Sébastie, au momet où il doit, par ailleurs, assumer so orietatio sexuelle. Il décrit aisi la réactio de sa sœur à l aoce de so homosexualité : Ce qui est icroyable, c est ce qu elle m a dit quad elle l a su : «Mo Dieu, tu e vas jamais avoir d efats». Et alors je me suis dit à l époque j avais vigt-deux as que ce était pas grave. Mais elle m a touché parce que je savais très bie que c était grave. E fait, je le dis ecore maiteat à plusieurs persoes, le fait de s accepter e tat que gay, parce que tu vies d u milieu homophobe, même d ue homophobie larvée, cela marque très fort e tat que jeue. C est très dur à assumer. Mais e plus, moi qui ai u désir d efat depuis toujours, je e me suis jamais vu sas efat, et là, il y avait icompatibilité maifeste. Cela a été u des deuils les plus difficiles à faire. J ai dû avoir ce deuil, j ai dû accepter le fait que je e aurais pas pour me dire que j accepte, das ma vie, mo orietatio sexuelle. Mais il a fallu que je me dise : «Tat pis 46 Revue des Scieces Sociales, 2009, 41, «Désirs de famille, désirs d efat»

Cathy Herbrad Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles ce qu e dirot les autres. Doc, je risque de perdre ma famille et mes amis et je aurai pas d efat». Doc, trois grades attetes de la vie à risquer pour accepter so homosexualité. So compago de l époque le pousse égalemet à abadoer cette idée, lui-même ayat déjà fait so deuil d efat : J ai résisté à cela (so désir d efat) et pedat des aées, je suis resté avec mo copai. Et lui aussi, il me disait : «Moi aussi, j ai u désir d efat mais o e peut pas parce qu o est gays». Il essayait toujours de me covaicre que c était juste de e pas avoir d efat, de refouler so désir d efat. Mais quelque part, j ai vraimet ce désir d efat qui est aussi fort que celui de mo orietatio sexuelle. C est quelque chose qui est tellemet fort e moi que je e peux justemet pas le refouler ou cacher ce désir. Comme l illustre cet exemple, la plupart des parteaires sot gééralemet fermés à l idée de pareté, qu ils juget icocevable ou irréalisable. Ils refuset parfois même d e parler, ce qui amèe l autre cojoit à suspedre temporairemet so désir d efat pour vivre plutôt so homosexualité. Pourtat, si das u premier temps, ce désir parviet à être réfréé, il ressurgit souvet au fil des aées, à l occasio de différets évéemets qui rappellet à la persoe cocerée so désir d avoir u efat. Claude racote aisi commet il a logtemps teté d efouir ce désir au fod de lui : À partir de vigt as, j ai eu des amis e couple qui ot eu des efats. J ai ue copie qui a eu u gosse et moi, je me suis toujours dit : «Ah mais moi, je e pourrai jamais parce que ce est pas possible!» Et o se dit que o, il y e aura pas. Et puis alors, o a trete as et o se dit qu o deviet vieux. Doc, à ouveau, ce est pas possible et ça passe. Et alors trete-ciq, quarate as, il y a chaque fois des dates comme ça où o se dit aux aissaces des efats des autres, des frères et sœurs, chaque fois, o se dit : «Ah oui, c est pas pour moi, c est dommage». Et là, ces deriers temps, il y a de plus e plus de filles qui le fot (u efat e coparetalité) et je me suis doc dit que c était possible quad même. Voir que d autres persoes homosexuelles parvieet à avoir u efat est l élémet-clé qui a permis à Claude de réevisager ue possible paterité. Ce type de raisoemet se retrouve das le récit de plusieurs coparets. Il semble aisi que se joue, autour de la fi des aées 1990, u chagemet de représetatios sociales cocerat la pareté des persoes homosexuelles, à partir de la trasformatio des pratiques8. E effet, peu à peu, certaies persoes homosexuelles vivet leur pareté de maière plus visible et commecet à e revediquer le statut et les droits. O commece alors à discuter plus ouvertemet de ces questios, otammet via les médias et des associatios de parets gays et lesbies9, aisi qu à travers l actualité juridique. E Belgique, la créatio d u cotrat de cohabitatio légale pour tout couple de cocubis (1998) est suivie de l ouverture du mariage aux couples de même sexe e 2003 puis de celle de l adoptio e 2006. Progressivemet, il semble doc mois difficile de cocilier pareté et homosexualité. Pourtat, les obstacles, tat pratiques qu idéologiques, restet teaces et le passage du désir d efat à sa cocrétisatio est loi d être évidet. Le désir d efat est aisi écessairemet réiterrogé et doit faire tout au mois l objet d ue plaificatio. Il est d ailleurs pas si étoat que tat des coparets iterrogés présetet u désir d efat puissammet acré. Celui-ci leur a peut-être justemet doé, plus qu à d autres, la force de surmoter la pressio sociale, les refus des cojoits évetuels et la difficulté de se reproduire, pour réaliser leur désir d efat e passat par la coparetalité. Lorsque le désir d efat est abset Si de ombreux coparets iterrogés ressetaiet l evie et le besoi d avoir des efats depuis logtemps, quelques-us, par cotre, e voulaiet pas ou bie y avaiet parfois jamais véritablemet réfléchi auparavat. Le cas échéat, ils ot doc dû faire face au désir de leur cojoit. Il s agit d ue partie des coparets sociaux et le plus souvet, ce sot des hommes. Ceux-ci refuset d avoir u efat, soit parce qu ils e ressetet pas l evie, soit, comme il a déjà été metioé, parce qu ils ot fait le deuil, cosciet ou icosciet, de leur paterité à travers la découverte de leur homosexualité. C est le cas e particulier des gays qui ot pas ou peu cou de relatios amoureuses et/ou sexuelles avec des femmes. Se sachat attirés par les hommes depuis leur eface, beaucoup ot aisi jamais evisagé la possibilité d avoir u efat, homosexualité et pareté se révélat icompatibles à leurs yeux. Certais ot d ailleurs même jamais resseti i développé ce désir d efat au cours de leur existece, à l istar de Jea, coparet social, qui explique sa réactio à l époque, lorsque Daiel, so cojoit, lui a parlé d avoir u efat : C est das ma persoalité, je me suis dit : «U efat, ça va chager la vie, qu est-ce qu o va faire?» C était u peu bizarre das ma tête, moi qui avais jamais eu l itetio d avoir u efat. [ ] Ca e m a jamais traversé l esprit, jamais, à ue seule secode. Doc quad il m a dit : «Bo, o va faire u efat». J ai dit : «Oui mais atteds, laisse-moi le temps», alors que Daiel, lui, voulait être papa, au plus profod de sa chair, c est fou. [ ] De même, Amaury racote : Moi, je avais vraimet pas eu evie d efat et depuis très jeue, je me suis toujours dit que je e aurais pas. La demade est vraimet veue de lui (so compago). Tous deux évoquet différetes raisos pour justifier leur refus d avoir u efat. Jea avait quarate as à l époque et craigait surtout que so quotidie e soit bouleversé, aisi que de se voir cofroté à des problèmes pratiques auxquels il e se setait pas préparé : Moi, je e m imagiais pas du tout avoir u efat parce que je avais jamais vécu avec des efats autour de moi. J ai toujours vécu avec des ges qui e voulaiet pas. C était aussi u peu par égoïsme, je le recoais, parce qu u efat, maiteat ce est plus le cas, mais au début quad c est petit, forcémet, ce sot les uits, c est doer à mager, ce sot des horaires, il faut que tu l emmèes partout, tu e peux pas voyager. Ah ce sot des cosidératios 47

qui e sot plus maiteat, mais moi j étais das ma petite vie, ma petite vie bourgeoise, je me disais : «U efat làdedas, qu est-ce qu o va faire?». C est Pâques, c est les jeux, c est tout ça quoi, ça bouge il va falloir trouver de la place pour emmeer la poussette, efi tous des trucs comme ça (Rires) Pour Amaury, trete as, ce sot surtout les resposabilités et l egagemet qui l effraiet : Je crois que je suis extrêmemet égoïste et j ai peur de l egagemet, e plus vis-à-vis d u être qui e demade qu à être aimé, choyé, doc fialemet, c est m egager vis-à-vis de trois persoes à la fois : moi, mo compago et l efat. Vis-à-vis de moi, c est déjà u problème, moi et mo compago aussi, alors vis-à-vis d u efat, c est le summum. Outre la privatio de sa liberté et la craite de e pouvoir assurer fiacièremet, Amaury explique égalemet qu il e veut pas reproduire les comportemets de ses propres parets, «cloisoés das u certai mode de pesée», qui l ot laissé seul face à ses questios, sas avoir essayé de le compredre ou de l aider par rapport à so homosexualité. Il e veut aisi pas faire souffrir u efat dot il e serait pas capable de s occuper correctemet. Bref, cela lui «semble ecore tellemet compliqué de pouvoir assumer la réelle resposabilité de père», qu il s est dit que «ce était pas grave mais [qu il] e avai[t] pas le besoi». Das ces deux cas, le désir d efat e semble doc jamais avoir existé. S agit-il d ue excuse de façade? D u désir refoulé? Ou bie d ue absece de désir d efat qu u homme gay peut évetuellemet exprimer plus facilemet qu u(e) autre? L explicatio sociologique apportera certaiemet pas de répose suffisate ici. O e peut que costater que plusieurs coparets sociaux, parmi les hommes iterrogés, m ot fait part de leur appréhesio, voire d u refus marqué, quat au fait d avoir u efat et de s e occuper. Si les hommes iterrogés ot souvet u avis traché sur la questio des efats, je ai par cotre pas recotré de refus clairemet exprimé du côté des femmes. Seules deux d etre elles e ressetaiet pas ce désir iitialemet, mais l ot vu se développer progressivemet sous l ifluece de leur cojoite, comme l explique Chatal : No, je y ai jamais pesé. Je crois que ça a vraimet été ue commet dire? Comme si je avais jamais eu cette fibre et bo, je vois qu il y a des filles qui, très jeues, ot cette evie d avoir u efat. Moi pas. Etait-ce parce que j étais plus préoccupée par la recherche de ma propre sexualité? Ou par ma persoe? Puisqu il y a eu tout ce travail (psychologique) à faire. Doc pour moi, il y avait aucue place pour cet efat das mo évolutio, das ma propre recherche et ce est que très tard, dès le momet où j ai recotré Valérie que je me suis setie tellemet bie das otre couple que les choses sot veues très aturellemet, que j ai efi eu ce désir de cocrétiser quelque chose, oui de foder ue famille et de pouvoir aussi porter cet efat, d avoir cette evie de procréatio. Comme ous le verros par la suite, les femmes semblet plus sesibles et réceptives à la dimesio cojugale du désir d efat. Du (o-)désir d efat à sa cocrétisatio Même lorsque le désir d efat est préset, ce qui est le plus souvet le cas parmi les coparets recotrés, celuici, comme ous l avos vu, doit ecore être accepté et exprimé, das des circostaces qui s y prêtet. Il s agit alors de cocrétiser ce désir d efat e le trasformat e projet paretal. À ouveau, ce processus se déroule gééralemet de maière assez disticte etre hommes et femmes. U projet de couple pour les femmes De maière géérale, o observe ue évolutio similaire du désir d efat chez de ombreuses femmes iterrogées. Celui-ci se maifeste ou se reforce e effet très souvet das le cadre du couple, à partir du momet où elles setet qu elles peuvet se projeter das l aveir avec leur compage. Avoir u efat leur apparaît alors comme la cotiuité et la cocrétisatio de leur amour, et costitue l ue des étapes marquates de la costructio de leur existece commue qui doit être partagée par les deux. Das cette représetatio de la famille où sot associés couple, amour et efats, le projet paretal semble alors «être aturel» et aller de soi pour beaucoup de ces femmes qui, comme Stéphaie, me dirot : «L idée d avoir u bébé, c était oui, c était évidet!» À titre d exemple, Célie et Delphie, e couple depuis dix as, e sot pas mariées10 mais d après Célie, «le plus beau mariage, c était Félix quad il est é. À partir de ce momet-là, il y a plus besoi de lie e plus». Bie qu elle ait toujours eu evie d u efat, elle explique qu elle e l aurait jamais fait seule, sas sa compage. La cocrétisatio de so désir de pareté passe véritablemet par le fait d être e couple et par la dimesio cojugale du projet, même si Célie estime aussi très importat que l efat ait u papa et ue mama. C est la raiso pour laquelle elles se sot d ailleurs tourées vers la coparetalité. Couple paretal et couple cojugal sot doc bie disticts mais l efat représete éamois le fruit de la relatio amoureuse des deux femmes. Comme l explique Célie : C était ue écessité. O avait acheté la maiso et tout le reste. O avait ce projet-là et ça, c est comme ue costructio qui cotiue. Tu costruis to couple et après tu te dis : «Il faudrait quad même rajouter ue brique pour cotiuer à costruire» et doc o a eu Félix. C était écessaire, pas pour otre équilibre à ous mais o a fait le tour du couple, o est bie et tout et o se dit : «Be o va se rajouter u petit défi et le costruire esemble». Das la plupart des couples de femmes recotrés, les deux compages ot exprimé d emblée leur evie commue d avoir des efats et de foder ue famille. Comme o l a vu, das deux cas seulemet, l ue des parteaires était plus réticete au départ par rapport au fait d avoir des efats. La questio a pourtat pas été efouie ou remise e questio mais s est plutôt muée, au fil des discussios du couple, e u désir commu preat la forme d u projet cojugal. Chatal explique aisi commet sa compage a réussi à lui isuffler ce désir : 48 Revue des Scieces Sociales, 2009, 41, «Désirs de famille, désirs d efat»

Cathy Herbrad Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles C est vraimet avec elle que ça s est cocrétisé, cette evie et, o seulemet cette evie d e avoir, mais e plus cette evie de porter l efat moi-même. [ ] Frachemet je crois que l evie ous est arrivée tout aturellemet oui, u désir tout aturel que tout couple peut avoir quad il se set bie et a evie de foder ue famille. C était plutôt l evie de foder ue famille Doc il y a vraimet pas eu d ifluece extérieure. Alexadre racote égalemet commet le projet d efat s est costruit au sei du couple de femmes avec qui il est maiteat e coparetalité. À la base, il s agissait davatage du projet de Florece, la mère biologique, que celui de sa compage, Corie, plutôt défavorable quat à l idée d avoir u efat. Florece, elle, s était toujours vue avec u ou plusieurs efats. Pour elle, c était «physique». Il s agissait d ue facette d elle-même qu elle voulait développer. La couple a pourtat attedu logtemps avat de réaliser ce projet car Corie était pas d accord. Toutefois, attetive aux propos de Florece qui maifestait ue telle evie d efat, elle s est fialemet «prise au jeu» et le couple a commecé à e discuter plus sérieusemet, jusqu au momet où Florece et Corie ot pris la décisio de mettre le projet e place et d y participer de maière égalitaire. À 1 iverse des hommes iterrogés, ce projet d efat doit doc être d abord accepté et élaboré e couple, avat d être cocrétisé. Das toutes les situatios recotrées, les deux compages décidet d ailleurs d y participer pleiemet, se cosidérat gééralemet comme égales à l égard de l efat, bie que l ue soit recoue explicitemet comme la mère biologique de ce derier. U projet plus idividuel pour les hommes Parmi les hommes iterrogés, lorsque le désir d efat existe, il a souvet été efoui logtemps, avat de ressurgir à certaies occasios, s itesifier et fialemet être accepté. Ce processus a éamois été accéléré lorsque l homoparetalité a commecé à se déployer et que des dispositios légales ot vu le jour e ce ses, comme le racote ce père biologique : Il y avait ue période où j ai regretté de e pas avoir d efats et e fait, j avais plus au mois fait ue croix dessus. Je suppose que quelque part, cela a joué aussi das le fait que je choisisse le métier d istituteur. [ ] J e avais déjà parlé comme ça de faço assez abstraite puisque j avais plus au mois décidé de reocer à ce projet. Et c est vraimet petit à petit que j ai de ouveau evisagé cette possibilité, surtout quad o a légalisé et autorisé le mariage gay e Belgique. Je me suis dit que la société était vraimet e trai de chager et que les efats de parets gays et lesbies aurot peut-être mois de difficultés à l aveir. Parce qu à l école, o etedait tout le temps «sale pédé», même si les efats e savaiet pas vraimet ce que cela voulait dire. Il y avait doc toujours ce côté très égatif et puis moi, je me disais que je avais pas vraimet evie d avoir u efat qui gradisse das u milieu où l o eted tout le temps «sale pédé». Progressivemet, ces hommes décidet alors de faire part de leur désir autour d eux et etamet des recherches e la matière. Toutefois, il est rare que leur parteaire partage la même evie. Comme o l a vu, beaucoup de gays e veulet pas avoir d efat ou e ot fait leur deuil et excluet désormais cette possibilité de leur existece. Parmi les pères biologiques recotrés, o costate aisi que le désir de pareté, ue fois qu il est accepté, se développe davatage comme u projet idividuel, idépedammet du fait d être seul ou e couple. Ce setimet peut alors prévaloir sur les décisios cojugales, comme l explique Sébastie : J avoue que quoi qu il (so compago) e dise, j allais vers ce projet-là de toute faço. Questio : Quitte à ce momet-là à assumer seul la paterité? Oui, alors cela a toujours été fort clair aussi et c était importat pour la formule de coparetalité telle que je l eteds. C est bie moi le papa, c est bie Stéphaie la mama, Reé mo compago et Aie sa compage. Parce que moi, je e le vois pas comme u projet de quatre persoes. Avat, quad je mettais mes aoces sur Iteret, c est toujours ce que je mettais. Reé lisait tout ce que j écrivais sur les forums. Et je disais que ce était pas u projet de ous deux, mais u projet de moi et que lui est mo compago, qu il me suit là-dedas et qu il sera forcémet fort impliqué et que si o veait à se séparer, je cosidère qu il aurait u droit evers l efat, mais alors là, o est das le cas de la paretalité sociale et pas das l adoptio. Doc je e le cosidère pas comme u paret mais comme u paret social. Il exprime d ailleurs bie le caractère idividuel de so projet, lorsqu il parle des couples de lesbiees qui recouret à l isémiatio avec doeur icou : E fait, les filles qui fot ça, elles sot vraimet das leur mode et elles fot u bébé d amour. C est u autre projet, c est u bébé à elles deux Moi, ce est pas u bébé d amour, efi si, ce est pas u bébé de couple etre Reé et moi mais u amour etre moi et le bébé. Ue fois qu ils se sot décidés ou que l occasio se présete11, les coparets biologiques iterrogés sot alors détermiés à réaliser ce projet paretal, parfois même au-delà de l avis et de l evie de leur cojoit. Très souvet, celui-ci refuse das u premier temps mais deviet, au fur et à mesure, plus compréhesif face au choix de so parteaire et tolère, par amour, que celui-ci mèe so projet de so côté si cela peut le redre heureux. Aisi, bie qu il s y soit fermemet opposé au départ, Amaury accepte fialemet d «assister» le projet de so compago et le laisse etamer des démarches das ce ses car il crait que ce derier e le regrette plus tard et que cela e mette leur relatio e dager. Jea, quat à lui, développe égalemet le même type de raisoemet : Je e peux pas l e priver o plus de cette evie de paterité. C est vrai que ça risquait aussi de ous séparer quelque part, parce que lui, s il e avait fodametalemet evie, je e pouvais pas l e empêcher d avoir u efat, c était quad même ue grade frustratio. De so côté, Gauthier parviet à persuader so copai qui e voulait pourtat absolumet pas d efat : Au début, Thomas m a dit : «Pas questio!», parce qu il disait : «Qu est-ce qu u efat va faire das otre vie?» [ ]. Fialemet, j ai réussi à le covai- 49

cre e discutat et e lui disat : «Ecoute, c est ridicule, deux garços peuvet très bie élever u efat sas problème». À force de discussios et de compromis, quasimet tous les pères biologiques iterrogés sot fialemet parveus à meer leur projet tout e maiteat la relatio avec leur parteaire. Toutefois, ce derier occupe ue positio clairemet secodaire par rapport à l efat même si, parfois, sa positio évolue après la aissace de l efat, lorsqu il s e occupe davatage au quotidie. Très souvet, e effet, le coparet social s attache progressivemet à l efat au fur et à mesure que celui-ci gradit et qu il développe avec ce derier ue relatio affective et éducative plus forte qui l amèe à s impliquer davatage à so égard. Le projet reste malgré tout celui du père biologique12. Ajoutos par ailleurs que das deux des cas recotrés, le couple d hommes a refusé la possibilité d avoir u deuxième efat car le coparet social s y opposait toujours fermemet, le premier efat ayat doc pas décleché chez lui u «désir de pareté» à travers so «itervetio paretale». Par ailleurs, bie que das deux autres cas, les cojoits partageaiet cette evie d efat et adhéraiet au projet, celui-ci est pas pour autat deveu u projet cojugal. Les coparets biologiques ot e effet privilégié délibérémet u projet idividuel de pareté, ce qui a d ailleurs été relativemet difficile à vivre pour leurs cojoits. O costate doc bie, comme l explique M. Gross (2006), qu «être e couple au momet de l élaboratio ou de la réalisatio du projet apparaît comme ue coditio écessaire à la dimesio cojugale du projet mais ce est pas ue coditio suffisate. O peut e effet vivre e couple mais élaborer u projet paretal idividuel». Ceci se cofirme ecore plus das les coparetalités où la mère de l efat est présete, ce qui icite peut-être mois le père à partager so projet avec ue troisième persoe. La place de so cojoit auprès de l efat risque aisi d être plus difficile à trouver et à justifier. Du côté des femmes, il semble par cotre que la compage de la mère biologique adopte plus facilemet u rôle quasimet égalitaire de paret, peut-être parce que, etre-autres, elle partage gééralemet davatage le quotidie de l efat que le cojoit du père biologique. Quoi qu il e soit, l arrivée de l efat etraîe immaquablemet u réajustemet des rôles et des positios de chacu au sei du couple, mais égalemet vis-à-vis de l extérieur, où les coparets biologiques mais aussi les coparets sociaux sot ameés à se défiir par rapport à cet efat face à leur etourage familial, amical et souvet aussi professioel, cosidératios que je développerai das u autre cadre. Coclusio Au-delà des différets costats qui ot été souligés au fil de cet article, l aalyse du désir d efat chez des gays et lesbiees e coparetalité a permis de mieux décrire et compredre l évolutio et les décliaisos de ce désir, otammet du fait que l homosexualité, das ces situatios, freie ou remet e questio, à différets momets, u projet de pareté qui e va pas de soi, tat pratiquemet que socialemet. Face à leur homosexualité, certais vot aisi refouler ou faire le deuil de leur désir d efat sas même, parfois, l avoir exprimé. D autres, pour qui le désir reste préset, e parviedrot cepedat i à l accepter i à le maifester. Efi, même pour ceux qui auraiet exprimé ce désir et souhaiteraiet le réaliser, l homosexualité peut apparaître comme ue etrave sociale au désir d efat, qui les empêche de cocrétiser celui-ci sous forme de projet paretal. Toutefois, certais parvieet à surpasser ces obstacles pour élaborer des solutios iovates où homosexualité et pareté peuvet aisi s articuler. Etudier ces situatios e redat compte du rôle de l homosexualité permet doc d éclairer certais phéomèes plus gééraux qui se cofodet souvet das les projets paretaux de ombreuses persoes hétérosexuelles où cojugalité, pareté et sexualité se superposet, au mois iitialemet13. Par coséquet, ces situatios ivitet à réfléchir, d u poit de vue sociologique, à l évolutio du désir d efat et à la maière de l appréheder. E effet, comme ous l avos vu, il est essetiel, si l o tete de compredre ce désir d efat, de costater tout d abord si celui-ci est abset ou préset et, das ce derier cas, d examier à la fois le momet et la maière dot ce désir apparaît et se resset das l absolu, mais aussi les coteus divers qu il revêt. Si le désir d efat est pas ecore acré das ue réalité cocrète, sa sigificatio et so origie sot certaiemet ifluecées par l eviroemet social, culturel et écoomique das lequel il émerge. Il s agit aussi de bie distiguer les circostaces das lesquelles ce désir peut esuite se développer et s exprimer de maière plus précise, aisi que le passage, fialemet, du désir d efat accepté et maifeste à u projet paretal à cocrétiser, malgré les obstacles biologiques, sociaux ou juridiques qui peuvet exister, tat chez les homosexuels que chez les hétérosexuels14. Par ailleurs, il importe d examier si ce désir se développe et se cocrétise de maière plutôt cojugale ou idividuelle, le fait d être e couple impliquat pas que le projet paretal pree ue dimesio cojugale. Il me semble efi écessaire de repeser plus largemet la distictio etre «désir d efat», «désir de pareté» et de «désir de famille», afi que ces otios puisset véritablemet servir l aalyse de maière réellemet poitue. U «désir de famille» doitil aisi écessairemet passer par u projet de couple? Peut-o souhaiter u efat sas forcémet vouloir être paret? Questios qui mériteraiet d être développées e approfodissat otammet les différeces qui persistet etre gays et lesbiees cocerat la materité et la paterité. De maière plus géérale, il serait e tout cas judicieux d isister sur la dimesio sociologique du désir d efat et de cosidérer les circostaces sociales das lequel celui-ci se développe. 50 Revue des Scieces Sociales, 2009, 41, «Désirs de famille, désirs d efat»

Cathy Herbrad Décliaisos du désir d efat das les coparetalités homosexuelles Bibliographie Cadoret A. (2005), Figures d homoparetalité, i Gross M. (dir.), Homoparetalités, état des lieux, Paris, Erès, p. 203-210. Cadoret A. (2002), Des parets comme les autres. Homosexualité et pareté, Paris, Odile Jacob. Charto L. (2006), Familles cotemporaies et temporalités, Paris, L Harmatta. Delaisi de Parseval G. (2008), Famille à tout prix, Paris, Seuil. Desjeux C. (2006), Homosexualité et procréatio : les prémices d u matriarcat? Aalyse stratégique du processus de décisio d avoir u efat das u couple homosexuel, Paris, L Harmatta. Gratto E. (2008), L homoparetalité au masculi. Le désir d efat cotre l ordre social, Paris, Presses uiversitaires de Frace. Gross M. (2000), Homoparetalités. Etat des lieux, Issy-les-Moulieaux, ESF. Gross M. (2006), Désir d efat chez les gays et les lesbiees, Terrai, 46. http://terrai.revues. org/documet4055.html. Jörges Fr. (2007), The Idividual, the Couple ad the Family : Social ad Legal Recogitio of Same-sex Parterships i Europe, Thèse de doctorat, Istitut uiversitaire europée. Le Gall D. (2001), Recompositios homoparetales fémiies, i Le Gall D., Bettahar Y. (dir.), La Pluriparetalité, Paris, Presses uiversitaires de Frace, 2001, p. 203-242. Mehl D. (2008), Efats du Do. Procréatio médicalemet assistée : parets et efats témoiget, Paris, Robert Laffot. Taho M.-Bl. (2004), Vers l idifférece des sexes? Uio civile et filiatio au Québec, Motréal, Boréal. Youf D. (2002), Peser les droits de l efat, Paris, Presses uiversitaires de Frace. Notes 1. Voire éamois l ouvrage de L. Charto (2006) qui aborde le désir d efat de maière démographique mais aussi au travers de la réalisatio d etreties idividuels. 2. Je aborderai pas ici le cas des femmes célibataires que j ai eu l occasio d iterroger au cours de ma recherche. 3. Par «pluriparetalité», je désige les situatios familiales das lesquelles plus de deux persoes s occupet d u efat à la maière de parets, même si ce est pas simultaémet. 4. Il s agit bie etedu de oms d emprut. 5. Il faut compredre : «das le cadre d ue relatio hétérosexuelle avec u homme», comme l idique le reste des propos de la persoe iterrogée. 6. E particulier e Belgique où les techiques de procréatio médicalemet assistée sot accessibles aux lesbiees depuis logtemps. 7. Gauthier a cou ue période de bisexualité. 8. Ces chagemets de représetatios chez les homosexuels, cocerat l homosexualité et sa recoaissace sociale et légale, ot été étudiés das différets pays europées par Fr. Jörges (2007). 9. Par exemple, l Associatio des Parets et futurs parets Gays et Lesbies (APGL) e Frace a diffusé de plus e plus d iformatios à ce propos. E Belgique, l associatio Homoparetalités est créée e 1999. 10. Le mariage est ouvert à tout couple e Belgique depuis 2003. 11. Par exemple lorsqu ue femme ou u couple de femmes leur e fot la propositio. 12. Excepté das u des cas étudiés, où le projet est deveu progressivemet celui des deux hommes. 13. Il importe éamois d être attetif au ombre de materités tardives qui e sot pas toutes le résultat de choix de carrière mais parfois la coséquece de séparatios multiples empêchat la cocrétisatio du désir d efat. 14. Je pese otammet ici aux problèmes de fertilité que peuvet recotrer certais couples hétérosexuels qui doivet décider d évetuellemet se tourer vers les techiques de procréatio médicalemet assistée (voir otammet Mehl 2008, Delaisi de Parseval 2008). 51